Interview de Mme Nadine Morano, ministre de l'apprentissage et de la formation professionnelle, à Europe 1 le 21 mars 2011, sur les résultats et l'analyse du deuxième tour de l'élection cantonale et la stratégie de l'UMP.

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Média : Europe 1

Texte intégral


 
 
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH La performance UMP dépasse sans doute vos craintes, est-ce que vous prenez ces résultats comme une alerte ou un avertissement déjà ?
 
NADINE MORANO Eh bien, quand on fait l’analyse historique de ce scrutin local, il mobilise peu. Vraiment très peu, et encore une fois le taux de participation nous démontre qu’il y avait une nécessité à faire la réforme des collectivités territoriales. Première chose. Deuxième chose…
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Alors ça console, ça console ?
 
NADINE MORANO Non, c’est une analyse objective. Deuxième chose, quand on regarde le score du Parti socialiste, il stagne totalement. Donc ce n’est pas une victoire de la gauche, qui n’a pas réussi, non plus à convaincre les électeurs.
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Mais dans le climat actuel, stagner c’est mieux que reculer comme l’UMP ?
 
NADINE MORANO C'est-à-dire que lorsque vous regardez les résultats de la majorité présidentielle, nous sommes en recul de 3,5 points. Ce n’est pas une victoire, il faut le dire, en toute humilité. Ce n’est pas une victoire, il faut en tirer les conséquences, mais en même temps la gauche ne parvient à pas convaincre. Alors il y a le Front national dont il convient d’observer que dans ces scrutins locaux, le Front national prend 3 points par rapport à 2004.
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Donc vous êtes satisfaite des résultats ?
 
NADINE MORANO Bien sûr que non, je ne suis pas satisfaite. On n’est jamais satisfait de voir que les gens ne se rendent pas aux urnes pour voter. Donc nous devons ré-intéresser les Français à la politique, même si les scrutins locaux, historiquement mobilisent peu.
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH En faisant quoi ! Les ré-intéresser ?
 
NADINE MORANO Les intéresser en expliquant beaucoup mieux, ce que nous faisons au gouvernement, c’est important. Je l’ai souvent dit, au titre de l’UMP, le parti majoritaire a deux vocations. Il a vocation à soutenir l’action du gouvernement, à être dans la pédagogie, l’explication et en même temps être sur le débat. C’est ça la vocation du parti majoritaire et nous devons en tirer les conséquences de mieux expliquer ce que nous faisons.
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Nadine MORANO, on a les explications qu’on veut, qu’on peut. Mais un des faits marquants, reste la poussée du Front national, elle est variable selon les régions et globalement nationale, mais qu’est-ce qu’elle révèle ? Et qu’est-ce qu’elle vous dit à vous ?
 
NADINE MORANO Elle révèle qu’évidemment, il y a un malaise dans notre pays et vous savez lorsqu’il y a une crise économique et financière, l’histoire aussi nous démontre que dans ces périodes difficiles, les extrêmes progressent. Et c’est une réalité. Mais je voudrais appeler, parce que moi, je pense qu’il faut parler aux électeurs qui votent pour le Front national.
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Mais vous ne l’avez pas fait encore ?
 
NADINE MORANO Il faut leur parler et leur dire qu’évidemment, nous prenons en compte, leur exaspération, leur difficulté et lorsque je vois le discours de Marine LE PEN qui appelle à la vague, la vague bleue marine, attendez, moi, j’entends plus dans le discours de Marine LE PEN, le chant des sirènes qui peut amener la France au naufrage. Et cette vague qui pourrait fracasser le pays, contre des rochers, ce n’est rien d’autre que ça ! Parce qu’il y a des…
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Mais il y a tant d’électeurs aveugles qui lui font confiance ? A elle ?
 
NADINE MORANO Ecoutez, il suffit de regarder monsieur ELKABBACH, très objectivement, sur les candidats présentés par le Front national, moi, dans mon département, d’ailleurs, j’ai le palmarès du candidat, on va dire le plus absurde qui soit, non pas la personne qu’il représente, mais sa candidature elle-même. 93 ans, une personne qui est, et d’ailleurs il s’appelle monsieur MARIN. Monsieur MARIN avait 15,5 % des voix, dans sa maison de retraite, sans aller faire campagne, en disant scrupuleusement, dans la presse que si par malheur, il venait à être élu, il n’irait même pas siéger…
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Mais pourquoi ? Parce qu’il avait une photo de Marine LE PEN ?
 
NADINE MORANO Au recto, sur toutes les professions de foie, des candidats du Front national, vous avez Marine LE PEN, le nom du candidat, c’est une armée de fantômes. Il y a tromperie sur la marchandise, et quand on regarde ces slogans racoleurs, à nous de dire que la politique c’est beaucoup plus complexe que ça, vous savez. Face à un constat simpliste, on ne peut pas apporter une réponse simpliste.
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Mais là, vous dites c’est l’annonce du pouvoir personnel ?
 
NADINE MORANO Je dis que Marine LE PEN est dans une stratégie de marketing. Quand vous regardez, quand on se dit proche des gens, vous ne présentez pas un candidat qui n’habite même pas dans le canton, que personne ne connait, qui ne se préoccupe pas de la situation des personnes âgées, des personnes handicapées, de la maison de retraite locale.
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Nadine MORANO, on a compris. Donc il faut faire barrage au Front national ?
 
NADINE MORANO Il ne faut surtout pas soutenir le Front national, c’est une réalité, parce que c’est une escroquerie politique, le Front national.
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Alors la stratégie, arrivons à la stratégie de Jean-François COPE pour le deuxièmement tour. Vous nous direz si c’est clair : ni alliance avec le Front national, ni Front républicain. Jean-François COPE laisse les électeurs libres de leur choix.
 
NADINE MORANO Oui, parce que chacun est responsable. On n’est pas propriétaire…
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Oui, est-ce que vous êtes d’accord ?
 
NADINE MORANO Bien sûr que je suis d’accord, parce que nous ne sommes pas propriétaires de la voix ces électeurs.
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Donc vous les encouragez à s’abstenir ?
 
NADINE MORANO Mais il y a plusieurs possibilités, monsieur ELKABBACH. Dans le message que nous délivrons, premièrement, pas de soutien au Front national, le message est très clair. Donc nous n’appelons pas à voter pour les candidats du Front national. Après il y a à regarder quel est le candidat que nous avons en face ? Les électeurs sont assez grands, assez matures…
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Donc c’est au cas par cas ? Au cas par cas ?
 
NADINE MORANO Mais c’est à eux, à se décider. Ils peuvent voter blanc, ils peuvent s’abstenir, ils peuvent voter pour le candidat du Parti socialiste, s’ils estiment qu’ils représentent leurs valeurs, c’est à eux, à choisir.
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Voilà, par exemple vous avez Manuel VALLS en face de vous, vous votez qui ?
 
NADINE MORANO Manuel VALLS, pour ma part, je voterai Manuel VALLS.
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Vous avez François HOLLANDE, vous votez qui ?
 
NADINE MORANO Mais attendez, monsieur ELKABBACH, Manuel VALLS, par exemple sur les sujets d’immigration et de sécurité est très proche de l’UMP. Donc nous partageons…
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Attendez, il est là, c’est lui, qui parlera tout à l’heure, pour lui-même.
 
NADINE MORANO Mais d’accord, non, mais vous m’interroger. Moi, je vous dis que sur ce cas, particulier, voilà quelle serait ma position. Après appeler à voter au niveau national, de manière générale, en ligne de conduite, à faire un Front républicain général et à voter, à appeler à voter pour le Parti Invités du 21/03/2011 Département Veille et Ressources d’informations – 01.42.75.54.58 10 socialiste, je dis non. Tout simplement, parce que le Parti socialiste et l’UMP ce n’est pas la même chose. Voilà !
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Vos dirigeants promettent d’exclure tout élu qui ferait alliance avec le Front national ? Est-ce qu’il faut la même exclusion pour qui vote, de l’UMP pour le PS ?
 
NADINE MORANO De qui vote pour l’UMP, pour l’PS ?
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Un l’UMP ! Un UMP qui dit comme Valérie PECRESSE : je voterai éventuellement pour le PS, est-ce qu’il faut l’exclure ?
 
NADINE MORANO Bien sûr que non ! Bien sûr que non ! Le Parti socialiste est un parti de gouvernement. Même s’il démontre que pour l’instant, il n’est pas en capacité d’apporter des réponses crédibles aux électeurs.
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Donc est-ce que vous mettez, pour qu’on soit, hors ambiguïté…
 
NADINE MORANO Non, je ne mets pas les deux dans le même panier. Voilà ! C’est très clair pour moi !
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Voilà, c’est clair ;
 
NADINE MORANO Mais je voudrais que le Parti socialiste fasse la même chose s’agissant de l’extrême gauche, voilà !
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Est-ce que vous ne pensez pas que Jean-François COPE….
 
NADINE MORANO Qui est aussi dangereuse pour la France.
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Et puis cette stratégie là, risque de la part de vos électeurs un double désaveu, que les gens votent pour le PS ou pour le Front national, quand ils sont à l’UMP ?
 
NADINE MORANO Non, je voudrais d’abord, monsieur ELKABBACH, je vous le dis en toute sincérité, que nos électeurs se mobilisent. Je sais que la situation est difficile, nos candidats sont engagés localement, on a eu à gérer au cours de ce quinquennat beaucoup de crises. Des crises internationales, on le voit encore aujourd’hui, avec la Libye…
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Mais c’est extraordinaire justement, vous avez raison, il y a des…
 
NADINE MORANO Des crises économiques et financières…
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Il y a des crises, il y a des guerres…
 
NADINE MORANO Oui, et il faut tenir le choc.
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH  Des migrations etc.
 
NADINE MORANO Et nous tenons le mieux le choc, que les autres.
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Et les électeurs au lieu de préférer le PS ou l’UMP, choisissent l’extrême droite, il y a quelque chose, tout de même ! ?
 
NADINE MORANO Mais vous savez, quand vous acceptez, c’est pour ça, monsieur ELKABBACH, quand je dis que la politique, c’est quelque chose de sérieux, on ne peut pas apporter des réponses simplistes à des questions qui sont complexes. Notamment sur l’immigration, quand vous entendez Marine LE PEN nous dire : il faut laisser les bateaux dans les eaux territoriales, qu’ils ne pénètrent dans les eaux territoriales françaises…
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Comme Chantal BRUNEL, quoi ! De l’UMP.
 
NADINE MORANO Mais c’est profondément scandaleux. Ce n’est pas la réponse qu’on doit apporter…
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Les deux, BRUNEL et LE PEN.
 
NADINE MORANO Oui, bien sûr, ce n’est pas la réponse que l’on doit apporter.
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Mais est-ce qu’une gaulliste ou une chiraquienne, comme vous, peut se contenter de cette ambiguïté ?
 
NADINE MORANO Mais nous ne sommes pas dans l’ambiguïté, dès lors que nous respectons les électeurs. Moi, je suis désolée, le Parti socialiste et l’UMP ce n’est pas la même chose. Nous ne gouvernons pas de la même manière, nous n’avons pas les mêmes programmes, et nous avons des personnalités, en revanche qui partagent nos valeurs. Point !
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Nadine MORANO, une question, parce que le monde tourne. La Libye, la France est en première ligne de la coalition anti-KADHAFI, est-ce que le président de la République ne prend pas trop de risques aujourd’hui ?
 
NADINE MORANO Mais le président de la République sur ce sujet, comme sur bien d’autres, dont vous ne parlez pas, lorsqu’il a réussi à rassembler le Conseil européen pour inscrire dans l’ordre du jour, du G20, à ce qu’on mette sur la table la question de la fiscalisation des transactions financières, la taxation pardon des transactions financières, c’est lui qui a été à l’initiative.
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Non, mais je vous parle de la Libye !
 
NADINE MORANO Et bien sûr, ce même sujet…
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Quand il prend ces décisions, on en parle, rassurez-vous.
 
NADINE MORANO Mais il a eu raison !
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Là, il a raison. Est-ce qu’il n’y a pas de trop de risque ?
 
NADINE MORANO Non ! L’ONU, il a eu raison…
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Vous ne croyez pas qu’il y a un retournement, possible des opinions arabes qui font finir paradoxalement par soutenir KADHAFI ?
 
NADINE MORANO Le président français n’est pas parti tout seul, il avait dit très clairement qu’il interviendrait sous mandat de l’ONU, c’est ce qu’il a fait et avec l’accord de la Ligue arabe, c’est ce qu’il a fait.
 
Source : Premier ministre, Service d’Information du Gouvernement, le 24 mars 2011