Interview de M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative, à France Info le 25 janvier 2011, sur les rythmes scolaires au collège et au lycée, les vacances scolaires et la semaine scolaire de quatre jours.

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Média : France Info

Texte intégral


 
 
 
R. Duchemin.- L. Chatel, Merci d'être avec nous en direct ce matin. On va, bien sûr, parler rythme scolaire, puisque beaucoup de parents sont actuellement en voiture ou à la maison en train de nous écouter, et ils attendent, ils attendent de savoir ce qui va se passer pour leurs enfants dans les années qui viennent. Alors, le chantier est ouvert, ça, on le sait. Mais c'est aujourd'hui que vous est remis un premier pré-rapport sur la question des rythmes scolaires. Rapport dont on connaît ce matin, à la lecture des journaux, les grandes lignes ; d'abord, la semaine de quatre jours fait visiblement la quasi-unanimité contre elle. Est-ce que vous êtes, vous, Luc CHATEL, ministre de l'Education, d'accord avec ce constat ?
 
D'abord, il faut bien expliquer aux auditeurs de France Inter (sic)...
 
France Info.
 
...de France Info, mais c'est cousin. J'ai voulu réconcilier le temps de l'école, le temps des familles et le temps de la société. L'organisation des rythmes scolaires en France a été inventée telle qu'elle est aujourd'hui à la fin du XIXème siècle. Le monde a changé, et aujourd'hui - et cela, c'est un premier point de consensus qui a été constaté dans le cadre de ce premier travail - il n'est plus adapté, ce temps de l'école, ce rythme scolaire, à la vie de la société. Donc, j'ai décidé, il y a un an, d'avoir une réflexion de fond, qui prenne du temps, que nous prenions le temps de l'écoute, une méthode qui a été une concertation large, une conférence nationale, un comité de pilotage avec tous les acteurs. C'est la première fois qu'il y a aussi bien les gens de l'Education nationale, mais aussi des gens de l'extérieur, c'est-à-dire les gens du monde de l'entreprise, des représentants du monde du tourisme...
 
Oui, on va en parler d'ailleurs...
 
Par exemple...
 
Oui, ça fait débat d'ailleurs, vous le savez...
 
Voilà, tous ceux qui sont impactés par cette organisation des rythmes scolaires. Et puis, j'ai voulu un temps long, c'est-à-dire une première phase qui vient de s'achever, et qui fait l'objet de la réunion de ce matin, qui était une phase d'auditions, de concertations, où on écoutait les différents acteurs, et puis maintenant va s'ouvrir une phase de propositions de la part de la Commission. Donc pour l'instant...
 
Explication pour nous dire finalement que vous n'allez peut-être pas répondre à ma question sur la semaine des quatre jours.
 
Voilà, vous commencez à préfigurer les choses. Donc, j'ai annoncé un calendrier long, et j'ai annoncé qu'en tout état de cause, les propositions que le Gouvernement ferait, il les ferait à partir du mois de juin. Maintenant, à partir...
 
Mais est-ce que vous pouvez nous dire si en l'état, quoi qu'il en soit...
 
Oui, je vais vous dire un certain nombre de choses...
 
...quelles que soient effectivement les conclusions de ce pré-rapport et des rapports qui suivront, les choses ne resteront pas en l'état ?
 
La réponse est oui, puisque c'est un des premiers éléments de consensus de cette phase d'écoute, de concertation, qui a été menée, à la fois, par des auditions, une soixantaine d'auditions au niveau national, par un site Internet, qui a écouté, qui a pris en compte les différentes préconisations des uns et des autres, et puis, par des débats qui ont été organisés dans chaque Académie en France. Eh bien, qu'est-ce qui se dégage comme points de consensus sur cette première phase ? D'abord, le statu quo n'est pas possible, l'ensemble des acteurs nous dit : il faut changer les rythmes de notre école qui ne sont plus adaptés au monde d'aujourd'hui. Deuxième élément, l'ensemble des acteurs est d'accord pour reconnaître que, il faut changer en ayant comme seule finalité le bien-être de l'enfant, c'est-à-dire qu'il ne faut pas penser aux intérêts catégoriels divers et variés, qu'ils soient économiques, sociétaux et autres. Mais il faut...
 
Alors, justement, pourquoi demander leur avis au secteur du tourisme par exemple ?
 
Eh bien, parce que si vous voulez dégager un point de convergence, voire un consensus, c'est très important en amont d'associer les gens. Nous n'aurions pas eu, je pense, ces réponses il y a un an. Il y a eu un travail de fond d'écoute des uns et des autres, de respect mutuel, qui fait qu'aujourd'hui, il y a ces points de consensus qui se dégagent. Troisième élément important, et je vais répondre à votre question sur la semaine de quatre jours ou quatre jours et demi, l'ensemble des acteurs sont d'accord pour dire : il ne faut pas une énième rustine au rythme scolaire. Il faut une vision globale. C'est-à-dire qu'il ne faut pas travailler sur la semaine de quatre jours à l'école primaire, il faut travailler sur l'ensemble du cycle, l'année scolaire, comment elle se répartit, la semaine scolaire, la journée scolaire, avec l'amplitude horaire...
 
Mais vous êtes d'accord pour dire, qu'effectivement, les élèves aujourd'hui travaillent trop longtemps pendant la journée, si on ajoute effectivement le temps de transport et le travail une fois rentré à la maison.
 
Le système scolaire français a une caractéristique, c'est que nous cumulons le plus grand nombre d'heures de cours par an, concentrées sur le plus petit nombre de journées de travail. Il s'ensuit donc une surcharge d'activités, qui entraîne une fatigue chez l'enfant. Est-ce qu'il est logique que les lycéens soient en France ceux qui travaillent sans doute... ceux qui sont sans doute les seuls à travailler plus de trente-cinq heures ? La réponse est non.
 
Donc, sept heures au lycée, c'est quelque chose qui vous paraît concevable, c'est ce que propose la FCPE.
 
Mais cela veut dire qu'il faut qu'on réfléchisse à une meilleure répartition de la charge de travail sur l'ensemble de l'année, de manière à ce qu'il y ait de la respiration, de manière à ce que, on réfléchisse au scolaire, mais aussi au périscolaire, ce qui ressort également de la première phase de consultations, c'est que les parents d'élèves notamment, mais pas uniquement eux, l'ensemble des Français, sont attachés au fait que les enfants quittent l'école, le collège, le lycée en ayant fait leurs devoirs, donc qu'ils rentrent à la maison pour engager une autre séquence, mais que, au moins...
 
Les loisirs par exemple...
 
...e temps passé... des loisirs ou de la culture ou du sport..., mais en tout cas que la partie devoirs ait pu être réalisée au sein de l'établissement scolaire. C'est une réflexion très importante que nous allons mener avec les collectivités locales, c'est un enjeu très important, avec aussi les différents partenaires de l'école.
 
Un dernier point sur les vacances, Luc CHATEL, certains disent : il y a une décision qui pourrait être prise dès aujourd'hui, c'est rallonger de deux jours, deux jours, les vacances de la Toussaint pour qu'il y ait un rythme : sept semaines de travail, quinze jours de vacances pleines ; est-ce que vous êtes favorable à cette possibilité ?
 
Alors, comme je viens de vous le dire, aucune décision n'est prise, puisque ce matin, c'est le rendu des consultations qui ont duré cinq mois, et maintenant, la commission va affiner en rencontrant les différents acteurs, et puis, nous fera des propositions au mois de mai. Et le Gouvernement décidera cet été. Donc, rien n'est décidé, aussi bien pour les vacances de la Toussaint que pour la semaine de quatre jours, que pour l'organisation de l'année scolaire. Simplement, je note qu'il y a des points de consensus, de convergence, qui n'existaient pas il y a six mois, et maintenant, le comité de pilotage - et c'est ce que je vais lui dire ce matin - va affiner les choses, va notamment voir comment cela peut s'inscrire dans un calendrier européen, cette réorganisation ; va voir comment nous pouvons travailler avec les différents acteurs qui sont le plus concernés ; voilà le travail qui s'ouvre à partir de maintenant.
 
Autre dossier qui semble tenir le haut de l'actualité ce matin, c'est cette information selon laquelle les proviseurs de lycée et les principaux de collèges auront désormais le droit à une prime si, si leurs résultats sont bons, jusqu'à 6.000 euros tous les trois ans, à la suite sur 28 25/01/2011 12:23 d'une évaluation. Il y aura un accord de signé entre vous, le ministère, et trois syndicats de chefs d'établissements. Est-ce que vous nous confirmez cette information ?
 
Absolument, je vous confirme cette information. Nous étions en discussion depuis plusieurs mois avec les représentants des organisations syndicales, représentant les chefs d'établissements, je les ai rencontrés à plusieurs reprises ces dernières semaines, et nous avons conclu un accord. Vous savez, le Gouvernement a décidé de développer une rémunération variable liée aux performances de nos cadres, de notre encadrement, comme cela existe dans l'immense majorité des entreprises de notre pays.
 
Cela risque de faire un tollé chez les syndicats d'enseignants.
 
Je ne vois pas en quoi, je ne vois pas en quoi on ne donnerait pas une prime au proviseur qui met en oeuvre une politique qui a été voulue et partagée par l'ensemble des acteurs de la vie...
 
Politique de suppressions de postes notamment ?
 
Non, pourquoi immédiatement penser à cela, moi, je pense à la politique du projet pédagogique d'un établissement, qui doit être partagée, je pense aux performances, aux résultats scolaires d'un établissement par rapport aux prévisions qui ont été faites. Je pense à la capacité d'intégrer des élèves en grande difficulté, c'est ça qui nous intéresse. Et de plus en plus, nous devons avoir un échange entre nous, le ministère, moi, le ministre en charge de ce dossier difficile, et les acteurs locaux pour nous fixer des objectifs, mettre en place des contrats d'objectifs et de performances, et ensuite, évaluer à partir des résultats de ces contrats d'objectifs et de performances. C'est cela un système éducatif moderne, c'est un système éducatif qui se fixe des objectifs, et qui cherche à améliorer ses performances, et donc qui est capable, pour une part faible, 6.000 euros tous les trois ans, de valoriser l'engagement personnel des acteurs de l'Education nationale. Vous savez, il y a beaucoup d'acteurs de l'Education nationale qui nous disent : nous, on en fait beaucoup, on en fait souvent beaucoup plus qu'on nous le demande, et on n'est pas valorisé pour cela. Eh bien, nous avons décidé de nous tourner vers une politique beaucoup plus audacieuse dans ce domaine.
 
On verra comment réagissent les syndicats d'enseignants à cette nouvelle. Merci Luc CHATEL d'avoir été avec nous ce matin sur France Info.
 
Merci à vous.
 
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 3 février 2011