Interview de Mme Nicole Notat, secrétaire générale de la CFDT, à RTL le 30 mars 2001, sur les licenciements et sur la réduction du temps de travail.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

R. Arzt
Faites-vous une nuance entre les licenciements qui ont été annoncés hier : Danone, c'était prévu à l'avance alors que Marks Spencer, c'est plus brutal ? Et surtout est-ce que, selon vous, c'est à chaque fois la même logique financière qui commande, en l'occurrence répondre aux exigences des actionnaires ?
- "Il y a évidemment les logiques financières qui existent maintenant dans les entreprises. La question est de savoir, quand des décisions ont des répercussions sur les entreprises et surtout sur les salariés, si c'est uniquement la logique financière qui la motive. Si c'est le cas, alors c'est insupportable, intenable et inexplicable. Par contre, les entreprises vivent dans un monde en concurrence : il y a donc des contraintes pour les entreprises aujourd'hui telles que la concurrence - pour Danone, il ne faut pas ignorer les appétits que peut susciter cette entreprise de la part d'autres concurrents - , et les problèmes de capacités de production. Dès lors que ces contraintes existent, l'entreprise a l'obligation de les expliquer."
Les syndicats peuvent comprendre à ce moment-là ?
- "Il y a longtemps que les syndicats ont accédé à une culture de la compréhension économique et de la globalisation des entreprises. Simplement, c'est à eux de faire la démonstration qu'il y a des contraintes, qu'il y a nécessité et qu'au total, il faut agir parce que c'est l'avenir global de l'entreprise et donc de l'emploi qui est en jeu. Mais quelle que soit la motivation, quand on est salarié et qu'on apprend que son usine va être supprimée ou que son emploi est supprimé, cela ne peut pas être une bonne nouvelle. Donc, les réactions des salariés dans tous les cas de figure sont automatiquement la colère, la révolte, et c'est bien compréhensible. Je ne peux pas dire que Marks Spencer, c'est la même chose que Danone. Marks Spencer, c'est le contre-exemple, c'est le mépris des salariés, la brutalité. Danone est une entreprise qui a une histoire et une pratique sociale, qui va respecter - je l'espère et nous allons être vigilants - les procédures d'information et de consultation. Ce que nous attendons de Danone, c'est que cette entreprise soit exemplaire dans le traitement des problèmes qu'elle pose parmi les entreprises exemplaires. Danone n'a pas le droit de laisser un seul salarié sur le chemin c'est-à-dire qu'aujourd'hui, quelles que soient les décisions qui vont mûrir et les modalités qui vont se dessiner dans la concertation, nous disons : zéro chômeur à Danone ; des moyens pour que chacun ait la garantie d'un nouvel emploi - en utilisant la formation, la reconversion ou la mobilité interne - ; des aides dans la négociation. Je pense également aux bassins d'emplois qui doivent avoir aussi les aides et les moyens de Danone pour la réindustrialisation et la création de nouveaux emplois."
Hier, les 27 000 salariés de Michelin en France se sont prononcés par référendum interne sur un accord de réduction du temps de travail. Le "oui" l'a emporté à près de 60 % ; la CFDT, au niveau de sa direction, avait voulu ce référendum. Vous êtes évidemment satisfaite ?
- "Bien sûr, parce que nous avons compté sur les salariés pour dire si nous faisions le bon choix à Michelin. C'est une sorte de pari que nous faisons à Michelin. Il nous semblait que dans cette entreprise, il était peut-être possible de changer d'air, d'écrire une nouvelle page, et qu'enfin les relations sociales deviendraient modernes. Rappelons qu'il y avait véritablement une répression vis-à-vis des syndicats."
La CFDT a aidé à sortir de cette situation ?
- "Nous avons joué notre rôle de négociateur dans le sujet des 35 heures. Je peux vous dire que quand on a dit qu'on négociait les 35 heures à Michelin, c'était une petite bombe. L'accord ne faisait pas l'unanimité ; il fallait donc aller vers les salariés et leur demander leur point de vue. Ils ont aujourd'hui tranché. A l'évidence, il y a encore des salariés qui sont sceptiques, qui ne sont pas sûrs que ce soit le bon choix. Maintenant, c'est notre responsabilité dans l'entreprise de suivre cet accord. Il faut que s'imprime chez Michelin une nouvelle période de relations sociales.
Les trois quarts des adhérents de la CFDT chez Michelin ont quitté la CFDT.
- "Ce sont les anciens responsables : ils étaient tellement marqués par l'histoire de Michelin que beaucoup n'ont pas cru que cela pouvait changer. Aujourd'hui, nous avons la responsabilité de faire la démonstration que quelque chose va changer à Michelin."
Y a-t-il une modernité à la SNCF avec les grèves actuelles ? Est-ce que le combat syndical a besoin de faire bouger quelque chose ?
- "C'est une entreprise où, à l'évidence, le recours à la grève et les conditions dans lesquelles elle peut en même temps faire valoir les revendications légitimes des salariés et prendre en considération les répercussions sur les usagers, ne sont pas arrivés à leur point d'équilibre."
On va sans doute avoir dans la matinée les chiffres du chômage qui seront bons : on devrait passer sous la barre des 9 %. Cela vous amène-t-il à quelques conseils à donner à ceux qui veulent une inflexion à gauche du Gouvernement ?
- "C'est bien que le chômage continue à diminuer, mais attention ! Gardons le cap sur l'objectif du plein emploi, il ne sera pas automatique. A la veille de décisions que le Premier ministre s'apprête à prendre, je souhaiterais qu'il garde ce cap-là. Oui au cap sur le plein emploi ; oui à des réponses à l'insertion, à la formation, à la fidélisation des jeunes ou des chômeurs de longue durée dans les entreprises. Multiplions les négociations dans les branches et dans les professions pour que les entreprises se sentent concernées par cet objectif. Cela vient d'être fait dans la métallurgie, dans la foulée de l'accord sur l'assurance chômage, c'est le fil rouge que le Gouvernement doit garder."
A-t-il une marge de manoeuvres pour cela ?
- "Il y a toujours une marge de manoeuvre pour conduire une action. Conduire une action favorable à l'emploi, ce n'est pas obligatoirement dépenser, dépenser et dépenser. Ce sont des bonnes actions bien ciblées, efficaces, avec bien sûr les moyens qu'il faut lorsqu'il en faut."
(Source http://www,cfdt,fr, le 14 janvier 2003)