Texte intégral
« Aller guten Dinge sind drei ! » Jamais deux sans trois, et j'ai d'autant plus de plaisir à vous accueillir aujourd'hui que nous sommes en famille, dans cette maison qui est la vôtre, et qui a pour mission de soutenir la création et toutes ses forces vives.
Faire une percée dans l'agenda des professionnels de l'art contemporain ne va pas de soi. En vous retrouvant aujourd'hui pour le lancement français de cette troisième édition, après le lancement berlinois il y a deux semaines, je me réjouis que « Berlin-Paris » soit devenu un rendez-vous de référence pour les galeristes, les artistes, les journalistes et les collectionneurs. Mon Ministère et l'Institut Français ont beaucoup oeuvré dans ce sens, afin que cette très belle opération depuis 2009 puisse s'inscrire dans la durée.
Le succès de cet échange est aussi le fruit de votre adhésion enthousiaste. Les galeristes qui ont participé aux éditions précédentes ont jugé bon de continuer une aventure fructueuse ; certains d'entre vous s'y joignent pour la première fois, en constatant combien l'initiative a fait mouche auprès de tous les acteurs concernés.
« Berlin-Paris », c'est une réponse originale et constructive pour tous les professionnels qui souhaitent dépasser les schémas d'action traditionnels au vu du contexte de crise économique et de l'internationalisation croissante du marché. En misant sur le principe de coopération plutôt que sur la seule concurrence, « Berlin-Paris » a permis à de nombreux professionnels de l'art contemporain de développer leurs réseaux, non seulement en France et en Allemagne, mais aussi sur un plan mondial, car Paris comme Berlin sont aujourd'hui deux villes essentielles pour le marché de l'art.
Le secret de « Berlin-Paris », c'est aussi la complémentarité entre deux scènes artistiques. Berlin est aujourd'hui une ville qui exerce sur les artistes un pouvoir d'attraction considérable : elle est indéniablement un foyer majeur de création, que les curateurs et collectionneurs viennent régulièrement moissonner. Paris, de son côté, hérite d'une scène artistique très structurée, qui peut s'appuyer sur de nombreuses institutions prestigieuses - mais aussi sur une nouvelle génération de collectionneurs très actifs et de galeristes très dynamiques.
Comme pour les éditions précédentes, « Berlin-Paris » ambitionne de refléter ces deux scènes artistiques dans leur diversité. « Berlin-Paris », c'est ce mélange unique de projets présentés pour certains par les galeries parmi les plus établies au plan international, pour d'autres par de très jeunes structures avant-gardistes. « Berlin-Paris » permet également aux professionnels désireux d'explorer de nouvelles scènes artistiques et de défricher le terrain sans prendre de risques financiers inconsidérés.
En portant un regard rétrospectif sur le projet et sur la situation des relations entre la France et l'Allemagne, on peut mesurer l'importance du chemin parcouru depuis 3 ou 4 ans. Il y a quelques années, seuls quelques professionnels allemands connaissaient bien la scène artistique parisienne ; aujourd'hui, Paris est devenu une étape indispensable pour les professionnels allemands. J'en veux pour preuve l'exemple de la FIAC : jusqu'en 2008, seules 3 ou 4 galeries allemandes y participaient annuellement ; ce chiffre a bondi à 20 en 2009, et 25 en 2010.
En retour, la scène artistique allemande s'est depuis quelques années largement ouverte aux artistes français. Depuis 2005, ces derniers sont venus s'installer massivement à Berlin, et les institutions allemandes ont entamé un vrai travail d'ouverture à l'égard de cette nouvelle génération d'artistes français émergents, et je connais sur ce point l'engagement et le dynamisme de mon ami Klaus Wowereit, Maire de Berlin et Plénipotentiaire pour les relations culturelles franco-allemandes, avec qui, l'Ambassadeur Bernard de Montferrand travaille en coopération très étroite. Depuis 3 ans, une quarantaine d'entre eux a ainsi bénéficié d'une monographie dans un Kunstverein.
Afin de soutenir ce dialogue entre nos scènes artistiques et rapprocher leurs professionnels, l'Institut français d'Allemagne, en association avec l'association française de développement des centres d'art (d.c.a), a conçu un important projet de coopération entre 24 centres d'art et Kunstvereine : c'est l'opération « Thermostat », qui se déroule en Allemagne et en France de juin 2010 à avril 2011. Ce projet a bénéficié du soutien de mon Ministère, mais aussi et surtout de l'Institut français et de la Kulturstiftung des Bundes.
Par ailleurs, à l'initiative de la prestigieuse Staatliche Kunsthalle de Karlsruhe, se tiendra l'été prochain une importante exposition « Lumière Noire », qui sera consacrée à la scène artistique française émergente. Ce projet est le signe d'un sursaut d'intérêt pour notre scène artistique en Allemagne, et reflète combien son dynamisme et sa créativité est aujourd'hui internationalement reconnue.
On le sait, de nombreux artistes français vivent aujourd'hui à Berlin. Je m'en félicite. Même si j'aimerais qu'ils n'oublient pas de vivre un peu en France. Hélas, les loyers sont chers à Paris. Mais là encore, l'exemple allemand peut nous inspirer. J'ai ainsi demandé à mes services de réfléchir à la mise en place d'un dispositif similaire au DAAD berlinois, susceptible d'encourager les artistes à s'installer à Paris, au moyen de bourses spécifiques.
Le projet « Berlin-Paris » est financé par les crédits du service culturel de l'Ambassade de France, à hauteur d'environ 30 000 euros, auxquels s'ajoutent bien sûr la participation de mon Ministère et celle de l'Institut Français, mais aussi celle de nos partenaires que je tiens à saluer : la Banque de France, ainsi que Wall AG pour son soutien en nature. Je salue aussi le Goethe Institut et Visitberlin à Paris, qui ont souhaité s'associer à la soirée organisée au Palais de Tokyo. Enfin, je tiens également à saluer très chaleureusement M. Cédric Aurelle, responsable des Arts plastiques au bureau de la création artistique, qui termine sa mission, et dont je n'ignore pas qu'il a joué un rôle essentiel dans le succès de cette opération, sous la direction de Charles Malinas.
Notre coopération culturelle franco-allemande connaît une actualité d'une très forte densité, avec le Prix littéraire franco-allemand que nous venons de créer, le 20ème anniversaire d'ARTE, nos projets avec Anselm Kiefer, la bibliothèque numérique Europeana... Nous nous devons en effet d'être à l'avant-garde des efforts qui visent, pour l'Europe, à renforcer notre espace culturel commun. Au-delà des efforts que nous déployons pour accroître encore plus l'attractivité de la France dans le domaine du marché de l'art, c'est aussi dans cette perspective européenne que s'inscrit « Berlin-Paris », et vous êtes les acteurs de cette vertueuse émulation : si nos deux capitales sont en prise sur le monde, c'est aussi grâce à vous.
Il ne nous reste plus qu'à nous glisser, à passer de galeries en galeries, de Ménilmontant et Belleville au quartier du Temple, et de nous mettre à « l'école du flâneur », si chère à Franz Hessel et à Walter Benjamin.
Je vous remercie.
Source http://www.culture.gouv.fr, le 9 février 2011
Si j'ai tenu tout particulièrement à ce que nous nous réunissions ce soir autour d'un verre amical, c'est pour rendre hommage aux artisans de l'ombre, aux brillants horlogers du langage que vous êtes.
Sous la Présidence éclairée de Marc Fumaroli, vous êtes à la tête d'une aventure collective rassemblant quatre cent personnes pour qui la patience, la minutie et le dialogue, mais aussi le bénévolat et l'engagement personnel sont les maîtres mots.
Un engagement pour la langue française qui fait de vous des paladins et non des fondamentalistes. Car à l'inverse de ce qui peut se dire parfois dans les médias où vous pouvez servir de cible facile, vous n'êtes pas là pour bouter la langue anglaise hors de France. Si je me permets parfois d'utiliser des anglicismes, de zapper sur notre langue, je sais le devoir de vigilance que vous exercez dans votre mission, notamment face au « franglais » et aux visions du monde simplifiées dont il peut être porteur. De manière générale, je me réjouis que notre dispositif de terminologie, dont vous êtes la tête chercheuse et éclairée, fasse finalement l'objet d'une reconnaissance et d'un intérêts croissants chez nos partenaires européens, conscients de l'emprise de plus en plus forte de l'anglo-américain sur des domaines économiques et sociaux pour lesquels la promotion de la diversité linguistique est un enjeu majeur.
Car l'essentiel de votre travail sur la langue, c'est l'innovation. Vous répondez aux changements que connaissent la technique, la culture, les relations sociales, afin de permettre à notre langue de nommer avec précision des notions qui peuvent être utilisées au quotidien dans des contextes professionnels souvent très spécifiques. De cela, le grand public n'est le plus souvent pas informé, car seuls 5% des termes sur lesquels vous oeuvrez sont visibles dans le langage courant. La langue française, et c'est heureux, se réinvente d'elle-même, dans son usage au quotidien ; mais là où se porte votre effort, c'est justement sur les domaines spécialisés, ces territoires de la langue qui ne sont pas touchés par cette inventivité - et c'est là que l'on peut voir que votre entreprise, au grand dam des sycophantes du globish, est tout sauf has been.
L'ingénierie nucléaire, la chimie des matériaux, la génétique, l'internet, tels sont les domaines, parmi tant d'autres, sur lesquels vous procédez à un travail d'orfèvrerie qui part d'un constat simple : sans les mots pour le dire, on ne travaille plus en français. Dans les domaines du droit également, pouvoir se référer avec exactitude à des termes qui doivent faire l'objet d'un travail constant d'adaptation et de renouvellement, dans des environnements changeants, est une nécessité qui relève aussi du devoir de transparence. En tant que ministre de la langue française, je mesure pleinement le travail que vous accomplissez.
La Commission générale, c'est aussi la belle aventure de la néologie. Dans votre dévouement collectif à la recherche du nouveau mot, vous vous faites à la fois botaniste et planteur. Quant aux jeunes pousses que vous plantez en terre dans la savane des usages, vous savez que vous n'avez pas la maîtrise de leur devenir, et c'est ce qui fait la beauté de votre geste généreux. Parmi elles, certaines prennent et d'autres non. « Papillon » n'a pas réussi à l'emporter sur « post-it » ; inversement, la « mouse » a décampé devant la souris, qui s'est aisément imposée aux côtés de nos écrans - sans qu'on la voit venir.
Je reviens aux terminologues que vous êtes. Dans sa dernière pièce, Le Vrai Sang, Valère Novarina fait dire à l'un de ses personnages : « ôtez les mots du langage et vous avez la vérité ». Dans la caverne de nos mots, votre tâche, c'est de stabiliser la route vers cet inatteignable. En ce faisant, pour la langue française, vous rendez un insigne service : celui de joindre l'utile à la noblesse.
Je vous remercie.
Source http://www.culture.gouv.fr, le 9 février 2011