Point de presse de M. Alain Juppé, ministre des affaires étrangères et européennes, sur la situation en Libye, notamment le commandement militaire de l'OTAN, et en Côte d'Ivoire, Luxembourg le 12 avril 2011.

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Circonstance : Réunion du Conseil Affaires étrangères-Conseil Affaires générales, à Luxembourg les 12 et 13 avril 2011

Texte intégral

Nous avons parlé essentiellement de la Libye et puis, à l'instant, de la Côte d'Ivoire. Sur la Libye, j'ai rappelé notre position : d'abord, maintenir la pression sur le régime de Kadhafi, bien sûr la pression militaire mais aussi la pression par les sanctions ; ensuite, améliorer l'aide humanitaire et je souhaite que l'Union européenne soit active dans ce domaine. Et puis, j'ai beaucoup insisté enfin sur la nécessité de favoriser le dialogue politique et de rechercher une solution politique. De ce point de vue, la présence de M. Djibril, qui représentait le Conseil national de transition, a été un signal marquant, un signal de reconnaissance vis-à-vis de ce Conseil. Je pense que l'exposé de M. Djibril et la façon dont il a répondu de manière très concrète, très franche, très détaillée à toutes les questions qui lui ont été posées a vraiment éclairé le Conseil. Vous savez que demain, à Doha, nous allons travailler à nouveau sur la manière de faciliter ce dialogue politique en Libye.
Deuxième point, la Côte d'Ivoire ; on vient d'en parler à l'instant. J'ai bien expliqué ce qui s'était passé et comment nous étions intervenus en soutien de l'ONUCI à la demande expresse du Secrétaire général des Nations unies. J'ai beaucoup insisté évidemment sur la nécessité, maintenant, de participer à la reconstruction de ce pays si gravement éprouvé depuis quatre mois. J'ai remercié l'Union européenne de son action humanitaire, par le biais de l'agence ECHO. Des engagements ont été pris, notamment en matière d'aide au développement. Le chiffre de 180 millions d'euros a été annoncé, ainsi qu'une action sur la démobilisation des troupes et donc une participation de l'Union européenne à la reconstruction de la Côte d'Ivoire. C'est donc, de ce point de vue là, une série de bonnes nouvelles.
Q - Monsieur le Ministre, pour maintenir la pression il faut des moyens militaires, l'OTAN répond qu'elle fait ce qu'elle peut avec les moyens qu'elle a …
R - Et notamment les moyens de la France puisque nous sommes le premier contributeur aujourd'hui. J'espère que d'autres pays vont venir nous relayer. L'OTAN a absolument voulu conduire cette opération sur le plan militaire. Eh bien voilà, maintenant nous y sommes et je fais donc confiance à M. Rasmussen pour réunir les moyens nécessaires. Il n'est pas acceptable que Misrata puisse demeurer sous le feu des bombardements des troupes de Kadhafi. Nous allons d'ailleurs en parler, vous le savez, jeudi et vendredi, puisque demain aura lieu à Doha la réunion du Groupe de contact sur la Libye, et jeudi une réunion ministérielle de l'OTAN à Berlin.
Q - Est-ce que cela veut dire qu'il faut frapper plus fort et prendre plus de risques éventuellement pour les populations ?
R - Plus de risques, certainement pas, mais exercer la pression militaire la plus efficace possible, comme c'est le cas depuis le début, c'est-à-dire sur des cibles militaires. Oui, il faut là-dessus être plus efficace. Quand on tire au canon sur Misrata, c'est qu'il y a bien des canons, qui doivent être localisables quelque part et qui peuvent donc être neutralisés.
Q - Vous attendez les Espagnols et les Italiens ?
R - Toutes les contributions sont les bienvenues. Les moyens sont déjà complétés par des contributions de plusieurs pays européens et de quelques pays arabes, comme vous le savez.
Q - Est-il encore possible d'engager le dialogue politique avec Kadhafi à Tripoli ?
R - C'est aux Libyens d'en décider. Il est clair, et cela a été réaffirmé par l'ensemble des ministres, que notre objectif est de mettre Kadhafi hors du jeu politique, parce que, en utilisant les méthodes qu'il a utilisées contre sa population civile, il s'est mis lui-même en dehors de toute légitimité et de toute légalité. Mais, je le répète, c'est aux Libyens d'organiser le dialogue politique comme ils l'entendent, en associant à ce dialogue non seulement le Conseil national de transition mais aussi la société civile et vraisemblablement les personnalités de Tripoli qui se rendent compte qu'il n'y a pas d'avenir possible à moyen terme avec Kadhafi.
Q - Est-ce que le Groupe de contact n'est pas en train de perdre une partie de son contrôle politique sur les opérations de l'OTAN au profit de l'OTAN ?
R - Je pense que c'est l'inverse…, il faut bien distinguer. Le Groupe de contact est là pour assurer la gouvernance politique et s'intéresser notamment à ce que je viens d'évoquer, c'est-à-dire la sortie de crise. C'est à l'OTAN de programmer, dans le cadre ses responsabilités, les opérations militaires ; ce n'est pas au Groupe de contact.
Q - Pensez-vous que l'Union européenne devrait ou pourrait envoyer des troupes au sol à Misrata pour aider…
R - Ah non ! Je ne le pense pas du tout, c'est exclu dès le départ, c'est en contradiction formelle avec la résolution 1973 du Conseil de sécurité. Il n'est donc pas question d'intervenir au sol en Libye.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 14 avril 2011