Déclaration de Mme Roselyne Bachelot, ministre des solidarités et de la cohésion sociale, sur l'accueil, la prise en charge et l'accompagnement des personnes âgées dépendantes, Paris le 14 avril 2011.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Bilan d'étape concernant la concertation sur la dépendance à Paris le 14 avril 2011

Texte intégral


Le 8 février dernier, au Conseil économique, social et environnemental, (CESE), le Président de la République ouvrait le grand débat national sur la dépendance.
Aujourd’hui, ce débat existe et nous mobilise.
Avec Marie-Anne Montchamp, nous avons reçu les principaux responsables politiques et syndicaux, ainsi que les représentants des principales associations du secteur médico-social, les associations familiales, les associations d’usagers, les représentants des cultes et des grandes familles de pensée, les experts et les professionnels de la prise en charge des personnes dépendantes.
Le 2 février dernier, nous avons installé, avec Philippe Richert, quatre groupes de travail thématiques qui regroupent des élus, des experts, les représentants des grandes centrales syndicales, des représentants des usagers, les principales associations du secteur et des professionnels.
Ces groupes sont animés par les quatre personnalités présentes à mes côtés aujourd’hui : Annick Morel, Evelyne Ratte, Jean-Michel Charpin et Bertrand Fragonard.
Les comptes-rendus des travaux de ces groupes seront mis en ligne au fil de l’eau. Certains le sont déjà.
Leurs propositions seront dévoilées dès le mois de juin.
D’ores et déjà, j’ai voulu dresser ce matin un bilan d’étape pour voir où nous en sommes. J’y reviendrai dans un instant.
Désormais, avec le lancement des débats en région, c’est une nouvelle phase qui s’ouvre (I).
Dans quelques jours et jusqu’au mois de juin, se tiendront les débats interdépartementaux en région. Le premier d’entre eux aura lieu le 18 avril dans les Pays-de-la-Loire, à Angers.
Auront lieu également 4 colloques interrégionaux reprenant les thématiques des groupes de travail : Nantes le 9 mai, Bordeaux le 31 mai, Marseille le 14 juin et Strasbourg le 20 juin.
Une large place sera laissée aux citoyens.
Je l’ai dit, un site Internet dédié au débat national a également été lancé (www.dependance.gouv.fr). Visiblement, au regard des nombreuses contributions postées, ce chantier de réforme intéresse les Français.
Au-delà des témoignages personnels et des multiples propositions, je note surtout que l’accent est mis sur une plus grande reconnaissance du rôle des aidants.
C’est précisément pour rencontrer directement les familles concernées qu’avec Marie-Anne Montchamp nous participerons à tous les débats en région.
D’autres membres du Gouvernement seront présents, par exemple Nora Berra ou Maurice Leroy.
Je pense aussi à Philippe Richert qui, en tant que ministre chargé des collectivités territoriales, a toute la légitimité pour participer pleinement à ce débat.
A l’issue de cette grande consultation et à partir de l’ensemble de ces travaux, je remettrai une synthèse au Président de la République.
Cette synthèse pourrait s’inspirer en partie des bonnes pratiques de nos voisins. Le conseil d’analyse stratégique a d’ailleurs été missionné spécifiquement sur ce sujet.
Moi-même, je me suis rendue dans plusieurs pays. En Suède par exemple, j’ai rencontré la secrétaire d’Etat en charge des personnes âgées, et j’ai pu discuter, avec les représentants des communes et des régions, de la gouvernance très décentralisée de la dépendance, couplée à un financement assuré, à titre principal, par les communes.
J’en ai retiré une conviction forte : c’est une gouvernance de proximité qui favorisera une meilleure efficience dans la gestion des systèmes sociaux.
Je me suis également rendue en Allemagne, car les Allemands réfléchissent à des alternatives à la branche dépendance qu’ils ont mise en place. Ils ont en effet été obligés de réévaluer la contribution sur les salaires et les retraites qui la financent en partie.
Je voudrais revenir à présent sur l’état d’avancement des travaux des quatre groupes.
Alors, à quels constats ont-ils abouti à ce stade, sachant, bien sûr, que les travaux vont se poursuivre jusqu’en juin ?
Le premier groupe animé par Annick Morel vise à apprécier l’état de l’opinion sur la dépendance et le regard porté sur le vieillissement.
Il a permis de souligner à quel point les termes de « vieillissement » et de « dépendance » sont trop souvent perçus de manière négative.
Parler de la dépendance, c’est aussi, dans une approche globale, envisager, de façon positive, la place des personnes âgées dans notre société et notre conception du vieillissement.
Cela signifie, par exemple, prendre en compte tout l’environnement dans lequel les personnes âgées évoluent pour modifier notre société : logement, mobilier urbain, transports, commerces, etc. Comment donner une place aux personnes âgées si tout ce qui les entoure est inadapté ?
Cela signifie également prévenir les situations de perte d’autonomie en se dotant des outils adaptés.
Le groupe a également montré à quel point l’amélioration de la coordination de la prise en charge autour de la personne âgée dépendante et son inscription dans un parcours cohérent et adapté devait constituer un axe central de réflexion pour l’avenir. Enfin, la situation des aidants et l’amélioration de leur accompagnement ont été largement évoquées.
Animé par Jean-Michel Charpin, le deuxième groupe s’est chargé d’évaluer la réalité et l’ampleur du phénomène de la dépendance et d’en estimer le coût macro-économique.
Même si toutes les hypothèses n’ont pas encore été validées et si plusieurs scenarios sont à l’étude, le constat est là : nous devrons faire face à un nombre croissant de personnes dépendantes, dans une proportion plus importante que ce que les dernières projections de 2005 laissaient entendre.
Ainsi, le groupe fonde ses travaux sur une hypothèse d’environ 1 400 000 personnes dépendantes à l’horizon 2020, selon un scenario médian.
Le troisième groupe, celui d’Evelyne Ratte, porte sur l’ « Accueil et [l’]accompagnement des personnes âgées ». Il doit repenser la cohérence et l’accessibilité de l’offre de services proposée aux usagers, en établissements et à domicile, pour les personnes âgées dépendantes et leurs familles.
Le groupe a confirmé la préférence de nos concitoyens pour le maintien à domicile. En conséquence, il semblerait que le nombre actuel de places en EHPAD soit satisfaisant, sous réserve d’une meilleure répartition sur le territoire.
Enfin, le groupe a discuté de l’intérêt de développer, pour les personnes faiblement dépendantes, des formes d’accueil intermédiaires entre, d’un côté, le domicile et, de l’autre, les maisons de retraite de plus en plus médicalisées.
Le quatrième et dernier groupe, animé par Bertrand Fragonard, consacre ses travaux à la gouvernance et aux modes de prise en charge de la perte d’autonomie. Il a notamment vocation à établir un état des lieux et à proposer les évolutions possibles de la répartition de la charge financière liée à la dépendance.
Ce groupe a dressé un premier constat significatif : tandis que la couverture de la dépendance au sens strict est en très grande partie assurée par des sources d’origine publique, ce sont au contraire des dépenses privées qui couvrent la plus grande partie de l’hébergement. Cela signifie des restes à charge élevés pour les personnes qui vivent dans des établissements médico-sociaux.
L’ensemble de ces travaux va se poursuivre et toutes les pistes doivent rester ouvertes, sans parti pris, ni idéologie.
Pour terminer mon propos, je souhaiterais indiquer quelques éléments de cadrage sur la question du financement, de la gouvernance et des personnes faiblement dépendantes.
Le Président de la République a tout d’abord écarté l’idée d’alourdir le coût du travail pour financer la dépendance, ainsi que celle d’augmenter la dette en reportant le financement sur les générations futures.
Il ressort ensuite des consultations que j’ai menées, un consensus en faveur du maintien d’un large socle de solidarité nationale.
Ce socle solidaire s’élève aujourd’hui à 25 milliards d’euros. Il ne diminuera pas.
En outre, quelle que soit la solution retenue, nous devrons proposer un mode de gouvernance fondé sur un paritarisme renouvelé, associant l’ensemble des acteurs.
Le Président de la République l’a en effet rappelé : les partenaires sociaux devront être étroitement associés au pilotage, à la surveillance et au contrôle du système de prise en charge de la dépendance, quel qu’il soit. Il faudra naturellement y associer d’autres acteurs.
Enfin, en ce qui concerne les personnes faiblement dépendantes, c’est-à-dire les bénéficiaires classés en GIR 4, je note que personne aujourd’hui ne propose de les exclure du bénéfice de l’APA.
Cette prise en charge procède en effet d’une logique de prévention qu’il est indispensable de conserver.
Les premiers travaux des groupes de travail l’ont bien montré : pour l’heure, nous ne pouvons nous prévaloir d’aucune certitude et la question de la dépendance ne trouvera pas de réponse unique.
Nous devrons y apporter des solutions multiples, individualisées et adaptées, allant de l’adaptation de nos villes pour mieux accueillir les personnes âgées à l’accompagnement de nos aidants.
Source http://www.dependance.gouv.fr, le 18 avril 2011