Texte intégral
Monsieur le Président de Paris-Dauphine, cher Laurent BATSCH,
Monsieur le Vice-président, et cher collègue, cher Elyès JOUINI,
Messieurs les co-directeurs, cher Georges PAUGET,
Mesdames, Messieurs, chers étudiants,
Je suis d'abord très heureuse de pouvoir m'exprimer devant vous tous, et devant deux personnes en particulier.
J'ai l'immense plaisir de saluer Elyès JOUINI, hier vice-président de l'Université Paris-Dauphine, aujourd'hui ministre en charge des réformes économiques et sociales et de la coordination de la transition en Tunisie.
La Tunisie est un pays ami de longue date de la France, et nous continuerons à soutenir ce pays dans sa marche vers la liberté, sans restrictions. C'est ce que je viens de lui rappeler au cours de notre entretien.
Je voudrais remercier également Georges PAUGET de m'avoir confié le soin de délivrer la leçon inaugurale de la nouvelle Chaire « Asset Management » de l'Université Paris Dauphine. Cet exercice est souvent confié aux meilleurs esprits et le Collège de France précise que « beaucoup d''entre elles ont constitué, dans leur domaine et en leur temps, des événements marquants, voire retentissants ». A défaut de leçon de ma part, j'ai le plaisir d'inaugurer cette Chaire unique en France et qui me semble poser de vraies questions alors que la réflexion n'est pas tout à fait close dans un secteur en pleine recomposition. C'est un sujet que Georges PAUGET connaît bien et qu'il a travaillé dans ses excellents ouvrages.
Je me souviens aussi de ma précédente « apparition » -puisque c'était par l'intermédiaire d'un enregistrement vidéo, à Dauphine. Il s'agissait d'une rencontre organisée par le Cercle des Economistes sous le titre, un peu provocateur : « a-t-on encore besoin de la finance ? » Preuve que les questionnements sur l'utilité économique de la finance ne datent pas d'hier, qu'elle est une industrie en pleine transformation, et je me réjouis de la création d'une chaire spécifiquement dédiée à la gestion d'actifs. La recherche et la réflexion sont plus que jamais nécessaires pour préparer l'avenir, pour prouver qu'il existe aussi, une finance de long terme, au contact de l'économie réelle, qui ne se préoccupe pas seulement des profits d'aujourd'hui, mais aussi des résultats de demain. Celle précisément que nous cherchons à promouvoir au G20, car il me semble légitime que les Etats et les gouvernements soient les acteurs de ces mutations. Légitimes ils le sont indiscutablement, parce que la crise de 2007 et 2008 a été un traumatisme sévère pour nos économies qui ont détruit de l'activité et pour nos concitoyens qui l'ont durement ressenti dans leur emploi.
Ce choc a été vécu comme une injustice et les 20 pays les plus riches en ont pris rapidement la mesure. Dès l'été 2008, le Président de la République a mobilisé ses partenaires avec une seule ambition : construire un monde meilleur où nos emplois et nos activités ne risqueront plus d'être emportés par un nouveau tsunami financier. C'était la volonté du Président de la République et j'ai la conviction, qu'en 2011, la France porte une responsabilité particulière en assumant la présidence du G20.
Pour cette « leçon inaugurale », je vous propose de me concentrer sur les aspects du G20 qui concernent la régulation financière, laissant de côté la nécessaire réforme du système financier international. Je vois ainsi trois priorités pour la présidence française du G20 en matière de régulation financière : (I) mettre en oeuvre l'héritage des 5 précédents G20 ; (II) prévenir de nouvelles crises et (III) élargir les champs de la régulation.
Le premier résultat du G20, c'est que la solution du protectionnisme, antichambre de la guerre pendant la crise des années 30s, a été écartée : « mieux vaut se disputer autour d''une table que sur un champ de bataille » disait si justement Jean MONNET. Nous devons désormais faire face à un autre risque, celui que les effets de la crise s'estompant, les décisions ne soient pas mises en oeuvre. Je crois que nous devons battre le fer tant qu'il est encore chaud et rester mobilisés pour que ceux qui échappaient à tout contrôle reviennent dans le giron de la régulation internationale, que ce soit des territoires, des institutions ou des individus. Cela repose sur quelques principes : de responsabilité des acteurs, de qualité des fonds propres, de retour à la lumière des marchés.
Le G20 a décidé de mesures fortes pour encadrer les bonus des opérateurs de marché. Dans le temple des mathématiques financières qui a formé des générations de brillants traders, je ne voudrais pas être mal comprise : je n'ai rien contre la juste récompense, mais je refuse qu'elle incite à des prises de risque déraisonnables ; le secteur financier doit encourager la performance et cesser de rémunérer l'échec. Le G20 a décidé d'interdire les bonus garantis, de différer une fraction des bonus et que la part différée ne soit versée qu'à la condition que les performances soient au rendez-vous en mettant en place un malus en face des bonus. La présidence française travaillera à la mise en place au sein du Comité de stabilité financière d'un dispositif permanent de suivi de l'application des règles par les membres du G20.
Le G20 a également décidé de renforcer la qualité et la quantité des fonds propres des banques, par la réforme dite « Bâle 3 ». En exigeant des banques qu'elles constituent des réserves, c''est-à-dire des matelas pour absorber les chocs, c'est leur solidité qui nous souhaitons renforcer. Et j'ai aussi veillé à une entrée en vigueur progressive à l'horizon 2019 des nouvelles règles pour assurer la rapidité de ces décisions sans étouffer le crédit nécessaire à la reprise de l'activité.
Nous avons enfin créé pour la première fois des autorités européennes de régulation. L'Autorité européenne des marchés financiers contrôlera notamment les agences de notation qui doivent désormais disposer d'un agrément en Europe et respecter des règles non seulement de transparence mais aussi pour empêcher les conflits d'intérêt et renforcer la qualité des notations. L'Europe a adopté une directive européenne pour faire la lumière sur les hedge funds et encadrer leur activité. Nous travaillons également à 2 règlements européens pour encadrer les ventes à découvert et les marchés dérivés. Pour moi, leur adoption est une priorité.
La deuxième priorité de la présidence française en matière de régulation des marchés financiers concerne la prévention et la résolution des crises bancaires.
Je veillerai à faire aboutir en 2011 les travaux du G20 sur la résolution des crises systémiques et je considère que nous aurons atteint notre objectif quand tous les membres du Comité de Stabilité Financière auront adopté un régime national de résolution complet et efficace. Nous devons également développer des outils pour favoriser le financement privé de la résolution des crises bancaires via le recours aux instruments de réduction ou de conversion de dette (bail-in).
Le Comité de stabilité financière ou Financial Stability Board a un rôle essentiel à jouer comme tour de guet du système financier international. Je souhaite améliorer sa gouvernance et renforcer ses moyens d'actions.
La troisième priorité consiste à élargir le périmètre de la régulation pour atteindre de nouveaux champs du secteur financier.
Je pense d'abord aux marchés de matières premières, ainsi qu'aux produits dérivés de matières premières. Les dérivés de matières premières sont essentiels pour permettre aux agriculteurs et aux entreprises d'assurer leurs risques. Mais ils sont aujourd'hui devenus une classe d'actifs à part entière qui concentre de gigantesques afflux de capitaux. Ces marchés ont également un impact au quotidien sur le prix du blé ou de l'essence. Dans ces conditions, les matières premières ne peuvent pas rester les parents pauvres de la sécurité et de la transparence.
Là encore, il ne s'agit pas d'étouffer des marchés essentiels pour assurer le risque de nos entreprises. Il s'agit de définir des règles de transparence et d'intégrité pour des marchés qui sont aujourd'hui totalement internationalisés.
Nous devons aussi nous attaquer au shadow banking system. Le risque est qu'à réguler trop fortement le coeur, les activités viennent à fuir aux périphéries du système financier. C'est pourquoi il me semble que : renforcer fonds propres et liquidité des banques sera de peu d'utilité si les banques transfèrent massivement leur activité de transformation ailleurs ; par exemple dans des titrisations sans fonds propres et porteuses de risques de liquidité comme nous l'avons vu dès 2007 ; renforcer fonds propres et liquidité des banques sera de peu d'utilité si le trading ou les activités de financement sont transférés ailleurs ; par exemple dans des fonds monétaires ou des hedge funds. Il y a quelques jours, Larry SUMMERS, l'ancien conseiller économique du Président OBAMA évoquait une référence tristement célèbre dans notre pays pour son inefficacité, en parlant d'un risque de bâtir une ligne Maginot où, je le cite « ce qui est défendu est en effet imprenable, mais pas difficile à contourner ». Je suis totalement mobilisée pour empêcher que le G20 ne tombe dans cette facilité illusoire.
Nous devons être attentifs pour accompagner les évolutions technologiques du système financier. Le « flash crash » du 6 mai 2010 aux Etats-Unis a sonné comme un avertissement. Il est urgent d'analyser les enjeux posés par le trading à haute fréquence et le trading algorithmique. La France a demandé et obtenu que ce sujet soit inscrit à l'ordre du jour des travaux du G20 : l'organisation internationale des régulateurs de marché, l'IOSCO, va lancer des travaux techniques et proposera des recommandations aux pays membres du G20 mi-2011. Sans attendre, l'Europe doit doter le gendarme européen de la bourse des moyens de réguler ces activités, notamment dans le cadre de la révision de la directive structurante MIF sur les marchés d'instruments financiers.
J'ai enfin souhaité faire de la protection des consommateurs un axe de travail de la présidence française du G20. Car il me semble que ne pas associer les consommateurs au G20 serait oublier que des pratiques de distribution irresponsables de prêts aux Etats-Unis ont contribué à la crise des subprimes. Ne pas associer les consommateurs, ce serait également les écarter de décisions importantes pour l'avenir de nos économies.
Lors du sommet de Séoul, les chefs d'Etat et de gouvernement des pays du G20 ont donné mandat au Conseil de stabilité financière et à l'OCDE pour travailler à des engagements en matière de protection des consommateurs. Lors du G20 Finances des 18 et 19 février, je proposerai à mes homologues que la réunion du G20 Finances d'octobre 2011 soit l'occasion de dégager des principes communs de protection des consommateurs. A l'occasion de cette réunion, j'organiserai une conférence de haut niveau sur la protection des consommateurs de produits financiers en lien avec l'OCDE et à laquelle j'inviterai les ministres des finances de l'ensemble du G20.
Mesdames, Messieurs, à travers cet exposé, vous voyez combien les décisions du G20 et l'adaptation de l'industrie financière aux nouvelles conditions des marchés vont provoquer de multiples transformations qui sont autant de contraintes que d'opportunités. Au-delà de la nouvelle directive européenne OPCVM IV qui entrera en vigueur en juillet 2011 et redessinera le paysage de la gestion d'actifs en Europe, il nous revient de préparer les futures transformations du secteur. C'est la raison pour laquelle le Haut Comité de Place que j'ai présidé le 15 octobre dernier s'est doté d'une stratégie pour le développement de l''industrie française de la gestion d''actifs qui reste, dois-je le rappeler, la 2ème en Europe par les actifs sous gestion.
Je me souviens enfin d'une réunion l'année dernière où Georges PAUGET me confiait l'incrédulité de sa petite fille lorsqu'il lui expliquait ses activités, elle qui pensait qu'un banquier était « le monsieur qui est derrière le distributeur pour donner les billets »... Il sera un parfait Directeur scientifique pour votre Chaire ! car voilà une définition fort juste du secteur bancaire et financier, dont la raison d'être doit rester le financement de l'économie. C'est pourquoi la France a la volonté de mettre à profit cette année pour améliorer encore la réglementation et le contrôle du secteur financier, en renforçant la transparence et la gestion des risques. Ce n'est pas seulement un débat d'expert, c'est aussi en direction de nos opinions publiques qu'il faut en même temps nous tourner. Il est essentiel que chacun d'entre nous sachent et voient qu'avec le G20, les choses ne seront plus comme avant. Puisse la Chaire « Asset Management » de l'Université Paris Dauphine y contribuer.
Je vous remercie
source http://www.minefe.gouv.fr, le 11 février 2011
Monsieur le Vice-président, et cher collègue, cher Elyès JOUINI,
Messieurs les co-directeurs, cher Georges PAUGET,
Mesdames, Messieurs, chers étudiants,
Je suis d'abord très heureuse de pouvoir m'exprimer devant vous tous, et devant deux personnes en particulier.
J'ai l'immense plaisir de saluer Elyès JOUINI, hier vice-président de l'Université Paris-Dauphine, aujourd'hui ministre en charge des réformes économiques et sociales et de la coordination de la transition en Tunisie.
La Tunisie est un pays ami de longue date de la France, et nous continuerons à soutenir ce pays dans sa marche vers la liberté, sans restrictions. C'est ce que je viens de lui rappeler au cours de notre entretien.
Je voudrais remercier également Georges PAUGET de m'avoir confié le soin de délivrer la leçon inaugurale de la nouvelle Chaire « Asset Management » de l'Université Paris Dauphine. Cet exercice est souvent confié aux meilleurs esprits et le Collège de France précise que « beaucoup d''entre elles ont constitué, dans leur domaine et en leur temps, des événements marquants, voire retentissants ». A défaut de leçon de ma part, j'ai le plaisir d'inaugurer cette Chaire unique en France et qui me semble poser de vraies questions alors que la réflexion n'est pas tout à fait close dans un secteur en pleine recomposition. C'est un sujet que Georges PAUGET connaît bien et qu'il a travaillé dans ses excellents ouvrages.
Je me souviens aussi de ma précédente « apparition » -puisque c'était par l'intermédiaire d'un enregistrement vidéo, à Dauphine. Il s'agissait d'une rencontre organisée par le Cercle des Economistes sous le titre, un peu provocateur : « a-t-on encore besoin de la finance ? » Preuve que les questionnements sur l'utilité économique de la finance ne datent pas d'hier, qu'elle est une industrie en pleine transformation, et je me réjouis de la création d'une chaire spécifiquement dédiée à la gestion d'actifs. La recherche et la réflexion sont plus que jamais nécessaires pour préparer l'avenir, pour prouver qu'il existe aussi, une finance de long terme, au contact de l'économie réelle, qui ne se préoccupe pas seulement des profits d'aujourd'hui, mais aussi des résultats de demain. Celle précisément que nous cherchons à promouvoir au G20, car il me semble légitime que les Etats et les gouvernements soient les acteurs de ces mutations. Légitimes ils le sont indiscutablement, parce que la crise de 2007 et 2008 a été un traumatisme sévère pour nos économies qui ont détruit de l'activité et pour nos concitoyens qui l'ont durement ressenti dans leur emploi.
Ce choc a été vécu comme une injustice et les 20 pays les plus riches en ont pris rapidement la mesure. Dès l'été 2008, le Président de la République a mobilisé ses partenaires avec une seule ambition : construire un monde meilleur où nos emplois et nos activités ne risqueront plus d'être emportés par un nouveau tsunami financier. C'était la volonté du Président de la République et j'ai la conviction, qu'en 2011, la France porte une responsabilité particulière en assumant la présidence du G20.
Pour cette « leçon inaugurale », je vous propose de me concentrer sur les aspects du G20 qui concernent la régulation financière, laissant de côté la nécessaire réforme du système financier international. Je vois ainsi trois priorités pour la présidence française du G20 en matière de régulation financière : (I) mettre en oeuvre l'héritage des 5 précédents G20 ; (II) prévenir de nouvelles crises et (III) élargir les champs de la régulation.
Le premier résultat du G20, c'est que la solution du protectionnisme, antichambre de la guerre pendant la crise des années 30s, a été écartée : « mieux vaut se disputer autour d''une table que sur un champ de bataille » disait si justement Jean MONNET. Nous devons désormais faire face à un autre risque, celui que les effets de la crise s'estompant, les décisions ne soient pas mises en oeuvre. Je crois que nous devons battre le fer tant qu'il est encore chaud et rester mobilisés pour que ceux qui échappaient à tout contrôle reviennent dans le giron de la régulation internationale, que ce soit des territoires, des institutions ou des individus. Cela repose sur quelques principes : de responsabilité des acteurs, de qualité des fonds propres, de retour à la lumière des marchés.
Le G20 a décidé de mesures fortes pour encadrer les bonus des opérateurs de marché. Dans le temple des mathématiques financières qui a formé des générations de brillants traders, je ne voudrais pas être mal comprise : je n'ai rien contre la juste récompense, mais je refuse qu'elle incite à des prises de risque déraisonnables ; le secteur financier doit encourager la performance et cesser de rémunérer l'échec. Le G20 a décidé d'interdire les bonus garantis, de différer une fraction des bonus et que la part différée ne soit versée qu'à la condition que les performances soient au rendez-vous en mettant en place un malus en face des bonus. La présidence française travaillera à la mise en place au sein du Comité de stabilité financière d'un dispositif permanent de suivi de l'application des règles par les membres du G20.
Le G20 a également décidé de renforcer la qualité et la quantité des fonds propres des banques, par la réforme dite « Bâle 3 ». En exigeant des banques qu'elles constituent des réserves, c''est-à-dire des matelas pour absorber les chocs, c'est leur solidité qui nous souhaitons renforcer. Et j'ai aussi veillé à une entrée en vigueur progressive à l'horizon 2019 des nouvelles règles pour assurer la rapidité de ces décisions sans étouffer le crédit nécessaire à la reprise de l'activité.
Nous avons enfin créé pour la première fois des autorités européennes de régulation. L'Autorité européenne des marchés financiers contrôlera notamment les agences de notation qui doivent désormais disposer d'un agrément en Europe et respecter des règles non seulement de transparence mais aussi pour empêcher les conflits d'intérêt et renforcer la qualité des notations. L'Europe a adopté une directive européenne pour faire la lumière sur les hedge funds et encadrer leur activité. Nous travaillons également à 2 règlements européens pour encadrer les ventes à découvert et les marchés dérivés. Pour moi, leur adoption est une priorité.
La deuxième priorité de la présidence française en matière de régulation des marchés financiers concerne la prévention et la résolution des crises bancaires.
Je veillerai à faire aboutir en 2011 les travaux du G20 sur la résolution des crises systémiques et je considère que nous aurons atteint notre objectif quand tous les membres du Comité de Stabilité Financière auront adopté un régime national de résolution complet et efficace. Nous devons également développer des outils pour favoriser le financement privé de la résolution des crises bancaires via le recours aux instruments de réduction ou de conversion de dette (bail-in).
Le Comité de stabilité financière ou Financial Stability Board a un rôle essentiel à jouer comme tour de guet du système financier international. Je souhaite améliorer sa gouvernance et renforcer ses moyens d'actions.
La troisième priorité consiste à élargir le périmètre de la régulation pour atteindre de nouveaux champs du secteur financier.
Je pense d'abord aux marchés de matières premières, ainsi qu'aux produits dérivés de matières premières. Les dérivés de matières premières sont essentiels pour permettre aux agriculteurs et aux entreprises d'assurer leurs risques. Mais ils sont aujourd'hui devenus une classe d'actifs à part entière qui concentre de gigantesques afflux de capitaux. Ces marchés ont également un impact au quotidien sur le prix du blé ou de l'essence. Dans ces conditions, les matières premières ne peuvent pas rester les parents pauvres de la sécurité et de la transparence.
Là encore, il ne s'agit pas d'étouffer des marchés essentiels pour assurer le risque de nos entreprises. Il s'agit de définir des règles de transparence et d'intégrité pour des marchés qui sont aujourd'hui totalement internationalisés.
Nous devons aussi nous attaquer au shadow banking system. Le risque est qu'à réguler trop fortement le coeur, les activités viennent à fuir aux périphéries du système financier. C'est pourquoi il me semble que : renforcer fonds propres et liquidité des banques sera de peu d'utilité si les banques transfèrent massivement leur activité de transformation ailleurs ; par exemple dans des titrisations sans fonds propres et porteuses de risques de liquidité comme nous l'avons vu dès 2007 ; renforcer fonds propres et liquidité des banques sera de peu d'utilité si le trading ou les activités de financement sont transférés ailleurs ; par exemple dans des fonds monétaires ou des hedge funds. Il y a quelques jours, Larry SUMMERS, l'ancien conseiller économique du Président OBAMA évoquait une référence tristement célèbre dans notre pays pour son inefficacité, en parlant d'un risque de bâtir une ligne Maginot où, je le cite « ce qui est défendu est en effet imprenable, mais pas difficile à contourner ». Je suis totalement mobilisée pour empêcher que le G20 ne tombe dans cette facilité illusoire.
Nous devons être attentifs pour accompagner les évolutions technologiques du système financier. Le « flash crash » du 6 mai 2010 aux Etats-Unis a sonné comme un avertissement. Il est urgent d'analyser les enjeux posés par le trading à haute fréquence et le trading algorithmique. La France a demandé et obtenu que ce sujet soit inscrit à l'ordre du jour des travaux du G20 : l'organisation internationale des régulateurs de marché, l'IOSCO, va lancer des travaux techniques et proposera des recommandations aux pays membres du G20 mi-2011. Sans attendre, l'Europe doit doter le gendarme européen de la bourse des moyens de réguler ces activités, notamment dans le cadre de la révision de la directive structurante MIF sur les marchés d'instruments financiers.
J'ai enfin souhaité faire de la protection des consommateurs un axe de travail de la présidence française du G20. Car il me semble que ne pas associer les consommateurs au G20 serait oublier que des pratiques de distribution irresponsables de prêts aux Etats-Unis ont contribué à la crise des subprimes. Ne pas associer les consommateurs, ce serait également les écarter de décisions importantes pour l'avenir de nos économies.
Lors du sommet de Séoul, les chefs d'Etat et de gouvernement des pays du G20 ont donné mandat au Conseil de stabilité financière et à l'OCDE pour travailler à des engagements en matière de protection des consommateurs. Lors du G20 Finances des 18 et 19 février, je proposerai à mes homologues que la réunion du G20 Finances d'octobre 2011 soit l'occasion de dégager des principes communs de protection des consommateurs. A l'occasion de cette réunion, j'organiserai une conférence de haut niveau sur la protection des consommateurs de produits financiers en lien avec l'OCDE et à laquelle j'inviterai les ministres des finances de l'ensemble du G20.
Mesdames, Messieurs, à travers cet exposé, vous voyez combien les décisions du G20 et l'adaptation de l'industrie financière aux nouvelles conditions des marchés vont provoquer de multiples transformations qui sont autant de contraintes que d'opportunités. Au-delà de la nouvelle directive européenne OPCVM IV qui entrera en vigueur en juillet 2011 et redessinera le paysage de la gestion d'actifs en Europe, il nous revient de préparer les futures transformations du secteur. C'est la raison pour laquelle le Haut Comité de Place que j'ai présidé le 15 octobre dernier s'est doté d'une stratégie pour le développement de l''industrie française de la gestion d''actifs qui reste, dois-je le rappeler, la 2ème en Europe par les actifs sous gestion.
Je me souviens enfin d'une réunion l'année dernière où Georges PAUGET me confiait l'incrédulité de sa petite fille lorsqu'il lui expliquait ses activités, elle qui pensait qu'un banquier était « le monsieur qui est derrière le distributeur pour donner les billets »... Il sera un parfait Directeur scientifique pour votre Chaire ! car voilà une définition fort juste du secteur bancaire et financier, dont la raison d'être doit rester le financement de l'économie. C'est pourquoi la France a la volonté de mettre à profit cette année pour améliorer encore la réglementation et le contrôle du secteur financier, en renforçant la transparence et la gestion des risques. Ce n'est pas seulement un débat d'expert, c'est aussi en direction de nos opinions publiques qu'il faut en même temps nous tourner. Il est essentiel que chacun d'entre nous sachent et voient qu'avec le G20, les choses ne seront plus comme avant. Puisse la Chaire « Asset Management » de l'Université Paris Dauphine y contribuer.
Je vous remercie
source http://www.minefe.gouv.fr, le 11 février 2011