Interview de Mme Chantal Jouanno, ministre des sports, à I-Télé le 7 juin 2011, sur la préparation de l'élection présidentielle de 2012, la parité hommes femmes et les relations de l'UMP avec l'extrême-droite.

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Média : Itélé

Texte intégral


 
 
 
GUILLAUME DURAND Voilà, nous sommes en route vers la présidentielle. Bonjour, bienvenue à tous évidemment. Avec Michael DARMON, nous recevons Chantal JOUANNO qui ne s’est toujours pas remise de la finale de Roland Garros.
 
CHANTAL JOUANNO [rires]
 
GUILLAUME DURAND Alors j’allais vous parler de football pour démarrer, avec ces petits jeunes Bleus. Le match a été extrêmement – pardonnez-moi l’expression – chiant et heureusement ils ont marqué quatre buts dans la fin du match avec deux buts de Marvin MARTIN. Vous êtes satisfaite ?
 
CHANTAL JOUANNO Oh, bien c’est toujours positif pour l’équipe de France, en tout cas j’allais dire pour le moral des troupes et puis on a vu qu’il y a eu, voilà, une bonne heure…
 
GUILLAUME DURAND Mais quel pensum !
 
CHANTAL JOUANNO Une bonne heure effectivement qui était plutôt un pensum, et puis quand quelques piliers sont rentrés dans l’équipe, la combinaison des jeunes et des piliers a bien marché. Donc c’est la construction d’un collectif comme d’habitude.
 
GUILLAUME DURAND Donc vous soutenez Laurent BLANC ?
 
CHANTAL JOUANNO Je soutiens toujours Laurent BLANC.
 
GUILLAUME DURAND Du début jusqu’à la fin ?
 
CHANTAL JOUANNO Du début presque jusqu’à la fin.
 
GUILLAUME DURAND Presque jusqu’à la fin. L’affaire des quotas est donc passée. Un petit mot parce que je vous entendais commenter la finale de Roland Garros – parce qu’on va parler évidemment avec Michael beaucoup de politique – mais elle vous a marquée cette finale ? Je dis vous la sportive, pas simplement la ministre.
 
CHANTAL JOUANNO Oui, moi la sportive, elle m’a marquée par la détermination, la volonté des deux joueurs, FEDERER comme NADAL, mais surtout le fameux point où NADAL remonte alors qu’il est mené 0/40 sur son service et il remonte point par point. Je veux dire pour un sportif, concevoir qu’on ne lâche pas, qu’on ne laisse rien tomber – et en plus, il est remonté avec des points extraordinaires – ça c’est une leçon pour tous nos sportifs. Je leur dis, je les ai encore vus hier : la préparation mentale est absolument déterminante. C’est vraiment des très grands champions.
 
GUILLAUME DURAND Eh bien on y est puisqu’on est dans la perspective effectivement des présidentielles et aussi de tout ce qui se passe autour des présidentielles. Vous avez été donc désignée comme tête de liste pour les sénatoriales et il y a dans cette affaire des déçus, en tout cas des gens qui étaient tellement proches du président de la République en 2007 comme Pierre CHARON qui sont giclés de la liste. Alors d’abord, est-ce que vous êtes satisfaite d’être tête de liste ? Et deuxièmement, qu’est-ce que vous pensez justement de ces précoces du sarkozysme qui ce matin, ou peut-être dans les jours qui viennent, vont être de plus en plus déçus, peut-être même de plus en plus hargneux finalement ?
 
CHANTAL JOUANNO Évidemment que je suis satisfaite. Je veux dire c’est un très grand honneur d’aller au Sénat parce que c’est la haute assemblée, c’est une assemblée sur les enjeux de long terme et Dieu sait qu’on en a sur Paris avec le Grand Paris, avec la réforme territoriale. Et puis évidemment que je suis contente parce que c’est aussi une reconnaissance de la part – une confiance du mouvement politique sur sa volonté effectivement…
 
GUILLAUME DURAND De l’Élysée surtout.
 
CHANTAL JOUANNO Du mouvement politique. C’a été décidé quand même à l’unanimité hier soir en commission d’investiture et c’est la volonté aussi d’aider de nouvelles pousses.
 
GUILLAUME DURAND Vous ne trouvez pas que ça sonne comme un peu la préretraite ?
 
CHANTAL JOUANNO La préretraite ? [rires] Oh, mon Dieu ! Quelle image !
 
GUILLAUME DURAND Non mais l’envie d’être sénateur quand on est jeune, quand on est sportive, vous me parliez de NADAL et FEDERER…
 
CHANTAL JOUANNO [rires] Quelle image vous avez du Sénat !
 
GUILLAUME DURAND Non mais je ne sais pas.
 
CHANTAL JOUANNO Oh non, non ! Moi j’aime le Sénat parce que c’est une – et j’y ai commencé d’ailleurs mes armes en tant que secrétaire d’État à l’Écologie sur Grenelle I. On a eu un débat encore passionnant sur une proposition de loi sur l’éthique dans le sport qui a été votée à l’unanimité. C’est une assemblée qui est vraiment…
 
GUILLAUME DURAND Donc c’est gratifiant ?
 
CHANTAL JOUANNO Oui parce que c’est sur des enjeux de long terme. Il y a vrai travail, il creuse énormément les sujets et c’est une assemblée très indépendante. Et vraiment pour Paris, je veux dire après la campagne des régionales, moi j’en ai tiré quand même plusieurs convictions dont la nécessité du Grand Paris et ça, c’est le Sénat qui est en première ligne sur tous ces sujets-là, dont aussi la nécessité peut-être de démocratiser le fonctionnement du Grand Paris – de Paris plutôt – parce que les maires d’arrondissement ont très peu de pouvoirs. Donc il y a aussi une réforme structurelle à Paris qui est indispensable.
 
GUILLAUME DURAND Est-ce que vous avez été étonnée ce matin en lisant Le Figaro, l’annonce de Pierre LELLOUCHE – enfin, via Pierre LELLOUCHE – on apprend que le Premier ministre va être candidat donc aux législatives à Paris et donc candidat probablement à la mairie de Paris ? Est-ce que ça vous a surpris ?
 
CHANTAL JOUANNO La décision…
 
GUILLAUME DURAND Parce que là encore, les jeunes pousses du sarkozysme alias Rachida DATI qui doit faire ce matin une sacrée tête.
 
CHANTAL JOUANNO Oui mais enfin on a aujourd'hui, par rapport aux sénatoriales on a aujourd'hui un devoir d’unité et de loyauté parce qu’on a tous une responsabilité quand on est de droite : c’est d’éviter que le Sénat bascule à gauche. Donc nous – enfin moi, c’est ma seule priorité aujourd'hui. Ça, c’est le premier point.
 
GUILLAUME DURAND Et FILLON à la mairie de Paris ?
 
CHANTAL JOUANNO Et après, les autres échéances ce sont d’autres obstacles. FILLON à la mairie de Paris : François FILLON, je l’ai toujours dit, c’est vraiment un très bon candidat parce qu’il a justement cette dimension qui dépasse…
 
GUILLAUME DURAND Et donc DATI est une très mauvaise candidate.
 
CHANTAL JOUANNO Je n’ai jamais dit ça.
 
GUILLAUME DURAND Je vais vous aider à le dire, vous allez voir.
 
CHANTAL JOUANNO Vous rêvez que je le dise mais je ne suis pas dans les querelles de personnes et des polémiques de personnes.
 
GUILLAUME DURAND Mais maintenant l’affaire est tranchée : elle en a rêvé et si FILLON arrive sur le terrain, elle est sortie.
 
CHANTAL JOUANNO Le vrai débat aujourd'hui, le vrai débat c’est de présenter un projet qui plaise aux Parisiens et d’arrêter les querelles de personnes. C’est ça, le vrai débat. Voilà, c’est que dit Philippe GOUJON, le président de la fédération : c’est maintenant on présente un projet et on arrête les querelles de personnes, parce que les Parisiens s’amusent peut-être de nous voir nous déchirer mais ça ne nous rend pas nécessairement très crédibles.
 
GUILLAUME DURAND Et donc la candidature de FILLON, c’est la seule candidature qui vous paraît crédible contre la gauche ?
 
CHANTAL JOUANNO Écoutez, c’est la candidature qui est actuellement évoquée sur les rangs. Maintenant la décision n’appartient qu’à lui et bien évidemment, étant Premier ministre en sortie de crise, il ne peut pas aujourd'hui se prononcer sur le sujet parce qu’on va lui dire : « Attendez, 2014 c’est loin ».
 
GUILLAUME DURAND Enfin maintenant la candidature est lancée. C’est lancé maintenant cette candidature, soyons clairs.
 
CHANTAL JOUANNO Eh bien, espérons que ce soit lancé. C’est une bonne chose.
 
GUILLAUME DURAND Heu, je ne sais pas si vous avez regardé hier à la télévision donc la comparution de Dominique STRAUSS-KAHN mais c’est vrai que le sentiment que beaucoup de gens ont ce matin, c’est qu’Anne SINCLAIR mériterait peut-être une sorte de prix Nobel de l’épouse modèle. D’abord est-ce que vous trouvez ça effectivement extraordinaire, son attitude ? Ou d’une certaine manière puisqu’il y a une part d’humiliation dans tout ça, si ce qu’il a fait est vrai, je ne dis pas déplorable mais problématique ?
 
CHANTAL JOUANNO Ce qui est problématique, c’est une affaire personnelle. Enfin, voilà, c’est vraiment un débat sur lequel il est difficile de se prononcer parce qu’il y a présomption…
 
GUILLAUME DURAND Enfin, elle montre un courage incroyable.
 
CHANTAL JOUANNO Il y a présomption d’innocence d’un côté, il y a présomption de la victime de l’autre côté et on a très peu parlé de la victime.
 
GUILLAUME DURAND Je vous parle de l’aspect…
 
CHANTAL JOUANNO Ils sont ultra politiques, voilà. Ils savent faire bonne figure dans tous les cas et ils sont bien formatés. Je pense qu’il faut témoigner un peu de compassion aussi à l’égard de la victime potentielle.
 
GUILLAUME DURAND Justement à propos de ce sujet qui est extrêmement vaste, il y a sa version française puisqu’on envisage maintenant une journée de la jupe à l’Assemblée nationale.
 
CHANTAL JOUANNO [rires] Ça existe déjà !
 
GUILLAUME DURAND Je sais. Ce matin vous êtes venue en pantalon
 
CHANTAL JOUANNO Oui, il pleut.
 
GUILLAUME DURAND Ne vous inquiétez pas.
 
CHANTAL JOUANNO Parce que vous êtes un homme dangereux ?
 
GUILLAUME DURAND Pas du tout. Est-ce que vous avez justement le sentiment quand même – parce que beaucoup de femmes politiques et vous-même vous êtes exprimée sur ce sujet – qu’il faut changer les mentalités, qu’à l’intérieur de la rénovation de la politique il y a aussi une rénovation du regard des hommes sur les femmes s ?
 
CHANTAL JOUANNO Il y a vraiment deux sujets. Je mets de côté la question du harcèlement sexuel sur lequel il y a aussi une chape de plomb mais qui ne se passe pas à l’Assemblée nationale – je vous rassure quand même, heureusement. Et puis il y a le côté du respect à l’égard des femmes dans leur pratique même de la politique. C’est vrai qu’il y a un regard différent, c’est vrai. Après, à nous évidemment d’être beaucoup plus compétentes, d’être beaucoup plus exigeantes vis-à-vis de nous-mêmes. C’est vrai en France comme dans d’autres pays évidemment. On est très en retard quand on voit que l’accès aux fonctions politiques, on est 20ème sur 27 au sein de l’Union européenne. On voit que les choses n’ont jamais décollé tant qu’il n’y a pas eu de contraintes pour qu’il y ait plus de femmes en politique.
 
GUILLAUME DURAND Mais pourquoi ? Fondamentalement pourquoi ?
 
CHANTAL JOUANNO Parce que, alors il y a plusieurs analyses. C’est marrant parce que c’est un sujet…
 
GUILLAUME DURAND Non mais vous, vous êtes en plein dans cette affaire ?
 
CHANTAL JOUANNO Le modèle politique s’est beaucoup construit sur le modèle du leader de troupe. D’ailleurs vous le voyez dans un meeting, la manière dont les discours sont construits : les discours doivent emmener la salle et ça suppose évidemment des capacités oratoires que n’ont pas les femmes, donc nous on travaille sur un autre modèle qui est un modèle plus pas de compassion mais en tout cas de séduction – ça on peut le dire.
 
GUILLAUME DURAND Mais il y a un problème français parce que les Allemands ont MERKEL, les Anglais ont eu Margaret THATCHER. Beaucoup de pays dans le monde…
 
CHANTAL JOUANNO Oui, alors qui n’ont pas toujours incarné la féminité absolue. Enfin, regardez, c’est pareil pour Benazir BHUTTO, c’était toujours des modèles de femmes qui en réalité pratiquaient la politique comme des hommes. Est-ce qu’on peut pratiquer la politique au féminin ? C’est un vrai sujet de débat et je m’amuse beaucoup à en parler avec mes collègues masculins et certains pensent que oui parce que copier l’original – c'est-à-dire copier le modèle masculin – n’est jamais aussi bien, mais ça c’est un autre sujet.
 
GUILLAUME DURAND Est-ce qu’il faut intégrer les oeuvres d’art dans l’ISF ?
 
CHANTAL JOUANNO Écoutez, on a déjà tellement de mal à soutenir la création et l’art en France et on voit qu’aujourd'hui les marchés d’art partent dans d’autres pays et notamment à Londres, que je ne sais pas si c’est très opportun. Ça dépend de quelles sont nos ambitions mais Paris étant la capitale de la création – devant être normalement la capitale de l’art et de la création – je ne suis pas sûre que ce soit opportun.
 
GUILLAUME DURAND Et est-ce qu’il faut durcir, comme le propose Éric CIOTTI, d’une manière drastique les peines, en tout cas l’exécution des peines ? Ce sont des propositions qui tombent comme par hasard en plein milieu de la campagne présidentielle.
 
CHANTAL JOUANNO La campagne présidentielle, c’est quand même l’occasion de réfléchir donc ça tombe bien, et c’est la vocation d’un parti, effectivement, de faire des propositions quelles qu’elles soient. Rachida DATI disait…
 
GUILLAUME DURAND Il a raison ou il a tort ? Hier Elisabeth GUIGOU, à la même place que vous, disait : « C’est absurde ». Je crois même qu’elle a employé un mot plus blessant, Michael.
 
MICHAEL DARMON « Ridicule ».
 
GUILLAUME DURAND Oui, elle a dit : « C’est ridicule ».
 
CHANTAL JOUANNO Oui, mais enfin bon, elle est dans un jeu purement politique. Les aménagements de peines dès lors qu’ils sont automatiques – dès lors qu’ils sont automatiques, c’est ce à quoi Éric CIOTTI s’attaque. C'est-à-dire que quelle que soit votre attitude, c’est automatique. Ça a été fait dans un objectif qui est simplement de vider les prisons, donc ça effectivement il y a lieu de réfléchir à l’automaticité des aménagements de peines.
 
GUILLAUME DURAND On va reprendre tous ces sujets les uns après les autres dans l’ordre que souhaite Michael. Bonjour, bienvenu.
 
MICHAEL DARMON Bonjour.
 
CHANTAL JOUANNO Bonjour Michael.
 
MICHAEL DARMON Vous avez beaucoup réfléchi et vous avez encore parlé ce matin au fond des questions de rénovation de la vie politique française. Alors Nicolas SARKOZY disait à l’époque : « Avec moi les nominations dans les petits bureaux entre amis, ce sera terminé ». Or au fond, c’est dans son bureau à l’Élysée que vous avez été désignée tête de liste pour les sénatoriales, alors est-ce que vous ne bénéficiez pas du fait du Prince que vous dénoncez régulièrement ?
 
CHANTAL JOUANNO Il y avait déjà au moins une dizaine de personnes autour de la table et puis surtout ç’a été décidé définitivement à l’unanimité dans la commission nationale d’investiture hier soir.
 
MICHAEL DARMON Oui mais la commission d’investiture n’a fait qu’enregistrer le fait du président de la République.
 
CHANTAL JOUANNO Il y a des personnes hautes en couleurs au sein de la commission nationale d’investiture, donc leur dire qu’elles ne font qu’enregistrer, c’est honnêtement un peu humiliant à leur égard, donc non.
 
MICHAEL DARMON C’est une réalité.
 
CHANTAL JOUANNO Non, ce n’est pas une réalité, voilà. Ça, c’est le premier point. Le deuxième point, c’est que j’ai quand même tenté de faire mes armes avant, pendant la campagne des régionales pendant laquelle j’en ai profité pour faire 98 déplacements sur le terrain, donc justement j’essaye de faire mes preuves sur le terrain parce que je ne crois qu’au terrain et c’est ça qui est le plus marrant en politique d’ailleurs. C’est vraiment ça qui est intéressant.
 
MICHAEL DARMON Alors autre sujet sur la rénovation de la vie politique. Finalement dès le début de l’affaire DSK toujours, Nicolas SARKOZY a imposé au fond à ses troupes et à la majorité le silence. Est-ce que ça ne vous a pas choquée finalement ?
 
CHANTAL JOUANNO Le président a rappelé que dans le cas d’une affaire judiciaire, nous n’avions pas à prendre la parole sur une affaire judiciaire qui est une affaire privée. Il a raison et c’est pareil dans tous les cas. Je veux dire, contrairement – on aurait pu vilipender DSK, on aurait pu avoir une attitude absolument odieuse. Et d’ailleurs, je ne doute pas que si le système avait été inverse, si ç’avait été un homme de droite, on ne s’en serait pas privé, donc ça c’est du respect.
 
MICHAEL DARMON Mais est-ce que ce n’était pas l’occasion finalement de parler du respect des femmes ?
 
CHANTAL JOUANNO Par contre – par contre – il ne nous a jamais dit de nous taire sur ce que les commentateurs ont dit sur cette affaire. Quand Jean-François KAHN, parle de troussage, quand Jack LANG dit : « Il n’y a pas mort d’homme », ça c’est juste outrageant, odieux et choquant, et ça on a le droit d’en parler. Et c’est vraiment – je veux dire qu’effectivement, il y avait une très bonne caricature récemment en disant que le Parti socialiste ravalait ses bons sentiments pendant cette affaire STRAUSS-KAHN, bien on l’a vu.
 
MICHAEL DARMON Alors rénovation politique toujours. Dans un livre, vous avez écrit – dans un livre d’entretiens avec des intellectuels, vous avez écrit qu’il fallait que la France sorte de la monarchie – ça avait beaucoup aussi agacé Nicolas SARKOZY en son temps. Au fond, est-ce que l’affaire DSK dans ses retombées en France ne montre pas, voilà, vous ne dites pas : « J’ai raison, il faut vraiment que la France sorte de la monarchie » ?
 
CHANTAL JOUANNO C’est qu’on a – on peut croire à différents modèles politiques. Je crois beaucoup aux modèles dits d’Europe du nord sans tout en prendre parce que la France n’est pas une page blanche, donc on ne peut pas tout calquer sur notre pays. Maintenant ce qui est assez évident, c’est qu’on le voit quand on va sur le terrain : c’est qu’il faut qu’on ait les attributs du pouvoir pour être reconnus, alors surtout quand on est jeune et quand on est une femme – même si je ne suis pas si jeune, mais bon passons. Si on n’a pas une grosse voiture, c’est compliqué et c’est vrai que j’avais une 308, maintenant j’ai une 508 – 115 grammes de CO2, je fais de la pub – mais quand on arrive avec une petite voiture dans un endroit, on me dit : « Non, non, attendez ! On attend la ministre ». Donc il y a vraiment – si on n’a pas les attributs…
 
GUILLAUME DURAND Donc la monarchie républicaine, les Français aiment ça.
 
CHANTAL JOUANNO Comment ?
 
GUILLAUME DURAND La monarchie républicaine, les Français aiment ça.
 
MICHAEL DARMON Oui, ils aiment ça.
 
GUILLAUME DURAND Vous n’arrivez jamais à les transformer en Finlandais.
 
MICHAEL DARMON Changer la politique, vous n’y arriverez pas.
 
CHANTAL JOUANNO Il y a tout un paradoxe dans ce peuple qui est un même temps un peuple coupeur de têtes quand il en a besoin, enfin c’est… Il y a tout un paradoxe mais c’est très intéressant.
 
GUILLAUME DURAND Mais les deux vont ensemble.
 
CHANTAL JOUANNO Donc ce n’est pas la monarchie dans le sens exercice du pouvoir mais au sens plutôt des attentes de la société sur certains symboles que nous devons, nous, respecter.
 
MICHAEL DARMON Alors vous avez souvent exprimé votre malaise face aux positions droitières du gouvernement. À l’époque vous-même vous aviez écrit même de nombreux discours sur la sécurité de Nicolas SARKOZY. Au fond, qu’est-ce qui a changé ? Pourquoi aujourd'hui vous vous reconnaissez moins dans l’UMP ?
 
CHANTAL JOUANNO Non, pas du gouvernement. Je n’ai jamais critiqué la position du gouvernement ou alors il faut me le dire mais je ne m’en suis pas rendue compte, jamais.
 
MICHAEL DARMON Les Roms par exemple, ça ne vous a pas beaucoup plu.
 
CHANTAL JOUANNO Sur les sujets – dans la droite, ce qui nous rassemble c’est la réhabilitation de la valeur travail, le principe de l’autorité, du respect et effectivement des positions très strictes sur toutes les questions de sécurité y compris sécurité routière. Par contre après, dans l’ensemble du parti, qui est un parti assez large, il y a des positions qui s’expriment plus à droite que d’autres.
 
MICHAEL DARMON Mais quand on explique que pour gagner en 2012, il faudra encore récupérer les voix du Front National, ça vous met à l’aise ?
 
CHANTAL JOUANNO Bien, ce n’est pas – d’abord qui explique ça tel quel ? –
 
MICHAEL DARMON Les conseillers de Nicolas SARKOZY.
 
CHANTAL JOUANNO Ça ne signifie pas, et jamais l’UMP n’est allée sur ce terrain, que l’on adhère et que l’on reprenne les valeurs du Front National, surtout pas. Je veux dire le Front National, c’est une espèce de fourre-tout de positions populistes qui vont de l’abandon de l’euro au rétablissement de la peine de mort. Honnêtement, je veux dire ce n’est même pas crédible sur le fond.
 
MICHAEL DARMON Mais vous-même, où vous situez-vous ? Lorsque vous avez pendant la campagne des régionales pris des positions sur Paris assez iconoclastes notamment vis-à-vis de l’homoparentalité, est-ce que vous n’êtes pas à la frontière avec l’UMP ? Est-ce que vous n’êtes pas pratiquement en rupture idéologique avec l’UMP ?
 
CHANTAL JOUANNO Je suis au sein – j’ai mes positions, ça c’est évident. L’UMP a vocation à être un parti ouvert et large. C’est comme ça que Jean- François COPÉ essaye de le faire vivre aujourd'hui.
 
MICHAEL DARMON Vous en êtes convaincue de ce que vous dites-là ?
 
CHANTAL JOUANNO J’en suis convaincue. Il faut juste que tout le monde se respecte. Je suis convaincue que Jean-François COPÉ le fait. Maintenant il faut que tout le monde au sein de l’UMP respecte les positions des uns et des autres.
 
GUILLAUME DURAND Alors pourquoi BORLOO veut-il se présenter ?
 
CHANTAL JOUANNO Pourquoi Jean-Louis BORLOO veut-il se présenter ? Parce que…
 
GUILLAUME DURAND Qui a été numéro deux du gouvernement, qui a été ministre pendant neuf ans, que vous connaissez bien et que vous appréciez.
 
CHANTAL JOUANNO Parce que Jean-Louis est convaincu que pour participer à la reconstruction de la droite, il faut une expression du centre qui soit autonome. Il est convaincu de ça, il est convaincu qu’il faut revenir donc à un ancien système sauf que l’UMP n’a jamais été aussi forte que quand elle a été unie. Jamais.
 
GUILLAUME DURAND Oui mais l’arrière-pensée, c’est quoi ? C’est de faire gagner SARKOZY ou de le faire perdre quand on se présente ? Vous le connaissez, Jean-Louis BORLOO.
 
CHANTAL JOUANNO Alors Jean-Louis BORLOO vous répondra mieux que moi. Le connaissant, puisque vous m’avez posé la question en ces termes : jamais, jamais, jamais il n’est dans une logique de défiance à l’égard du président de la République. Jamais.
 
MICHAEL DARMON Il ne sera pas candidat, alors.
 
GUILLAUME DURAND À quoi ça sert d’être candidat ?
 
CHANTAL JOUANNO Il sera candidat s’il estime que ça peut aider, qu’il se ralliera – après c’est toujours des calculs à deux ou trois bandes.
 
MICHAEL DARMON Mais vous croyez à sa candidature ? Vous croyez à l’intérêt de sa candidature ?
 
CHANTAL JOUANNO Je suis toujours très réservée sur les tentatives de division, que ce soit au sein de Paris ou à l’échelle nationale. Très réservée. Mais je ne dirais jamais que c’est dans une tentation malveillante à l’égard du président de la République puisque Jean-Louis BORLOO n’a jamais eu cette position. Jamais.
 
MICHAEL DARMON Si c’est Martine AUBRY qui est désignée par les socialistes pour 2012…
 
GUILLAUME DURAND Dernier point Michael, dernier point.
 
MICHAEL DARMON Est-ce que vous pensez que c’est gagné pour Nicolas SARKOZY ?
 
CHANTAL JOUANNO Non, parce que – enfin, une bataille électorale, une campagne n’est jamais gagnée par avance.
 
MICHAEL DARMON Ce sera difficile pour 2012 ?
 
CHANTAL JOUANNO Ce sera de toute façon toujours difficile, on le sait. Je veux dire même en 2007 c’était difficile. On le sait, on ne va pas se voiler la face. Mais c’est un débat de fond, c’est la qualité du débat qui fera la différence et sur ce point, je n’ai aucun doute sur le président de la République.
 
MICHAEL DARMON Qui pourra traiter l’anti-sarkozysme.
 
CHANTAL JOUANNO Mais l’anti-sarkozysme se nourrit de petites choses. Revenons sur le fond, sur les questions, sur comment il a agi, les réformes qu’il a menées, comment il a réagi face à la crise, le leadership que la France a pris dans le monde : c’est ça, le vrai sujet.
 
MICHAEL DARMON Le pouvoir d’achat.
 
CHANTAL JOUANNO Le pouvoir d’achat, très bien. Les propositions des socialistes pour faire face à la crise, ça a mené l’Espagne là où elle est aujourd'hui, ça a mené le Royaume Uni là où il était aussi, donc honnêtement en termes de pouvoir d’achat et notamment face à la crise, je fais plus confiance à Nicolas SARKOZY qu’aux socialistes.
 
MICHAEL DARMON Merci.
 
GUILLAUME DURAND Merci beaucoup Chantal JOUANNO.
 
CHANTAL JOUANNO Merci.
 Source : Premier ministre, Service de l’Information du Gouvernement, le 7 juin 2011