Texte intégral
A. Kara.- Bonjour L. Chatel, merci dêtre avec nous ce matin. Bonjour A. Kara. Alors avant dattaquer le dossier principal lÉducation, jaimerais brosser avec vous un peu lactualité et notamment la situation en Libye. Aujourdhui, on a vu que le pays est divisé, que la répression est toujours aussi sanglante. On parle maintenant de chiffres qui vont jusquà 1.000 morts. Est-ce que la diplomatie française doit encore hausser le ton ? Est-ce quelle doit aller plus loin ?
Le président de la République la fait hier au Conseil des ministres puisquil a eu loccasion de dire que la situation en Libye était absolument inacceptable. Et il a appelé lUnion européenne à travailler sur des sanctions vis-à-vis de la Libye. Ce qui se passe est absolument inacceptable, inadmissible, intolérable vis-à-vis du peuple libyen, vis-à-vis de lensemble de la communauté internationale : donc nous nous devons de réagir face à ça.
Quand on parle de crime contre lhumanité, vous pensez que tout ça peut aller finalement au bout du compte devant la justice internationale ?
Nous verrons exactement. Malheureusement nous ne savons pas exactement ce qui se passe en Libye. Nous avons quelques images, nous avons quelques témoignages, mais nous ne savons pas encore ce qui se passe dans le détail. Nous savons quil y a un mouvement populaire, laspiration dun peuple à la liberté, et puis quen face nous avons une répression absolument sanglante. De quelle nature est-elle exactement ? Malheureusement, cest lavenir qui nous le dira.
D. de Villepin doit voir aujourdhui le président de la République. Hier, il a annoncé quil ne renouvellerait pas son adhésion à lUMP. Est-ce que cest la suite logique des choses, est-ce que vous le regrettez ?
Je nai pas à commenter particulièrement le non renouvellement de ladhésion de D. de Villepin à lUMP. Finalement cest un petit peu laboutissement dune démarche personnelle et cest peut-être une mise en cohérence avec ce à quoi on a constaté, ce à quoi on a assisté depuis quelques mois. D. de Villepin a fondé son mouvement. Il a expliqué depuis quelques mois quil nétait pas vraiment en phase avec les prises de position de lUMP, il en tire les conséquences. Je nai pas de commentaire particulier à en tirer.
Deux sondages très récents, là au cours des deux derniers jours, prospective sur la présidentielle, donnent un écart assez faible au premier tour entre M. Le Pen et N. Sarkozy. Cest de lordre de 4 ou 5 points, cest-à-dire cest la zone de danger, quest-ce quil faut faire pour contrer M. Le Pen aujourdhui ?
Je ne connais pas une élection présidentielle où un an avant lélection on ait connu le résultat de lélection. Pire. Le favori des sondages na jamais été celui qui a été élu un an après, donc il faut rester calme par rapport à cela. Nous avons une situation actuelle qui est difficile, parce que la crise économique nest pas tout à fait derrière nous, les conséquences de la crise économique sont encore présentes vis à vis des Français et donc on sait très bien que les gouvernements partout en Europe, on la vu en Allemagne avec les élections partielles, même sils ont des résultats en matière économique, vis-à-vis de lopinion, ils sont parfois dans des situations difficiles. Maintenant lorsque la campagne va démarrer, je crois que les cartes seront complètement rebattues et je pense que N. Sarkozy, la majorité, ont des atouts à faire valoir par rapport à la situation actuelle.
Un débat sur lIslam, cest vraiment opportun maintenant ?
Je pense quun débat sur les valeurs de la République, cest important. La façon dont nous devons nous positionner aujourdhui dans une République laïque et moderne vis-à-vis des mouvements religieux, cest un vrai débat de société.
Alors pour revenir sur le dossier qui nous intéresse, lÉducation, un rapport du CAS, un organisme rattaché à Matignon, est assez alarmiste. Il vient de déclarer que la France est bonne dernière de lOCDE pour lencadrement des élèves, avec un encadrement de 6,1 professeurs pour 100 élèves, cest dramatique, non ?
Non, mais je conteste cette analyse et cette étude parce que ça ne veut absolument rien dire de comparer un taux dencadrement à la maternelle et à luniversité et davoir une moyenne globale. Je vous prends un exemple : en France, nous avons dans lenseignement primaire une spécificité, cest que lÉducation nationale se charge de la pédagogie, donc des enseignants, et les collectivités territoriales se chargent du personnel daccompagnement, ce quon appelle les ATSEM et apportent un certain nombre de ressources humaines complémentaires qui ne sont absolument pas calculées et intégrées dans cette étude. Donc cette étude ne veut pas dire grand-chose, et les moyennes générales ne veulent pas dire grand-chose. Ce qui est important et il faut bien le dire aux Français au moment où on parle beaucoup de la préparation de la rentrée scolaire, cest quà la rentrée prochaine, la rentrée de septembre 2011, il y aura plus de professeurs dans le système éducatif quil y en avait il y a 15 ou 20 ans. Donc les moyens, ils sont là. La question des moyens aujourdhui à lÉducation nationale, je vais peut-être vous surprendre, nest pas forcément la question la plus importante, les moyens ils sont là. Nous consacrons 21 % du budget de la nation à lÉducation nationale, cest lun des seuls budgets qui augmente et la France continue à investir plus que ses voisins en matière éducative. Le problème, cest la capacité du système éducatif à répartir les moyens au bon endroit et à faire plus pour les élèves qui ont plus de difficultés et cest ce que nous faisons dans la politique que jengage aujourdhui dans ce ministère.
Oui mais L. Chatel, est-ce que léducation publique est une administration comme une autre ? Est-ce quon peut appliquer forcément cette règle du non renouvellement dun départ sur deux également dans léducation publique ?
N. Sarkozy avait été très clair en la matière, il sy était engagé. Je rappelle que cest un non remplacement dun départ en retraite sur deux, qui a une conséquence, cest que la moitié des économies réalisées permettent de mieux rémunérer les professeurs. Nous avons augmenté le 1er septembre dernier tous les professeurs en début de carrière de 10 %. Quel est le pays qui a augmenté ses enseignants dun tel montant cette année ? Ça veut dire quun professeur certifié débutant cette année, il gagne 157 euros net par mois de plus que son prédécesseur lannée dernière. Cest un effort absolument considérable. Ensuite le rôle de lÉducation nationale, cest dêtre capable de sadapter, cest dêtre capable de mettre en place des politiques innovantes. Cette année par exemple nous mettons le 1er avril en place une politique de lutte contre le décrochage scolaire qui va permettre davoir une réponse individuelle à chaque élève qui rencontre des difficultés, cest une vraie nouveauté. Nous sommes capables de faire plus et donc dagir avec discernement dans un environnement budgétaire contraint.
N. Sarkozy, il y a quelques semaines a promis une remise à plat de la formation des enseignants, vous en êtes où ?
Nous avons réformé la formation des enseignants, en allongeant dune année cette formation initiale. Aujourdhui les enseignants sont recrutés au niveau master, cest-à-dire bac + 5, et je pense que ça aussi cest un signal fort que nous adressons aux enseignants, quils soient mieux formés avant de se retrouver dans la classe. Nous avons un sujet qui est celui de la formation pratique, cest-à-dire il y a la formation à luniversité, la formation théorique. Il faut dabord bien maîtriser les mathématiques pour être un professeur de mathématiques, mais il faut aussi être capable de maîtriser linformatique en situation.
Oui cest laffaire du DVD, vous donniez des DVD pour aider les professeurs.
Cest une caricature le DVD, cétait un complément...
Mais cest une réalité également.
Au stage de formation, cest-à-dire que nous avons mis en place, et ça, ça nexistait pas auparavant. Il faut arrêter didolâtrer la formation initiale qui existait dans les IUFM. Je nai pas le sentiment que les professeurs étaient particulièrement bien préparés à cette époque. Nous avons mis en place de vraies nouveautés, par exemple un stage à la tenue de classe, pour quun jeune professeur débutant qui arrive dans un établissement difficile, il était préparé, il sache comment on peut tenir sa classe, lorganiser. Cest une vraie nouveauté et pour lannée prochaine nous travaillons actuellement, jai reçu la semaine dernière le président de la Conférence des présidents duniversité pour que nous puissions regarder comment mettre en place des masters en alternance, pour quon regarde comment dans le premier degré, travailler sur des masters pluridisciplinaires, cest-à-dire que les jeunes étudiants soient mieux préparés à affronter la réalité de la classe lorsquils sont professeurs stagiaires.
Vous allez recevoir les syndicats sur ce sujet ?
Alors je reçois les syndicats régulièrement et cest effectivement un sujet...
La concertation a commencé là ?
La concertation a commencé avec mes collaborateurs, et je dois voir prochainement les organisations syndicales pour évoquer cette question avec eux.
Très vite, dans le Calvados, il y aura désormais un système de bonus malus notamment pour les établissements qui provoquent trop de redoublements ? Est-ce que vous pensez que cest une bonne chose et est-ce que ça va être généralisé à lensemble de la France ?
Je pense que cest une bonne chose que nous réfléchissions à réduire le nombre de redoublements. Vous avez aujourdhui environ 40 % des élèves qui passent le baccalauréat qui ont redoublé au moins une fois dans leur scolarité, est-ce que ça leur a apporté un plus, un bonus ? La réponse malheureusement est non. Donc nous avons commencé à réduire le nombre de redoublements. Aujourdhui, sur 100 élèves qui entrent en Seconde, il y en a environ 30 % qui ont redoublé au moins une fois. Il y en avait 50 % il y a 20 ans, donc on a commencé à le faire. Je pense quil faut aller encore en améliorant ce dispositif, il ne faut pas non plus supprimer complètement le redoublement. Il y a des redoublements qui peuvent être utiles où lélève peut mûrir, lélève peut repartir et être accompagné et on lui donne quelque part une deuxième chance, mais le système qui a consisté à faire du redoublement la solution par rapport aux difficultés scolaires na pas porté ses fruits. Je crois plutôt à un soutien scolaire, à un accompagnement personnalisé tout au long de la scolarité et cest ce que nous mettons en place.
Donc cette mesure a vocation à être généralisée dans lensemble de la France ?
Non, elle na pas vocation à être généralisée, cest une initiative qui a été prise par lInspection dacadémie du Calvados, mais dans le cadre dune politique qui oui, vise à plutôt réduire le nombre de redoublants.
Source : Premier ministre, Service dInformation du Gouvernement, le 4 mars 2011