Entretien de M. Henri de Raincourt, ministre de la coopération, à Europe 1 le 18 juillet 2011, sur la famine dans la Corne de l'Afrique.

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Média : Europe 1

Texte intégral

Q - Une nouvelle fois l’Afrique, et tout particulièrement ce que l’on appelle la Corne de l’Afrique (Somalie, Éthiopie jusqu’au Kenya), est frappée par la sécheresse et la famine. Une nouvelle fois, ce sont les mêmes images d’hommes et de femmes squelettiques fuyant vers des camps de réfugiés, les mêmes images d’enfants aux yeux brûlants de faim. Une nouvelle fois. Henri de Raincourt, bonsoir.
R - Bonsoir.
Q - Vous êtes ministre chargé de la Coopération. Cette famine, ce que l’on appelle cette nouvelle catastrophe humanitaire, tout cela n’était-il pas prévisible ?
R - Comme vous l’avez dit vous-même, il y a quelques instants, ce n’est pas la première fois qu’hélas la sécheresse s’attaque très violemment à cette partie de la Corne de l’Afrique. Il semble que, cette fois-ci, ce soit encore plus violent que les fois précédentes. C’est la raison pour laquelle, dans un certain nombre d’organisations internationales, on avait quelque peu anticipé.
Q - On parle de 12 millions de personnes qui seraient touchées par la famine. L’ONU, la FAO disent qu’il s’agit peut-être de l’une des plus grandes catastrophes humanitaires depuis très longtemps. Encore une fois, on connaît la situation politique extrêmement agitée de la région, ne fallait-il pas intervenir avant ?
R - Je veux vous dire que, au travers du Programme alimentaire mondial, des stocks d’urgence d’aide alimentaire avaient été constitués, contrairement aux sécheresses précédentes, de façon à limiter autant que faire se peut ce qui allait se dérouler en 2011 et ce qui fait qu’aujourd’hui cette aide est déjà en train d’être distribuée. D’un autre côté, aussi bien au niveau international qu’au niveau européen et national, des crédits et des organisations ont été mis en place. Au niveau européen, je rappelle que c’est près de 70 millions d’euros qui sont, d’ores et déjà, à disposition et que l’Union européenne et un certain nombre de pays sont en train d’apporter des crédits en plus de ce qu’ils avaient déjà décidé d’envoyer dans cette région du monde.
Q - Henri de Raincourt, nous reviendrons dans quelques instants justement sur ces dispositions et puis, très précisément, ce que vous comptez faire et ce qu’essaie de faire la France. Vous venez de l’entendre de Mme Lucille Grosjean, porte-parole d’Action contre la faim à Nairobi, même si apparemment la France, la communauté européenne avait anticipé, c’est encore très insuffisant.
R - Mais je n’ai aucun commentaire à faire sur ce que vient de dire Mme Grosjean parce que je partage ce qu’elle a exprimé : un, c’est une sécheresse terrible ; deux, c’est la Somalie qui est, à l’heure où nous parlons, la plus touchée ; trois, elle a confirmé ce que je vous ai dit tout à l’heure : que nous avions anticipé ; et quatre, il faut que la communauté internationale accélère sa nouvelle mobilisation pour faire face à l’ampleur de cette catastrophe qui survient une fois encore dans cette partie du territoire.
Q - Comment peut-on intervenir ? Alors pour le Kenya, l’Éthiopie, Djibouti, on voit mieux les choses mais pour un pays, aussi délabré et où règne des bandes de terroristes qui pratiquent l’enlèvement et notamment ceux d’Occidentaux, comme la Somalie, comment peut-on intervenir ?
R - Nous devons intervenir - et je veux, d’ailleurs, leur rendre hommage - par l’intermédiaire d’ONG, clairement identifiées, dont on sait absolument comment elles fonctionnent et dont on sait qu’aucune partie de l’aide qui pourrait arriver sur place ne disparaitrait. C’est de cette façon-là que nous allons, dans les tous prochains jours, nous mobiliser. Je rappelle que la France, parce qu’elle considère que c’est son rôle, assumant cette année la présidence du G20, a demandé à l’échelon international une réunion d’urgence de la FAO afin d’évaluer l’ampleur de la crise et surtout de coordonner cette aide internationale. Cette réunion va avoir lieu très exactement dans une semaine à Rome. Pour nous, c’est une situation humanitaire et sécuritaire qui est absolument tragique.
Je veux saluer tous les efforts qui sont d’ores et déjà accomplis, mais je veux aussi souligner la nécessité absolue de la coordination de façon à ce que chacun - partant de bons sentiments bien évidemment - n’éparpille pas son aide et que, en quelque sorte, il n’y ait pas une perte en charge tout au long de la chaîne. C’est la raison pour laquelle la coordination est la clé du succès, de l’efficacité et de la rapidité de l’aide distribuée.
Q - Henri de Raincourt, si on veut aider la Somalie, cette coordination doit-elle passer par un accompagnement militaire ?
R - En tout cas, ce qui est clair, c’est que là où c’est nécessaire, il faudra bien évidemment que les services de sécurité accompagnent celles et ceux qui vont assurer la distribution d’aide alimentaire. Il ne manquerait plus que cela, que ceux qui viennent aider ceux qui meurent de faim se trouvent en difficulté sur le plan sécuritaire. Ce n’est tout de même pas le but de la manœuvre !
Q - Oui mais, Henri de Raincourt, on se souvient que quand les Occidentaux avaient voulu envoyer du riz en Somalie, le débarquement s’était mal passé.
R - Je le sais pertinemment, mais je sais aussi qu’un certain nombre de groupes qui cultivent l’insécurité en Somalie ont fait savoir, ces derniers jours, qu’ils ne s’opposaient plus à l’arrivée de l’aide étrangère et qu’au nom de principes humanitaires, ils acceptaient tout à fait que les agences des Nations unies, en particulier partout où le besoin se faisait sentir, puissent arriver et être protégées de façon à ce que l’aide alimentaire arrive rapidement et d’une manière importante à ses destinataires.
Q - Merci Henri de Raincourt. Je rappelle que vous êtes ministre chargé de la Coopération, et donc prochaine échéance importante pour la Somalie et ces millions de personnes menacées de famine, c’est cette réunion le 25 juillet prochain.
R - Merci.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 28 juillet 2011