Déclaration de Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l'industire, sur le rôle des experts comptables dans le soutien aux petites et moyennes entreprises, Paris le 9 mars 2011.

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Circonstance : Discours devant Conseil supérieur de l'Ordre des experts comptables, à Paris le 9 mars 2011

Texte intégral

Madame la Présidente du Conseil Supérieur de l’Ordre des Experts-Comptables, Agnès BRICARD,
Monsieur le Commissaire général à l’investissement, Cher René RICOL,
Cher Joseph ZORGNIOTTI,
Mesdames, Messieurs les Présidents,
Mesdames et Messieurs les élus du Conseil supérieur,
Mesdames, Messieurs,
Votre élection, chère Agnès BRICARD, n’est pas seulement symbolique, elle n’est pas non plus le fruit du hasard ; elle rend honneur à toute votre profession et fait briller un peu plus la « marque comptable » que vous venez de décrire.
Le premier message que je souhaite vous adresser, c’est que les entreprises, et tout particulièrement les TPE, ont besoin de vos conseils. La diversité de vos missions et votre proximité avec elles font de vous les partenaires privilégiés de plus d’un million et demi d’acteurs économiques. Je tiens à rendre hommage à votre profession, au niveau d’exigence dont vous faites preuve chaque jour auprès de vos clients.
Cet investissement personnel et professionnel se retrouve naturellement dans la confiance que vous accordent chaque jour des dirigeants d’entreprises, petites et grandes. Je voudrais d’ailleurs vous remercier particulièrement pour l’appui apporté par l’ensemble de la profession à la bonne compréhension d’une réforme importante que j’ai menée l’année dernière, la suppression de la Taxe professionnelle. Nous pouvons être fiers d’avoir supprimé un impôt –fait trop rare dans notre pays !, un impôt mal compris de surcroît. Je sais que grâce à votre mobilisation, les entreprises comme les collectivités territoriales ont mieux perçu l’intérêt de cette réforme, ses enjeux et la façon dont elle s’applique à eux. Pour tout cela, je vous remercie.
La confiance, c’était aussi la relation que nous avions développée avec le Président ZORGNIOTTI et qui guidera sans nul doute nos échanges, chère Agnès BRICARD. Vous êtes un soutien précieux pour les entreprises et pour le rétablissement de l’économie. Sans pêcher par excès d’optimisme, j’ai d’ailleurs quelques raisons de croire au retour durable de la croissance : parce que notre économie crée de la richesse –la croissance devrait continuer sa route en 1er trimestre, le marché du travail crée des emplois, avec une baisse encourageante 19.300 demandeurs d'emplois sans activité enregistrés en moins en janvier; et la confiance des entreprises, après avoir atteint un pic en janvier, s’est maintenue à ce niveau en février.
Je considère essentielle, dans ce cadre, la contribution des experts-comptables : essentielle pour accompagner les TPE et les PME ; pour empêcher l’asphyxie de l’économie ; et contribuer à la réussite des réformes du Gouvernement.
Depuis trop d’années notre économie a laissé s'accumuler des archaïsmes réglementaires et des bizarreries administratives. Cela avait fait le régal des juristes, mais le désespoir des entrepreneurs. J’ai le souci constant de simplifier les mesures qui mènent parfois la vie dure aux dirigeants des petites entreprises, c’est un combat de chaque instant.
Dans le maquis juridique existant, les entreprises seraient bien vite perdues si elles ne disposaient pas de guides aguerris, et je n’ignore pas que parmi ces guides, vous êtes au nombre des plus sûrs et de ceux dont les compétences sont les plus unanimement reconnues.
Les PME ne sont d’ailleurs pas les seuls à compter sur vous : pour l’administration aussi, qu’il s’agisse de l’administration fiscale ou des organismes sociaux, vous êtes des intermédiaires irremplaçables, sans qui de nombreux textes resteraient inappliqués ; et vous êtes aussi, bien souvent, les premiers à identifier les difficultés et les premiers à proposer les moyens de les résoudre. Le ministre chargé de l’Economie et des Finances mesure ce rôle dans les moments de prospérité économique comme dans les périodes difficiles.
Moi qui scrute en permanence le moindre frémissement de la croissance, je suis convaincue qu’une action volontariste des experts-comptables vaut quelques dixièmes de points de PIB.
Je pense, en particulier, à votre participation au dispositif de la Médiation du Crédit, en tant que tiers de confiance. Aujourd’hui, sa réussite, c’est aussi la vôtre. Je salue l’action de René RICOL –l’un des vôtres– qui en a été le dynamique organisateur, suivi de Gérard RAMEIX. Le Gouvernement a décidé la prolongation de la médiation du crédit de 2 ans, car c’est un dispositif qui fonctionne : depuis son lancement en 2008, près de 14 000 entreprises ont été confortées dans leur activité par Médiation du crédit, permettant de préserver 233 000 emplois en France.
Avec la médiation, nous avons inventé une forme d’administration du 21ème siècle, fonctionnant en réseau, proche du terrain, facile d’accès, pragmatique, s’appuyant sur l’ensemble des services de l’Etat et les directions locales de la Banque de France mais aussi les organisations socioprofessionnelles et les réseaux consulaires, capitalisant ainsi sur les forces vives de notre pays. Des synergies nouvelles sont nées, une chaine de solidarité économique intelligente s’est constituée. Pourquoi intelligente ? Parce que nous demandons à chacun de prendre plus de risques, d’être solidaire mais sans méconnaître l’impératif de compétitivité internationale.
Nous sortons d’une crise financière d’une ampleur jamais connue depuis la 2nde guerre mondiale. Pour y faire face, nous avons agi avec force et détermination. Pour éviter que le rationnement du crédit ne mette en péril l’ensemble de nos entreprises, de nos emplois et de notre richesse, nous avons adopté en moins de 5 jours le plan français de soutien au financement de l'économie. Grâce à ce plan, nous avons assuré la stabilité de nos banques, garanti les dépôts des clients et évité que l'économie ne soit asphyxiée par un resserrement aveugle du crédit. J'ajoute que cela n'a rien coûté à l'Etat et donc au contribuable. Au contraire, ce plan leur a rapporté car l'argent prêté aux banques l'était aux conditions du marché.
Il est vrai que la crise a considérablement ralenti l’évolution des crédits aux PME indépendantes [l’évolution en glissement annuel en crédits mobilisés et mobilisables passe d’environ 11% au premier semestre 2007 à 0,79% en octobre 2009], mais sans affecter la valeur des encours de crédit. Depuis la fin de l’année 2009 la croissance est progressive et régulière et s’établit à + 3,6% en décembre 2010 [en glissement annuel]. C’est la preuve que toutes ont joué le jeu et c’est un signe évident de la solidarité intelligente, en particulier par rapport à certains de nos partenaires européens.
Toutefois, nous nous manquons de statistiques sur les crédits de moins de 25 000€, une somme qui peut être parfois vitale pour une TPE, s’il s’agit de l’acquisition d’une machine, de l’agrandissement d’un local. J’ai demandé au Médiateur du crédit, à la Banque de France et à la Fédération bancaire française de me faire des propositions pour mieux connaître ces crédits et leur évolution.
La proposition de loi pour favoriser l’accès au crédit des PME a prévu l’obligation pour les banques de motiver les refus de crédit à la demande de l’entreprise. C’est une bonne mesure. Je vous encourage à engager les entreprises à recourir à ce dispositif.
Madame la Présidente, vous êtes également membre de l’Observatoire du financement des entreprises voulu par le Gouvernement pour dresser un diagnostic partagé par l’ensemble des acteurs entreprises, banques et plus généralement l’ensemble de l’écosystème dont vous faites partie en appui des TPE et des PME.
J’ai entendu vos attentes et votre volonté que nous travaillions collectivement pour faciliter l’accès au crédit des TPE. Je vous annonce que j’ai demandé au Médiateur du crédit, Gérard RAMEIX, de me présenter un rapport d’ici 3 mois sur l’accès au crédit des TPE et de me proposer (i) les mesures permettant une meilleure connaissance des crédits aux TPE (ii) un bilan des mesures prises pour améliorer l’accès au crédit des TPE et de me faire des propositions précises et opérationnelles à court terme.
Mon engagement en faveur en petites entreprises n’est ni neuf ni fortuit.
Vous savez que c’était l’un des vœux du Président de la République, faire de la France une terre d’entrepreneurs, et la crise lui a donné raison. De ce point de vue, on peut dire que le bilan de l’année 2010 est positif :
- jamais autant d’entreprises n’auront été créées en France, 622 000 dont 360 000 auto-entrepreneurs ;
- jamais leur quotidien n’aura été autant simplifié grâce aux Assises de la simplification lancées par Frédéric LEFEBVRE en décembre 2010 et qui se tiennent actuellement en régions pour converger au plan national mi avril.
- jamais ces audacieux créateurs n’auront autant été protégés, grâce au statut de l’EIRL qui permet aux entrepreneurs individuels d’affecter à leur activité un patrimoine professionnel distinct de leur patrimoine personnel.
Désormais, en cas de défaillance, l’entrepreneur ne sera responsable que sur le patrimoine affecté à son activité. La création de l’EIRL vient répondre à la principale préoccupation des 1,5 million d’entrepreneurs en nom propre.
C’est un outil simple et souple, et nous envisageons la création de 100 000 EIRL avant la fin 2012, par la création d’entreprises nouvelles et par la transformation d’entreprises individuelles pré-existantes. Sur ce dernier point, je serai attentive à ce que les derniers textes d’application –la circulaire fiscale en particulier, permettent effectivement aux entrepreneurs individuels d’accéder facilement à ce nouveau statut protecteur de leur patrimoine privé.
La finance doit être au service de l’économie réelle et les PME sont au cœur de l’économie réelle. Vous, les experts-comptables, qui en mesurez chaque jour le pouls, le savez mieux que personne : si aujourd’hui les banques ne prêtaient plus, demain les PME cesseraient de se développer, et après-demain elles licencieraient. C’est donc sur ce tissu vital des petites et moyennes entreprises que nous devons concentrer nos efforts. Les fortes incertitudes peuvent conduire les banques à devenir plus averses au risque et réticentes à prêter de l’argent, même à des PME par ailleurs solides.
Dans vos domaines d’expertises, vous le savez, le retour de la confiance, de la transparence et de la responsabilité sont au cœur des enjeux du G20 depuis un an. Nous avons commencé à mettre en œuvre des réformes radicales pour lutter contre les causes de la crise et transformer le système de régulation financière mondiale. Des progrès substantiels ont été accomplis pour intensifier la surveillance prudentielle, améliorer la gestion du risque, renforcer la transparence, promouvoir l’intégrité des marchés, instituer des collèges de superviseurs et renforcer la coopération internationale. Mais vous le savez, il reste du chemin à parcourir pour que demain la finance ne représente plus un risque pour l’économie mondiale, mais devienne son alliée.
Je vous remercie.
Source http://www.minefe.gouv.fr, le 16 mars 2011