Interview de M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative, à I-Télé le 13 janvier 2011, sur les émeutes en Tunisie, les rythmes scolaires et les suppressions de postes dans l'enseignement.

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Média : I-télévision

Texte intégral

M. Darmon et G. Tabard.- M. Darmon : Bonjour. « En route vers la présidentielle », on reçoit ce matin L. Chatel - bonjour - ministre de l'Éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative.
 
Bonjour.
 
M. Darmon : Avec vous, on va voir si vous avez été donc une étoile filante du sarkozysme ou une étoile montante. Vous serez également interrogé par G. Tabard pour Radio Classique. Mais tout d'abord, je m'adresse donc au membre du gouvernement français, avec donc les émeutes en Tunisie, qui n'arrêtent pas donc de s'aggraver. Est-ce que le grand silence de la France ne devient pas tout simplement honteux ?
 
Non, je ne crois pas, non, il n'y a pas de grand silence de la France. Vous savez, nous sommes évidemment très préoccupés par ce qui se passe en Tunisie. D'abord, parce que la Tunisie est un pays ami, ensuite, parce que la Tunisie a fait un choix important, qui est de se tourner vers l'investissement dans l'Éducation de sa jeunesse, la volonté d'élever le niveau de qualifications, et donc, nous sommes forcément...
 
M. Darmon : Une jeunesse sur laquelle le pouvoir tire aujourd'hui...
 
Et nous sommes forcément préoccupés par ce qui se passe en Tunisie. Je veux naturellement exprimer toute mon émotion par rapport au décès du professeur qui a été tué hier, nous avons appris ça hier soir, et dire tout le soutien que je souhaite apporter à sa famille. Donc nous suivons de près ce qui se passe en Tunisie, en même temps, la France n'a pas à s'ingérer dans les affaires de la Tunisie.
 
M. Darmon : G. Tabard.
 
G. Tabard : Oui, vous vous dites préoccupé, mais est-ce qu'il faut condamner la répression des émeutes en Tunisie ?
 
Ecoutez, d'abord, je n'ai pas à m'exprimer, je ne suis plus le porte-parole du gouvernement, ça ne vous a pas échappé...
 
M. Darmon : Non, mais vous êtes un membre du gouvernement, un homme politique, et donc un homme libre...
 
Absolument, et c'est pour ça que je vous ai fait part de ce qu'est ma vision des choses, j'ai une coopération avancée avec mon homologue de l'Éducation de Tunisie, H. Ben Salem, nous sommes en train de préparer le prochain sommet « 5+5 Éducation », qui doit se tenir à Tunis. Donc je peux témoigner de la façon dont la Tunisie a beaucoup investi dans l'Éducation depuis la rentrée...
 
M. Darmon : Mais L. Chatel, on sent quand même une grande gêne de la part de tous les dirigeants français depuis hier, ils sont interrogés, notamment donc à droite et dans la majorité, et on se réfugie derrière la crise économique, en disant : ce n'est pas possible de trop s'ingérer ; c'est quand même un silence, c'est quand une gêne...
 
Non, il n'y a pas de grande gêne, M. Darmon, il n'y a aucune gêne de la part du gouvernement français, il y a...
 
M. Darmon : On solde les grands principes...
 
Il y a le rappel d'un certain nombre de faits, et la Tunisie est un pays ami, nous sommes extrêmement vigilants sur ce qui se passe là-bas, et forcément préoccupés. Nous appelons à une sortie de crise, nous sommes vigilants par rapport à ce qui se passe en matière de respect des Droits de l'Homme. Je crois que tout est dit dans cela.
 
G. Tabard : Mais lorsque l'on parle de la Côte d'Ivoire, là, on ne dit pas : on regarde, la France a une position claire en disant : il y a un président légitime et un qui ne l'est plus. Là, pourquoi, sur la Tunisie, le jugement n'est pas aussi clair ?
 
Non, mais la situation est très différente, c'est que, en Côte d'Ivoire, il y a eu des élections, qui ont été encadrées par les Nations Unies, il y a eu une proclamation de résultats, et dans le cadre de cet encadrement des Nations Unies, eh bien, la France a exprimé un avis comme l'ensemble des pays africains et comme les Nations Unies. Donc les situations sont radicalement différentes.
 
M. Darmon : Mais est-ce que la prudence française sur la Tunisie ne tient pas au fait qu'il y a une volonté de protéger quand même le pouvoir de Ben Ali, parce que dans la région, dit-on, il y a aussi une montée des islamistes, et qu'il faut quand même protéger ce pouvoir qui, lui, est une digue ; est-ce qu'il n'y a pas aussi un enjeu tout simplement géostratégique ?
 
Non, je crois qu'il y a un enjeu, qui est celui d'une coopération étroite entre la Tunisie et la France, entre la Tunisie et l'Europe. La Tunisie, encore une fois, est un pays, je peux en témoigner, je me suis rendu à plusieurs reprises en tant que membre du gouvernement, à la fois, quand j'étais en charge de l'Industrie et de l'Éducation nationale, en Tunisie, la Tunisie est un de ces pays qui a misé sur le développement, sur le développement économique, sur la croissance, sur l'investissement, et on ne peut que le souligner. Maintenant, nous n'avons pas non plus à nous ingérer dans une situation locale du gouvernement tunisien, même si, encore une fois, le Gouvernement est vigilant, le Gouvernement est attentif, et le Gouvernement est attentif notamment au respect des Droits de l'Homme...
 
M. Darmon : Enfin, un pouvoir qui tire sur ses jeunes, vous, en tant que ministre de la Jeunesse, vous appelez ça une situation locale.
 
Non, ça interpelle, et c'est pour ça que je vous ai dit, M. Darmon, que nous étions vigilants sur la situation des Droits de l'Homme.
 
M. Darmon : Alors, L. Chatel, on va parler Éducation ce matin. Vous vous apprêtez dans quelques heures à faire le bilan d'une expérience, qui a été lancée, sur la combinaison entre le matin à l'école, et le sport l'après-midi. Vous ferez ça avec C. Jouanno, la ministre des Sports, tout à l'heure. Alors, quel bilan tout simplement vous tirez de cette expérience ?
 
Alors, effectivement, j'ai lancé à la rentrée dernière une expérimentation dans 120 collèges et lycées, 80 collèges et 40 lycées, qui consiste à réorganiser les rythmes scolaires, en concentrant les cours le matin, et l'après-midi, en déployant des activités sportives et culturelles. Et je me rendrai effectivement en Seine-et-Marne tout à l'heure, pour faire un premier bilan de cette expérimentation, qui montre qu'elle est très encourageante, puisque nous avons deux éléments factuels, dans les 120 collèges et lycées dans lesquels se déroule cette expérimentation, nous avons deux faits saillants, 1°) : nous avons une baisse de l'absentéisme, et 2°) : nous avons une augmentation, une amélioration des résultats des élèves. Donc c'est un point très encourageant, ça montre que si on réorganise les rythmes scolaires, et cette expérimentation s'inscrit dans un chantier beaucoup plus large de réflexion sur la manière dont nous devons organiser nos rythmes scolaires, eh bien, si on réorganise nos rythmes scolaires, on peut avoir des résultats sur notre système éducatif.
 
G. Tabard : Est-ce que cette expérimentation, justement, c'est un premier pas vers le démantèlement complet de ce qu'avait mis en place X. Darcos, à savoir la semaine des quatre jours ?
 
Non, je crois que les sujets n'ont rien à voir l'un avec l'autre. J'ai installé une conférence nationale sur les rythmes scolaires, qui a pour objectif de travailler, pas uniquement sur la semaine de quatre jours au primaire, qui a pour objet de travailler sur l'ensemble de l'organisation du système éducatif, tout au long de l'année, de la semaine et de la journée. Je recevrai dans les prochains jours le premier bilan d'étape de cette conférence, qui a consacré plus de cinq mois à des auditions, puis, maintenant, va démarrer une deuxième phase, qui va consister à l'élaboration de propositions. Et c'est bien...
 
Avec une décision quand ?
 
Alors, une décision qui devrait se dérouler à la fin du premier semestre, puisque les préconisations de la conférence me seront transmises en mai/juin, et c'est à ce moment-là que je m'exprimerai pour dire quelles sont les pistes qui ont été retenues.
 
M. Darmon : Donc, L. Chatel, ce n'est pas encore un exemple supplémentaire d'une rupture avec la rupture, on n'est pas en train de détricoter là en fin de quinquennat ce qu'on a commencé en début de quinquennat...
 
Non, absolument pas, d'ailleurs, je veux m'expliquer sur la semaine de quatre jours, on a un petit peu oublié que ce que X. Darcos a voulu, c'est d'abord supprimer l'école le samedi matin. Deuxièmement, sur l'organisation de la semaine, sur les cinq jours restants, je rappelle qu'il y a une liberté de la part des établissements, c'est-à-dire que si une école, un conseil d'école, les enseignants, le directeur d'école, les élus de la mairie de la commune concernée veulent repasser à la semaine de quatre jours et demi, ils le peuvent, et il y a d'ailleurs des communes qui depuis un an et demi sont repassées à la semaine de quatre jours et demi. Donc la règle, c'est, c'était, et c'est la semaine de quatre jours, mais il y a possibilité locale de revenir sur la semaine de quatre jours et demi.
 
G. Tabard : Mais le bilan est bon de cette semaine de quatre jours, parce que c'est vrai que depuis plusieurs mois, on n'entend que des critiques, c'est même ce qui vous avait conduit à mettre en place ce groupe de réflexion.
 
Alors...
 
M. Darmon : Quelle note vous allez donner ce matin ?
 
Encore une fois, d'ailleurs, la mission parlementaire, que M. Tabarot, présidente de la Commission à l'Assemblée nationale, a installée, a préconisé la sortie de la semaine de quatre jours. Moi, je ne veux pas mettre la charrue avant les boeufs, puisque je viens de vous dire que j'attendais de la part de la conférence sur les rythmes scolaires un rapport à la fin du mois, et que les propositions de cette conférence se feront au mois de mai. Donc je ne veux pas par avance prendre une position sur un sujet aussi important, et fermer le débat, alors qu'on a plutôt besoin sur ces questions d'ouvrir le débat.
 
M. Darmon : Donc prudence. 16.000 postes à supprimer au sein de l'Éducation nationale, ça, on le savait. Quelle est votre méthode, vous demandez aux Académies d'envoyer leurs quotas, c'est une manière de mouiller l'administration ?
 
D'abord, il faut bien expliquer aux Français ce que nous faisons...
 
M. Darmon : Oui, expliquez bien...
 
Vous savez, le budget qui a été voté par le Parlement il y a quelques semaines prévoit de consacrer 21% du budget de la Nation à l'Education nationale. C'est un des rares budgets qui augmente, 60,5 milliards d'euros, en augmentation de 1,6%. Et la France continue à investir dans son Education plus que la moyenne des pays développés. Donc à ceux qui nous disent...
 
M. Darmon : Ce n'est pas ce que disait J. Lang ici, sur ce plateau, il y a quelques jours, qui dénonçait la manière dont l'école était traitée.
 
Oui, eh bien, j'encourage J. Lang à regarder les comparaisons internationales. Aujourd'hui, la France investit plus que la moyenne des pays de l'OCDE dans son système éducatif. Et toutes les études qui sont sorties récemment sur l'école, aussi bien l'enquête internationale PISA, que le rapport de la Cour des Comptes, que l'enquête de l'Institut Montaigne, démontrent que, et insistent sur le fait que le problème à l'école aujourd'hui, ce n'est pas la question des moyens, les moyens, ils existent, le problème, c'est plutôt la répartition de ces moyens, c'est-à-dire la capacité de faire plus pour les élèves qui en ont le plus besoin, de mobiliser des moyens sur les priorités. Et c'est ce que nous faisons.
 
M. Darmon : Vous, l'ancien Drh, vous diriez : il faut dégraisser le mammouth ?
 
Absolument pas, je ne dirais pas cela, parce que je trouve ça extrêmement péjoratif par rapport à...
 
G. Tabard : Parce que ça porte malheur au ministre qui dit ça...
 
Non, mais c'est simplement parce que ce n'est pas le sujet, nous sommes dans un environnement budgétaire contraint, simplement, le gouvernement français, il a retenu une méthode qui n'est pas celle des pays...
 
M. Darmon : Ça veut dire quoi en français un environnement budgétaire contraint ?
 
Eh bien, ça veut dire qu'on connaît l'état de nos finances publiques, et qu'il nous faut maîtriser nos dépenses...
 
M. Darmon : Il faut de la rigueur ?
 
Et donc il faut maîtriser nos dépenses. Et donc si on regarde autour de nous...
 
M. Darmon : Il faut de la rigueur ?
 
Mais appelez ça comme vous voulez, ce que j'observe, c'est que, il faut répondre à la situation budgétaire qui fait qu'on est aujourd'hui le deuxième pays à emprunter dans le monde pour le budget 2011, et que la France va emprunter 180 milliards d'euros cette année. On ne peut pas continuer comme ça. Donc nous maîtrisons nos dépenses publiques, simplement, nous le faisons avec des méthodes qui ne sont pas aussi violentes que celles de certains grands pays. J'observe que l'Italie est en train de supprimer 85.000 postes d'enseignants, j'observe que le Portugal va réduire d'un tiers le nombre de ses écoles. Ce n'est pas la voie que nous avons retenue. Nous avons choisi une voie qui consiste à ne pas renouveler un fonctionnaire sur deux qui part en retraite, mais en contrepartie, de redistribuer la moitié des économies aux enseignants. Quel est le pays, M. Darmon, qui, cette année, a augmenté de 10% ses enseignants en début de carrière ? La France. Nous sommes les seuls à avoir fait cela. Parce que nous considérons que les enseignants doivent bénéficier pour moitié des économies qui sont réalisées par rapport au non renouvellement au départ d'un fonctionnaire sur deux.
 
M. Darmon : L. Chatel, on va parler maintenant politique. Pour vous, le remaniement, ça a été pratiquement un bouleversement, N. Sarkozy vous encensait du matin au soir, vous mettait pratiquement à Matignon, et puis, tout d'un coup, vous vous retrouvez finalement peut-être avec celui qui a eu le moins de promotion, vous vous n'êtes pas dit le soir : il y a quelque chose qui a dû m'échapper ?
 
Non, d'abord, le remaniement, ça a été un signal de confiance de la part du Président de la République, puisque, il a étendu mes responsabilités, puisque, à partir de l'Éducation nationale, j'ai étendu mon champ à la jeunesse et à la vie associative. Donc c'est un signal de confiance, en tout cas, je l'ai perçu comme tel.
 
G. Tabard : Mais en perdant le porte-parolat...
 
Oui, mais il ne s'agit pas de perdre ou de gagner, si vous voulez, moi, j'ai été deux ans porte-parole, deux ans et demi porte-parole du gouvernement, ça a été quelque chose de formidable pour moi, c'est une fonction qui est difficile, et je pense que c'est important de changer de temps en temps de porteparole, d'abord, parce que c'est important que ceux qui incarnent la parole du gouvernement changent. Et puis ensuite, parce que, vous savez, c'est quelque chose de difficile, très prenant, et moi, je...
 
M. Darmon : Donc vous avez maintenant retrouvé votre liberté de parole, vous allez pouvoir un peu nous dire...
 
Oui, c'est ça que vous voulez dire, c'est que quand on n'est pas porte-parole, enfin, on peut parler, c'est ça, on peut s'exprimer...
 
M. Darmon : C'est-à-dire que vous êtes beaucoup dans la langue de bois quand vous êtes porte-parole, c'est normal. G. Tabard. G. Tabard : Oui, justement, puisqu'on parle de cette liberté de parole, dans la majorité, on a assisté quand même à une passe d'arme entre F. Fillon et C. Jacob à propos du statut des fonctionnaires, déjà, sur le fond du dossier, qui a raison, est-ce qu'il faut remettre en cause l'engagement à vie des fonctionnaires, et vous êtes quand même le premier employeur de fonctionnaires en France, ou est-ce que c'est un sujet tabou ?
 
Alors, je vais vous répondre sur le fond, un mot quand même sur le principe du débat, nous avons besoin de débats, et la marque de fabrique de l'UMP, depuis sa fondation, ça a été le débat. Comment N. Sarkozy...
 
M. Darmon : Oui, c'est ce que vous avez dit hier au bureau politique de l'UMP...
 
Mais bien sûr, je l'ai dit hier au bureau politique...
 
M. Darmon : Pour défendre J.-F. Copé...
 
Comment N. Sarkozy nous a fait gagner en 2007, en démontrant que lorsqu'on était dans la majorité, il fallait nourrir le débat, il fallait être capable de prendre des initiatives, de faire bouger les lignes. Et d'ailleurs, si aujourd'hui le Parti socialiste n'est toujours pas perçu comme une force d'alternative, d'alternance aujourd'hui dans notre pays, c'est sans doute parce que, depuis huit ans, cette majorité a été capable de nourrir le débat, de prendre des initiatives, et de répondre à des attentes de la société...
 
G. Tabard : Donc F. Fillon a tort de dire que c'est inutile et dangereux de lancer ce débat sur les fonctionnaires...
 
Non, il n'a pas dit cela, il a dit que, il défendait l'idée du débat...
 
M. Darmon : Ah si, si, il l'a dit, ah, si, si, ce sont ses propres mots...
 
Alors, je viens au fond sur les fonctionnaires...
 
M. Darmon : Il l'a dit... G. Tabard : Il a dit : inutile et dangereux...
 
Sur les fonctionnaires, je vous réponds très précisément, il n'est pas question de remettre en cause le statut des fonctionnaires. Premier point. Deuxième point, chacun m'a rappelé tout ce que nous faisons pour les fonctionnaires, tout ce que nous faisons en matière de revalorisation, je l'ai évoqué tout à l'heure, tout ce que nous faisons en matière de statut, où nous travaillons à dé-précariser et à sortir de la précarité de nombreux fonctionnaires. Un chiffre, à l'Éducation nationale, il y a trente ans, il y avait environ 30% de contractuels. Aujourd'hui, il y a moins de 5% de contractuels. Et ce travail, nous allons le faire dans l'ensemble de la Fonction publique. Maintenant, je pense qu'il est utile et nécessaire pour les fonctionnaires de réfléchir à un certain nombre de pistes, notamment la mobilité, vous savez, beaucoup de fonctionnaires, et notamment des enseignants, ils ont l'impression que, à un moment donné de leur carrière, ils n'ont plus de perspectives d'évolution, donc réfléchir à décloisonner, réfléchir à ce qu'on puisse passer d'une Fonction publique à l'autre, fonction d'Etat vers la fonction territoriale...
 
M. Darmon : Oui, mais L. Chatel, la vraie question, la question, là, qui était posée, c'est savoir si lancer les débats de cette manière-là aide ou dessert le président de la République qui se veut, lui, selon son mot officiel, protecteur depuis le début de l'année, et voilà que vous vous mettez les fonctionnaires à dos ; c'est ça la vraie question.
 
Mais qu'a fait N. Sarkozy quand il était président de l'UMP, si ce n'est lancer des débats...
 
M. Darmon : Parce qu'il était en conquête...
 
C'est notre devoir de lancer des débats...
 
G. Tabard : Ça énervait J. Chirac aussi, je crois...
 
Et le Président de la République nous encourage en permanence, on a toujours intérêt à lancer des débats, il faut les assumer...
 
M. Darmon : Il vous encourage surtout à répéter ce qu'il dit, là, pour l'instant...
 
Et il vaut mieux assumer des débats plutôt que subir des débats qui ne sont pas les nôtres.
 
G. Tabard : Mais dans la mesure où votre mission, l'une de vos missions, à l'Education nationale, c'est d'éviter justement que le secteur un peu sensible se transforme en poudrière, notamment contre N. Sarkozy, vous ne vous dites : eh bien, il ne me rend pas service en lançant comme ça, d'une manière brutale, ce débat...
 
Non, d'abord, parce que je pense que le rôle du parti du gouvernement, le parti majoritaire, ça n'est pas d'être le petit doigt sur la couture du pantalon et de dire : amen à tout ce que font les ministres. Le rôle du parti majoritaire, c'est bien entendu de soutenir et d'expliquer la politique du gouvernement, mais c'est aussi d'être capable d'être l'éclaireur, d'être capable de faire des propositions, d'être capable de lancer des débats, d'être capable de voir plus loin, et de préparer les prochaines échéances...
 
G. Tabard : Alors, pourquoi F. Fillon...
 
M. Darmon : Le temps avance, il va falloir avancer, G. Tabard, la question, et ensuite, on passe vite au Front national.
 
G. Tabard : Oui, pourquoi F. Fillon, lui, a l'air de ne pas vivre aussi bien que vous cette émergence du débat.
 
Non, mais ne cherchons pas des oppositions artificielles entre les uns et les autres, moi, je vous dis ce que je pense, en tant que membre de cette majorité et membre du Gouvernement. Nous avons besoin de débats. Et sur la Fonction publique, moi, ma position est claire, il n'est pas question de remettre en cause le statut du fonctionnaire, nous ne faisons que le conforter, nous avons fait beaucoup de choses pour la Fonction publique. Par contre, réfléchissons à donner des perspectives à nos fonctionnaires en matière de mobilité ; un autre exemple, j'ai ouvert à l'Éducation nationale cette année un portail, un site Internet précisément sur la mobilité, c'est-à-dire qu'on regroupe sur un site toutes les propositions d'évolution des perspectives de carrière qui seront faites, proposées aux enseignants...
 
M. Darmon : On aura l'occasion d'en reparler, L. Chatel...
 
50.000 visites en moins de trois mois...
 
M. Darmon : L. Chatel, on aura l'occasion d'en reparler...
 
Ça veut dire qu'il y a un besoin...
 
M. Darmon : Vous dites débat, débat, eh bien justement, un débat aussi au sein du Front national, 44% des sympathisants Front national (sic) UMP - pardon - veulent rejoindre ou se disent proches des idées du Front national. Qu'est-ce que vous en pensez, ce n'est pas le danger pour 2012, ça ?
 
Je ne crois pas, je pense que si nous sommes à la hauteur des attentes des Français sur des thématiques que l'on connaît, c'est-à-dire l'insécurité, l'immigration, la capacité à répondre au chômage des jeunes par exemple, eh bien, si nous sommes au rendez-vous sur ces sujets, si nous avons des résultats, et nous en avons, eh bien, nous n'aurons pas cette question au moment des élections présidentielles.
 
M. Darmon : Est-ce que vous allez rejoindre le club des mousquetaires de J.-F. Copé ?
 
Qu'est-ce que vous appelez les mousquetaires ?
 
M. Darmon : La fameuse bande des quatre, avec B. Le Maire, F. Baroin, C. Jacob...
 
Non, vous savez, M. Darmon, que je suis depuis longtemps ami avec J.-F. Copé, j'ai d'ailleurs été... en 2006, j'ai adhéré à son club Génération France, et j'en ai été nommé le vice-président. Donc ma proximité avec J.-F. Copé n'est pas une nouveauté.
 
M. Darmon : Et maintenant aussi, et donc la dernière question : vous voulez prendre la tête des libéraux, on entend, vous voulez avoir cette mission politique de récupérer donc les réformateurs ?
 
Le sujet, ce n'est pas de prendre la tête ou de ne pas prendre la tête, la question, c'est que, au moment où nous préparons une échéance présidentielle, chacun doit apporter sa contribution, et c'est important que nous puissions réfléchir les uns et les autres à apporter nos propositions et nos projets. Oui, j'appartiens à une famille qui est celle des Républicains indépendants, des libéraux, appelez ça comme vous voulez, et donc je travaille avec mes amis, G. Longuet, H. Novelli, pour que nous puissions apporter une contribution à la majorité.
 
M. Darmon : Merci L. Chatel...
 
Merci à vous.
 Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 13 janvier 2011