Déclaration de Mme Roselyne bachelot-Narquin, ministre des solidarités et de la cohésion sociale, sur la prise en charge de la dépendance, Paris le 8 février 2011.

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Circonstance : Débat du Conseil économique, social et environnemental sur la dépendance à Paris le 8 février 2011

Texte intégral

Monsieur le président, cher Jean-Paul Delevoye,
Chère Marie-Anne Montchamp,
Mesdames, Messieurs,
Mes premiers mots seront pour vous remercier, cher Jean-Paul Delevoye, de nous accueillir dans ce lieu hautement symbolique.
Vous connaissez très certainement autour de vous des personnes âgées qui, grâce au soutien de leur entourage, ont conservé dynamisme et allant. Au contraire, c'est le rejet, c'est l'isolement - affectif et physique - qui conduisent au sentiment d'être une charge et poussent certains de nos aînés à se replier sur eux-mêmes.
Au moment de poser avec vous les grands enjeux du débat national sur la dépendance, je commencerai donc par cette interrogation, qui est, volontairement, une interpellation : rejetterions-nous, avec indifférence, notre père ou notre mère, parvenu au terme de sa vie ? Pourquoi, dès lors, considérer plus généralement l'ensemble de nos aînés sinon comme des charges, du moins comme des êtres transparents socialement ?
Le regard que porte notre société sur ses aînés est tout aussi important que celui que chacun d'entre nous porte sur ses propres parents.
Il dépend donc de nous de dessiner une image positive du vieillissement et de faire vivre, individuellement et collectivement, nos valeurs de solidarité et de fraternité.
Car le modèle de société que nous voulons promouvoir, c'est cette société humaniste, qui fait de l'attention à l'autre, et en particulier aux plus vulnérables, une règle imprescriptible.
Parler de la dépendance et de la prochaine réforme, c'est donc, bien sûr, évoquer des situations difficiles, douloureuses, que je mentionnerai tout à l'heure, mais c'est aussi, dans une approche globale, envisager, de façon positive, la place des personnes âgées dans notre société et notre conception du vieillissement.
Les Français vivent de plus en plus âgés, et en bonne santé. C'est tant mieux !
L'allongement de l'espérance de vie est l'un de nos plus spectaculaires et de nos plus extraordinaires progrès. Chaque année, nous gagnons un trimestre d'espérance de vie !
L'allongement de l'espérance de vie nous offre la possibilité de réaliser, plus longtemps, nos désirs et nos projets. La possibilité d'être ce pivot familial autour duquel enfants et petits-enfants se réunissent. La possibilité d'observer le monde qui change et d'oeuvrer à ces mutations.
Logement, mobilier urbain, transports, commerces... : quelle place pour les personnes âgées si tout ce qui les entoure est inadapté ?
Du reste, ce qui est vrai pour les personnes âgées dépendantes l'est aussi pour les personnes handicapées ou pour les familles. L'accessibilité est un principe auquel je tiens profondément et je suis convaincue que ce qui profite à une certaine catégorie de la population profite à la société tout entière.
La priorité est bien, aujourd'hui, de traiter la perte d'autonomie des personnes âgées.
Pour autant, je souhaite que les personnes handicapées participent pleinement à la préparation de cette réforme.
Parce que de nombreuses problématiques sont communes, notamment la place et le rôle des aidants, ou la question de l'accessibilité, les personnes handicapées bénéficieront ainsi des avancées de cette réforme. Enfin, parce que les personnes handicapées sont également confrontées au vieillissement et à la perte d'autonomie liée à l'âge. Cette question devra être abordée dans le débat qu'a voulu le Président de la République.
Quelles que soient les orientations retenues, notre société se doit d'être accueillante et solidaire.
En tant que ministre des Solidarités et de la Cohésion sociale, je suis attachée au maintien du lien, notamment du lien entre les générations, et à la promotion d'un pacte social qui intègre, et non qui exclut.
Et c'est d'ailleurs cette approche globale, accompagnée d'actions de prévention sur la nutrition, l'activité physique ou les facteurs de risque de certaines pathologies invalidantes, qui permettra, aussi, de limiter la perte d'autonomie.
Ainsi donc, la dépendance n'est pas une fatalité.
Pour autant, elle existe. Qui ne connaît pas, dans sa famille ou dans son entourage proche, une personne dépendante, ou qui s'occupe d'un proche dépendant ?
De ce point de vue, la dépendance est un défi.
Elle est un défi pour aujourd'hui et pour demain. Elle est un défi humain, un défi de société, un défi financier.
La caractéristique de la dépendance, en effet, est précisément d'être un appel à l'autre, dont on requiert l'aide, la solidarité et la protection.
A cet appel, nous devons impérativement répondre.
La dépendance, je le disais, est un défi pour demain, parce qu'avec le vieillissement de la population et l'augmentation de la prévalence des maladies chroniques, la part des personnes en situation de dépendance va croître elle aussi.
Nous avons, de ce point de vue, comme le Président de la République l'a exprimé, un devoir d'anticipation.
Mais la dépendance est aussi un défi pour aujourd'hui, car il existe, d'ores et déjà, des situations difficiles et douloureuses.
Les premières difficultés sont celles que rencontrent les personnes dépendantes et leurs familles. Chacun imagine les bouleversements que représente la dépendance sur les vies et les liens affectifs.
Les difficultés sont aussi d'ordre matériel et pratique, dès lors qu'une nouvelle organisation doit être mise en place. A qui s'adresser ? Comment trouver un établissement adapté, ou des personnels qualifiés, en cas de maintien à domicile ?
Elles sont également financières, puisque le reste à charge, notamment en établissement et pour les personnes les plus dépendantes, peut être lourd.
Les difficultés sont enfin psychologiques, parce que la perte d'autonomie implique une modification des rôles, l'appropriation d'une nouvelle place. L'époux ou le père dont je m'occupe, est-il encore pleinement mon mari ou mon père ?
D'autres difficultés sont bien connues : ce sont les charges financières, de plus en plus lourdes, que les départements ont à assumer. Il existe, par ailleurs, des inégalités en la matière, en défaveur, en particulier, des zones rurales.
Des inégalités existent également en termes d'accès aux services.
Notre société doit donc trouver des solutions pérennes à ces difficultés.
Ils nous invitent à un questionnement partagé sur nos valeurs de fraternité, de respect, de dignité.
Pour ce faire, le Président de la République a souhaité le lancement d'un grand débat national, qu'il m'a chargée de conduire.
Ce grand débat sera l'occasion de s'interroger sur les bonnes pratiques à diffuser et sur les nouveaux modèles à inventer.
C'est à une large concertation que nous sommes tous invités, citoyens, experts, professionnels, responsables syndicaux et associatifs, élus nationaux et locaux.
Si le conseil économique, social et environnemental a été saisi, c'est bien pour enrichir le débat de ses avis toujours éclairés.
En outre, la présence aujourd'hui, dans ces deux tables rondes, de personnalités aux profils variés, témoigne de la diversité que nous souhaitons voir s'exprimer au cours du débat.
J'ai d'ores et déjà installé 4 groupes de travail thématiques, afin de dresser un état des lieux et d'élaborer des propositions innovantes.
Les animateurs de ces 4 groupes sont, bien entendu, présents aujourd'hui pour apporter leur éclairage fin et étayé.
Un premier groupe, présidé par Annick Morel, s'articulera autour de la thématique « Société et vieillissement ». Il s'agira, pour ce groupe de travail, d'apprécier l'état de l'opinion sur la dépendance et le regard porté sur le vieillissement.
Un deuxième groupe sera chargé, sous l'égide de Jean-Michel Charpin, de réfléchir aux « Enjeux démographiques et financiers », c'est-à-dire d'évaluer la réalité et l'ampleur du phénomène de la dépendance et d'en estimer le coût macro-économique.
Un troisième groupe, portant, sous la coordination d'Evelyne Ratte, sur l' « Accueil et [l']accompagnement des personnes âgées », devra repenser la cohérence et l'accessibilité de l'offre de services proposée aux usagers.
Un dernier groupe, présidé par Bertrand Fragonard et intitulé « Stratégie pour la couverture de la dépendance des personnes âgées », consacrera ses travaux à la gouvernance et aux modes de prise en charge de la perte d'autonomie.
4 colloques interrégionaux, précédés de la mise en place de « groupes de parole » de citoyens, permettront de dresser un point d'étape sur chacune de ces thématiques.
Par ailleurs, des débats interdépartementaux auront lieu en région, à partir de la mi-avril. Ces rencontres constitueront un moment d'écoute et d'échanges.
Un site Internet dédié au débat national permettra de recueillir les contributions de chacun.
Malheureusement, le temps nous manquera, aujourd'hui, pour laisser place aux échanges. Mais je compte sur vous pour participer au débat lors des rencontres régionales et sur le forum Internet.
Alors que ce grand débat national commence tout juste, il serait bien difficile de tracer une quelconque feuille de route.
A vous, à nous d'imaginer, au cours de ces prochains mois, quelle sera, demain, la prise en charge de la perte d'autonomie des personnes âgées.
Seuls quelques principes guideront notre réflexion :
- le libre choix, pour les familles et pour les personnes en perte d'autonomie, entre le maintien à domicile et la prise en charge par des structures adaptées à leurs besoins.
- une vigilance étroite sur la qualité des prises en charge. La deuxième table ronde nous permettra d'y revenir.
- un principe de responsabilité quant au financement, car il n'est pas question de reporter le financement sur les générations futures, au risque d'alourdir la dette.
J'en suis convaincue : les travaux de cette matinée nous permettront de mesurer à leur juste mesure tous les enjeux liés à la dépendance des personnes âgées. Et de rappeler les grands principes d'une prise en charge de qualité.
Notre objectif est clair : traiter les personnes âgées avec la considération et le respect dignes d'eux et de ce que nous leur devons.Source http://www.dependance.gouv.fr, le 10 février 2011