Interview de M. Eric Besson, ministre de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique, à "France 2" le 17 mars 2011, sur la gestion par le Japon de l'accident nucléaire, sur l'aide de la France et les débats sur l'avenir du nucléaire en France.

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Média : France 2

Texte intégral

ROLAND SICARD On va évidemment revenir sur ce qui est en train de se passer au Japon, on a le sentiment que les heures qui viennent vont être des heures cruciales.

ERIC BESSON Vous avez entièrement raison, elles sont cruciales. C’est une espèce de course contre la montre entre un processus qui est engagé, de réacteurs en fusion ou de combustibles usagés en fusion parce qu’ils ne sont pas suffisamment refroidis et l’action très très volontariste en utilisant tous les moyens du bord des autorités japonaises pour essayer de refroidir ces réacteurs, de remplir ces piscines dans lesquelles sont des combustibles, parce que ce qui est crucial, c’est qu’il ait de l’eau en permanence pour refroidir les structures de confinement ou la piscine pour les combustibles usagés.

ROLAND SICARD Solutions qui paraissent quand même un petit peu désespérées, on voit des hélicoptères, on voit des lances à eau.

ERIC BESSON Je ne sais pas si c’est désespéré, peut-être que l’objectif que vous utilisez est adéquat mais en même temps c’est indispensable, c’est la seule façon maintenant d’atténuer l’impact de ce qui est en train de se produire et donc nos amis japonais ont entièrement raison de tout faire pour essayer d’apporter de l’eau. J’entends ce matin qu’ils seraient même éventuellement en mesure de rétablir l’électricité sur la centrale et donc les réacteurs. Ca ce serait, je le mets vraiment au conditionnel parce qu’on ne sait pas si ils y arriveront, mais ce serait une excellente nouvelle parce que ça veut dire capacité de rétablir les circuits de refroidissement, or ce sont les circuits de refroidissement qui sont tombés en panne qui expliquent la catastrophe dans laquelle on est.

ROLAND SICARD Mais est-ce que ce qui se passe au Japon peut avoir des conséquences pires que celles qu’on a connu à Tchernobyl ?

ERIC BESSON Je ne sais pas, il faut le dire avec beaucoup de précautions. Ce sera une catastrophe de toute façon à l’évidence, ensuite il peut y avoir des échelles, dans le pire de pire des scénarios, oui, mais le pire n’est pas certain et quand l’action des hommes est aussi volontariste que celle à laquelle on assiste, moi je me garderais bien d’un pronostique de ce type.

ROLAND SICARD Est-ce que les Japonais n’ont pas tardé à demander l’aide internationale ?

ERIC BESSON Ecouter c’est une question légitime, mais deux choses.

ROLAND SICARD C’est un peu ce que dit Bruxelles. Invités du 17 mars 2011

ERIC BESSON Moi, j’aurais scrupule à le dire alors que d’abord c’est un peuple qui a fait preuve quand même d’un sang froid face à un tremblement de terre, un tsunami, une catastrophe nucléaire immense, qui est dans l’action, qui se bat de toutes ses forces, donc j’ai un peu de mal à m’exprimer sur le sujet. Et la deuxième chose, c’est qu’il faudrait avoir le retour d’expérience de ce qui s’est exactement passé. Mais en tout cas, cette aide internationale, elle leur est proposée, nous le leur avons proposé dès samedi après-midi, nos experts, et je vous annonce que ce matin à 11h00 un premier avion français va décoller avec à son bord 95 tonnes de bores, un élément chimique qui retarder le processus de fusion et nous allons donner aussi du matériel de radioprotection, un certain nombre d’éléments indispensables.

ROLAND SICARD Justement est-ce qu’il ne fallait pas envoyer ça plus tôt ?

ERIC BESSON Nous l’avons proposé, nos amis japonais ne l’ont pas estimé utile, ou n’ont pas eu le temps d’y répondre, je ne sais pas, seul le retour d’expérience permettra de le montrer. En tout cas l’heure n’est pas à la polémique même si le retour d’expérience sera nécessaire sur le sujet, l’heure est à l’action, toute la communauté internationale est mobilisée. Lundi à Bruxelles nous sommes convoqués par la présidence hongroise de l’Union, nous, les ministres de l’Energie et nous allons en parler. Mobiliser l’aide, c’est toujours possible. Deuxièmement nous mettre d’accords sur les tests de sûreté sur les centrales, comment allons nous faire des tests de sûreté en testant donc les capacités de nos centrales, lutte contre l’inondation, lutte contre les séismes et puis ce qu’on vient de voir, c'est-à-dire que se passe t-il lorsque les circuits de refroidissement peuvent être entamés. Et nous allons et je m’en réjouis pour la première fois pouvoir parler clairement de nouvelles normes. Vous savez que la France plaide pour qu’on aille vers ce qu’on appelle la génération 3, dans les centrales nucléaires, dans les réacteurs nucléaires, c'est-à-dire le degré le plus élevé de sûreté qui application pratique dans le cas japonais aurait permis même en cas de fusion du coeur de ne pas avoir d’émanation radioactive. La France qui se dote de cette génération 3 pour le futur va plaider pour des normes internationales et des normes de sûreté internationale.

ROLAND SICARD Mais est-ce qu’en attendant il ne faut pas arrêter, fermer les centrales les plus anciennes ?

ERIC BESSON Je ne le crois pas, il n’y a pas de raison objective puisque l’Autorité de Sûreté Nucléaire qui est en France une autorité indépendante, il faut le rappeler en permanence.

ROLAND SICARD Certains le contestent.

ERIC BESSON Mais non, honnêtement ce n’est pas contestable et c’est d’ailleurs reconnu. Moi, quand je rencontre les ministres de l’Industrie et de l’Energie étrangers, ils me disent en permanence, votre Autorité de Sûreté Nucléaire est probablement la plus exigeante au monde. Pourquoi ce qui est reconnu dans le monde entier, devons-nous nous auto-flageler et le Invités du 17 mars 2011 contester ? Elle est exigeante, elle amène d’ailleurs souvent EDF à des investissements très importants pour l’opérateur pour maintenir ce niveau de sûreté. Mais en même temps soyons honnêtes personne ne peut dire le risque zéro n’existe pas, il n’y aura jamais d’accident en France, c’est pourquoi le Premier ministre et le président de la République ont demandé un retour d’expérience sur nos centrales, c'est-à-dire nous allons tester un certain nombre d’éléments que je disais tout à l’heure.

ROLAND SICARD Les écologistes réclament un référendum sur le nucléaire, il n’en est pas question ?

ERIC BESSON Ecoutez, ça me parait d’abord totalement…

ROLAND SICARD Le choix nucléaire français ne sera pas remis en cause ?

ERIC BESSON D’abord ce choix, c’est un choix collectif depuis plus de 40 ans, de tous les gouvernements.

ROLAND SICARD Mais il n’y a pas eu de référendum dessus.

ERIC BESSON Deuxièmement 80 % de notre électricité est en France d’origine électronucléaire, ce qui est un atout, un atout en prix, un atout d’indépendance et un atout dans la lutte contre l’effet de serre, puisque c’est de l’énergie décarbonnée comme on dit. Qu’elle est la question ? Stopper toutes les centrales, personne n’y croirait. Sortir en longue durée, en biseau comme on dit, quelles conséquences économiques, financières, sociales, pouvoir d’achat, les Français ont une électricité 40 % moins chères, même s’ils estiment eux qu’elle est chère, nous Français on estime qu’elle est chère, mais elle est 40 % moins chère que dans le reste des pays européens. Est-ce que quelqu’un est prêt à dire aux Français, voilà on va augmenter de 40 à 50 % le prix de l’électricité, ce n’est pas crédible.

ROLAND SICARD Donc le référendum pas question ?

ERIC BESSON Selon moi pas question et deuxièmement il y a une échéance majeure qui est l’élection présidentielle qui permettra de le faire. J’ajoute un mot, la France a consacr?? beaucoup d’argent depuis 2007 à ces énergies renouvelables. Nous sommes contrairement à ce qu’on entend en avance sur le « grenelle de l’environnement », éolien, éolien offshore, photovoltaïque. Donc je crois qu’honnêtement le nucléaire est un socle pour l’électricité et en même temps nous avons développé nos énergies renouvelables.

Source : Premier ministre, Service d’Information du Gouvernement, le 18 mars 2011