Texte intégral
Monsieur le Président,
Monsieur le Secrétaire général,
Mesdames et messieurs les Ambassadeurs,
Mesdames, Messieurs,
Je suis très honoré de pouvoir m'exprimer devant vous aujourd'hui, pour cette session d'échange autour des priorités de la présidence française du G8 et du G20 et des questions du développement. La CNUCED joue depuis de nombreuses années un rôle central sur les questions de développement, c'est donc un cadre particulièrement approprié pour cet échange. J'insiste sur ce mot, car je suis venu avant tout pour vous écouter. J'attends beaucoup des interventions de vos délégations pour alimenter la réflexion sur l'agenda de la présidence française.
Ces premières années du 21ème siècle se caractérisent indiscutablement par la multiplication de crises de grande ampleur, qui s'étendent à tous les domaines et qui semblent enchevêtrées. A la différence d'autres époques, ces crises semblent toutes prendre naissance dans le champ économique et social : crise alimentaire, crise économique et financière, crise des matières premières. Même le printemps des peuples arabes, de nature éminemment politique, prend aussi ses racines dans des revendications sociales portant sur l'emploi, la formation, la lutte contre la corruption et l'accès à l'information. Les sujets que vous traitez dans cette enceinte de la CNUCED sont donc plus que jamais au centre de l'agenda international.
La prise de conscience universelle qu'un nouveau monde est en train d'émerger date de la crise économique et financière de 2008. L'onde de choc de la crise a été ressentie dans tous les pays, quel que soit leur niveau de développement. La crise n'a pas seulement été un choc économique, elle nous a fait prendre conscience de notre degré d'interdépendance. Cette crise, la plus grave depuis 1929, a révélé de manière spectaculaire les carences de la gouvernance mondiale. Nous avons dû créer un forum de coopération économique nous permettant de réagir rapidement et de façon coordonnée. Ce nouveau forum, le G20, a fait ses preuves lors des sommets qui ont suivi à Londres, Pittsburgh et Toronto.
Rappelons que le G20 n'est pas une organisation internationale et ne saurait se substituer aux instances internationales universelles. C'est un forum informel dont le rôle est avant tout de donner des impulsions sur le plan politique et de favoriser la coordination. Sa valeur et sa légitimité découleront de sa capacité à faire éclore des actions, des initiatives qui n'auraient pas vu le jour sans cette impulsion.
Le G20 a su répondre à la crise. La réponse coordonnée de ses Etats membres s'est révélée efficace, et la croissance mondiale est revenue. Toutefois, l'ampleur de la crise et la profondeur des déséquilibres et des dysfonctionnements qu'elle a révélés ont rendu manifeste la nécessité de rebâtir un nouveau monde économique, fondé sur d'autres pratiques et d'autres valeurs. Dans cette réflexion, il est apparu indispensable d'inclure le sujet du développement.
Les pays en développement les plus fragiles on subi dans un premier temps de manière décuplée les effets de la crise : contraction des échanges, baisse des investissements étrangers et tarissement des flux financiers des migrants. Mais à la différence de 1964, année de création de la CNUCED, la croissance mondiale n'est plus compartimentée entre des pays développés prospères et un « tiers monde » à la traîne. La croissance mondiale repose aujourd'hui largement sur les économies émergentes et les pays en développement. Nos destins sont associés. C'est pourquoi il nous faut inventer une nouvelle gouvernance internationale qui puisse concilier efficacité et représentativité.
Le G20 réunit les deux tiers de la population mondiale et près de 85% du PIB mondial. Ce forum représente donc une part considérable des individus, de la production, de la consommation et des échanges qui font vivre cette planète. Il dispose donc aussi de réels leviers pour faire progresser la situation des pays les plus vulnérables. Il inclut les grandes économies émergentes, qui sont désormais elles aussi engagées dans l'aide au développement. Sa composition, même si elle reste limitée, reflète les nouveaux équilibres du 21ème siècle. La réforme de la représentation qui s'est déroulée dans les institutions financières internationales, et que la France a soutenue, participe de la même logique.
Le G20 ne peut en revanche fixer l'agenda du développement : ce mandat revient de plein droit à l'ONU. Les Etats du G20 sont d'abord des Etats membres des Nations Unies : les actions qu'ils proposeront viendront donc compléter et non concurrencer les initiatives déjà existantes.
Les Etats membres du G20 tiennent à s'inscrire dans l'agenda international du développement. En 2011, nous allons articuler étroitement nos activités avec les grandes conférences qui sont programmées sur l'agenda du développement. Je pense en particulier à la conférence des Pays les moins avancés (PMA) à Istanbul où nous proposons un rendez-vous pour dialoguer avec les PMA sur leurs priorités, leurs requêtes, leurs attentes vis-à-vis du G20. Je pense enfin, au Forum de haut niveau de Busan sur l'efficacité de l'aide qui sera organisé par nos collègues coréens.
Si le G20 ne peut déterminer l'agenda, il ne peut pas non plus fixer les règles du jeu. C'est le système des Nations Unies qui seul dispose de la légitimité pour les édicter. C'est le rôle de l'Assemblée générale à travers ses résolutions. C'est le rôle des organes compétents des agences et des organisations spécialisées : avec l'OMC en matière commerciale, avec l'OIT en matière sociale et, avec une Organisation mondiale de l'environnement en matière d'environnement, le jour où nous parviendrons à la faire exister. C'est d'ailleurs un consensus fort au sein du G20 que de s'en tenir strictement à son rôle de forum de coopération économique.
Le G20 n'est pas non plus un cercle fermé de pays. Son approche est au contraire ouverte et inclusive, ouverte à des pays invités, ouverte aux organisations internationales. C'est en tout cas la conviction de la présidence française, et c'est dans cet esprit que se déroulera le sommet de Cannes. Seront ainsi invités au G20, outre l'Espagne, les Emirats arabes unis au titre du conseil de coopération des pays du Golfe, Singapour au titre du groupe « 3G », l'Ethiopie au titre de sa présidence du NEPAD, ainsi que la présidence de l'Union africaine.
Il convient d'ailleurs de distinguer le G20 du G8, dont vous savez que la France assure aussi la présidence cette année. Il s'agit de deux forums distincts, dont les objectifs ont désormais leur logique propre. Le G20 est un forum informel de coopération économique qui couvre des questions globales mais ne traite pas des sujets politiques, contrairement au G8. Pour autant, le G8 ne renie pas son engagement sur les sujets de développement, dont il n'a pas à rougir : le G8 a pris des engagements spécifiques en matière d'aide au développement, et ses membres en sont redevables. Mais à l'avenir, il est probable que le G8 concentre désormais son agenda en matière de développement comme composante de son partenariat privilégié avec l'Afrique.
Puisque c'est de notre prospérité commune qu'il s'agit, nous avons choisi à Séoul d'aborder le développement à partir de la croissance économique, à partir des leviers de cette croissance économique. Celle-ci reste pour nous un moyen et non pas un objectif.
Il n'y a pas d'opposition en effet entre la promotion de la croissance et les Objectifs du Millénaire pour le Développement. Promouvoir la croissance dans les pays à faible revenu, ce n'est pas seulement travailler à une prospérité commune, c'est surtout aussi lutter contre la pauvreté. La croissance reste l'un des principaux moteurs de la lutte contre la pauvreté, le recul de celle-ci à la faveur des extraordinaires trajectoires de croissance des grands émergents l'a amplement montré.
Face à ces évolutions, nous avons affirmé à Séoul une conviction profonde : la croissance pour être soutenable ne peut qu'être partagée.
Si l'on souhaite tirer les conséquences concrètes de ces réflexions, il faut donc placer le développement au centre de l'agenda international.
Cette conviction, la France la porte à titre national. Pour être à la hauteur des défis du développement, nous avons maintenu, quelle que soit notre situation financière et budgétaire, nos engagements d'accroissement de l'aide publique au développement. Nous sommes donc le troisième donateur au niveau mondial, à hauteur de plus de 12 milliards de dollars en 2010 (soit 0,5% du revenu national). Nous sommes par ailleurs, de très loin, le pays qui au sein du G8 consacre la part la plus importante de son APD à l'Afrique subsaharienne (54 %).
Vous connaissez aussi notre engagement en faveur des financements innovants pour le développement et en particulier pour la mise en place d'une taxe sur les transactions financières. Une proposition dont la faisabilité technique est désormais reconnue, sur laquelle le consensus politique évolue favorablement et qui pourtant semblait impossible il y a moins de trois ans.
C'est pourquoi nous estimons indispensable que le développement soit une dimension essentielle de l'action du G20.
La plupart des priorités proposées par la présidence française ont un impact sur les pays en développement. Qu'il s'agisse de la lutte contre la volatilité excessive du prix des matières premières, de la nécessaire réforme du système monétaire international, du renforcement de la dimension sociale de la mondialisation ou de la lutte contre la corruption, ce sont les pays les plus fragiles qui doivent être les premiers bénéficiaires des progrès de la régulation internationale.
De manière plus spécifique, je vais vous présenter le processus et les activités que nous menons dans le groupe de travail du G20 sur le développement.
Ce groupe de travail est co-présidé par l'Afrique du Sud, la Corée et la France.
Nous avons essayé de définir un plan d'action et des thèmes de travail qui soient cohérents avec le mandat du G20. C'est pourquoi nous avons décidé, dans le plan de Séoul, d'identifier neuf piliers où nous nous concentrons sur l'objectif intermédiaire de la croissance économique. 24 actions concrètes qui feront l'objet d'un suivi, d'une forme nouvelle de redevabilité internationale, ont été identifiées. Elles sont réparties autour des neuf thématiques suivantes : les infrastructures, le développement des ressources humaines, le commerce, l'investissement privé et la création d'emploi, la sécurité alimentaire, la croissance résiliente (avec notamment la protection sociale), l'inclusion financière, la mobilisation des ressources domestiques et le partage des connaissances.
Nous aborderons certains thèmes à travers les filières « finance », à travers la réunion des ministres de l'Agriculture et à travers aussi une réunion des ministres en charge des questions d'emploi et des questions sociales. Parmi ces neuf domaines, deux revêtent un caractère prioritaire à nos yeux : la sécurité alimentaire et les infrastructures.
Les émeutes de la faim suscitées dans une soixantaine de pays en 2008 par la montée des prix alimentaires ont brutalement remis en lumière le caractère central de la question agricole, de la sécurité alimentaire. Cet enjeu avait été oublié ces dernières années par la communauté des bailleurs de fonds, c'était une erreur dont nous payons aujourd'hui les conséquences. Il conviendra notamment, pour le G20, de développer des outils pour réduire la volatilité des prix agricoles, qui pénalisent d'abord les populations les plus vulnérables. Des engagements s'imposent également en matière de limitation des restrictions aux exportations. Nous appelons aussi de nos voeux la constitution de réserves alimentaires d'urgence, sans visée de régulation des marchés.
La promotion des infrastructures nous paraît également urgente, notamment dans les pays les moins avancés, et en Afrique subsaharienne. Nous savons que les infrastructures défaillantes constituent un goulet d'étranglement pour la croissance africaine, amputée chaque année de deux points. Les enseignements de cette étude dépassent le continent africain. Le G20 développement a décidé lors de sa dernière réunion, de recommander que soient menées des études comparables au profit des Etats à faible revenu d'Asie. Il nous semble que, dans ce domaine, le G20 doit proposer des avancées concrètes aux populations. C'est pourquoi le Président de la République a proposé en janvier dernier qu'une liste de projets d'infrastructures emblématiques, de préférence régionaux, susceptibles de mobiliser rapidement des financements, soit présentée lors du sommet de Cannes. Les Banques multilatérales de développement et le groupe d'experts de haut niveau y travaillent.
Au-delà de ces deux questions, permettez-moi de revenir sur deux sujets particulièrement importants, ici, à Genève : la dimension sociale de la mondialisation et le commerce.
Vous savez l'importance que nous attachons à la dimension sociale de la mondialisation. L'an dernier, parce qu'aucun filet social n'était en place, 100 millions de personnes sont tombées sous le seuil de pauvreté. Le développement et la dissémination des expériences nationales de protection sociale est un objectif fondamental. La dimension sociale de la mondialisation passe aussi par la promotion des investissements responsables (dans l'agriculture par exemple), autre domaine où l'expertise et la collaboration genevoise sont fondamentales.
Concernant le commerce, il faut ne pas se méprendre sur ce que recouvre le plan de Séoul, sur ce que peut le G20 dans ce domaine. Nous traiterons au sein du groupe de travail du G20 d'un certain nombre de questions comme l'intégration régionale ou le financement du commerce mais nous ne règlerons pas les négociations commerciales du cycle de Doha. C'est à l'OMC que pourront être réglées ces négociations, pas en G20 développement.
Je tiens d'ailleurs à féliciter des initiatives comme le rapprochement opéré sur ces sujets entre l'OMC et l'OIT. Cette initiative va dans le bon sens, dans celui d'une gouvernance plus efficace et mieux intégrée des enjeux globaux.
Un mot enfin sur le travail des organisations internationales, sur votre travail. Le G20 s'appuie sur votre expertise pour émettre ses recommandations.
Nous avons donc demandé aux organisations internationales de travailler ensemble mais en identifiant à chaque fois une ou deux organisations chargées de coordonner le travail. Nous sommes arrivés je le crois, et c'était la volonté de la France, à un équilibre entre les Institutions Financières internationales au sens large Banque mondiale, FMI, banques multilatérales, banques régionales de développement, OMC, et je mets l'OCDE dans cette catégorie et les agences des Nations Unies, du PNUD aux agences spécialisées, qui coordonneront près de la moitié des thèmes.
Je salue tout particulièrement la contribution de la CNUCED sur la question de la volatilité des prix des matières premières agricoles.
Ce nouveau monde qui s'ébauche sous nos yeux est riche de défis, d'incertitudes (nous le voyons bien nos opinions publiques sont inquiètes), mais aussi de grandes opportunités. Il nous appartient de faire prévaloir la coopération et l'action multilatérale pour répondre à ces nouveaux enjeux. C'est l'ambition de la France durant sa présidence du G8 et du G20. Cette ambition, nous sommes persuadés que vous la partagez.
Je m'interromps ici car je suis maintenant impatient d'entendre les questions mais aussi les commentaires et les contributions de vos délégations.
Je vous remercie.
Source http://www.delegfrance-onu-geneve.org, le 4 mai 2011
Monsieur le Secrétaire général,
Mesdames et messieurs les Ambassadeurs,
Mesdames, Messieurs,
Je suis très honoré de pouvoir m'exprimer devant vous aujourd'hui, pour cette session d'échange autour des priorités de la présidence française du G8 et du G20 et des questions du développement. La CNUCED joue depuis de nombreuses années un rôle central sur les questions de développement, c'est donc un cadre particulièrement approprié pour cet échange. J'insiste sur ce mot, car je suis venu avant tout pour vous écouter. J'attends beaucoup des interventions de vos délégations pour alimenter la réflexion sur l'agenda de la présidence française.
Ces premières années du 21ème siècle se caractérisent indiscutablement par la multiplication de crises de grande ampleur, qui s'étendent à tous les domaines et qui semblent enchevêtrées. A la différence d'autres époques, ces crises semblent toutes prendre naissance dans le champ économique et social : crise alimentaire, crise économique et financière, crise des matières premières. Même le printemps des peuples arabes, de nature éminemment politique, prend aussi ses racines dans des revendications sociales portant sur l'emploi, la formation, la lutte contre la corruption et l'accès à l'information. Les sujets que vous traitez dans cette enceinte de la CNUCED sont donc plus que jamais au centre de l'agenda international.
La prise de conscience universelle qu'un nouveau monde est en train d'émerger date de la crise économique et financière de 2008. L'onde de choc de la crise a été ressentie dans tous les pays, quel que soit leur niveau de développement. La crise n'a pas seulement été un choc économique, elle nous a fait prendre conscience de notre degré d'interdépendance. Cette crise, la plus grave depuis 1929, a révélé de manière spectaculaire les carences de la gouvernance mondiale. Nous avons dû créer un forum de coopération économique nous permettant de réagir rapidement et de façon coordonnée. Ce nouveau forum, le G20, a fait ses preuves lors des sommets qui ont suivi à Londres, Pittsburgh et Toronto.
Rappelons que le G20 n'est pas une organisation internationale et ne saurait se substituer aux instances internationales universelles. C'est un forum informel dont le rôle est avant tout de donner des impulsions sur le plan politique et de favoriser la coordination. Sa valeur et sa légitimité découleront de sa capacité à faire éclore des actions, des initiatives qui n'auraient pas vu le jour sans cette impulsion.
Le G20 a su répondre à la crise. La réponse coordonnée de ses Etats membres s'est révélée efficace, et la croissance mondiale est revenue. Toutefois, l'ampleur de la crise et la profondeur des déséquilibres et des dysfonctionnements qu'elle a révélés ont rendu manifeste la nécessité de rebâtir un nouveau monde économique, fondé sur d'autres pratiques et d'autres valeurs. Dans cette réflexion, il est apparu indispensable d'inclure le sujet du développement.
Les pays en développement les plus fragiles on subi dans un premier temps de manière décuplée les effets de la crise : contraction des échanges, baisse des investissements étrangers et tarissement des flux financiers des migrants. Mais à la différence de 1964, année de création de la CNUCED, la croissance mondiale n'est plus compartimentée entre des pays développés prospères et un « tiers monde » à la traîne. La croissance mondiale repose aujourd'hui largement sur les économies émergentes et les pays en développement. Nos destins sont associés. C'est pourquoi il nous faut inventer une nouvelle gouvernance internationale qui puisse concilier efficacité et représentativité.
Le G20 réunit les deux tiers de la population mondiale et près de 85% du PIB mondial. Ce forum représente donc une part considérable des individus, de la production, de la consommation et des échanges qui font vivre cette planète. Il dispose donc aussi de réels leviers pour faire progresser la situation des pays les plus vulnérables. Il inclut les grandes économies émergentes, qui sont désormais elles aussi engagées dans l'aide au développement. Sa composition, même si elle reste limitée, reflète les nouveaux équilibres du 21ème siècle. La réforme de la représentation qui s'est déroulée dans les institutions financières internationales, et que la France a soutenue, participe de la même logique.
Le G20 ne peut en revanche fixer l'agenda du développement : ce mandat revient de plein droit à l'ONU. Les Etats du G20 sont d'abord des Etats membres des Nations Unies : les actions qu'ils proposeront viendront donc compléter et non concurrencer les initiatives déjà existantes.
Les Etats membres du G20 tiennent à s'inscrire dans l'agenda international du développement. En 2011, nous allons articuler étroitement nos activités avec les grandes conférences qui sont programmées sur l'agenda du développement. Je pense en particulier à la conférence des Pays les moins avancés (PMA) à Istanbul où nous proposons un rendez-vous pour dialoguer avec les PMA sur leurs priorités, leurs requêtes, leurs attentes vis-à-vis du G20. Je pense enfin, au Forum de haut niveau de Busan sur l'efficacité de l'aide qui sera organisé par nos collègues coréens.
Si le G20 ne peut déterminer l'agenda, il ne peut pas non plus fixer les règles du jeu. C'est le système des Nations Unies qui seul dispose de la légitimité pour les édicter. C'est le rôle de l'Assemblée générale à travers ses résolutions. C'est le rôle des organes compétents des agences et des organisations spécialisées : avec l'OMC en matière commerciale, avec l'OIT en matière sociale et, avec une Organisation mondiale de l'environnement en matière d'environnement, le jour où nous parviendrons à la faire exister. C'est d'ailleurs un consensus fort au sein du G20 que de s'en tenir strictement à son rôle de forum de coopération économique.
Le G20 n'est pas non plus un cercle fermé de pays. Son approche est au contraire ouverte et inclusive, ouverte à des pays invités, ouverte aux organisations internationales. C'est en tout cas la conviction de la présidence française, et c'est dans cet esprit que se déroulera le sommet de Cannes. Seront ainsi invités au G20, outre l'Espagne, les Emirats arabes unis au titre du conseil de coopération des pays du Golfe, Singapour au titre du groupe « 3G », l'Ethiopie au titre de sa présidence du NEPAD, ainsi que la présidence de l'Union africaine.
Il convient d'ailleurs de distinguer le G20 du G8, dont vous savez que la France assure aussi la présidence cette année. Il s'agit de deux forums distincts, dont les objectifs ont désormais leur logique propre. Le G20 est un forum informel de coopération économique qui couvre des questions globales mais ne traite pas des sujets politiques, contrairement au G8. Pour autant, le G8 ne renie pas son engagement sur les sujets de développement, dont il n'a pas à rougir : le G8 a pris des engagements spécifiques en matière d'aide au développement, et ses membres en sont redevables. Mais à l'avenir, il est probable que le G8 concentre désormais son agenda en matière de développement comme composante de son partenariat privilégié avec l'Afrique.
Puisque c'est de notre prospérité commune qu'il s'agit, nous avons choisi à Séoul d'aborder le développement à partir de la croissance économique, à partir des leviers de cette croissance économique. Celle-ci reste pour nous un moyen et non pas un objectif.
Il n'y a pas d'opposition en effet entre la promotion de la croissance et les Objectifs du Millénaire pour le Développement. Promouvoir la croissance dans les pays à faible revenu, ce n'est pas seulement travailler à une prospérité commune, c'est surtout aussi lutter contre la pauvreté. La croissance reste l'un des principaux moteurs de la lutte contre la pauvreté, le recul de celle-ci à la faveur des extraordinaires trajectoires de croissance des grands émergents l'a amplement montré.
Face à ces évolutions, nous avons affirmé à Séoul une conviction profonde : la croissance pour être soutenable ne peut qu'être partagée.
Si l'on souhaite tirer les conséquences concrètes de ces réflexions, il faut donc placer le développement au centre de l'agenda international.
Cette conviction, la France la porte à titre national. Pour être à la hauteur des défis du développement, nous avons maintenu, quelle que soit notre situation financière et budgétaire, nos engagements d'accroissement de l'aide publique au développement. Nous sommes donc le troisième donateur au niveau mondial, à hauteur de plus de 12 milliards de dollars en 2010 (soit 0,5% du revenu national). Nous sommes par ailleurs, de très loin, le pays qui au sein du G8 consacre la part la plus importante de son APD à l'Afrique subsaharienne (54 %).
Vous connaissez aussi notre engagement en faveur des financements innovants pour le développement et en particulier pour la mise en place d'une taxe sur les transactions financières. Une proposition dont la faisabilité technique est désormais reconnue, sur laquelle le consensus politique évolue favorablement et qui pourtant semblait impossible il y a moins de trois ans.
C'est pourquoi nous estimons indispensable que le développement soit une dimension essentielle de l'action du G20.
La plupart des priorités proposées par la présidence française ont un impact sur les pays en développement. Qu'il s'agisse de la lutte contre la volatilité excessive du prix des matières premières, de la nécessaire réforme du système monétaire international, du renforcement de la dimension sociale de la mondialisation ou de la lutte contre la corruption, ce sont les pays les plus fragiles qui doivent être les premiers bénéficiaires des progrès de la régulation internationale.
De manière plus spécifique, je vais vous présenter le processus et les activités que nous menons dans le groupe de travail du G20 sur le développement.
Ce groupe de travail est co-présidé par l'Afrique du Sud, la Corée et la France.
Nous avons essayé de définir un plan d'action et des thèmes de travail qui soient cohérents avec le mandat du G20. C'est pourquoi nous avons décidé, dans le plan de Séoul, d'identifier neuf piliers où nous nous concentrons sur l'objectif intermédiaire de la croissance économique. 24 actions concrètes qui feront l'objet d'un suivi, d'une forme nouvelle de redevabilité internationale, ont été identifiées. Elles sont réparties autour des neuf thématiques suivantes : les infrastructures, le développement des ressources humaines, le commerce, l'investissement privé et la création d'emploi, la sécurité alimentaire, la croissance résiliente (avec notamment la protection sociale), l'inclusion financière, la mobilisation des ressources domestiques et le partage des connaissances.
Nous aborderons certains thèmes à travers les filières « finance », à travers la réunion des ministres de l'Agriculture et à travers aussi une réunion des ministres en charge des questions d'emploi et des questions sociales. Parmi ces neuf domaines, deux revêtent un caractère prioritaire à nos yeux : la sécurité alimentaire et les infrastructures.
Les émeutes de la faim suscitées dans une soixantaine de pays en 2008 par la montée des prix alimentaires ont brutalement remis en lumière le caractère central de la question agricole, de la sécurité alimentaire. Cet enjeu avait été oublié ces dernières années par la communauté des bailleurs de fonds, c'était une erreur dont nous payons aujourd'hui les conséquences. Il conviendra notamment, pour le G20, de développer des outils pour réduire la volatilité des prix agricoles, qui pénalisent d'abord les populations les plus vulnérables. Des engagements s'imposent également en matière de limitation des restrictions aux exportations. Nous appelons aussi de nos voeux la constitution de réserves alimentaires d'urgence, sans visée de régulation des marchés.
La promotion des infrastructures nous paraît également urgente, notamment dans les pays les moins avancés, et en Afrique subsaharienne. Nous savons que les infrastructures défaillantes constituent un goulet d'étranglement pour la croissance africaine, amputée chaque année de deux points. Les enseignements de cette étude dépassent le continent africain. Le G20 développement a décidé lors de sa dernière réunion, de recommander que soient menées des études comparables au profit des Etats à faible revenu d'Asie. Il nous semble que, dans ce domaine, le G20 doit proposer des avancées concrètes aux populations. C'est pourquoi le Président de la République a proposé en janvier dernier qu'une liste de projets d'infrastructures emblématiques, de préférence régionaux, susceptibles de mobiliser rapidement des financements, soit présentée lors du sommet de Cannes. Les Banques multilatérales de développement et le groupe d'experts de haut niveau y travaillent.
Au-delà de ces deux questions, permettez-moi de revenir sur deux sujets particulièrement importants, ici, à Genève : la dimension sociale de la mondialisation et le commerce.
Vous savez l'importance que nous attachons à la dimension sociale de la mondialisation. L'an dernier, parce qu'aucun filet social n'était en place, 100 millions de personnes sont tombées sous le seuil de pauvreté. Le développement et la dissémination des expériences nationales de protection sociale est un objectif fondamental. La dimension sociale de la mondialisation passe aussi par la promotion des investissements responsables (dans l'agriculture par exemple), autre domaine où l'expertise et la collaboration genevoise sont fondamentales.
Concernant le commerce, il faut ne pas se méprendre sur ce que recouvre le plan de Séoul, sur ce que peut le G20 dans ce domaine. Nous traiterons au sein du groupe de travail du G20 d'un certain nombre de questions comme l'intégration régionale ou le financement du commerce mais nous ne règlerons pas les négociations commerciales du cycle de Doha. C'est à l'OMC que pourront être réglées ces négociations, pas en G20 développement.
Je tiens d'ailleurs à féliciter des initiatives comme le rapprochement opéré sur ces sujets entre l'OMC et l'OIT. Cette initiative va dans le bon sens, dans celui d'une gouvernance plus efficace et mieux intégrée des enjeux globaux.
Un mot enfin sur le travail des organisations internationales, sur votre travail. Le G20 s'appuie sur votre expertise pour émettre ses recommandations.
Nous avons donc demandé aux organisations internationales de travailler ensemble mais en identifiant à chaque fois une ou deux organisations chargées de coordonner le travail. Nous sommes arrivés je le crois, et c'était la volonté de la France, à un équilibre entre les Institutions Financières internationales au sens large Banque mondiale, FMI, banques multilatérales, banques régionales de développement, OMC, et je mets l'OCDE dans cette catégorie et les agences des Nations Unies, du PNUD aux agences spécialisées, qui coordonneront près de la moitié des thèmes.
Je salue tout particulièrement la contribution de la CNUCED sur la question de la volatilité des prix des matières premières agricoles.
Ce nouveau monde qui s'ébauche sous nos yeux est riche de défis, d'incertitudes (nous le voyons bien nos opinions publiques sont inquiètes), mais aussi de grandes opportunités. Il nous appartient de faire prévaloir la coopération et l'action multilatérale pour répondre à ces nouveaux enjeux. C'est l'ambition de la France durant sa présidence du G8 et du G20. Cette ambition, nous sommes persuadés que vous la partagez.
Je m'interromps ici car je suis maintenant impatient d'entendre les questions mais aussi les commentaires et les contributions de vos délégations.
Je vous remercie.
Source http://www.delegfrance-onu-geneve.org, le 4 mai 2011