Texte intégral
Monsieur le professeur, Cher Michel DIDIER,
Monsieur le vice-président de la conférence nationale de l'industrie, Cher Jean-François DEHECQ,
Mesdames et Messieurs les directeurs,
Mesdames et Messieurs,
Je voudrais tout d'abord remercier l'Institut COE-Rexecode et son président, Michel DIDIER, pour la qualité du travail accompli. L'objectif de votre mission était de mesurer et d'analyser les différents facteurs pouvant justifier le différentiel de compétitivité entre la France et l'Allemagne depuis une dizaine années. Cet objectif a été atteint.
Votre mission consistait aussi à proposer des axes d'action pour améliorer la compétitivité de l'industrie française. Je voudrais vous remercier pour le soin que vous avez apporté à dégager 5 axes d'action, qui me semblent tous devoir être étudiés avec attention.
Le rapport sera en ligne à l'issue de cette réunion, et disponible également sous format électronique (clé USB) pour ceux qui le souhaiteraient.
Je voudrais maintenant souligner certains points qui me paraissent particulièrement importants.
1. Tout d'abord, pourquoi cette étude comparative avec l'Allemagne ?
Tout d'abord, pourquoi se comparer à l'Allemagne ?
Pour des raisons simples et objectives tout d'abord. Car l'Allemagne est notre principal client, notre principal fournisseur, notre principal partenaire, et notre principal concurrent. Les 20.000 entreprises françaises qui exportent vers l'Allemagne représentent à elles seules 16 % de nos exportations.
L'Allemagne, c'est aussi l'économie de la zone euro qui a le mieux réussi à conserver une industrie compétitive. L'Allemagne a ainsi affiché en 2010 une croissance de 3,6%, un niveau record depuis sa réunification en 1990. Il faut donc nous comparer au meilleur niveau de performance économique et industrielle, afin de tirer notre économie vers le haut.
Certains diront : pourquoi une étude de plus, alors que beaucoup d'industriels pointent depuis plusieurs années déjà une divergence en notre défaveur ?
Parce qu'on ne peut pas avancer à mon sens sur un sujet aussi sensible, aussi délicat, et aussi important, sans avoir un constat partagé et éclairé.
C'est en cela que l'étude de Michel Didier est utile. Elle apporte toute une série d'éclairages à partir de données complémentaires, s'appuyant sur l'analyse quantitative d'une batterie d'indicateurs de compétitivité, ou encore sur une enquête qualitative auprès de 500 responsables d'achats européens. Cette étude a bénéficié en outre de la contribution d'un comité de pilotage, dans lequel siégeaient plusieurs administrations reconnues pour leur expertise, comme la Direction Générale de la Compétitivité, de l'Industrie et des Services (DGCIS), la Direction Générale du Trésor (DGT), l'INSEE...
2. Quel est le constat dressé par ce rapport ?
Quelques chiffres me semblent particulièrement marquants :
. Les exportations françaises de marchandises sont passées de 54% des exportations allemandes en 2000 à 40% aujourd'hui ;
. En 20 ans, l'écart entre l'excédent allemand et le déficit français est passé de 10 à 200 milliards d'euros, soit 10% de notre Produit Intérieur Brut ! Rapporté en termes de taux d'emploi, l'écart entre la France et l'Allemagne représenterait 2 millions d'emplois.
Quelque soient les indicateurs (solde des échanges de marchandise, valeur ajoutée, emploi industriel, chômage, progression du PIB moyen par habitant), le constat qui est établi, au terme de cette étude, reste invariablement le même : la France enregistre, depuis 2000, un différentiel négatif de compétitivité avec l'Allemagne, et ce différentiel s'accroît.
Cette tendance date d'il y a moins de vingt ans, car au début des années 1970, la France gagnait des parts de marché par rapport à l'Allemagne, et au moment de la réunification allemande, la France conservait encore ses parts de marché. Ce différentiel est donc un phénomène nouveau, datant de la fin des années 1990 et du début des années 2000.
Et ce phénomène nouveau, si l'on n'y apporte pas de réponse appropriée, risque d'avoir des conséquences importantes pour notre économie et notre industrie.
3. Quels sont les facteurs expliquant ce différentiel de compétitivité ?
Le rapport de Michel Didier identifie 12 facteurs, distinguant des facteurs structurels anciens et repérés depuis longtemps, et des facteurs conjoncturels plus récents.
Les facteurs structurels, ce sont ceux que nous connaissons tous, qui sont souvent attribués à la « culture industrielle » allemande, même si ce terme me surprend toujours, car derrière cette « culture », il y a souvent des dispositifs concrets et des initiatives précises de la part de l'Etat ou des entreprises.
Les facteurs structurels, que je rappelle, sont :
- le degré de coopération entre les entreprises pour gagner des marchés et maintenir le tissu productif, que l'on peut rapprocher de la politique de filières que nous menons désormais depuis les Etats Généraux de l'Industrie, et qui s'était précisément inspiré du modèle allemand ;
- la «capacité à travailler ensemble » des partenaires sociaux allemands, à tous les niveaux, et qui conduit généralement à une meilleure négociation au sein des entreprises ;
- la proximité recherche-éducation-industrie, plus forte en Allemagne qu'en France, avec un développement plus appuyé en matière de recherche appliquée, et qui aboutit à avoir trois fois plus de brevets par habitant en Allemagne qu'en France.
- la compétitivité hors coûts, notamment le design, la qualité des produits, les services associés, qui conduisent souvent, pour reprendre une expression anglo-saxonne, à ce que les entreprises allemandes soient « price maker » plutôt que « price taker ».
Mais ce que l'étude COE-Rexecode met en avant, c'est aussi et surtout que notre décrochage depuis les années 1990 est lié à une divergence significative entre la France et l'Allemagne en matière de coûts salariaux.
Les coûts salariaux complets - salaire versé au salarié + cotisations sociales - ont en effet augmenté en France plus rapidement qu'en Allemagne. Le coût horaire du travail dans l'industrie manufacturière a ainsi progressé de 28% en France entre 2000 et 2008 contre seulement 16% en Allemagne.
Il faut surtout rapprocher cette évolution du coût du travail de celle de la productivité, pour aboutir aux coûts salariaux unitaires.
Comme la productivité du travail a davantage progressé en Allemagne qu'en France sur la même période, les coûts salariaux unitaires ont au total, sous le coup de cette double évolution, augmenté d'un peu moins de 10% en France alors qu'ils reculaient de plus de 15% en Allemagne.
Cette évolution en notre défaveur des coûts salariaux unitaires a naturellement eu des conséquences importantes pour notre industrie qui, faute de pouvoir répercuter intégralement ce différentiel sur ses prix, a été obligée de rogner sur ses marges, ses bénéfices et ses investissements futurs.
A cela s'ajoute une forte différence de structure du coût du travail entre la France et l'Allemagne. La composante des charges sociales sur les salaires est en effet nettement supérieure en France (44 % du salaire brut en France contre 30% en Allemagne).
Il en résulte qu'augmenter un salarié de 100 euros nets coûte à l'employeur 175 euros en France, contre « seulement » 155 euros en Allemagne.
C'est donc un constat global que nous propose Michel Didier dans son étude : des raisons structurelles expliquent notre écart de compétitivité avec l'Allemagne, mais elles sont renforcées, depuis le début des années 2000, par un différentiel sur le coût du travail unitaire, ainsi que sur la structure et la décomposition du coût du travail.
4. Quelles sont les préconisations à retenir de votre rapport ?
L'étude de Michel Didier propose, sur la base de ce constat, un « pacte de compétitivité industrielle » articulé autour de cinq priorités :
- prendre en compte l'impératif de compétitivité dans toute réforme de la fiscalité ;
- améliorer notre « capacité à travailler ensemble » ;
- améliorer la gestion conjoncturelle de l'emploi ;
- axer l'effort de formation et de recherche sur le couple « recherche - industrie » ;
- mettre en oeuvre une mesure forte et urgente de recalage de nos coûts industriels.
S'agissant de propositions fortes et structurantes, qui emportent des conséquences significatives, le travail ne peut avancer en la matière qu'après concertation.
Je vous annonce donc que nous allons avec Xavier Bertrand organiser une concertation sur ce pacte de compétitivité industrielle, dans le cadre de la Conférence nationale de l'industrie (CNI). La première séance plénière sera présidée par Xavier Bertrand et moi dès le début du mois de février.
La CNI, dont je salue le vice-président, Jean-François DEHECQ, présent parmi nous ce matin, présente l'avantage d'être l'instance de référence en matière de concertation sur la politique industrielle, puisque, aux termes du décret qui l'a instituée, « elle éclaire et conseille les pouvoirs publics sur la situation de l'industrie » et peut « proposer des actions, de dimension nationale ou européenne, visant à soutenir la compétitivité ». En outre, réunissant des représentants des entreprises, des personnalités qualifiées, des syndicats, des parlementaires, elle constitue une instance privilégiée d''échange et de concertation entre l''État et les acteurs.
Sur quoi portera cette concertation ?
Elle devra, à mon sens, aborder le diagnostic d'ensemble établi par le rapport COE-Rexecode, ainsi que les priorités proposées.
Sans remettre en cause la qualité du travail réalisé par COE-Rexecode, il me semble nécessaire d'engager le dialogue avec les membres de la CNI sur le diagnostic et de lever les désaccords ou ambigüités éventuelles. Je sais qu'ici et là, les arguments s'opposent, qu'on se dispute sur les statistiques. Alors que pourtant le consensus devrait pouvoir être partagé. Il s'agit de faits, observables et vérifiables par tous. Je crois qu'il nous faut rechercher une photographie claire, robuste sur tous ces sujets, qui serait établie par la statistique publique et qui ne souffrirait aucune contestation. C'est pourquoi l'INSEE sera associée à ce travail.
Ensuite, le rapport de Michel Didier propose des pistes. Ce sera à la CNI de les explorer, d'en analyser la pertinence, et d'examiner les modalités de mise en oeuvre. Voire d'en proposer de nouvelles.
La CNI traitera en effet de la question du coût du travail, notamment de l'opportunité suggérée, par le rapport, d'une mesure de recalage des coûts industriels de 5 à 10%, et la meilleure façon d'y parvenir. Devrait-elle ainsi concerner tous les secteurs industriels, ou ceux plus particulièrement et durement exposés à la concurrence ?
Mais au-delà du seul coût du travail industriel, dont je sais bien qu'il n'explique pas, à lui seul, l'écart de compétitivité entre la France et l'Allemagne, la CNI aura également pour mission d'engager la concertation sur les autres priorités :
. Comment améliorer notre « capacité à travailler ensemble » pour nous adapter au changement économique ? Quelles méthodes pragmatiques pourrait-on explorer pour permettre aux entreprises de trouver, en leur sein, les meilleurs compromis possibles au service de la compétitivité et de l'emploi ?
. Comment accorder une plus grande importance au capital humain ? Notamment, pour parvenir à une gestion conjoncturelle de l'emploi aussi performante que celle réalisée en Allemagne.
. Comment renforcer l'effort de formation et de recherche sur le couplage recherche-industrie et sur le process industriel ?
La CNI pourra également voir si certains sujets peuvent être inclus dans cette réflexion, comme par exemple l'apprentissage, sur lequel ma collègue Nadine Morano vient de lancer un chantier.
Cette concertation pourra être organisée, au sein de la CNI, soit par le biais des quatre groupes de travail qui existent déjà en son sein, soit par le biais de groupes de travail ad hoc. Des experts issus des directions les plus concernées au ministère du travail, comme au ministère de l'industrie, pourront être mis à contribution pour appuyer l'organisation de cette réflexion.
Je souhaite en tout état de cause que la CNI nous remette le résultat de cette concertation pour le 30 mai 2011.
Mesdames, messieurs,
Je sais que le débat sur le coût du travail a connu récemment des prises de positions multiples et contradictoires. Ce débat est utile, et il n'y a rien de choquant à ce que les partis politiques s'en saisissent. Mais mon rôle de ministre, ce n'est pas de débattre mais d'agir, aux côtés des acteurs de l'industrie, qu'il s'agisse des salariés ou des chefs d'entreprises. Et cette action passe en premier lieu par le dialogue et la mobilisation. Je suis convaincu que sur cette base peuvent être élaborées des mesures pragmatiques, filière par filière, pour accroître la compétitivité de notre industrie. Car il en va de notre avenir collectif.
Je vous remercie de votre attention.
Source http://www.minefe.gouv.fr, le 21 janvier 2011
Monsieur le vice-président de la conférence nationale de l'industrie, Cher Jean-François DEHECQ,
Mesdames et Messieurs les directeurs,
Mesdames et Messieurs,
Je voudrais tout d'abord remercier l'Institut COE-Rexecode et son président, Michel DIDIER, pour la qualité du travail accompli. L'objectif de votre mission était de mesurer et d'analyser les différents facteurs pouvant justifier le différentiel de compétitivité entre la France et l'Allemagne depuis une dizaine années. Cet objectif a été atteint.
Votre mission consistait aussi à proposer des axes d'action pour améliorer la compétitivité de l'industrie française. Je voudrais vous remercier pour le soin que vous avez apporté à dégager 5 axes d'action, qui me semblent tous devoir être étudiés avec attention.
Le rapport sera en ligne à l'issue de cette réunion, et disponible également sous format électronique (clé USB) pour ceux qui le souhaiteraient.
Je voudrais maintenant souligner certains points qui me paraissent particulièrement importants.
1. Tout d'abord, pourquoi cette étude comparative avec l'Allemagne ?
Tout d'abord, pourquoi se comparer à l'Allemagne ?
Pour des raisons simples et objectives tout d'abord. Car l'Allemagne est notre principal client, notre principal fournisseur, notre principal partenaire, et notre principal concurrent. Les 20.000 entreprises françaises qui exportent vers l'Allemagne représentent à elles seules 16 % de nos exportations.
L'Allemagne, c'est aussi l'économie de la zone euro qui a le mieux réussi à conserver une industrie compétitive. L'Allemagne a ainsi affiché en 2010 une croissance de 3,6%, un niveau record depuis sa réunification en 1990. Il faut donc nous comparer au meilleur niveau de performance économique et industrielle, afin de tirer notre économie vers le haut.
Certains diront : pourquoi une étude de plus, alors que beaucoup d'industriels pointent depuis plusieurs années déjà une divergence en notre défaveur ?
Parce qu'on ne peut pas avancer à mon sens sur un sujet aussi sensible, aussi délicat, et aussi important, sans avoir un constat partagé et éclairé.
C'est en cela que l'étude de Michel Didier est utile. Elle apporte toute une série d'éclairages à partir de données complémentaires, s'appuyant sur l'analyse quantitative d'une batterie d'indicateurs de compétitivité, ou encore sur une enquête qualitative auprès de 500 responsables d'achats européens. Cette étude a bénéficié en outre de la contribution d'un comité de pilotage, dans lequel siégeaient plusieurs administrations reconnues pour leur expertise, comme la Direction Générale de la Compétitivité, de l'Industrie et des Services (DGCIS), la Direction Générale du Trésor (DGT), l'INSEE...
2. Quel est le constat dressé par ce rapport ?
Quelques chiffres me semblent particulièrement marquants :
. Les exportations françaises de marchandises sont passées de 54% des exportations allemandes en 2000 à 40% aujourd'hui ;
. En 20 ans, l'écart entre l'excédent allemand et le déficit français est passé de 10 à 200 milliards d'euros, soit 10% de notre Produit Intérieur Brut ! Rapporté en termes de taux d'emploi, l'écart entre la France et l'Allemagne représenterait 2 millions d'emplois.
Quelque soient les indicateurs (solde des échanges de marchandise, valeur ajoutée, emploi industriel, chômage, progression du PIB moyen par habitant), le constat qui est établi, au terme de cette étude, reste invariablement le même : la France enregistre, depuis 2000, un différentiel négatif de compétitivité avec l'Allemagne, et ce différentiel s'accroît.
Cette tendance date d'il y a moins de vingt ans, car au début des années 1970, la France gagnait des parts de marché par rapport à l'Allemagne, et au moment de la réunification allemande, la France conservait encore ses parts de marché. Ce différentiel est donc un phénomène nouveau, datant de la fin des années 1990 et du début des années 2000.
Et ce phénomène nouveau, si l'on n'y apporte pas de réponse appropriée, risque d'avoir des conséquences importantes pour notre économie et notre industrie.
3. Quels sont les facteurs expliquant ce différentiel de compétitivité ?
Le rapport de Michel Didier identifie 12 facteurs, distinguant des facteurs structurels anciens et repérés depuis longtemps, et des facteurs conjoncturels plus récents.
Les facteurs structurels, ce sont ceux que nous connaissons tous, qui sont souvent attribués à la « culture industrielle » allemande, même si ce terme me surprend toujours, car derrière cette « culture », il y a souvent des dispositifs concrets et des initiatives précises de la part de l'Etat ou des entreprises.
Les facteurs structurels, que je rappelle, sont :
- le degré de coopération entre les entreprises pour gagner des marchés et maintenir le tissu productif, que l'on peut rapprocher de la politique de filières que nous menons désormais depuis les Etats Généraux de l'Industrie, et qui s'était précisément inspiré du modèle allemand ;
- la «capacité à travailler ensemble » des partenaires sociaux allemands, à tous les niveaux, et qui conduit généralement à une meilleure négociation au sein des entreprises ;
- la proximité recherche-éducation-industrie, plus forte en Allemagne qu'en France, avec un développement plus appuyé en matière de recherche appliquée, et qui aboutit à avoir trois fois plus de brevets par habitant en Allemagne qu'en France.
- la compétitivité hors coûts, notamment le design, la qualité des produits, les services associés, qui conduisent souvent, pour reprendre une expression anglo-saxonne, à ce que les entreprises allemandes soient « price maker » plutôt que « price taker ».
Mais ce que l'étude COE-Rexecode met en avant, c'est aussi et surtout que notre décrochage depuis les années 1990 est lié à une divergence significative entre la France et l'Allemagne en matière de coûts salariaux.
Les coûts salariaux complets - salaire versé au salarié + cotisations sociales - ont en effet augmenté en France plus rapidement qu'en Allemagne. Le coût horaire du travail dans l'industrie manufacturière a ainsi progressé de 28% en France entre 2000 et 2008 contre seulement 16% en Allemagne.
Il faut surtout rapprocher cette évolution du coût du travail de celle de la productivité, pour aboutir aux coûts salariaux unitaires.
Comme la productivité du travail a davantage progressé en Allemagne qu'en France sur la même période, les coûts salariaux unitaires ont au total, sous le coup de cette double évolution, augmenté d'un peu moins de 10% en France alors qu'ils reculaient de plus de 15% en Allemagne.
Cette évolution en notre défaveur des coûts salariaux unitaires a naturellement eu des conséquences importantes pour notre industrie qui, faute de pouvoir répercuter intégralement ce différentiel sur ses prix, a été obligée de rogner sur ses marges, ses bénéfices et ses investissements futurs.
A cela s'ajoute une forte différence de structure du coût du travail entre la France et l'Allemagne. La composante des charges sociales sur les salaires est en effet nettement supérieure en France (44 % du salaire brut en France contre 30% en Allemagne).
Il en résulte qu'augmenter un salarié de 100 euros nets coûte à l'employeur 175 euros en France, contre « seulement » 155 euros en Allemagne.
C'est donc un constat global que nous propose Michel Didier dans son étude : des raisons structurelles expliquent notre écart de compétitivité avec l'Allemagne, mais elles sont renforcées, depuis le début des années 2000, par un différentiel sur le coût du travail unitaire, ainsi que sur la structure et la décomposition du coût du travail.
4. Quelles sont les préconisations à retenir de votre rapport ?
L'étude de Michel Didier propose, sur la base de ce constat, un « pacte de compétitivité industrielle » articulé autour de cinq priorités :
- prendre en compte l'impératif de compétitivité dans toute réforme de la fiscalité ;
- améliorer notre « capacité à travailler ensemble » ;
- améliorer la gestion conjoncturelle de l'emploi ;
- axer l'effort de formation et de recherche sur le couple « recherche - industrie » ;
- mettre en oeuvre une mesure forte et urgente de recalage de nos coûts industriels.
S'agissant de propositions fortes et structurantes, qui emportent des conséquences significatives, le travail ne peut avancer en la matière qu'après concertation.
Je vous annonce donc que nous allons avec Xavier Bertrand organiser une concertation sur ce pacte de compétitivité industrielle, dans le cadre de la Conférence nationale de l'industrie (CNI). La première séance plénière sera présidée par Xavier Bertrand et moi dès le début du mois de février.
La CNI, dont je salue le vice-président, Jean-François DEHECQ, présent parmi nous ce matin, présente l'avantage d'être l'instance de référence en matière de concertation sur la politique industrielle, puisque, aux termes du décret qui l'a instituée, « elle éclaire et conseille les pouvoirs publics sur la situation de l'industrie » et peut « proposer des actions, de dimension nationale ou européenne, visant à soutenir la compétitivité ». En outre, réunissant des représentants des entreprises, des personnalités qualifiées, des syndicats, des parlementaires, elle constitue une instance privilégiée d''échange et de concertation entre l''État et les acteurs.
Sur quoi portera cette concertation ?
Elle devra, à mon sens, aborder le diagnostic d'ensemble établi par le rapport COE-Rexecode, ainsi que les priorités proposées.
Sans remettre en cause la qualité du travail réalisé par COE-Rexecode, il me semble nécessaire d'engager le dialogue avec les membres de la CNI sur le diagnostic et de lever les désaccords ou ambigüités éventuelles. Je sais qu'ici et là, les arguments s'opposent, qu'on se dispute sur les statistiques. Alors que pourtant le consensus devrait pouvoir être partagé. Il s'agit de faits, observables et vérifiables par tous. Je crois qu'il nous faut rechercher une photographie claire, robuste sur tous ces sujets, qui serait établie par la statistique publique et qui ne souffrirait aucune contestation. C'est pourquoi l'INSEE sera associée à ce travail.
Ensuite, le rapport de Michel Didier propose des pistes. Ce sera à la CNI de les explorer, d'en analyser la pertinence, et d'examiner les modalités de mise en oeuvre. Voire d'en proposer de nouvelles.
La CNI traitera en effet de la question du coût du travail, notamment de l'opportunité suggérée, par le rapport, d'une mesure de recalage des coûts industriels de 5 à 10%, et la meilleure façon d'y parvenir. Devrait-elle ainsi concerner tous les secteurs industriels, ou ceux plus particulièrement et durement exposés à la concurrence ?
Mais au-delà du seul coût du travail industriel, dont je sais bien qu'il n'explique pas, à lui seul, l'écart de compétitivité entre la France et l'Allemagne, la CNI aura également pour mission d'engager la concertation sur les autres priorités :
. Comment améliorer notre « capacité à travailler ensemble » pour nous adapter au changement économique ? Quelles méthodes pragmatiques pourrait-on explorer pour permettre aux entreprises de trouver, en leur sein, les meilleurs compromis possibles au service de la compétitivité et de l'emploi ?
. Comment accorder une plus grande importance au capital humain ? Notamment, pour parvenir à une gestion conjoncturelle de l'emploi aussi performante que celle réalisée en Allemagne.
. Comment renforcer l'effort de formation et de recherche sur le couplage recherche-industrie et sur le process industriel ?
La CNI pourra également voir si certains sujets peuvent être inclus dans cette réflexion, comme par exemple l'apprentissage, sur lequel ma collègue Nadine Morano vient de lancer un chantier.
Cette concertation pourra être organisée, au sein de la CNI, soit par le biais des quatre groupes de travail qui existent déjà en son sein, soit par le biais de groupes de travail ad hoc. Des experts issus des directions les plus concernées au ministère du travail, comme au ministère de l'industrie, pourront être mis à contribution pour appuyer l'organisation de cette réflexion.
Je souhaite en tout état de cause que la CNI nous remette le résultat de cette concertation pour le 30 mai 2011.
Mesdames, messieurs,
Je sais que le débat sur le coût du travail a connu récemment des prises de positions multiples et contradictoires. Ce débat est utile, et il n'y a rien de choquant à ce que les partis politiques s'en saisissent. Mais mon rôle de ministre, ce n'est pas de débattre mais d'agir, aux côtés des acteurs de l'industrie, qu'il s'agisse des salariés ou des chefs d'entreprises. Et cette action passe en premier lieu par le dialogue et la mobilisation. Je suis convaincu que sur cette base peuvent être élaborées des mesures pragmatiques, filière par filière, pour accroître la compétitivité de notre industrie. Car il en va de notre avenir collectif.
Je vous remercie de votre attention.
Source http://www.minefe.gouv.fr, le 21 janvier 2011