Texte intégral
J.-M. Aphatie.- Bonjour, M.-A. Montchamp.
Bonjour, Jean-Michel Aphatie.
Vous avez partagé jusquà lautomne dernier les combats de lancien Premier ministre, D. de Villepin, et vos chemins divergent aujourdhui. Vous êtes entrée au Gouvernement, il y a trois mois, alors que D. de Villepin a annoncé hier quil quittait lUMP. "Jestime", a-t-il dit, "quil y a un décalage croissant entre les idées qui sont défendues par lUMP et les Français". Comprenez-vous, M.-A. Montchamp, sans forcément lapprouver ce que veut dire D. de Villepin quand il parle de décalage croissant ?
Moi ce que jobserve cest quil y a un décalage, en effet, entre un courant que D. de Villepin a voulu porter et le fonctionnement dune Majorité.
Quest-ce que cest ce décalage ?
Ce décalage, il est sans doute justifié par une analyse récente des sondages.
Ah uniquement ça !
Cest vrai que quand on est au-dessous de la barre des cinq points et quon est, par ailleurs, un homme dÉtat, cest difficile dimaginer que les idées dune république des solidarités puissent être cantonnées sur 2% à 5% dans les sondages. Le décalage, il est là parce quau bout du compte, dans la famille majoritaire, cette idée des solidarités, elle est présente. Elle doit vivre de la même manière que doit vivre de manière, je dirais, très, très volontariste, le courant important des gaullistes sociaux.
En fait, D. de Villepin, si on décrypte ce que vous dites M.-A. Montchamp, camoufle son échec en quittant lUMP à grand fracas ?
En tout cas, moi jy vois la mise en place dune forme de bouclier, dune forme de protection.
Il a échoué D. de Villepin, dans son parcours ?
Les idées nont pas échoué...
... Non, mais lui ?
Non, il ny a pas de chemin pour ces idées-là hors de la Majorité présidentielle. Elles en sont une des constituantes importantes. Elles ne peuvent pas prospérer dans un centre bizarre, improbable, qui na rien à voir avec lengagement de D. de Villepin qui a été lhomme de lONU.
Cest la haine de N. Sarkozy qui lui fait claquer la porte de lUMP, aujourdhui ?
Je crois quil y a une hésitation tactique à ce moment-là pour République Solidaire...
... Je reprends ma question, excusez-moi : est-ce que cest la haine de N. Sarkozy qui lui fait quitter lUMP aujourdhui ? Est-ce que cest quelque chose de très personnel ?
Je ne veux pas limaginer. Ça nest pas du niveau des idées que lon peut porter, surtout dans la période qui est celle que nous vivons aujourdhui avec la situation internationale qui interpelle tous les Français.
Vous pensez quil prépare sa candidature pour 2012 en faisant ça ?
Personnellement, je ne vois pas comment cela peut préparer la candidature de 2012 ! Cest plutôt un éloignement de mon point de vue.
De votre point de vue !"Décalage croissant", donc disait D. de Villepin. Vous-même, vous avez exprimé un décalage avec le discours de N. Sarkozy, voire avec ce qui est le coeur du discours de N. Sarkozy. Le 31 juillet à Grenoble, le président de la République avait prononcé un discours assez dur sur limmigration établissant un lien entre immigration et insécurité, prônant une déchéance de nationalité pour les naturalisés de fraîche date qui se seraient rendus coupables dun meurtre dun représentant des Forces de lordre. Cela, vous lavez violemment critiqué à lépoque. Depuis, évidemment, les critiques nexistent plus puisque vous êtes au Gouvernement. Et maintenant, le président de la République veut lancer un peu dans cette lignée-là, de problèmes que peut poser limmigration un débat sur lIslam ? Quel est votre point de vue sur le fait quaujourdhui, le président de la République veuille quen France on débatte de la place de lIslam en France ?
Le débat est indispensable dans la république, indispensable pour la démocratie...
... Le débat, en général, ou ce débat-là en particulier ?
Le débat en général ...
Non, non, je vous interroge sur ce débat-là, en particulier ?
Et celui-là fait partie des débats indispensables. Quand on a...
Cest quoi le débat ? De quoi doit-on débattre ?
On doit parler de la capacité dune république laïque, à comprendre ce quest la deuxième religion de France.
Parce quil vous semble quon ne la comprend pas ?
En tout cas, il me semble que quand on laisse le silence sinstaller, cest lintégrisme que lon entend.
Soyons précis.
Et ça, cest une mauvaise chose, cest un mauvais coup porté à nos compatriotes.
Vous ne comprenez pas lIslam, aujourdhui, vous, M.-A. Montchamp ?
Ma question nest pas de savoir si je comprends lIslam ou pas. Ma question est de savoir comment dans une république laïque faite de diversités, on arrive à organiser la place de chacun pour la cohésion sociale.
Mais cest un problème aujourdhui, puisque lIslam est devenue la 2ème religion de France. Ça fait cinquante ans que lIslam est présent en France.
Moi jai entendu, J.-M. Aphatie jai entendu comme beaucoup de Français et comme beaucoup de nos auditeurs, énormément de questions, énormément dangoisses...
Lesquelles ?
Ce sont celles que M. Le Pen aujourdhui relaient, ça nest pas possible de rester sur ce terrain-là. Moi jobserve que quand on parle de leuthanasie, par exemple, quand on parle du bébé médicament, quand on parle des cellules souches embryonnaires, on sait questionner la religion catholique. Je ne vois pas, au nom de quoi, au nom de quelle peur, au nom de quel débat quon ne voudrait pas conduire, on renoncerait à porter ce débat-là, on peut le faire avec lapaisement de la laïcité.
Ce que lon ne comprend pas puisque vous êtes chargée de la cohésion sociale et que certains, P. Devedjian ou bien encore hier et elle est présente, aujourdhui dans le Figaro, C. Boutin, pensent que ceci peut attenter à la cohésion sociale. Ce que lon ne comprend pas, ce sont les questions que vous, vous posez à propos de lIslam ? Et si vous pouviez vous en formuler une ou deux, on serait heureux de le comprendre.
Ce nest pas les questions à propos de lIslam, cest des questions à propos de la place des religions dans une république laïque.
Je suis désolé, le débat cest lIslam en France.
La question des lieux de culte, pour nos compatriotes est une question quen France, on a résolu depuis très longtemps pour les catholiques avec un certain nombre dhésitations et derrements. Ça na pas toujours été simple. Il faut remonter pour ça à la période révolutionnaire. Ne refaisons pas lhistoire mais ça na pas toujours été facile. Aujourdhui, la question se pose pour la pratique cultuelle de nos compatriotes musulmans, deuxième religion de France.
Ah, il ny a pas assez de mosquées, il faut en construire.
Abordons les choses de manière apaisée ; mais débattons de ces sujets parce quil semble, naturellement, quils intéressent nos compatriotes.
Il faut courir après le Front national parce que M. Le Pen vous fait peur, cest ça ?
Certainement pas courir après lui ! Certainement pas laisser le Front national dicter les termes du débat !
Cest ce qui se passe.
Nous avons dans notre Majorité la possibilité de.
Vous lavez dit tout à lheure.
De faire sortir ces éléments du débat. Cest ce que nous faisons au sein de la famille majoritaire et pour ma part, en portant lidée dune république des solidarités, je souscris à ce besoin de débat. Il y a trop de pays, aujourdhui, qui pour avoir renoncé au débat, se retrouvent dans des situations de souffrance indicibles. On les constate dans lactualité.
"On va stigmatiser", dit P. Devedjian, des Français qui sont Musulmans". Vous ne pensez pas que ça peut porter atteinte à la cohésion sociale ?
Quelle drôle dintention ! Quelle drôle didée ! Certainement pas, la deuxième religion de France, on peut en parler de manière apaisée depuis la république laïque.
Un autre dossier semble avoir décider D. de Villepin à claquer la porte de lUMP, cest le naufrage de la diplomatie française devant les crises arabes. Partout dans les journaux aujourdhui, ce matin, est évoqué le remplacement de M. Alliot-Marie. Y a-t-il un problème M. Alliot-Marie, au gouvernement, M.-A. Montchamp ?
Il ne mappartient pas de parler de ça. Moi je suis dans ce Gouvernement, je suis donc solidaire de lensemble de ses membres. Cest une question qui ne relève que du Président de la république et que du Premier ministre ; mais je dirais quau moment où les temps sont difficiles, où la question de la diplomatie intéresse tous les pays européens qui doivent trouver un chemin : celui du soutien à ses économies fragilisées, celui de la compréhension, de la souffrance des peuples, ça nest pas le moment de balancer les cartes à la figure des uns et des autres, cest le moment de se rassembler. Ca, cest notre gaullisme qui nous le dit. Cest le rassemblement dans les moments difficiles, il ny a que ce chemin-là.
On vous entend M.-A. Montchamp. Mais rassemblement, cest un peu un mot langue de bois, on dira !
Personnellement, moi je ne le crois pas. Je ne crois quà la coopération. Je crois quon ne réussit et cest souvent le drame des hommes et femmes politiques que lisolement, on ne réussit quensemble, on ne réussit que par le rassemblement et la coopération des hommes et femmes de bonne volonté.
D. de Villepin est isolé ?
Je ne voudrais pas quil le reste trop longtemps.
Donc, sil ne faut pas quil le reste, cest quil lest.
Source : Premier ministre, Service dInformation du Gouvernement, le 4 mars 2011