Texte intégral
Messieurs les directeurs des services de renseignement,
Madame la directrice de l'Académie du renseignement,
Mesdames et messieurs,
C'est pour moi un honneur et un plaisir de venir lancer cette deuxième session de formation de l'académie du renseignement, quelques mois après son inauguration par le Premier ministre.
Par le poids financier et humain des 3 services qui lui sont rattachés parmi les 6 qui composent la communauté du renseignement, le ministère de la défense est un contributeur essentiel à l'effort fait par notre pays pour se doter des moyens de connaître et d'anticiper les menaces qui pèsent sur nos intérêts.
Votre présence dans cette enceinte, avec la variété de vos origines, est un signe tangible des progrès que nous avons réalisés en moins de deux ans en matière de rapprochement de nos services et d'optimisation de nos capacités.
Ces progrès sont à la hauteur des défis qui s'offrent à nous et auxquels vous aurez à faire face dès votre sortie de cette maison.
S'il n'y a plus de menace à nos frontières, il n'y a plus, vous le savez, de frontière aux menaces.
A quelques encablures de nos côtes, des territoires immenses sont en proie à l'instabilité ; si nous pouvons en espérer des changements démocratiques, cette situation fait courir des risques importants à nos ressortissants et à nos intérêts.
7 de nos compatriotes sont aujourd'hui retenus en otage ; je veux ici avoir une pensée toute particulière pour eux et pour leurs familles, qui font preuve d'un grand courage. Les services de renseignement sont en première ligne pour obtenir leur libération rapide.
Plusieurs organisations terroristes appellent à frapper la France, dont ils rejettent la civilisation et les valeurs.
Malgré les sanctions internationales, plusieurs pays poursuivent leurs programmes proliférants et les trafics d'armes prospèrent dans toutes les zones à risque.
Nos systèmes d'information, devenus des piliers de notre économie et de notre sécurité, sont l'objet d'attaques récurrentes et toujours plus sophistiquées.
De façon plus générale il nous est devenu indispensable, en l'absence de grands blocs de comprendre en profondeur la situation politique de chacun des pays de l'arc de crise pour en prévoir les évolutions, qui sont parfois très rapides.
Face à cette situation, l'Etat a marqué un effort soutenu pour préserver et améliorer notre capacité d'appréciation autonome de situation, condition essentielle pour pouvoir prévenir et contrer les menaces éventuelles :
Au-delà des 4 fonctions stratégiques classiques (prévention, dissuasion, protection et intervention), le Livre Blanc sur la Défense et la Sécurité Nationale a identifié une cinquième fonction, la connaissance et l'anticipation, que l'Etat a décidé de placer au premier plan.
Cet effort est tangible en matière de ressources :
Alors que la réforme générale des politiques publiques nous a conduit à réduire nettement le nombre des agents civils et militaires de l'Etat, les effectifs des services sont préservés ; certains croissent.
La France a choisi de se doter des moyens de recueil technique qui lui permettront de conserver une appréciation de situation autonome dans tous les domaines. Je n'ignore pas que ces projets sont confrontés aux réalités de notre situation budgétaire, mais nous nous employons à maintenir le cap et à trouver des aménagements.
Il est aussi et surtout tangible en matière d'organisation. Des progrès considérables ont été faits en un peu moins de 3 ans.
La création d'un conseil du renseignement, présidé par le Président de la République, assure la cohérence de nos efforts et la mise en uvre d'une véritable stratégie, dont l'illustration est le Plan National d'Orientation du renseignement, actualisé une fois par an.
La mise en place d'un coordonnateur national du renseignement constitue une avancée majeure en matière de regroupement des responsabilités. Les services disposent ainsi d'une tutelle claire, parfaitement assumée par le pouvoir exécutif, sous le contrôle d'une délégation parlementaire au renseignement. Elle est porteuse de synergies dont certaines sont encore à venir, mais nous en voyons d'ores et déjà les fruits.
Avec la création de la DCRI, nous avons gagné en prévention des menaces qui pèsent sur notre sécurité intérieure et nous avons facilité les échanges entre les services de police et les autres administrations.
Les échanges entre les services se multiplient, à travers la participation à des groupes thématiques et la mutualisation de certaines capacités.
Nous pouvons encore mieux faire. Il nous faut notamment, en matière de gestion des ressources humaines, faire effort pour doter les services des compétences nécessaires dans le respect des statuts en vigueur, et pour dynamiser les échanges à travers la mobilité des individus entre les services.
Au sein du ministère de la défense, nous avons connu une réforme en profondeur de l'encadrement supérieur de la DGSE, qui devrait à court terme permettre d'attirer vers cette institution de nouvelles élites.
Nous avons encore à faire pour améliorer le recrutement et la gestion des personnels affectés à la DRM et à la DPSD, en faisant face aux exigences des nouveaux théâtres d'opération. Nous nous y employons.
Nous gardons à l'esprit, enfin, la nécessité de protéger nos agents des risques qu'ils encourent en cas de divulgation de leur identité. La nouvelle LOPPSI prévoit des peines plus sévères en cas d'atteinte à votre anonymat professionnel.
L'un des enjeux de fond de cette réforme, enfin, est de combattre des pudeurs déplacées, qui nuisent à la bonne marche de l'Etat : si le besoin d'en connaître doit rester une règle d'or de votre métier, nous ne devons pas accepter qu'un défaut de coordination et d'échange fasse courir des risques à notre pays et à nos concitoyens. Vous savez que ce réflexe Gaulois peut avoir des implications très néfastes. L'information doit donc être partagée entre tous ceux à qui elle est utile.
Ces réformes sont porteuses de progrès importants, dont certains sont déjà visibles :
La coordination entre services de différents ministères traduit la continuité entre Défense et Sécurité nationale que nous impose la nouvelle donne stratégique.
Cette rationalisation de nos services est saluée par nos alliés. Nous gagnons actuellement en qualité des échanges avec les Services d'autres grandes puissances, notamment les Etats-Unis, et notre expertise de certaines zones géographiques est reconnue.
Nous sommes légitimes pour accompagner la réforme du renseignement de l'OTAN et la mise en place de structures européennes dédiées, dans lesquelles votre génération aura un rôle à jouer.
D'ores et déjà, vous devez vous préparer à la guerre de l'information dans laquelle vous serez engagés dès la fin de votre formation.
En complément des formations délivrées par vos services respectifs, la formation que vous recevrez à l'Académie du renseignement vous permettra d'acquérir d'emblée une vision d'ensemble et de nouer des relations qui vous serviront tout au long de vos carrières. C'est une chance que vous devez mesurer.
Je remercie votre directrice et son équipe d'avoir, sur la lancée de la mission de préfiguration, tenu les délais de mise en uvre de ses recommandations et mené à bien une première session de formation dès septembre dernier.
A terme, et pour répondre aux attendus de sa création, cette académie pourra constituer un point de convergence dans vos carrières et un lieu de partage des expériences au profit de l'ensemble de la communauté du renseignement.
Au cours des semaines à venir, je vous encourage à mettre à profit votre proximité pour mesurer et comprendre la complémentarité de vos différents métiers : que vous participiez à la protection de nos intérêts sur le territoire national au sein de la DCRI ou de la DNRED, à la lutte contre le blanchiment au sein de TRACFIN, au renseignement extérieur au sein de la DGSE, à l'appui et à la protection de nos forces en opération au sein de la DPSD ou de la DRM, vos métiers se recoupent souvent. Vos statuts, vos histoires sont différentes, mais vos cultures sont proches et vous contribuez tous à la capacité d'anticipation de la France.
On dit que le métier que vous faites est un métier de seigneurs. J'y vois au moins deux raisons :
Vous serez, dès le temps de paix, en guerre contre ceux qui cherchent à nuire à nos intérêts et à menacer la sécurité de nos concitoyens. De votre efficacité dépendra la préservation de notre civilisation et la limitation des conflits dans lesquels nous serons engagés.
Vous devrez allier des qualités très rares et très précieuses : le courage intellectuel et parfois physique, l'intégrité et l'honnêteté absolues, l'intelligence de situation et enfin l'humilité, car votre mérite sera rarement connu.
Notre pays compte sur vous pour donner le meilleur de vous-mêmes et faire preuve du plus grand professionnalisme dans le combat que j'ai décrit. De votre engagement, de votre disponibilité permanente, je dirai même de votre saine inquiétude, dépendront beaucoup. L'Etat doit savoir pour comprendre et comprendre pour décider et agir.
Le gouvernement, avec l'ensemble des administrations, s'emploiera à ce que vous puissiez exercer votre métier dans les meilleures conditions possibles, en tirant tous les bénéfices des réformes qu'il a engagées.
Source http://www.defense.gouv.fr, le 16 mars 2011
Madame la directrice de l'Académie du renseignement,
Mesdames et messieurs,
C'est pour moi un honneur et un plaisir de venir lancer cette deuxième session de formation de l'académie du renseignement, quelques mois après son inauguration par le Premier ministre.
Par le poids financier et humain des 3 services qui lui sont rattachés parmi les 6 qui composent la communauté du renseignement, le ministère de la défense est un contributeur essentiel à l'effort fait par notre pays pour se doter des moyens de connaître et d'anticiper les menaces qui pèsent sur nos intérêts.
Votre présence dans cette enceinte, avec la variété de vos origines, est un signe tangible des progrès que nous avons réalisés en moins de deux ans en matière de rapprochement de nos services et d'optimisation de nos capacités.
Ces progrès sont à la hauteur des défis qui s'offrent à nous et auxquels vous aurez à faire face dès votre sortie de cette maison.
S'il n'y a plus de menace à nos frontières, il n'y a plus, vous le savez, de frontière aux menaces.
A quelques encablures de nos côtes, des territoires immenses sont en proie à l'instabilité ; si nous pouvons en espérer des changements démocratiques, cette situation fait courir des risques importants à nos ressortissants et à nos intérêts.
7 de nos compatriotes sont aujourd'hui retenus en otage ; je veux ici avoir une pensée toute particulière pour eux et pour leurs familles, qui font preuve d'un grand courage. Les services de renseignement sont en première ligne pour obtenir leur libération rapide.
Plusieurs organisations terroristes appellent à frapper la France, dont ils rejettent la civilisation et les valeurs.
Malgré les sanctions internationales, plusieurs pays poursuivent leurs programmes proliférants et les trafics d'armes prospèrent dans toutes les zones à risque.
Nos systèmes d'information, devenus des piliers de notre économie et de notre sécurité, sont l'objet d'attaques récurrentes et toujours plus sophistiquées.
De façon plus générale il nous est devenu indispensable, en l'absence de grands blocs de comprendre en profondeur la situation politique de chacun des pays de l'arc de crise pour en prévoir les évolutions, qui sont parfois très rapides.
Face à cette situation, l'Etat a marqué un effort soutenu pour préserver et améliorer notre capacité d'appréciation autonome de situation, condition essentielle pour pouvoir prévenir et contrer les menaces éventuelles :
Au-delà des 4 fonctions stratégiques classiques (prévention, dissuasion, protection et intervention), le Livre Blanc sur la Défense et la Sécurité Nationale a identifié une cinquième fonction, la connaissance et l'anticipation, que l'Etat a décidé de placer au premier plan.
Cet effort est tangible en matière de ressources :
Alors que la réforme générale des politiques publiques nous a conduit à réduire nettement le nombre des agents civils et militaires de l'Etat, les effectifs des services sont préservés ; certains croissent.
La France a choisi de se doter des moyens de recueil technique qui lui permettront de conserver une appréciation de situation autonome dans tous les domaines. Je n'ignore pas que ces projets sont confrontés aux réalités de notre situation budgétaire, mais nous nous employons à maintenir le cap et à trouver des aménagements.
Il est aussi et surtout tangible en matière d'organisation. Des progrès considérables ont été faits en un peu moins de 3 ans.
La création d'un conseil du renseignement, présidé par le Président de la République, assure la cohérence de nos efforts et la mise en uvre d'une véritable stratégie, dont l'illustration est le Plan National d'Orientation du renseignement, actualisé une fois par an.
La mise en place d'un coordonnateur national du renseignement constitue une avancée majeure en matière de regroupement des responsabilités. Les services disposent ainsi d'une tutelle claire, parfaitement assumée par le pouvoir exécutif, sous le contrôle d'une délégation parlementaire au renseignement. Elle est porteuse de synergies dont certaines sont encore à venir, mais nous en voyons d'ores et déjà les fruits.
Avec la création de la DCRI, nous avons gagné en prévention des menaces qui pèsent sur notre sécurité intérieure et nous avons facilité les échanges entre les services de police et les autres administrations.
Les échanges entre les services se multiplient, à travers la participation à des groupes thématiques et la mutualisation de certaines capacités.
Nous pouvons encore mieux faire. Il nous faut notamment, en matière de gestion des ressources humaines, faire effort pour doter les services des compétences nécessaires dans le respect des statuts en vigueur, et pour dynamiser les échanges à travers la mobilité des individus entre les services.
Au sein du ministère de la défense, nous avons connu une réforme en profondeur de l'encadrement supérieur de la DGSE, qui devrait à court terme permettre d'attirer vers cette institution de nouvelles élites.
Nous avons encore à faire pour améliorer le recrutement et la gestion des personnels affectés à la DRM et à la DPSD, en faisant face aux exigences des nouveaux théâtres d'opération. Nous nous y employons.
Nous gardons à l'esprit, enfin, la nécessité de protéger nos agents des risques qu'ils encourent en cas de divulgation de leur identité. La nouvelle LOPPSI prévoit des peines plus sévères en cas d'atteinte à votre anonymat professionnel.
L'un des enjeux de fond de cette réforme, enfin, est de combattre des pudeurs déplacées, qui nuisent à la bonne marche de l'Etat : si le besoin d'en connaître doit rester une règle d'or de votre métier, nous ne devons pas accepter qu'un défaut de coordination et d'échange fasse courir des risques à notre pays et à nos concitoyens. Vous savez que ce réflexe Gaulois peut avoir des implications très néfastes. L'information doit donc être partagée entre tous ceux à qui elle est utile.
Ces réformes sont porteuses de progrès importants, dont certains sont déjà visibles :
La coordination entre services de différents ministères traduit la continuité entre Défense et Sécurité nationale que nous impose la nouvelle donne stratégique.
Cette rationalisation de nos services est saluée par nos alliés. Nous gagnons actuellement en qualité des échanges avec les Services d'autres grandes puissances, notamment les Etats-Unis, et notre expertise de certaines zones géographiques est reconnue.
Nous sommes légitimes pour accompagner la réforme du renseignement de l'OTAN et la mise en place de structures européennes dédiées, dans lesquelles votre génération aura un rôle à jouer.
D'ores et déjà, vous devez vous préparer à la guerre de l'information dans laquelle vous serez engagés dès la fin de votre formation.
En complément des formations délivrées par vos services respectifs, la formation que vous recevrez à l'Académie du renseignement vous permettra d'acquérir d'emblée une vision d'ensemble et de nouer des relations qui vous serviront tout au long de vos carrières. C'est une chance que vous devez mesurer.
Je remercie votre directrice et son équipe d'avoir, sur la lancée de la mission de préfiguration, tenu les délais de mise en uvre de ses recommandations et mené à bien une première session de formation dès septembre dernier.
A terme, et pour répondre aux attendus de sa création, cette académie pourra constituer un point de convergence dans vos carrières et un lieu de partage des expériences au profit de l'ensemble de la communauté du renseignement.
Au cours des semaines à venir, je vous encourage à mettre à profit votre proximité pour mesurer et comprendre la complémentarité de vos différents métiers : que vous participiez à la protection de nos intérêts sur le territoire national au sein de la DCRI ou de la DNRED, à la lutte contre le blanchiment au sein de TRACFIN, au renseignement extérieur au sein de la DGSE, à l'appui et à la protection de nos forces en opération au sein de la DPSD ou de la DRM, vos métiers se recoupent souvent. Vos statuts, vos histoires sont différentes, mais vos cultures sont proches et vous contribuez tous à la capacité d'anticipation de la France.
On dit que le métier que vous faites est un métier de seigneurs. J'y vois au moins deux raisons :
Vous serez, dès le temps de paix, en guerre contre ceux qui cherchent à nuire à nos intérêts et à menacer la sécurité de nos concitoyens. De votre efficacité dépendra la préservation de notre civilisation et la limitation des conflits dans lesquels nous serons engagés.
Vous devrez allier des qualités très rares et très précieuses : le courage intellectuel et parfois physique, l'intégrité et l'honnêteté absolues, l'intelligence de situation et enfin l'humilité, car votre mérite sera rarement connu.
Notre pays compte sur vous pour donner le meilleur de vous-mêmes et faire preuve du plus grand professionnalisme dans le combat que j'ai décrit. De votre engagement, de votre disponibilité permanente, je dirai même de votre saine inquiétude, dépendront beaucoup. L'Etat doit savoir pour comprendre et comprendre pour décider et agir.
Le gouvernement, avec l'ensemble des administrations, s'emploiera à ce que vous puissiez exercer votre métier dans les meilleures conditions possibles, en tirant tous les bénéfices des réformes qu'il a engagées.
Source http://www.defense.gouv.fr, le 16 mars 2011