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MAITENA BIRABEN Que la force soit avec vous, Caroline ! Egalement, Luc CHATEL, le ministre de lEducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative, est linvité politique de « La Matinale. » Il est le ministre du bac, en quelque sorte. Première épreuve de philo, cest aujourdhui. Toujours autant de stress pour les élèves, alors que le taux de réussite à cet examen a atteint lan dernier 85,6%, du coup : « passe ton bac dabord », ok, mais avec « mention » en plus. Bonjour. Soyez le bienvenu.
LUC CHATEL Bonjour.
CAROLINE ROUX Bonjour. Lan dernier, cest vrai que dun bachelier sur deux dans la filière générale a obtenu son bac avec mention. Ça veut dire que le bac sans mention ne vaut plus rien ?
LUC CHATEL Non, non, ça veut dire que, en trente ans, le système éducatif sest démocratisé et sest ouvert, songez quau début des années 80, il y avait environ 20% dune classe dâge qui accédaient au baccalauréat, aujourdhui, ce sont 65% dune génération qui y accèdent. Et je crois que cest un vrai signe au moment où on est dans léconomie de la connaissance, où lexigence du monde de lentreprise est toujours plus importante vis-à-vis du diplôme, vis-à-vis du savoir.
CAROLINE ROUX Ce nest pas lié à lharmonisation des notes, comme le disent certains, entre les filières littéraires et scientifiques, qui fait que le niveau grimpe du coup mécaniquement, et que ça abaisse le niveau général du bac ?
LUC CHATEL Non, il ny a pas de volonté de dire : on va baisser la barre pour faire passer davantage délèves au-dessus, non, ça, cest absurde, il y a un niveau dexigence qui est important, cest vrai, mais aujourdhui, les entreprises, le monde du travail recrutent avec un niveau dexigence plus fort quil y a vingt-cinq ou trente ans, cest-à-dire que certains postes pour lesquels on recrutait avec un niveau bac il y a vingt-cinq ans, aujourdhui, cest peut-être un niveau BTS ou cest un niveau licence, donc il y a cette exigence, vous savez, on sest engagé à élever 50% dune classe dâge au niveau bac + 3, ce sont les objectifs de Lisbonne, cest très important parce que cest devenu un enjeu de compétitivité. Et on sait surtout que, un élève qui quitte le système éducatif avec un diplôme, il a trois fois plus de chances davoir un emploi que le camarade du même âge qui le quitte sans diplôme.
CAROLINE ROUX Alors, pour la première fois, la proportion de bacheliers dans une classe dâge pourrait battre le record de 66%, cest un chiffre qui stagne depuis quinze ans. Pourquoi il stagne et quel est votre objectif en la matière ?
LUC CHATEL Ça doit nous interpeller, parce que, effectivement, les chiffres que je viens de citer tout à lheure ont enregistré une forte progression entre 1980 et 1995, et depuis, la proportion ne progresse plus.
CAROLINE ROUX Pourquoi ?
LUC CHATEL Pourquoi, parce que je pense que le système éducatif a réussi le défi de la massification, la démocratisation, mais on na pas réussi le défi qualitatif, cest-à-dire, une solution pour chaque élève en sortant du système éducatif, en gros, aujourdhui, on travaille trop dans lEducation nationale comme il y a vingt-cinq ou trente ans, quand on avait 20% dune classe dâge dans la classe, aujourdhui, quand on a 65%, ce nest plus le même métier, le travail du professeur, il change, il évolue, lorganisation du système éducatif doit évoluer, et donc cest le travail que je mène, cest lidée de différencier, cest lidée de personnaliser lenseignement
CAROLINE ROUX Vous navez pas répondu à lobjectif chiffré.
LUC CHATEL Alors, lobjectif chiffré, je vais vous dire, aujourdhui, lobjectif, à mon avis, doit moins être un objectif chiffré pour le bac que, un objectif qui parait simple comme ça, mais qui est horriblement difficile, et qui est 100% dune classe dâge doit quitter lécole avec un diplôme, avec une qualification. Quand vous regardez toutes les études, si vous sortez sans diplôme, toute votre vie, vous allez en pâtir, toute votre vie, vous risquez une situation de précarité et dêtre laissé au bord du chemin.
CAROLINE ROUX La réforme du bac, cest inenvisageable, cest terminé, on nen parle plus, dans LE PARISIEN ce matin, il y a Claude LELIEVRE, qui est un historien de lEducation nationale, et qui dit : aucun ministre ne sattaquera bille en tête au symbole ; ça veut dire que vous êtes comme tous les autres ministres, vous avez peur du bac ?
LUC CHATEL Non, je nai pas peur du tout, je pense que le bac est un héritage très fort de notre système éducatif, moi, jy suis très attaché, et il nest pas question de supprimer le bac, si cest votre question. Chaque année, il y a des marronniers
CAROLINE ROUX Aller le réformer
LUC CHATEL Mais le réformer, vous savez, le bac, il se réforme chaque année, chaque année, il y a des nouveautés, cette année, nous avons par exemple six nouvelles filières professionnelles qui sont évaluées au bac, cette année, nous avons des changements dans les langues vivantes, lannée prochaine, dans le cadre de la réforme du lycée, il y a des disciplines qui seront évaluées en 1ère et non plus en terminale. Donc le bac, il évolue en permanence. Simplement, je pense que lidée de cet examen, qui, je le rappelle, est la première étape, le premier grade de lenseignement supérieur, qui est aussi un symbole dégalité du système éducatif, le bac, cest le même à Chaumont, à Saint-Denis de La Réunion et à Paris, et ça, cest très important
CAROLINE ROUX Il ny a rien quil faut changer, il na pas des défauts, il coûte cher, ça mobilise énormément de moyens
LUC CHATEL Non, il ne coûte pas cher, non, cest absurde
CAROLINE ROUX Il ne coûte pas cher ?
LUC CHATEL Cest absurde de dire quil coûte cher, il coûte 83 euros par élève, ça coûte cinquante millions deuros le bac
CAROLINE ROUX Ce nest pas cher 83 euros par élève ?
LUC CHATEL Le budget de lEducation nationale, cest 60 milliards, donc rapportés à lenjeu que ça représente, cest-à-dire le fait que chaque élève qui a passé toute sa scolarité dans le système éducatif puisse sortir avec un premier diplôme, et le Sésame que ça représente par rapport à lenjeu, par rapport à lenseignement supérieur, je crois que cest un investissement qui est très important, le bac.
CAROLINE ROUX Alors, il y a un phénomène dont on a beaucoup parlé dans la presse ces derniers jours, et je voulais avoir votre sentiment sur le sujet, la fraude 2.0, comme on dit, est-ce que vous redoutez des fraudes, davantage de fraudes lors de cette session du bac, à cause des Smartphones, et quelles dispositions vous avez prises ?
LUC CHATEL Alors, nous avons eu plus de fraudes lannée dernière que lannée précédente, donc cest un indicateur. Deuxièmement, le rôle de lEducation nationale, cest de sadapter à la société qui lenvironne, donc effectivement, aujourdhui, ce nest plus lantisèche cachée dans le taille-crayon, mais cest plutôt les Smartphones, donc oui, nous nous adaptons. Jai pris des directives très claires vis-à-vis des centres dexamens pour que, évidemment, on interdise les téléphones portables, leur usage et autres, ensuite, nous sommes extrêmement vigilants, et puis, mon rôle, cest aussi de rappeler les sanctions quencourent ceux qui peuvent frauder aujourdhui ou dans les jours qui viennent, ça peut aller jusquà cinq ans dexclusion, cinq ans sans passer un examen, cinq ans dans une vie, cest long.
CAROLINE ROUX Ça peut être dissuasif en effet. Alors, une information révélée par LE FIGARO ce matin, la philosophie serait enseignée dès la seconde pour préparer les étudiants justement à cette année de terminale, où on découvre une nouvelle matière, enseignée dans 297 lycées ; est-ce que vous confirmez cette information ?
LUC CHATEL Absolument, je confirme, javais annoncé cela, il y a quelques mois, jai voulu aller plus loin dans lenseignement de la philosophie, qui est une spécificité française, aujourdhui, cest lépreuve de philo du bac, nous allons parler toute la journée de la philo, cest formidable, on a un grand élan philosophique dans notre pays, avec le développement des cafés philos, avec le développement de conférences, nous organiserons à Langres, en Haute-Marne, au mois de septembre
CAROLINE ROUX Oui, mais pourquoi dans 297 lycées uniquement ?
LUC CHATEL Parce que nous avons lancé un appel à projet, et nous avons proposé à des lycées qui le souhaitaient dès la seconde de pratiquer lenseignement de la philosophie. Alors, ça peut se faire via de laccompagnement personnalisé, ça peut se faire par la participation de professeurs de philosophie à dautres cours du programme, en tout cas, nous avons effectivement près de 300 lycées qui ont répondu à cet appel à projet.
MAITENA BIRABEN Alors, on en vient maintenant à lhistoire de Saint-Gratien.
CAROLINE ROUX Oui, on en a parlé dans la première partie de lémission, vous êtes sans doute au courant, ça se passe dans le Val dOise, un foyer logeant des réfugiés politiques sest ouvert lété dernier, il y a des élèves qui sont 29 élèves scolarisés dans les établissements de Saint-Gratien, mais qui nont pas accès à la cantine. Alors, les parents délèves sur place se mobilisent, ils disent que lécole est dans lillégalité sur cette affaire, et la municipalité UMP donc refuse laccès à ces enfants ; quest-ce que vous en pensez, déjà, de cette affaire, est-ce que ça vous choque ?
LUC CHATEL Dabord, je veux rappeler une chose, cest que tous les enfants qui sont en France, quils soient français ou étrangers, y compris dont les parents pourraient être en situation irrégulière, sont les bienvenus à lécole de la République. Cest un point très important quon oublie souvent. Et ces enfants sont scolarisés. Ensuite, la question, la polémique porte sur la participation à la cantine. Cest du ressort de la municipalité, cest-à-dire que cest la municipalité qui décide de sa politique tarifaire en matière de cantine, donc vous avez des villes dans lesquelles, même si on a des graves difficultés familiales, eh bien, on peut quand même accéder à la cantine, manifestement, le maire de cette commune a décidé que non. Donc
CAROLINE ROUX Elle a raison ?
LUC CHATEL Moi, je trouve ça choquant, voilà, mais cest un avis très personnel, et ce nest pas mon rôle de tancer le maire dune commune, puisque cest sa compétence. Mais cest vrai que ça peut paraître choquant quand on laisse ces enfants, qui sont scolarisés, à la porte de la cantine.
Source : Premier ministre, Service dInformation du Gouvernement, le 16 juin 2011