Déclaration de Mme Roselyne Bachelot, ministre des solidarités et de la cohésion sociale, sur l'accueil et l'accompagnement des personnes dépendantes, Marseille le 14 juin 2011.

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Circonstance : Clôture du 3ème débat interrégional sur l'accueil et l'accompagnement des personnes âgées à Marseille le 14 juin 2011

Texte intégral


Nous voici déjà parvenus au terme de ce 3e débat interrégional.
Comme pour les deux premiers et comme, d’ailleurs, pour l’ensemble des débats interdépartementaux qui se sont déjà tenus, force est de constater la qualité des échanges.
Le choix des intervenants, tous particulièrement compétents, n’y est évidemment pas étranger, tout comme l’habileté d’Anne Chevrel, que je remercie d’avoir animé le débat.
Mais j’y vois aussi le signe d’un engagement fort, d’une volonté indéfectible : améliorer, encore et toujours, l’accueil et l’accompagnement des personnes âgées, pour le bien-être de nos aînés, mais aussi pour la grandeur de notre société.
Car – et cela, j’ai coutume de le dire souvent –, c’est bien de la façon dont notre société considère les plus vulnérables de nos concitoyens qu’elle tire tout à la fois sa force et sa splendeur.
De ce point de vue, vos réflexions sont primordiales, dans la mesure où elles nous aident à définir notre projet commun, notre projet de société.
La présence du Premier Ministre en ouverture du débat dit assez la valeur de ces réflexions.
Certaines orientations font consensus, d’autres révèlent des points de vue différents. Cependant, c’est d’abord au débat, dynamique et constructif, que je veux rendre hommage, car je mesure son importance dans une société qui a tout à gagner à réinterroger sans cesse ses valeurs et ses pratiques.
Comment prendre en charge les personnes âgées dépendantes ? Quelles solutions doivent être développées ? Comment repenser la cohérence et l’accessibilité de l’offre de services proposée aux usagers, en établissements et à domicile ?
Ces questions sont déterminantes, et je vous remercie d’avoir bien voulu y répondre.
Je veux d’abord m’adresser à vous, chère Evelyne Ratte, ainsi qu’à tous les membres de votre groupe de travail.
Depuis l’installation de votre groupe en février dernier, j’ai pu observer votre remarquable et précieuse implication sur ces questions. Vous êtes ainsi parvenus à établir un état des lieux précis de l’offre d’hébergement en établissement et du secteur de l’aide et des soins à domicile. Ce diagnostic était évidemment indispensable.
Dans un second temps, vos réunions régulières vous ont permis de formuler des propositions, qui me seront rendues dans quelques jours.
Mes remerciements s’adressent ensuite au panel de citoyens, qui a su s’approprier un sujet complexe et parfois technique. Je ne doute pas que les discussions approfondies auxquelles nous venons d’assister ont permis à l’ensemble du public de mieux comprendre les enjeux majeurs du sujet qui nous occupe.
Je voudrais, en proposant une synthèse de ce débat, parvenir à en restituer la richesse.
Alors, que retenir de ces nombreux échanges ?
1er constat : le maintien à domicile est une aspiration massive – et légitime – de nos aînés. L’étude qualitative réalisée par TNS Sofres à l’occasion de ce débat le montre une nouvelle fois.
Faciliter le maintien à domicile paraît donc primordial.
Pour cela, il est important de garantir des services de qualité, de proximité et accessibles ; d’adapter le logement et de promouvoir les technologies et services de la santé et de l’autonomie ; ou encore de favoriser une meilleure coordination des intervenants et un meilleur accompagnement des aidants.
Cependant, nous le savons bien, le maintien à domicile a ses limites. Les risques de maltraitance ou d’accidents domestiques, ainsi que les difficultés d’accessibilité de l’environnement urbain ou le manque de services de proximité, ne doivent pas être ignorés.
En outre, dans certains cas, l’état de santé physique ou mental, combiné à l’absence de l’entourage familial, ne permet tout simplement plus le maintien à domicile.
Dès lors, l’offre en établissements est-elle satisfaisante ? Doit-elle évoluer, et comment ?
C’est là le 2e constat que nous pouvons faire : l’offre en établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) est satisfaisante, à la fois en qualité et en quantité - sous réserve d’ajustements territoriaux.
Nous devons néanmoins consolider cette offre existante en poursuivant l’effort de médicalisation des établissements et, au-delà, en engageant un chantier de rénovation important pour certains d’entre eux.
Nous devons également diversifier la palette des solutions proposées, en développant des structures de répit pour les aidants et, pour les personnes faiblement dépendantes, des structures intermédiaires entre, d’un côté, le domicile et, de l’autre, les EHPAD très médicalisés.
J’ai pris connaissance en Allemagne d’expériences très intéressantes d’appartements regroupés autour de services communs et d’un accueil de jour. D’autres formules sont vraisemblablement à développer, comme l’accueil familial ou le béguinage, par exemple.
Ces structures intermédiaires ont l’avantage d’offrir un hébergement sécurisé et adapté, tout en proposant une aide à la vie quotidienne et en préservant le lien social. Elles recueillent d’ailleurs l’intérêt de la plupart des personnes interrogées par TNS Sofres.
Le 3e constat concerne le reste à charge, qui représente en moyenne 1 468 € par mois. Il est, en effet, difficilement supportable pour la plupart de nos concitoyens, en particulier pour les familles issues des classes moyennes à revenu modeste. Nous apporterons des réponses, dès cette année, à cette difficulté, pour une meilleure solvabilisation de la dépense d’hébergement.
Ce sujet sera évidemment évoqué dans une semaine à Strasbourg, lors du dernier débat interrégional consacré à la « Stratégie pour la couverture de la dépendance des personnes âgées ».
4e constat : il nous faut structurer le dispositif autour d’un objectif prioritaire : la coordination.
Chacun le sait, notre système de prise en charge est encore trop cloisonné. Cloisonnement, tout d’abord, entre le secteur sanitaire et les établissements ou services médico-sociaux ; cloisonnement, ensuite, entre le domicile et la prise en charge en établissement …
Nous devons améliorer la coordination autour de la personne, mieux articuler les secteurs ambulatoire, hospitalier et médico-social et encourager les décloisonnements. Les EHPAD pourraient par exemple devenir les pivots de l’accompagnement à domicile. Il nous faut, en outre, porter une attention particulière à ce moment clé que constitue la sortie de l’hôpital.
A domicile, une meilleure articulation des intervenants entre eux est essentielle. Songeons que, parfois, ce sont 20 personnes différentes qui se succèdent au domicile d’une personne âgée !
Ce que je retiens du débat, c’est aussi qu’il faut mettre fin au parcours du combattant des familles et améliorer l’information.
J’ai souhaité, vous le savez, que nous mettions en place des indicateurs de qualité dans les EHPAD. De tels dispositifs existent déjà dans d’autres pays, notamment en Suède, où je me suis rendue et où j’ai pu observer ce qui se faisait : des indicateurs de satisfaction, d’encadrement – pas nécessairement médical –, de consommation de médicaments ou encore de gestion de la douleur.
Les travaux ont déjà démarré. Ces indicateurs seront prêts en 2012.
Enfin, je voudrais dire quelques mots sur une exigence incontournable : favoriser une culture de la bientraitance.
Des progrès indéniables ont été accomplis dans le domaine de la lutte contre les maltraitances :
• mise en place (en 2000) d’un dispositif d’alerte avec centralisation et traitement rapide de l’information et intervention rapide des services de l’Etat en cas d’urgence ;
• mise en place (en 2008) d’un numéro vert 39 77, afin de faciliter le signalement des faits de maltraitance ;
• renforcement des contrôles opérés par les agences régionales de santé au sein des établissements sociaux et médico-sociaux : 4 000 inspections (dont 45% dans les établissements hébergeant des personnes âgées) à réaliser sur 5 ans.
En outre, depuis sa création en 2003, le Comité national de vigilance contre la maltraitance des personnes âgées – élargi, en 2007, aux adultes handicapés – est chargé de définir les outils pour la mise en œuvre de la politique nationale.
2 guides de gestion des risques de maltraitance – l’un destiné aux établissements d’hébergement, l’autre aux services d’aide à domicile – ont ainsi été réalisés.
L’accompagnement des EHPAD dans une dynamique de bientraitance s’effectue également par le biais de la formation : la formation bientraitance a, par exemple, été généralisée sur la base des outils Mobiqual, dans le cadre d’une convention avec la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA).
Par ailleurs, l’Agence nationale de l’évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux (ANESM) a diffusé dans les EHPAD, en 2009, un outil d’auto-évaluation de la bientraitance, à partir de sa recommandation sur la même thématique.
Mais le plus souvent, les phénomènes de maltraitance ont lieu au domicile des personnes âgées.
L’enjeu du débat est de fournir des pistes, par exemple prévenir les actes de maltraitance par : • un accompagnement renforcé des aidants, parfois isolés et épuisés ; • des visites plus fréquentes des équipes médico-sociales à domicile ; • le développement du recours à des tiers de confiance (notaires, gestionnaires de biens agréés, avocats…) pour éviter les phénomènes de captation.
Ce qui est certain, c’est que le professionnalisme de celles et ceux qui ont choisi de s’occuper des personnes âgées est déterminant.
Encourager les jeunes générations à aller vers les métiers orientés vers les personnes âgées : c’est aussi l’un des enjeux de la réforme, par le biais, peut-être, de l’élaboration d’un plan métier.
Ce débat interrégional touche à sa fin, mais c’est aussi, plus largement, le grand débat national qui est sur le point de se terminer.
Cette semaine se tiendront les deux derniers débats interdépartementaux, ceux du Limousin et de la région PACA. Mercredi, le Conseil économique, social et environnemental (CESE) rendra son avis.
Le tout dernier débat, le dernier débat interrégional, se tiendra à Strasbourg le 20 juin et les rapporteurs des 4 groupes de travail me remettront leurs propositions le 21.
Je remettrai moi-même, à l’été, une synthèse générale au Président de la République.
C’est avec beaucoup de confiance que je me prépare à aborder ces échéances finales, convaincue de notre capacité à faire face au défi de l’allongement de l’espérance de vie et de l’augmentation des situations de dépendance.
S’il faut bien se garder de confondre vieillissement et dépendance, l’un et l’autre doivent être envisagés avec lucidité et responsabilité. Je suis heureuse de pouvoir le faire avec vous.
Source http://www.dependance.gouv.fr, le 15 juin 2011