Texte intégral
Monsieur le Président,
Monsieur le Préfet,
Mesdames et Messieurs,
Je suis particulièrement heureux de vous accueillir ici, à Marseille, dans l'hôtel de la Préfecture, pour la première session du Conseil scientifique du Musée des Civilisations de l'Europe et de la Méditerranée.
Le projet qui vous rassemble, nous l'avons placé, Catherine Tasca et moi-même, au premier plan de nos priorités.
Les raisons de notre engagement sont simples :
La première, c'est notre souhait de voir le Musée National des Arts et Traditions Populaires -Centre d'Ethnologie Française- créé sous l'impulsion de Georges Henri Rivière par le Front Populaire, occuper dans le paysage culturel français la place éminente qui lui revient.
Cette place, c'est naturellement celle d'un grand lieu de questionnement et d'appropriation du savoir sur la société, sur l'Europe et l'espace méditerranéen qui ont dessiné et dessinent encore ensemble les traits de nos civilisations, à partir des témoignages matériels qu'en livrent l'archéologie, l'histoire et l'ethnographie.
Nous vivons aujourd'hui une véritable crise de conscience. Notre inquiétude face au brouillage de nos repères culturels - la mondialisation, le métissage - et face à l'élargissement de l'échelle de nos systèmes de solidarité - la grande ville, l'Europe - s'alimente des multiples déracinements que nous subissons. Pour mieux comprendre et pour vivre notre engagement citoyen, nous avons besoin d'interroger les sciences de l'homme et de la société.
Dans cette quête difficile, un musée "de civilisation" - on a aussi parlé, depuis une dizaine d'années, de musées "de société" - est un atout précieux. Donnant à voir des objets témoignant des connaissances, des techniques, de l'économie, mais aussi des représentations collectives, des croyances, des valeurs qui se sont succédées dans la passé et marquent encore notre présent, le musée est un outil privilégié de la mémoire des peuples modernes, mémoire sans laquelle la construction de l'avenir est impossible.
C'est le lieu par excellence, par son caractère à la fois comparatif et synthétique, de la relativisation des identités et de la compréhension de leur genèse, ainsi que de l'ouverture aux valeurs de l'altérité sans lesquelles il n'est pas de tolérance ni de paix.
La France, vous le savez tous, est un pays excessivement centralisé. Ce qui est vrai en général ne l'est pas moins dans le domaine culturel, où la concentration des grandes institutions à Paris est particulièrement visible. Les musées nationaux, par exemple, sont en très grande majorité implantés en Ile-de-France, et en tous cas les plus importants d'entre eux, ceux qui bénéficient du statut de "grands départements patrimoniaux", le sont tous. Aussi, lorsque se pose la question d'un nouvel investissement lourd de l'Etat, il convient de s'interroger pour savoir si une implantation ailleurs qu'à Paris n'est pas préférable pour l'institution elle-même. Quel qu'ait été le choix de localisation du musée, le coût aurait été très élevé.
Je n'hésite pas à dire que Marseille choisie par Catherine Trautmann nous est apparu un choix meilleur que tout autre pour le Musée des Civilisations de l'Europe et de la Méditerranée, et le Centre de recherches du CNRS qui lui est associé.
Vous allez, au cours de ce colloque, mieux connaître cette ville dont on vous redira l'importance historique, et que l'on vous présentera comme le lieu emblématique du contact avec l'Orient et de la fertilisation réciproque de cultures diverses mais parentes. Vous visiterez aussi le site du futur musée, magnifique belvédère sur cette grande ville pluriculturelle et sur la mer pourvoyeuse d'humanités sans cesse renouvelées comme de richesses commerciales. Vous constaterez sûrement, comme j'ai pu le faire de mon côté, la profonde convergence qui existe entre le contenu prévu pour le musée, le site et la ville.
Dès lors, pourquoi ne pas proposer, première "délocalisation" culturelle de cette importance, le transfert du Musée National des Arts et Traditions Populaires transformé en Musée des Civilisations de l'Europe et de la Méditerranée, de Paris à Marseille ?
Marseille, justement, qui prend aujourd'hui un nouveau souffle, une nouvelle attractivité avec le dynamisme de ses musiques métissées, de ses arts de la rue, avec ses implantations économiques actives dans le domaine des nouvelles technologies, avec le raccourcissement de ses liaisons vers le reste de l'Europe - quatre heures trente pour Bruxelles par le TGV
Les Collectivités territoriales concernées, Conseil Régional Provence-Alpes-Côte d'Azur avec son Président Monsieur Michel Vauzelle, Conseil Général des Bouches-du-Rhône avec son Président Monsieur Jean-Noël Guérini, Ville de Marseille avec son Maire Monsieur Jean-Claude Gaudin, ainsi bien sûr que l'Etablissement Public Euro-Méditerranée avec son Président Monsieur Renaud Muselier ont, dès l'émergence du projet, exprimé leur très grand intérêt, et j'ai plaisir à les en remercier à nouveau ici.
Bâtir un projet aussi innovant n'est pas chose facile, et je suis heureux que vous ayez accepté de nous faire bénéficier de vos critiques et de vos avis. Le Conseil scientifique que vous formez, sous la présidence de Messieurs Joaquim Païs de Brito et Christian Bromberger, est très précieux pour nous. Il permettra à la fois d'être plus assurés dans la démarche scientifique et culturelle puis muséographique, que nous avons entreprise. Mais il nous permettra aussi, nous l'espérons, d'amorcer les féconds partenariats internationaux qui nous paraissent nécessaires, jusque dans les préalables du projet.
Que serait, en effet, un tel musée si les chercheurs et les conservateurs français ne collaboraient pas avec leurs homologues de l'immense aire territoriale choisie, en termes de recherche, d'acquisitions patrimoniales, de prêts de collections, de publication, de réseaux documentaires, d'expositions et d'action culturelle et sociale ? Si des complémentarités n'étaient pas recherchées,, thématiques, chronologiques, méthodologiques ?
C'est de tout cela, et de bien d'autres sujets encore, dont vous allez vous entretenir durant ces deux journées, démarches qui seront poursuivies jusqu'à l'ouverture du nouveau musée-centre de recherche que nous souhaitons, Catherine Tasca et moi-même, pour 2008, ce qui n'est pas un délai excessif pour une pareille tâche.
Je vais maintenant donner la parole à Michel Colardelle, initiateur du projet et animateur de l'équipe du MNATP-CEF (Musée national des Arts et Traditions Populaires - Centre d'Ethnologie Français) qui en assure la conception et en prépare la réalisation avec l'aide de la Direction des Musées de France, de l'Etablissement Public et Maître d'Ouvrage des Travaux Culturels ainsi que des services de la Préfecture de Région et de la Direction Régionale des Affaires Culturelles. Mais je voudrais auparavant vous exprimer ma profonde gratitude, sachant combien votre temps est précieux et vos charges lourdes.
Je sais aussi que la plupart d'entre vous avez exprimé votre enthousiasme pour notre projet, ce qui est évidemment un gage de succès pour une première session que je vous souhaite féconde et chaleureuse.
(source http://www.culture.gouv.fr, le 4 mai 2001)