Texte intégral
J.-M. Aphatie.- Vous êtes en charge de l'un des grands chantiers de la fin du quinquennat : le financement de la dépendance, c'est-à-dire le financement des soins et de l'assistance...
Pas seulement le financement, J.M. Aphatie, l'organisation, et aussi la prise en charge.
L'organisation, et donc il faut financer les soins, l'assistance nécessaire aux personnes âgées qui perdent leur autonomie. Vous avez annoncé que vous allez organiser à partir de janvier, un grand débat national sur ce thème, qui durerait six mois. On a besoin d'un débat national parce qu'on ne sait pas quoi faire ?
Effectivement, il faut un grand débat national, le président de la République et le Premier ministre m'en ont confié l'organisation, parce qu'il y a beaucoup de questions auxquelles il faut répondre. C'est un sujet totalement nouveau et une architecture nouvelle que le président de la République veut traiter. Oui, il y a beaucoup de choses à éclairer, et auprès de l'opinion publique. Jusqu'ici, c'est resté un débat d'experts. D'abord, qu'est-ce que c'est que la dépendance, quelles sont les évolutions que l'on peut attendre ? Ce n'est pas un sujet que l'on veut régler seulement pour l'année prochaine, mais pour les 20 ans à venir.
Faire face au vieillissement de la population.
Voilà. Nous serons deux millions de personnes de plus de 85 ans 2015. Qu'est-ce qu'on veut financer ? Est-ce que l'on estime qu'on a déjà suffisamment de dépenses de protection sociale, et qu'il faut réfléchir uniquement à des aménagements ? Est-ce que l'on veut régler les problèmes les plus cruciaux, c'est-à-dire la situation d'un certain nombre de départements qui ont beaucoup de personnes âgées et peu de potentiel fiscal ? Egalement, deuxième problème, le reste à charge de certaines personnes, en particulier des classes moyennes. Qu'est-ce qu'on fait ? Ou alors, est-ce que l'on veut un système beaucoup plus large ? Troisièmement, où est-ce que l'on prend l'argent ? Est-ce que c'est une cotisation genre Sécurité sociale ? Est-ce que c'est de l'impôt ? Est-ce que c'est de la récupération sur succession ? Est-ce que l'on veut y mettre de l'assurance privée, obligatoire ou non obligatoire ?
Et donc, toutes ces questions...
Toutes ces questions, et puis...
Elles vont être posées pendant les semaines qui viennent.
Voilà, et puis, un troisième, enfin, un quatrième élément dans le financement : qui organise ce financement ? Est-ce que l'on est dans un système mixte comme actuellement, entre l'Etat et la Sécurité sociale et les départements ? Ou est-ce que l'on imagine un système uniquement Sécurité sociale, sur le mode, par exemple, d'un cinquième risque, d'une cinquième branche de la Sécurité sociale. Vous voyez qu'il y a des problèmes importants à régler.
On se dit qu'au point où on en est, après tout, c'est plutôt un débat qu'il faudrait trancher pendant l'élection présidentielle, plutôt que le faire là, vous l'avez dit, ce chantier est immense, peut-être le bâcler un peu en six mois.
Non, d'abord, six mois, il y a certains qui trouvent que c'est bien long...
Ah ! bon ?
...donc, je pense que six mois de débat, je dirais, c'est la bonne mesure. Mais, effectivement, le débat sur la dépendance ne sera pas clos, à la fin de 2012, mais il y a des mesures d'urgence à prendre tout de suite et le président de la République s'y est engagé. Ces mesures d'urgence, c'est quoi ? C'est certainement de régler la situation de ces départements, qui sont, à la fois, pauvres et avec beaucoup de personnes âgées. F. Fillon a commencé, d'ailleurs, en partie, à le régler, en ayant un Fonds de péréquation de 150 millions d'euros. Il faut aller sans doute plus loin, et puis, la question du reste à charge, pour, non pas les personnes très modestes qui sont entièrement prises en charge ou les personnes qui ont certains moyens, qui peuvent se payer les frais de leur dépendance, mais c'est ces classes moyennes modestes, pour lesquelles le reste à charge est vraiment insupportable.
Donc, pour celles-là il faut aller vite. Un projet de loi, donc, pendant l'été.
Alors, la loi de financement de la Sécurité sociale, le président de la République s'y est engagé, va porter un certain nombre de mesures, mais il y aura évidemment, et peut-être d'autres textes. Je prends un seul exemple : si on décidait de créer une cinquième branche de la Sécurité sociale, je ne dis pas qu'on va le faire, c'est une possibilité.
Hypothèse.
"Hypothèse", il faut une loi organique, c'est-à-dire qu'il faut un texte d'organisation des pouvoirs publics, et cela, effectivement, viendrait après. Et puis, la dépendance sera certainement un sujet de l'élection présidentielle.
De l'élection présidentielle. Donc, nous aurons l'occasion d'en reparler, mais c'est effectivement un débat de société très très important. Vous avez été, R. Bachelot, ministre de la Santé, de mai 2007 à novembre 2010. Lorsque vous êtes entrée au ministère de la Santé, voici plus de trois ans, votre administration centrale, ou votre cabinet, vous ont-ils alerté sur le dossier spécifique du Médiator, dont on parle aujourd'hui ?
Alors, je vais refaire la séquence pour ce qui me concerne, 2007/2010. Quand j'arrive aux responsabilités...
Mai 2007
... le renouvellement du Médiator vient d'être... a été accordé un an auparavant, 2006, il n'y a donc pas de signalement. Le premier signalement que nous avons, avec un cas, c'est à la fin de 2008. Immédiatement, l'Agence de sécurité des produits de santé, est en alerte, elle va procéder à un certain nombre d'études, trois études, qui vont en particulier à Amiens, à Brest, avec le Docteur Frachon qui est dans le pool des experts qui regardent cela.
Elle est plutôt...
Ah ! Non ! Non ! Non, non, elle est dedans. Non non, je vous garantie.
Parce qu'on dit plutôt qu'elle raconte n'importe quoi, du côté de l'AFSSAPS, comme cela, visiblement, elle a eu des contacts très difficiles avec eux.
Bon. Elle est dans les experts qui travaillent pour faire les signalements. Là, le premier semestre de 2008...de 2009, pardon, va permettre de détecter 40 cas liés au Benfluorex. La commission de pharmacovigilance se réunit, la commission d'autorisation de mise sur le marché, prononce le retrait du Médiator en novembre 2009.
Novembre 2009.
Donc, la séquence pour ce qui concerne ce qui s'est passé durant ma fonction de ministre de la Santé, et finalement ces brèves durent quelques mois. Alors...
On est assez étonné, parce que ce médicament, notamment, longtemps a été réputé inefficace, il y a eu des demandes de déremboursement qui n'ont jamais été acceptées par les autorités sanitaires, on ne parle pas là, de la dangerosité, mais même sur le déremboursement, tout a mal fonctionné, à propos du Médiator et on a l'impression que, voilà, on ne sait pas si c'est une forme d'influence particulière du laboratoire qui a su protéger son médicament et qui fait que les autorités sanitaires n'ont pas réagi assez tôt vis-à-vis de ce médicament.
Alors, vous m'avez interrogée sur la séquence de ce qui me concerne, pendant l'exercice de ma fonction. Le deuxième point, sur lequel je veux insister, c'est que, un médicament c'est évidemment fait pour soigner, pour soulager, ce n'est pas fait pour rendre malade, et effectivement, je souhaite, parce que je pense aux personnes qui ont souffert dans leur chair ou dans leur famille, je veux que toute la lumière soit faite sur ce sujet...
Quelque chose a mal fonctionné, à votre avis ?
Alors, il est trop tôt pour le dire...
Cela parait évident, pourtant.
Mais ce que je veux apporter au débat, c'est...
Cela parait évident, non ?
... c'est trois éléments, et pour aller dans votre... trois éléments. Premièrement, et je le verse au débat à X. Bertrand. Ce qui est intéressant, c'est qu'il y a un fichier à l'Assurance maladie, dont on écrase les données au bout de deux ans, pour préserver les données personnelles. Je souhaite que l'on n'écrase plus ces données, parce qu'il y a une surveillance épidémiologique qui peut être intéressante à faire. Il y a des médecins qui ont prescrit, hors de l'indication du Benfluorex, il faut qu'il y ait, et j'ai commencé à le mettre en place, des logiciels d'aide à la prescription. Et puis, j'ai lancé le dossier médical personnel, ce sera un fantastique outil pour surveiller les risques éventuels des médicaments.
De votre point de vue, pas d'erreur sur le Médiator quand vous étiez ministre de la Santé. D'accord.
Ah ! Non ! Je ne dis pas cela, je dis : les enquêtes et les analyses en décideront.
L'Inspection générale de la Santé rendra son verdict le 15 janvier. R. Bachelot...
Ce n'est pas l'Inspection générale de la Santé, mais des Affaires sociales.
Des Affaires sociales pardon.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 21 décembre 2010