Interview de Mme Nadine Morano, ministre de l'apprentissage et de la formation profesionnelle, à RMC le 16 février 2011, sur la polémique autour du voyage de Mme Michèle Alliot-Marie en Tunisie.

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Média : Emission Forum RMC FR3 - RMC

Texte intégral

J.-J. Bourdin.- Notre invitée ce matin, N. Morano. Bonjour.
 
Bonjour.
 
J'ai vu que vous devenez conseiller politique à l'UMP, non ?
 
Non, je suis déléguée générale, moi, en charge...
 
Non, non, ah bon ? Déléguée générale ! Oui, déléguée générale.
 
Je suis en charge des élections.
 
Je confonds avec... oui, je confonds. Bon, N. Morano, dites-moi, l'éthique en politique, est-ce essentiel ?
 
Oui, je le pense évidemment, bien sûr, mais comme dans tous les métiers, non ?
 
Oui, on est bien d'accord.
 
Même l'éthique en journalisme...
 
On est bien d'accord, N. Morano.
 
L'éthique en médecine. Je pense que l'éthique, ça vaut pour toutes les professions.
 
Bon. Ça vaut pour M. Alliot-Marie ?
 
Ça vaut pour M. Alliot-Marie, comme tous les responsables politiques.
 
A-t-elle failli ?
 
Je ne dirais pas qu'elle a failli. Je dirais que, malheureusement, elle est partie à un mauvais moment en Tunisie : c'est le seul reproche au fond qu'on peut lui faire...
 
Oui, elle est partie.
 
A-t-elle commis quelque chose d'illégal ? Non. A-t-elle influencé la diplomatie française par rapport à ce qui se passait en Tunisie ? Non.
 
Enfin, elle a eu une conversation avec le président Ben Ali, qui était au pouvoir à ce moment-là, dont on ne connaît pas la teneur ; est-ce que vous aimeriez connaître la teneur de cette conversation ?
 
Ah bon. Écoutez, si vous voulez savoir la teneur de la conversation, il conviendrait d'inviter M. Alliot-Marie.
 
Oui, on est bien d'accord.
 
Voilà ! Voilà, on est bien d'accord.
 
Et elle est invitée d'ailleurs.
 
Donc voilà, donc, moi, je ne peux pas vous parler d'une conversation que je n'ai pas ni vue ni entendue.
 
Mais pourquoi alors a-t-elle caché certaines choses, pourquoi a-t-elle menti, notamment dans sa rencontre sur le tarmac ?
 
Non, non, non, mais non.
 
Avec l'avion de ce milliardaire tunisien...
 
Écoutez, écoutez. Elle a parlé de cet homme d'affaires avec qui elle a des liens d'amitié depuis de nombreuses années, voilà, comme beaucoup...
 
Et commerciaux, à travers ses parents. Là, on vient de l'apprendre.
 
Et commerciaux, à travers ses parents, mais vous savez, beaucoup de Français aussi font des transactions en Tunisie : il n'y a rien d'illégal sur ce sujet, mais rien. Et d'ailleurs, pour avoir lu l'article de ce journal satyrique, même si je ne suis pas là pour en faire le commentaire...
 
Oui, Le Canard Enchainé...
 
Je m'aperçois de quoi, que cette transaction était engagée depuis longtemps. Donc ses parents ont réglé cette transaction à ce moment-là, mais engagée depuis longtemps. Donc comme beaucoup de Français, ses parents ont eu des négociations commerciales dans ce pays.
 
Mais elle n'a rien dissimulé à vos yeux. Elle aurait pu tout dire, non ? Expliquer pourquoi, tout de suite. Expliquer pourquoi elle était là-bas justement, pour accompagner ses parents dans le cadre de cette transaction, justement, pour aller à la rencontre de ce milliardaire tunisien, justement, non.
 
Mais je pense...
 
On aurait pu connaître la vérité tout de suite, non, N. Morano ?
 
Mais écoutez, je pense que d'abord, elle y allait pour assister.
 
Au lieu de laisser Le Canard Enchaîné nous dévoiler chaque semaine un nouveau pan de ce voyage.
 
Mais qu'est-ce qu'il y a dans ce pan de voyage : que ses parents étaient avec elle : cela, on le savait déjà. Qu'ils aient terminé une transaction financière, engagée depuis longtemps... Voilà, elle était partie en vacances. Pendant ses vacances, se sont passés ces événements, je crois que...
 
On n'est plus ministre des Affaires étrangères lorsqu'on représente la France, même en vacances ?
 
Ah, non, mais quand on est ministre, Monsieur Bourdin, on l'est 24h sur 24, et 365 jours sur 365.
 
Oui, elle l'était là ou pas ?
 
Du premier jour au dernier. Elle l'était. Mais, écoutez...
 
Vous-même, vous avez même dit : je ne serais pas partie en Tunisie.
 
Mais voilà...
 
Si j'avais été ministre des Affaires étrangères, vous l'avez dit, N. Morano !
 
Ah, mais, je ne vais pas répéter 36 fois la même chose. Je crois que le président de la République, comme...
 
Vous regrettez de l'avoir dit ou pas ?
 
Je ne regrette pas ce que j'ai dit, non, certainement pas.
 
Bon, alors, eh ben alors...
 
D'ailleurs, je précisais aussi que l'hiver, je pars faire du ski. Pour ma part, mais bon, je suis skieuse, bon, voilà.
 
Bon, ben, oui, vous partez faire du ski, vous, et vous restez ministre pendant que vous partez faire du ski ?
 
Mais bien sûr, et je ne débranche jamais. Voilà, donc je suis toujours joignable, et je pense qu'un ministre peut se reposer, peut se détendre, mais ne doit jamais se couper de ses responsabilités politiques, jamais. Voilà. Donc ensuite, encore une fois, je le répète, on ne peut rien lui reprocher d'illégal : elle n'a pas engagé un euro du contribuable français, elle n'est pas intervenue dans la diplomatie tunisienne et modifié la position de la France. Elle est partie à un mauvais moment.
 
Oui, elle ignorait ce qui se passait en Tunisie à ce moment-là, donc...
 
Non, c'est-à-dire qu'il se passait des choses en Tunisie.
 
Elle n'a pas engagé la diplomatie, ça, c'est sûr.
 
Non, il se passait évidemment des événements en Tunisie, mais dont personne, à ce moment-là, ne pouvait présager de l'ampleur et de la rapidité vers laquelle on allait aller, vers ce changement de régime.
 
Il suffisait d'écouter RMC. Depuis un mois, nous avions des témoignages venus de Tunisie nous expliquant ce qui se passait là-bas.
 
Oui, et que monsieur Ben Ali allait partir en avion, ça, tout le monde...
 
Pas que monsieur Ben Ali allait partir en avion, mais que la révolte grondait.
 
Bon, alors, voilà, alors, Monsieur Bourdin, voilà, stop !
 
N. Morano...
 
Je crois que là-dessus, là-dessus, je ne vais pas en rajouter.
 
N. Morano, il n'y a pas stop, il suffit d'écouter.
 
Non, mais je ne vais pas en rajouter.
 
Moi, je vous fais écouter les témoignages si vous voulez.
 
Mais, mais, écoutez.
 
Je les ai à votre disposition.
 
Mais entre les témoignages de personnes qui disent ce qui se passe des événements, comme dans beaucoup d'autres pays, mais...
 
Eh oui, oui, est-ce qu'on part en Tunisie au moment où ces événements se déroulent quand on est ministre des Affaires étrangères... !
 
Mais Monsieur Bourdin.
 
Sans en parler et sans s'attarder sur ce qui se passe justement.
 
Monsieur Bourdin, je crois qu'elle a eu l'humilité de dire que si c'était à refaire, voilà, elle ne serait pas partie.
 
Elle ne le referait pas, bon.
 
Je crois aussi que le président de la République a dit aussi à TF1, puisque je l'ai écouté avec beaucoup d'attention, que s'il en avait discuté avec elle, il lui aurait conseillé de ne pas y aller. Donc voilà, je pense que cette affaire est close maintenant, et qu'il faut en tirer les conséquences. D'ailleurs, ça a été fait au précédent Conseil des ministres mercredi dernier.
 
Mais, oui, mais tirer les conséquences, c'est quoi tirer les conséquences, N. Morano...
 
Puisque le président de la République a demandé aux membres de son gouvernement de privilégier, d'une part, la France comme destination de villégiature, et que si...
 
C'est-à-dire que vous n'avez plus le droit de partir en vacances à l'étranger ?
 
Non, je viens de vous dire de privilégier la France.
 
De privilégier la France.
 
Ça ne veut pas dire que nous n'avons plus le droit de partir à l'étranger. Ceci étant, lorsque nous souhaiterons partir à l'étranger, eh bien, on en réfèrera aussi au Secrétaire général du gouvernement.
 
Vous demanderez l'autorisation pour les ministres.
 
Pour être sûr que... par exemple, moi, je ne suis pas en charge des Affaires étrangères, donc je n'ai pas les mêmes informations s'agissant de la diplomatie ou de ce qui se passe dans d'autres pays. Donc je trouverais normal, et je trouve normal qu'on fasse attention lorsqu'on est ministre de la République aux événements extérieurs sur lesquels on serait amené à rencontrer des événements comme celui-là.
 
L'affaire Cassez, F. Cassez. N. Morano, le Mexique ne veut pas participer à l'année du Mexique, parce que cette année du Mexique est dédiée à F. Cassez. Vous comprenez cette position mexicaine ou pas ?
 
Moi, ce que je comprends, c'est la mobilisation du président de la République et de beaucoup de Français, aux côtés de F. Cassez.
 
Oui, mais je vous demande si vous comprenez cette réaction mexicaine.
 
Oui, mais moi, c'est votre question, mais moi, c'est ma réponse, et ma réponse...
 
Vous ne répondez pas à ma question.
 
Mais moi, je vous réponds à votre question comme j'ai envie de vous répondre. Donc la réponse que je vous donne sur cette question-là, c'est de vous dire : je comprends vraiment la mobilisation et la détermination du président de la République et de beaucoup de Français et des parlementaires qui l'ont démontrées encore hier, vraiment à prendre conscience que nous ne pouvons pas laisser tomber une de nos compatriotes qui se retrouve incarcérée au Mexique. Donc, on voit qu'il y a eu, soi-disant, des vices de procédure judiciaire là-bas dont on sait que le vrai noeud de cette histoire est la difficulté, puisque la tradition veut que quand un de nos compatriotes est condamné à l'étranger : soit il est jugé en France lorsqu'il a commis des actes à l'étranger ; soit il est jugé en France, par convention ; soit, lorsqu'il est jugé, il est transféré en France pour purger sa peine. La vérité de ce qui se passe avec F. Cassez, c'est que, il n'y a pas au Mexique l'équivalent de la perpétuité. Vous savez qu'elle a été condamnée à soixante ans de prison là-bas.
 
Tout à fait.
 
Et que chez nous, nous n'avons pas cette ampleur de condamnation : mais nous avons le dispositif de la perpétuité, et comme il n'y a pas l'équivalence, eh bien, c'est ce qui pose problème avec le Mexique. Donc évidemment, le président de la République est totalement mobilisé, et quel parent, Monsieur Bourdin, je vous le demande, quel parent ne peut pas se satisfaire et être rassuré de savoir que le président de la République française met toute sa détermination et son énergie à ramener en France notre compatriote française.
 
Mais au-delà de l'émotion, au-delà de l'émotion.
 
Mais ce n'est pas que de l'émotion, c'est une justice !
 
Non, non, mais au-delà de l'émotion, enfin, c'est une justice, la justice mexicaine a tranché. Moi, même si ce jugement est très contesté, même si l'enquête est très contestée...
 
Mais elle est Française, Monsieur Bourdin, elle est Française.
 
Même si... Mais alors, imaginons l'inverse.
 
C'est une de nos compatriotes, Monsieur Bourdin...
 
Imaginons l'inverse, si un mexicain était condamné en France, que ferions-nous ?
 
Eh bien, nous aurions aussi une discussion avec la diplomatie pour voir quelle équivalence de peine cette personne pourrait purger dans son pays. Il convient de respecter évidemment...
 
Si le Mexique dédiait une année Mexique/France à ce condamné mexicain en France, que dirions-nous ?
 
Eh bien, nous dirions d'abord qu'il faut regarder de part et d'autre les faits : regarder s'il y a eu dysfonctionnements et comprendre que lorsqu'on a un compatriote qui est condamné à l'étranger, il est tout à fait normal et naturel que le pays se mobilise. Et d'ailleurs, s'agissant de cette affaire particulière, j'entends qu'il est question d'enlèvement. Je n'ai pas toutes les pièces pour juger du fond du dossier. Je constate simplement que F. Cassez est une de nos compatriotes : elle est Française, ses parents sont dans le désespoir. Il est de notre devoir à tous d'être solidaires de notre compatriote qui a été condamnée pour enlèvement, pour enlèvement, à soixante ans de prison. Eh bien, que l'on puisse avoir - et c'est tout l'objet de l'entretien qu'aura N. Sarkozy au téléphone avec son homologue mexicain, de trouver vraiment, au bout de cinq ans, Monsieur Bourdin, une solution pour arriver à faire revenir F. Cassez chez nous. Alors, le problème, c'est ça : perpétuité, pas perpétuité. Soixante ans contre perpétuité. Soixante ans contre une autre condamnation, Voilà. F. Cassez est Française, et nous sommes solidaires de ses parents, de sa famille, et de sa condition.
 Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 1er mars 2011