Déclaration de Mme Valérie Pécresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, sur la rénovation des sections de techniciens supérieurs (STS), Paris le 1er mars 2011.

Prononcé le 1er mars 2011

Intervenant(s) : 

Circonstance : Présentation des lauréats de l'appel à projets STS à Paris le 1er mars 2011

Texte intégral

Mesdames et Messieurs,
J'ai ouvert ici même en mai dernier le chantier de la rénovation des BTS en partant d'un constat simple et, je crois, largement partagé : d'un côté les STS jouent un rôle essentiel dans l'ouverture sociale de l'enseignement supérieur ; de l'autre, le taux de réussite des étudiants y demeure très inégal selon leur série d'origine. Moins de 40% des bacheliers professionnels inscrits en 1ère année obtiennent le diplôme deux ans plus tard. Or, leur nombre n'a cessé d'augmenter depuis 10 ans. Ils représentent désormais 20% des inscrits, contre seulement 8% en 2001. Ils seront de plus en plus nombreux à tenter demain leur chance en STS, une chance que nous ne pouvons pas leur refuser. Il en va de la capacité de notre enseignement supérieur à répondre à l'attente de ces jeunes, à leur désir légitime de promotion sociale et d'accès à la qualification.
Parce qu'un système éducatif qui n'ouvre pas de perspectives aux jeunes issus de milieux populaires est un système éducatif qui se sclérose, parce que l'inégalité scolaire menace directement la cohésion sociale, parce qu'enfin tous les talents ne se révèlent pas à 16 ou 18 ans, nous avons le devoir d'offrir à tous les étudiants, non pas la garantie, mais les conditions véritables d'une poursuite d'études et d'une insertion professionnelle réussies - je vous rappelle que près de 70% des diplômés de BTS qui font le choix d'entrer dans la vie active ont trouvé un emploi 7 mois après la fin de leurs études.
Dire aujourd'hui que les STS doivent évoluer, ce n'est ni contester leur succès, ni remettre en cause l'identité de cette filière professionnalisante qui constitue dans bien des cas la première marche vers les plus hauts niveaux de qualification. C'est dire tout simplement que le monde change, que les élèves changent, que les métiers changent et que notre enseignement doit s'adapter en permanence à ces évolutions pour assurer à la fois l'égalité des chances, fondement du pacte républicain, et la compétitivité d'une économie désormais fondée sur l'innovation et la maîtrise de technologies en perpétuelle évolution.
Ce double constat d'une réussite indéniable et d'une évolution nécessaire imposait le choix d'une méthode. Il fallait faire bouger les lignes sans rien bouleverser de ce qui a fait le succès des BTS, cet équilibre complexe entre exigence académique et compétences professionnelles, organisation des enseignements encore proche de celle du lycée (essentielle à la réussite de nombreux élèves) et préparation à la poursuite d'études universitaires. Il ne fallait rien imposer qui pût apparaître comme une remise en cause de la spécificité de la filière ou du caractère national du diplôme, auquel je suis, comme vous-mêmes, profondément attachée. Il fallait au contraire s'appuyer sur l'expérience concrète, la connaissance des élèves et l'expertise pédagogique des personnels eux-mêmes - chefs d'établissement, chefs de travaux, professeurs -, libérer leur imagination, leur enthousiasme, en faire les acteurs de la réforme. Il fallait faire émerger des projets au plus près de la réalité du terrain, dans le respect des caractéristiques propres à chaque BTS et à chaque établissement ou bassin de formation. C'est pourquoi j'ai choisi la voie de l'expérimentation, qui permet d'enclencher une dynamique, mais aussi de vérifier la pertinence des actions menées et de les évaluer avant leur éventuelle généralisation.
Cette expérimentation, nous en avons défini les contours à l'issue d'une large concertation : celle menée d'abord par le recteur Jean Sarrazin, que je tiens à remercier pour son engagement au service de la voie technologique et de la réussite des élèves ; celle conduite ensuite par un groupe de travail spécialement constitué autour du recteur Mucchielli, afin de s'assurer de l'existence d'un consensus autour des objectifs et des grandes lignes de la rénovation.
La rénovation des BTS qui s'est ainsi dessinée comprend deux volets, à la fois distincts et complémentaires :
* un travail en cours au sein des commissions professionnelles consultatives (CPC) en vue d'introduire davantage de modularité dans les référentiels de 5 BTS à la rentrée 2011. Il s'agit de permettre la validation de blocs de compétences convertibles en ECTS, de simplifier la reconnaissance des acquis et de faciliter le passage d'une filière à une autre ; d'offrir aux étudiants un accès plus progressif à la qualification et une meilleure articulation avec la formation tout au long de la vie ; de favoriser, enfin, l'individualisation des parcours et les réorientations.
* un appel à projet auprès des recteurs, doté d'une enveloppe d'1 Meuros, afin d'encourager le développement sur le territoire d'actions innovantes sur la base d'un cahier des charges articulé autour de 7 axes principaux :
- assurer un accompagnement personnalisé des élèves ;
- accueillir des étudiants en réorientation ;
- aménager les poursuites d'études ;
- développer l'alternance ;
- permettre les adaptations locales ;
- développer les plateaux techniques ;
- piloter la carte des formations.
Cet appel a été entendu. Partout sur le territoire, des équipes se sont mobilisées pour proposer aux recteurs des projets qui répondent aux besoins des élèves et leur ouvrent de nouvelles perspectives de réussite et de poursuite d'études : modules de remise à niveau, parcours différenciés, enseignements renforcés, rentrées décalées, partenariats lycée-université. Tous ces dispositifs rapprochent, mutualisent, décloisonnent les différentes filières du cycle L et ouvrent de nouvelles perspectives à tous ceux qui se sont mal ou trop vite orientés vers des formations qui ne correspondent pas à leur vocation réelle. Bacheliers professionnels ou étudiants en situation d'échec à l'issue du 1er semestre, ils sont nombreux, chaque année, à s'interroger sur la suite à donner à leurs études, à vouloir soit poursuivre, soit changer d'orientation.
Beaucoup d'entre eux ont leur place en BTS, il suffit de leur en donner les moyens. En mobilisant, bien sûr, les places vacantes, en faisant évoluer l'organisation des enseignements et les méthodes pédagogiques, en repérant et en accompagnant en amont les élèves et les étudiants que leur parcours antérieur, en lycée professionnel ou en licence, ne prédestinait pas à intégrer ces formations.
Je parlais tout à l'heure d'évolution, non de réforme ou de rupture. L'accueil de ces nouveaux publics est en effet conforme à la vocation des BTS, qui ont toujours été une voie d'accès, et bien souvent un tremplin vers les études supérieures pour des jeunes issus de milieux modestes et souvent éloignés du monde académique. Un demi-siècle après leur création, ils ont plus que jamais un rôle à jouer dans l'ouverture sociale de l'enseignement supérieur. Il ne s'agit donc pas de changer le visage des BTS, mais au contraire de préserver leur identité en leur donnant les moyens de répondre aux nouveaux défis auxquels ils aujourd'hui confrontés, à commencer par le premier d'entre eux, qui est celui de la réussite des étudiants.
Cette ambition, nous la partageons tous. J'en veux pour preuve le nombre de projets reçus, leur qualité, leur cohérence aussi avec les objectifs de la rénovation. La plupart mettent l'accent sur deux thèmes : l'accompagnement personnalisé, notamment des bacheliers professionnels, et l'accueil en réorientation d'étudiants inscrits en licence, en DUT ou en 1ère année d'études de santé à l'issue du 1er semestre. Accompagner les étudiants les plus fragiles, décloisonner les formations, l'enjeu est le même dans les deux cas. Il consiste à individualiser les parcours afin de permettre à chacun de trouver sa voie et d'accéder au diplôme et à l'emploi.
Alors, bien sûr, il a fallu faire des choix. Sur les 175 projets transmis par les recteurs, 65 ont été retenus au terme d'une instruction menée par les services de la DGESIP et de la DGESCO, en lien avec l'Inspection générale de l'éducation nationale. Je tiens à les remercier pour ce travail exigeant et délicat, qui a permis de faire émerger les projets les plus aboutis et de garantir leur mise en oeuvre dans les meilleures conditions. La démarche même d'expérimentation implique en effet un suivi et une évaluation par les équipes elles-mêmes et les corps d'inspection, sur lesquels je compte pour les aider à mettre en oeuvre dans chaque académie les actions proposées et pour en tirer les enseignements nécessaires à leur généralisation.
La rénovation des BTS, vous l'avez compris, c'est un ensemble d'actions concrètes, portées par les établissements eux-mêmes. C'est pourquoi j'ai souhaité inviter quatre porteurs de projets à présenter celles qu'ils mèneront demain dans leur lycée. Je les remercie d'autant plus chaleureusement d'avoir accepté cette invitation que certains d'entre eux ont interrompu leurs vacances pour être avec nous aujourd'hui.Source http://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr, le 1er mars 2011