Déclaration de Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, sur son attachement à l'assainissement des finances publiques, sur les objectifs du G20, sur des dossiers clés pour 2011 (fluidifier le marché de l'immobilier, mesurer la pertinence des choix en matière énergétique, Paris le 14 janvier 2011.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Voeux à la presse, à Paris le 14 janvier 2011

Texte intégral

Messieurs les ministres,
Madame la présidente, chère Françoise CROUIGNEAU,
Mesdames, Messieurs les journalistes,
HEGEL disait que lire la presse était une prière du matin. Cela vaut bien sûr pour les femmes et les hommes politiques -encore que l'on prie le plus souvent avant même d'ouvrir vos journaux... pour qu'ils nous soient cléments.
Voilà donc la quatrième édition des voeux que je vous présente en tant que ministre de l'Économie et j'ai toute les raisons d'être optimiste pour les mois à venir. Or, moi que l'on accuse parfois de pêcher par excès d'optimisme, je crois pourtant, qu'en ce début d'année 2011, nous avons quelques raisons d'espérer :
* avant de vous les présenter, j'espère donc, et je vous souhaite, une très belle année pleine de santé, de joies et de prospérité ; je nous souhaite aussi une année riche et stimulante en confortant l'économie sur le chemin de la croissance ;
* La croissance, selon l'OCDE, devrait d'ailleurs accélérer encore aux Etats-Unis, en France, au Japon, en Chine et en Russie, tandis que l''activité continuerait de progresser à un rythme stable dans les autres grands pays européens, selon l''OCDE.
Ce n'est donc pas le moment de fléchir et c'est pourquoi, devant les chantiers de 2011, je veux vous dire que deux repères encadreront mon action en 2011 : (i) la bonne tenue des finances publiques de la France ; et (ii) la stabilité de la zone euro.
Je ne laisserai pas la tentation du laxisme s'imposer dans la gestion des Finances publiques de la France. Je continuerai donc à promouvoir l'assainissement des finances publiques ; et ce pour trois raison :
1. une raison financière : la signature de la France a été récemment confortée, ce qui nous permet d'emprunter à des taux toujours peu élevés ;
2. une raison politique : la rigueur dont nous devons faire preuve dans la gestion publique est aussi une question de souveraineté nationale ;
3. une raison morale. C'est une question de justice et de responsabilité. Dans quel état souhaitons-nous laisser l'économie française à nos enfants ?
Les engagements seront tenus, et l'objectif de déficit pour 2010 (-7,7% du PIB) devrait être atteint. L'objectif de -6,0% en 2011 est jugé crédible par le FMI (-6,0%) et l'OCDE (-6,1%). La réforme des retraites réduira le déficit public de 0,5% du PIB en 2013. Son effet sur la croissance moyenne de la décennie serait proche de +0,3% de PIB par an.
La même analyse de fermeté et d'exigence prévaut pour la zone euro. Les turbulences que nous connaissons depuis quelques mois devraient connaître leur aboutissement : là encore, l'échec ne nous est pas permis. 2011 sera l'année de vérité pour notre capacité à nous réformer et à nous doter des outils nécessaires pour la stabilité de la zone euro. Car, comme vous l'a rappelé le Premier ministre en début de semaine, « cette crise n'est pas la crise de l'euro, c'est avant tout la crise de pays qui ont été affaiblis par la récession économique ». Dans notre pays, je note d'ailleurs, que dans cette ambiance jugée morose par certains, près des trois-quarts des Français sont attachés à l'euro.
(I) Réussir le G20
Pour cette nouvelle année, certains m'ont souhaité un G20/20, d'autres m'ont prédit un G20 V-A-I-N. Peu importe : en assumant la Présidence du G20, la France attend des résultats. Pas seulement pour atteindre les objectifs fixés le Président de la République ; mais aussi pour préserver les échanges économiques internationaux comme nous l'avons fait depuis le début de la crise et réussir, enfin, à inscrire les discussions du G20 au coeur des préoccupations de nos concitoyens.
Quand la crise a éclaté, nous avons évité le piège, 80 ans après, des erreurs commises après la Grande dépression. Le dialogue, la recherche permanente de consensus, de coordination, de coopération, nous ont permis d'écarter le pire : le protectionnisme, jusqu'à la guerre. Voilà sans doute la raison essentielle pour laquelle je resterai toujours attachée à préserver la légitimité du G20 et sa capacité à améliorer in fine l'emploi et le pouvoir d'achat dans nos économies.
L'autre raison qui me pousse à croire à la réussite du G20, c'est notre capacité à faire comprendre aux entreprises, à leurs salariés, aux consommateurs, à nos concitoyens, l'utilité des décisions prises au G20 pour leurs activités quotidiennes :
* réformer le Système Monétaire International, c'est protéger les entreprises des effets de change ;
* réguler les marchés des matières premières, c'est éviter aux entreprises de subir les effets de la spéculation sur les coûts de fonctionnement et garantir des prix équitables aux consommateurs ;
* réguler les marchés financiers, c'est donner l'accès au capital à ceux qui veulent entreprendre ou investir et permettre aux consommateurs de placer leur épargne de façon plus efficace ;
* Agir en faveur du développement, c'est passer d'une logique de subvention à une logique de partenariat entre pays émergés et pays les moins avancés.
Nous atteindrons ces objectifs en assumant et en prolongeant l'héritage des 5 premiers G20 « de crise » : (i) la concrétisation du Cadre pour une croissance forte, durable et équilibrée Je souhaite par ailleurs ; (ii) l'élargissement du champ la régulation financière pour éviter d'éventuelles contagions systémiques ; (iii) la poursuite de notre action en faveur du développement.
Mais nous devons aussi aller plus loin, et ajouter deux nouveaux chapitres de l'histoire du G20 que le Président de la République souhaite écrire en 2011 : (i) la réforme du Système Monétaire International et (ii) la régulation du marchés des matières premières. Sans oublier la réforme nécessaire de la gouvernance mondiale, en donnant toute sa place au FMI, impactée par chacune des réformes en cours.
(II) Améliorer la compétitivité de l'économie
Pour le ministre des Finances, cibler la compétitivité des entreprises, n'est pas une nouveauté. C'est même la condition, en période de crise, comme en période de croissance, pour attirer les capitaux étrangers, permettre l'essor des entreprises, développer l'emploi et le pouvoir d'achat des Français.
Ce qui me parait nouveau pour l'année à venir, c'est que dans un monde en reconstruction -celui de l'après-crise- nous avons les moyens de nous poser les bonnes questions, en repensant l'efficacité économique du modèle français, comme nous l'avons fait cette année avec la réforme des retraites.
Le Président de la République a annoncé en décembre que la France ferait prochainement des propositions communes avec l''Allemagne pour « aller plus loin » dans la convergence des politiques économiques dans la zone euro. Je suis convaincue que se sera l'occasion, pour nous Français, de considérer notre compétitivité sous toutes ses facettes avec pragmatisme, sans tabous, ni idéologie : (i) imaginer notre industrie de demain, Eric BESSON y travaille chaque jour ; (ii) notre capacité d'exportation -Pierre LELLOUCHE y est pleinement consacré aujourd'hui ; (iii) le coût du travail ; (iv) la complexité de nos procédures administratives pour lesquelles j'ai demandé à Frédéric LEFEVBRE de préparer des assises de la simplification ; ou (v) l'attractivité de notre territoire sur laquelle je m'investirai personnellement.
(III) Mettre l'économie au service de l'emploi
J'ai identifié, pour l'année à venir, deux grands dossiers qui ont le mérite de concerner à la fois chacun d'entre nous au quotidien et une grande part de notre économie : (i) l'immobilier et (ii) l'énergie.
En 2007, le Président de la République avait souhaité une France de propriétaires. Nous avons réforme le prêt à taux zéro et pour aller plus loin je réfléchis dès à présent à des mesures pour fluidifier le marché immobilier et développer une offre qui n'est pas encore suffisante, entraînant des prix non soutenables. Dans cet esprit, en étroite collaboration avec mes collègues du Gouvernement concernés, je vais mener une rapide concertation afin de proposer des évolutions sur cette question essentielle pour les Français. Je souhaite, tout en assurant le développement de ce domaine clé de notre économie, que l'on réponde très concrètement aux attentes de nos compatriotes en la matière.
Le secteur de l'énergie fait également l'objet de bouleversements que je veux accompagner et anticiper.
Un des atouts de notre compétitivité économique est de disposer d'une énergie peu coûteuse. Or, partout dans le monde, l'industrie nucléaire connaît un essor rapide, des gisements de gaz et de pétrole sont régulièrement découverts, de nouvelles technologies d'exploitations mises au point.
J'ai donc demandé à Eric BESSON et Frédéric LEFEVBRE d'organiser une conférence nationale sur l'énergie afin de mesurer la pertinence de nos choix en matière de sécurité ou d'approvisionnement énergétique. Il s'agit d'aider notre pays à prendre et assumer, pour les vingt années à venir, les bonnes décisions en matière énergétique, afin, là encore, de préserver notre compétitivité comme l'intérêt des Français.
Une fois n'est pas coutume, je n'ai pas commencé mon propos par vous dresser le décor macro-économique dans lequel entreprises et consommateurs évolueront au cours des mois à venir.
Or, comme vous le savez, la conjoncture française est bien orientée. La croissance devrait accélérer au 4ème trimestre 2010. L'effet des grèves a été contenu. Le climat des affaires en décembre s'améliore et les anticipations des entreprises pour les prochains mois sont favorablement dirigées. Les principaux signes du redémarrage économique sont là :
* La consommation en produits manufacturés a atteint un niveau historiquement élevé en novembre [+2,8%], grâce en particulier -mais pas seulement- à la prime à la casse. Au 4ème trimestre, elle devrait accélérer. Dans les prochains mois, elle tirera profit de la progression des revenus salariaux associée aux créations d'emplois.
* Le marché du travail continue à passer progressivement « du bon côté de la stabilisation ». La poursuite des créations d'emploi au 3ème trimestre confirme l'entrée dans l'après-crise. Sur les 3 premiers trimestres, 74.400 emplois salariés marchands ont été créés. Le taux de chômage au sens du BIT est stable au 3ème trimestre 2010 à 9,3% après 9,5% au 1er trimestre et 9,6% au 4ème trimestre 2009.
* Les encours de crédit bancaire redémarrent : +3,9% sur un an en novembre pour l'ensemble des acteurs privés ; et même +5,7% pour les seuls ménages. C'est encore un signe que l'économie repart.
Ces bons résultats reflètent une stabilisation mondiale à laquelle nous avons consacré beaucoup de temps et d'énergie l'année dernières ; ils sont aussi le reflet des réformes menées l'année passée : celle du crédit à la consommation, la création de l'auto-entrepreneur, de l'EIRL, l'entrée en vigueur de la réforme de la taxe professionnelle et bien sûr du CIR, qui reste une des pépites de notre attractivité.
Je vous souhaite une très bonne année 2011, une année de confiance et d'espérance. Car la presse est un secteur économique à part entière avec ses ambitions de développement, ses objectifs de rentabilité, ses passions professionnelles, ses transitions technologiques, ses difficultés aussi. Je voudrais vous dire combien je pense à vous tous les jours...
... pas seulement en vous lisant mais aussi comme des hommes et des femmes qui évoluent dans un contexte toujours plus compétitif.
Je vous remercie.
Source http://www.economie.gouv.fr, le 17 janvier 2011