Interview de Mme Chantal Jouanno, ministre des sports, à LCI le 12 mai 2011, sur l'enquête en cours à la Fédération française de football et les discriminations raciales dans le sport.

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Média : La Chaîne Info

Texte intégral


 
 
CHRISTOPHE BARBIER Chantal JOUANNO, bonjour.
 
CHANTAL JOUANNO Bonjour.
 
CHRISTOPHE BARBIER Le football tranchera cet après-midi sur le sort de son directeur technique national. Il est pour l’instant suspendu, est-ce que vous espérez son départ définitif, son licenciement, ou est-ce que vous accepteriez que l’on passe l’éponge à la Fédération ?
 
CHANTAL JOUANNO En fait, cette décision ne m’appartient pas et je n’ai pas de droit d’ingérence…
 
CHRISTOPHE BARBIER Mais vous avez une autorité morale en la matière. Vous avez suivi ce dossier, vous pouvez donner votre sentiment ?
 
CHANTAL JOUANNO Je ne peux pas donner mon sentiment, parce qu’on va m’accuser tout de suite d’ingérence dans le fonctionnement de la fédération. Moi, mon rôle, c’était de vérifier que la loi soit respectée et au terme des deux missions d’inspections, la nôtre, celle du ministère et celle qui était présidée par un député communiste, Patrick BRAOUEZEC, au terme des deux missions, on a vu, qu’il n’y avait pas de fait qui permettait de saisir le juge. Donc maintenant, c’est à la Fédération de faire le ménage en interne. Moi, ce que j’ai regretté, ce que dans cette réunion, le directeur technique national n’a pas du tout été à la hauteur de la situation et du débat et que ce débat a franchement dérapé. Mais je ne peux pas me substituer au conseil fédéral qui va se réunir aujourd’hui.
 
CHRISTOPHE BARBIER Mais vous dites « faire le ménage » si le message c’était : « circulez, il n’y a plus rien voir » vous seriez quand même déçue ?
 
CHANTAL JOUANNO Je serais déçue, de toute façon, j’ai déjà clairement dit, qu’il fallait mettre un observatoire en place, indépendant, on y travaillera sans doute avec le défenseur des droits, pour voir ces problèmes de racisme, de discrimination, et de communautarisme dans les centres de formation et dans le football en général. Et puis je pense que je vais, on retravaille nous, aussi, sur comment est-ce que nous pouvons mieux faire assumer des missions de service public, à des fédérations. Parce que nous leur confions des services de public, mais en réalité, si elles ne les assument pas, « la seule arme » que j’aie entre guillemets c’est de leur retirer leur agrément et donc de les empêcher d’organiser tous les matchs. Et ça, c’est impossible.
 
CHRISTOPHE BARBIER C’est tout ou rien en quelque sorte ?
 
CHANTAL JOUANNO C’est tout ou rien. Et donc il faut changer le système.
 
CHRISTOPHE BARBIER Il y aura des élections le 18 juin, à la Fédé est-ce que vous souhaitez que cette fédération modernise tout son système pyramidal de constitution du pouvoir ?
 
CHANTAL JOUANNO Justement, la fédération est dans un entre-deux, puisqu’il y a eu une réforme de la gouvernance, donc un nouveau système qui permet d’être beaucoup plus clair, pyramidal, hiérarchique. C’est aujourd’hui, un paquebot très difficile à diriger. Donc avec ce nouveau système d’élection, on va vraiment rentrer dans la modernité, et dans la démocratie. J’espère que ça va faire changer les choses.
 
CHRISTOPHE BARBIER Sur selec.fr (phon) le directeur technique national estime que certains dirigeants savaient que cette fameuse réunion était enregistrée, puisqu’il retenait un peu leur propos. En gros, qu’il y a eu un piège. Ca a été votre sentiment aussi, dans cette enquête ?
 
CHANTAL JOUANNO C’est difficile à dire. La personne qui enregistrait, à l’évidence, ne voulait pas déstabiliser la fédération. Elle a transmis à son supérieur, elle ne s’est jamais penchée dans la presse. Elle a commis une erreur, en ne prévenant pas le ministère, donc ça c’est une évidence, mais en tout cas, elle ne voulait pas déstabiliser la fédération. Nous, ne savons absolument pas qui a voulu déstabiliser la fédération ? Quel était l’objectif d’ailleurs ? Ca n’apparaît pas clairement, parce que dans ce débat, tous les membres de la fédération sont perdants, en réalité. Tous les membres de la fédération sont perdants, le sport est perdant, le football est perdant.
 
CHRISTOPHE BARBIER Alors qu’attendez-vous de Laurent BLANC qui va parler demain soir sur TF1. Il ne vous a pas toujours suivi, quand vous lui donniez de recommandations. Quel est son rôle maintenant ?
 
CHANTAL JOUANNO Laurent BLANC, c’est pour ça que j’ai d’autant plus de faciliter à dire, qu’à l’évidence il n’était du tout dans cette ligne discriminatoire et proche du racisme. Ça c’est une évidence. Donc demain, j’espère qu’il va réaffirmer ces valeurs, réaffirmer sa volonté de sélectionner une équipe, de faire jouer une équipe, qui aime la France, point à la ligne. C’est tout ce qu’on veut.
 
CHRISTOPHE BARBIER Il a votre soutien ? Entier ?
 
CHANTAL JOUANNO Il a mon soutien, parce que je n’ai aucune raison de douter effectivement, de son orientation. La mission a prouvé qu’il n’était pas du tout, il s’est fait entre guillemets, lui, « piéger » il est allé dans une réunion, dont il ne maîtrisait pas du tout, le contenu.
 
CHRISTOPHE BARBIER Quelle mesure prendrez-vous concrètement, pour faire reculer le racisme, sur le terrain et dans le stade ? Pour faire reculer le communautarisme ? On ne peut pas mettre un policier derrière chaque jeune joueur ?
 
CHANTAL JOUANNO Non, on ne peut pas mettre un policier, on a plusieurs éléments, le premier c’est qu’on a l’obligation maintenant, pour toutes les fédérations de s’engager sur des actions de prévention de lutte contre les discriminations. Auparavant, c’était facultatif, j’ai voulu que ce soit obligatoire. Donc pas de convention d’objectif, pas d’argent, si vous n’avez pas cette charte. On met en place un comité de lutte contre les discriminations, le 16 mai, c’était prévu de longue date, ça tombe bien. Et puis ensuite, au sein du football, on va créer cet observatoire indépendant, parce qu’on ne sait pas trop aujourd’hui, concrètement de quoi on parle ? D’ailleurs, ce serait valable sur d’autres sujets, comme sexisme par exemple.
 
CHRISTOPHE BARBIER Le choix des jeunes joueurs, équipe de France ou une autre, est-ce que ce n’est pas finalement une histoire de gros sous, plus qu’une histoire de race ou de nationalité ?
 
HANTAL JOUANNO Il y a des histoires d’argent, c’est évident, c’est évident, on voit très bien que très tôt, les agents tournent autour des joueurs, pour leur faire miroiter des sommes toujours plus astronomiques, s’ils vont jouer ailleurs. Il y a vraiment des histoires d’argent. Le vrai débat est de savoir pourquoi ces jeunes ne veulent pas, n’ont pas eu envie de jouer pour notre pays, puisque vous savez que c’était le problème de départ de la fédération de savoir pourquoi ces jeunes joueurs partaient. Donc c’est sûr qu’une des gangrènes du foot c’est la place excessive de l’argent dans le sport. Et ce n’est plus l’argent qui est au service du sport, mais vraiment le sport qui est un peu au service de l’argent.
 
CHRISTOPHE BARBIER Changeons de ballon ! Sébastien CHABAL n’ira pas en Nouvelle- Zélande pour la Coupe du Monde. Comme spectatrice vous êtes déçue ?
 
CHANTAL JOUANNO Non, c’est le choix du sélectionneur, je ne suis pas sélectionneur surtout en rugby et puis je ne veux pas me mettre mal avec aucun joueur. Donc c’est le choix du sélectionneur, et le sélectionneur a pris en compte des critères sportifs et Marc LIEVREMONT fait un gros travail. Je le soutiens vraiment, vraiment, parce qu’on voit bien que ça remonte. CHRISTOPHE BARBIER Et vous serez là-bas dans l’hémisphère sud, au moment…
 
CHANTAL JOUANNO Oui, j’y serais, dès le match d’ouverture.
 
CHRISTOPHE BARBIER Vous étiez, secrétaire d’Etat au côté de Jean-Louis BORLOO quand il accordé des permis d’exploration pour le gaz de schiste, est-ce que c’était une erreur, comme l’a dit Nathalie KOSCIUSKO-MORIZET ?
 
CHANTAL JOUANNO A l’évidence, Jean-Louis BORLOO l’a reconnu lui-même, il n’avait pas conscience de l’ensemble des conséquences. Et lui-même a reconnu que c’était une erreur, parce qu’il n’avait pas mesuré qu’en fait, plutôt que dans l’exploration vous utilisez déjà des méthodes néfastes pour l’environnement et vraiment néfastes. On voit bien avec l’exemple américain. Donc oui, mais il l’a reconnu lui-même d’ailleurs.
 
CHRISTOPHE BARBIER Mais on ne peut pas se priver des maigres réserves de pétrole ou de gaz qu’on a dans ce pays, il faut bien aller les chercher ?
 
CHANTAL JOUANNO On ne peut pas aller les chercher à tout prix. Si vous allez les chercher au risque de polluer l’ensemble de vos nappes phréatiques, je veux que le besoin, le premier besoin pour l’homme c’est l’eau. Et c’est bien le problème qui se passe, qui se pose aux Etats-Unis aujourd’hui, donc on ne peut pas aller le rechercher à tout prix. Le vrai débat aujourd’hui, c’est l’économie d’énergie, c’est la réduction de la consommation d’énergie. On peut avoir une croissance en consommant moins d’énergie.
 
CHRISTOPHE BARBIER Jean-Louis BORLOO, toujours lui, commencera ce week-end à débrancher son parti, les radicaux valoisiens de l’UMP. Est-ce que vous regrettez ce choix d’aventure solitaire ?
 
CHANTAL JOUANNO Il faut toujours rester dans l’unité et Jean-François COPE, vraiment fait un travail, c’est un travail difficile mais il le fait remarquablement bien, pour rassembler la famille. C’est très difficile.
 
CHRISTOPHE BARBIER C’est raté là ? Les radicaux s’en vont ?
 
CHANTAL JOUANNO Les radicaux, alors, c’est le choix de Jean-Louis BORLOO, mais il ne le fait pas du tout dans une optique de diviser la droite. L’optique fondamentale de Jean-Louis BORLOO, c’est quand même d’essayer de toujours travailler dans le même sens pour le président de la République. Donc c’est dommage, parce que nous, on souhaite l’unité. C’est vraiment dommage, mais cette histoire n’est pas terminée. C’est une histoire qui est en cours. CHRISTOPHE BARBIER C'est-à-dire qu’il pourrait ne pas aller au bout de sa candidature ? Ou au contraire être candidat pour rendre service à Nicolas SARKOZY ?
 
CHANTAL JOUANNO Dans tous les cas, je ne peux pas vous dire ce qu’il va faire, puisque c’est lui qui vous répondrait mieux que moi. Mais dans tous les cas, ce que je sais, c’est que ça n’est pas pour s’opposer au président de la République, ça c’est certain.
 
CHRISTOPHE BARBIER L’UMP se déchire depuis lundi sur le revenu de solidarité active. Alors de quel côté êtes-vous ? Avec ou contre Laurent WAUQUIEZ ? Est-ce qu’il dit tout haut ce que les Français pensent tout bas, comme il l’affirme ?
 
CHANTAL JOUANNO Il a posé un débat de fond, beaucoup de Français considèrent qu’on a un devoir d’intérêt général quand on bénéficie de la solidarité nationale. Il a posé un débat de fond. Simplement la forme, d’une part ce n’était pas à lui de le poser, parce que quand on est membre du gouvernement, on n’intervient pas sur le sujet d’un autre. On se concentre sur son ministère. D’autre part, le fait d’attaquer le RSA qui est vraiment LA réforme, notre réforme, celle qu’on a portée qui est une très belle réforme, ce n’était pas le bon angle, ça c’est une évidence. Donc c’est un débat de fonds, intéressant, Jean-François COPE, le reprendra dans ses débats de l’UMP. Mais la forme et surtout le fait de viser le RSA était, honnêtement pas le bon choix.
 
CHRISTOPHE BARBIER Est-ce que vous êtes favorable à une taxe, sur les plus hauts revenus et sur les bonus ?
 
CHANTAL JOUANNO Oui, je pense que tout ce qui peut aller dans le système, dans le sens de la justice sociale est une bonne chose, la réforme de l’ISF telle que nous la proposons, je veux juste le rappeler, c’est une réforme qui est entre guillemets « autofinancée. » C'est-à-dire que les riches paient pour les riches, ça ne va pas du tout peser sur les autres classes. Elles visent à éviter que les rentiers ne bénéficient d’une situation, donc on va plus taxer les rentiers, on va plus taxer l’expatriation fiscale. Mais toute proposition qui va dans ce sens est une bonne proposition.
 
CHRISTOPHE BARBIER Vous irez au bout de votre ambition sénatoriale à Paris ? Ou vous reculez au nom de l’unité que vous avez célébré ?
 
CHANTAL JOUANNO J’irais au bout de mon ambition sénatoriale, parce qu’avec la liste, nous sommes unis. Parce que nous avons décidé d’y aller, parce que nous pensons que c’est le meilleur moyen de rassembler l’ensemble de la famille de droite à Paris et de faire un maximum de voix.
 
CHRISTOPHE BARBIER Chantal JOUANNO, merci, bonne journée !
 Source : Premier ministre, Service d’Information du Gouvernement, le 11 mai 2011