Texte intégral
Mesdames et Messieurs,
Cest avec un très grand plaisir que je vous accueille dans ce centre de conférences ministériel de la Convention pour cette journée des conseillers de coopération. Vous lavez noté, cet exercice annuel de rencontre entre le réseau et les ministres, les grandes directions du Département, les opérateurs et les intervenants extérieurs a cette année changé à la fois de nom et de format. Nous avons souhaité avec Alain Juppé vous accueillir dans un format plus restreint, peut-être plus opérationnel aussi. Et si le public est resserré, il nest pas de moindre qualité.
Cette rencontre recentrée sur vos métiers souligne combien votre rôle est central dans le dispositif français à létranger. Il est avant tout, sous lautorité directe de lambassadeur, dassurer dans vos pays de résidence la cohérence de notre action de coopération, qui est parfois menée par plusieurs entités, mais qui ne doivent former quune seule équipe, celle de la France.
Les bouleversements auxquels le monde actuel est confronté sont illustrés par les printemps arabes. Toutefois, ne nous y trompons pas, il ne sagit probablement que de la partie saillante dune vague de fond qui est à luvre depuis plusieurs années. Nous sommes sans doute à lun de ces moments de lHistoire où se recompose la hiérarchie des rapports de force mondiaux. La caractéristique du moment présent est que cette recomposition népargne aucune région du monde, puisquelle sinscrit dans le contexte de la mondialisation, et quelle met en jeu toutes les dimensions qui constituent lessence des nations. Le moment présent renvoie à leur origine académique les distinctions théoriques entre «hard», «soft», voire «smart power».
Ce sont bien tous les leviers à leur disposition quutilisent les grands acteurs mondiaux pour réagir aux changements actuels. Et nous voyons que notre pays, la France, qui est une puissance globale, est mobilisée aujourdhui sur lensemble des plans où sexerce notre influence internationale : action militaire au service du droit afin de protéger les populations, négociations multilatérales pour faire valoir nos vues dans ce monde nouveau qui émerge de la recomposition des puissances économiques, engagement inlassable en faveur de lEurope, tout en préservant nos intérêts, influence culturelle, coopération scientifique, aide au développement, notre pays fait jouer à plein tous les instruments qui sont à sa disposition. Ces instruments sont nombreux, ils peuvent être puissants sils sont mis en uvre avec cohérence, et au service dobjectifs politiques bien identifiés. Dans quel but ? Lenjeu de la période actuelle est une vaste recomposition des pouvoirs à léchelle mondiale.
La France entend certes défendre son rang et ses intérêts. Mais elle souhaite aussi promouvoir sa vision du monde et ses principes, fondés sur le respect des valeurs universelles de liberté et de démocratie. Enfin elle ne mène pas ce combat seulement pour elle-même, mais elle sengage aussi en faveur des populations et les États les plus fragiles. Cest pourquoi elle ne renoncera jamais à limpératif de solidarité.
La coopération est donc aujourdhui au centre de notre politique étrangère et de notre action diplomatique. Le programme qui vous est proposé pour cette journée reflète limportance de la dimension politique de votre métier. Un accent particulier est placé sur lanalyse de plusieurs enjeux essentiels mis en exergue par les printemps arabes, mais qui ne se limitent pas à cette région du monde. À travers trois tables rondes, des débats seront organisés sur léducation et lenseignement supérieur dans le contexte de la compétition mondiale, sur la jeunesse, comme acteur du changement et enfin sur les outils numériques, dont le pouvoir a été révélé par les événements récents.
Mais si le débat didées a tout son prix, nous sommes aussi réunis pour parler des questions de management. Vous êtes dans chacun de vos postes des managers. Je souhaite que ces journées soient aussi loccasion déchanger sur les aspects opérationnels de vos fonctions, et que nous abordions ensemble les questions de la reforme en cours, des moyens, des ressources humaines. Pour que vous puissiez remplir des objectifs ambitieux, vous devez pouvoir compter sur le ministère afin de vous accompagner sur un certain nombre de sujets de gestion, qui sont votre préoccupation quotidienne et qui ne doivent pas être des motifs dinquiétude pour les agents que vous dirigez.
Il serait vain en effet de penser que notre action de coopération, parce quelle est reconnue et parce quelle est appréciée, doive rester immuable dans ses modalités, même si elle reste constante dans ses finalités. Les printemps arabes ont ainsi souligné combien le paradigme du développement en cours ces dernières années avait sous-estimé les aspirations réelles des populations. Ce mouvement a montré que les actions de coopération contribuant au dialogue des cultures, au débat des idées, à linfluence sur les esprits, ne devaient pas venir parachever un long processus de décollage économique mais au contraire laccompagner dès lorigine.
Cest pourquoi nous devons plus que jamais orienter notre coopération vers les besoins quexpriment les peuples. Cest le sens de la mobilisation exceptionnelle qui a été décidée en faveur de la Tunisie et de lÉgypte, avec des enveloppes respectivement de 350 et 650 millions deuros, sinscrivant dans le cadre du partenariat annoncé au G8 de Deauville. Une part importante de ces montants sera consacrée à la formation professionnelle afin de répondre aux demandes de la jeunesse de ces pays. Cest parce que nous sommes exemplaires dans la tenue de nos engagements en matière dAPD, avec près de 10 milliards deuros, une contribution de 0,5 % du Revenu national brut et lun des deux seuls budgets qui ont été maintenus sur le triennum 2011-2013, que notre action doit être visible, tant pour les bénéficiaires de laide que pour nos concitoyens.
Cest pourquoi les priorités françaises que sont notamment la santé, la sécurité alimentaire, la lutte contre la pauvreté, laccès à leau, doivent être déclinées et valorisées au niveau bilatéral et au niveau local, quand bien même le financement provient dun canal multilatéral. Cette promotion sur le terrain de nos engagements multilatéraux est de votre responsabilité. Je sais ainsi que je peux compter sur vous pour mettre en valeur les engagements renouvelés que la France a pris, par exemple, dans la lutte contre les maladies transmissibles en portant à 360 millions sa contribution annuelle au Fonds mondial ou en augmentant encore son financement en faveur de la vaccination au sein de lAlliance GAVI.
Ce dialogue avec les autorités et les populations pour entendre leurs besoins, construire ensemble des projets et valoriser lengagement de la France, repose naturellement sur des relations extrêmement étroites avec les opérateurs concernés, en particulier lAFD. Je suis pour ma part très attaché, et je sais que le Directeur général de lAFD partage cette conviction, à ce que les projets de lAFD soient pleinement partagés par lensemble des équipes de coopération sur place, sous lautorité de lambassadeur, qui est léchelon indispensable pour leur donner la portée politique qui doit être la leur. Jai pu constater il y a quelques jours, lors de la signature de la deuxième tranche du C2D au Cameroun, combien les autorités et la population étaient attachées à cette dimension politique, qui fait que, pour de nombreux pays, la coopération constitue lépine dorsale de la relation bilatérale avec la France.
Noublions pas que pour les populations des pays les plus pauvres, le développement ne se segmente pas. Il est ressenti dans toutes ses dimensions économique, sociale, politique et culturelle. Le point dapplication de cette approche globale est la stratégie que nous mettons en uvre avec nos partenaires européens dans le Sahel. Laction militaire peut sans doute faire reculer le terrorisme, mais cest le développement, un développement qui englobe lensemble des aspirations des populations, en particulier des jeunes, qui seul pourra faire disparaître cette menace dans les régions les plus déshéritées.
Aussi devons-nous porter une attention soutenue aux instruments qui influencent durablement les esprits et contribuent à leur donner une idée que lon peut espérer positive de notre pays. Limportance de notre réseau denseignement est à ce titre un atout incomparable. Nous disposons du premier réseau scolaire étranger. Pour conforter encore cet atout sans équivalent, nous avons consenti un effort particulier avec le plan de développement qui sanctuarise les moyens et lancé le label «FrancEducation», qui permettra dassocier des établissements étrangers dexcellence à notre réseau.
Il va de soi que ces efforts menés au niveau scolaire doivent être prolongés par une politique de coopération universitaire ambitieuse. Sur ce plan, la compétition est désormais mondiale et lattractivité des universités est devenue lun des plus clairs marqueurs dinfluence entre les nations. Le rôle dinterface que jouent les conseillers scientifique et technique est en la matière irremplaçable.
En matière culturelle, la France compte parmi les trois ou quatre nations dont les artistes et les biens culturels sont les plus diffusés. Nous avons à consolider cette position dinfluence, notamment dans les pays prescripteurs, mais aussi, plus spécifiquement, en Europe et dans lespace méditerranéen. Nous devons, là encore, tenir compte de ces nouveaux territoires virtuels qui émergent de la révolution numérique et qui sont de nouvelles terres de missions pour la langue et la création françaises. Le Festival du film français sur internet a été récemment un exemple dinitiative permettant de promouvoir la diversité culturelle dans ce réseau mondial où elle fait trop souvent défaut.
À lévocation de ces activités, chacun voit combien vos missions sont riches et diversifiées. Cette richesse est aussi une contrainte. Elle rend indispensable votre rôle afin de coordonner et de donner toute sa cohérence à une action qui se déploie dans des champs aussi vastes. À légard des sociétés de vos pays de résidence, vous devez également jouer le rôle de capteurs, pour déceler et rendre compte des évolutions sociales et culturelles qui désormais se déploient avec une rapidité inédite, que facilitent les nouveaux médias numériques, et ce de manière décentralisée. Cest à cette condition que nous pourrons adapter en permanence notre offre de coopération afin quelle réponde aux besoins des peuples et aux intérêts de notre pays.
Sagissant des moyens que nous mettons en face de cette ambition, je tiens à souligner que nous sommes à un moment où la maîtrise des finances publiques nest plus un simple élément de contexte. Elle est devenue, en particulier dans la zone euro, un critère essentiel du poids et de linfluence réelle des États. Pour autant, le gouvernement a tenu à faire un effort particulier en faveur des budgets de la coopération. Le programme 185 qui regroupe les actions relevant de la politique dinfluence, y compris lenseignement public à létranger, est certes soumis à la baisse programmée de 2,5 % qui sapplique à lensemble du budget de lÉtat. Mais il bénéficiera en 2012 dune rallonge exceptionnelle de 4 millions deuros qui seront consacrés aux politiques dattractivité, notamment à laugmentation de lenveloppe dévolue aux bourses. La subvention versée à lAEFE sera quant à elle intégralement préservée. Sagissant du programme 209 consacré à la solidarité avec les pays en développement, il est sanctuarisé sur le triennum, conformément aux engagements pris par la France en matière daide publique au développement. Des réallocations permettront de renforcer notre soutien à la société civile, de rehausser le niveau de nos contributions volontaires à certaines organisations internationales et de promouvoir la francophonie.
La réforme du réseau est en cours. Vous en connaissez les grands objectifs. Elle sinscrit, en cohérence avec les orientations définies par le Livre blanc, dans le prolongement de la réforme de ladministration centrale, avec la constitution de la DGM et la création des trois nouveaux opérateurs voulue par la loi du 27 juillet 2010. Cette réforme vise à disposer dun réseau plus visible, avec notamment la création dune marque unique lInstitut français, en complément de la marque Alliance française, à linstar de ce que pratiquent touts nos grands partenaires. Elle vise également rendre le réseau plus cohérent, par la fusion dans un dispositif unique des services de coopération et daction culturelle (SCAC), des Établissements à autonomie financière (EAF), ainsi que des diverse s antennes et bureaux spécialisés. Enfin elle permet de doter lensemble du réseau de lautonomie financière, dont le premier avantage consiste à pouvoir recueillir des financements non budgétaires. Cette activité de recherche de partenariats est devenue une part importante de votre métier, et je tiens à saluer vos nombreuses réussites en la matière.
Comme vous le savez, cette reforme se déploie dans le réseau selon deux modèles différents : la fusion des SCAC et des EAF dans 94 pays dune part, et dautre part une expérimentation de rattachement direct à lInstitut français, qui concerne 13 pays. Xavier Darcos aura loccasion de revenir de manière plus détaillée sur la mise en uvre de cette expérimentation. Cette réforme est mise en uvre de manière pragmatique, avec le temps nécessaire puisque lexpérimentation durera jusquen 2013. Elle tient compte des réalités locales et, vous avez pu le constatez, elle est assortie dun processus daccompagnement que nous avons souhaité le plus complet possible avec de nombreuses missions envoyées par le Département ainsi que de multiples réunions au niveau régional. Jinsiste en outre sur le fait que cette expérimentation est réversible.
Les trois nouveaux opérateurs que sont lInstitut français, Campus France et France expertise internationale (FEI) viennent donc renforcer la cohérence et la lisibilité de notre action dans des domaines essentiels. Ils complètent un dispositif au sein duquel lAEFE, le réseau des Alliances françaises et Canal France international effectuent déjà un travail remarquable. Je noublie pas non plus laction de notre partenaire France Volontaires.
Sagissant de lAFD, le contrat dobjectifs et de moyens (COM) entre lÉtat et lAFD pour la période 2011-2013 a été validé par le Conseil dorientation stratégique et a été approuvé par le conseil dadministration de lAgence. Le Conseil dorientation stratégique a été loccasion pour les tutelles de réaffirmer les priorités dévolues à lagence. LAFD continuera davoir comme zone géographique privilégiée lAfrique subsaharienne, et elle jouera un rôle de premier ordre dans la mise en uvre du Partenariat de Deauville pour soutenir les transitions démocratiques des pays du sud de la Méditerranée. Cette réunion a permis de retenir un certains nombre de recommandations émises par le Parlement, en particulier le renforcement des partenariats avec les autres bailleurs européens, les organisations non gouvernementales et les collectivités territoriales. Je souligne à cette occasion tout lintérêt des projets qui sont réalisés dans le cadre de la coopération décentralisée.
Toute réforme suscite des inquiétudes. Vous pourrez compter sur notre soutien et les mesures daccompagnement qui sont prises par le ministère, notamment pour assurer que ces évolutions nauront aucun impact défavorables sur les agents, quel que soit leur statut. Il sagit dune de nos priorités. Mais vous devez aussi être certains de notre détermination à mettre en uvre ces évolutions, qui sont indispensables pour préserver lensemble des missions du réseau.
Dans le cadre des mesures décidées au titre de la RGPP2, un plan triennal dévolution du réseau culturel et de coopération est en cours délaboration. Cet exercice nous conduit à réviser en profondeur nos choix en termes dallocation géographique et thématique de nos ressources humaines. Il aura pour conséquence de resserrer le réseau autour des priorités politiques afin den établir une cartographie stable pour les années à venir.
Cette réallocation doit être achevée en 2013. Lincidence de ce plan sur notre dispositif est en cours délaboration. Les décisions définitives de maintien pour les agents dont le contrat arrive à échéance en 2012 ne pourront donc être prises quà la rentrée. Je vous demande dexpliquer aux agents quil sagit là dune situation temporaire et que la mise en uvre de cette réforme se fera avec une grande attention portée aux personnels, notamment aux situations individuelles.
Le rôle de coordination, sous lautorité de lambassadeur, que doivent jouer les conseillers de coopération et les conseillers scientifiques doit vous conduire, dans la mise en uvre de cette réforme, à instaurer plus que jamais une polyvalence des compétences chez les agents. Cest ce qui permettra à notre réseau, dans un contexte contraint, de répondre à la nécessaire évolution permanente de ses missions, qui doivent sadapter à un monde en perpétuelle transformation.
Pour terminer, je voudrais vous réaffirmer combien le gouvernement est conscient de limportance stratégique pour notre pays de ce réseau de coopération qui a peu déquivalent dans le monde, et dont lexcellence reconnue repose sur votre engagement, votre dévouement souvent, votre enthousiasme toujours, auxquels je veux rendre hommage. Le ministère sest mobilisé pour faire réussir une réforme qui na dautre ambition que de renforcer le réseau et lui permettre de mieux accomplir ses missions.
Les enjeux de vos activités dans chacun de vos pays de résidence sont variés, quil sagisse daccompagner la croissance économique et latteinte des objectifs du millénaire en Afrique, de faire avancer un agenda partagé sur les enjeux globaux avec les grands émergents, ou de promouvoir la diversité culturelle au sein des pays développés. Mais partout, vous contribuez de manière éminente à laction internationale de notre pays, et vous portez les valeurs et les convictions de la France. À travers toutes les dimensions de la coopération que vous mettez en uvre, vous servez lambition de la France de contribuer à un monde plus équilibré, plus juste et plus solidaire, non pas en imposant nos vues, mais en permettant aux peuples de construire leur propre avenir, dans un esprit de respect mutuel et de liberté.
Je vous remercie.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 28 juillet 2011
Cest avec un très grand plaisir que je vous accueille dans ce centre de conférences ministériel de la Convention pour cette journée des conseillers de coopération. Vous lavez noté, cet exercice annuel de rencontre entre le réseau et les ministres, les grandes directions du Département, les opérateurs et les intervenants extérieurs a cette année changé à la fois de nom et de format. Nous avons souhaité avec Alain Juppé vous accueillir dans un format plus restreint, peut-être plus opérationnel aussi. Et si le public est resserré, il nest pas de moindre qualité.
Cette rencontre recentrée sur vos métiers souligne combien votre rôle est central dans le dispositif français à létranger. Il est avant tout, sous lautorité directe de lambassadeur, dassurer dans vos pays de résidence la cohérence de notre action de coopération, qui est parfois menée par plusieurs entités, mais qui ne doivent former quune seule équipe, celle de la France.
Les bouleversements auxquels le monde actuel est confronté sont illustrés par les printemps arabes. Toutefois, ne nous y trompons pas, il ne sagit probablement que de la partie saillante dune vague de fond qui est à luvre depuis plusieurs années. Nous sommes sans doute à lun de ces moments de lHistoire où se recompose la hiérarchie des rapports de force mondiaux. La caractéristique du moment présent est que cette recomposition népargne aucune région du monde, puisquelle sinscrit dans le contexte de la mondialisation, et quelle met en jeu toutes les dimensions qui constituent lessence des nations. Le moment présent renvoie à leur origine académique les distinctions théoriques entre «hard», «soft», voire «smart power».
Ce sont bien tous les leviers à leur disposition quutilisent les grands acteurs mondiaux pour réagir aux changements actuels. Et nous voyons que notre pays, la France, qui est une puissance globale, est mobilisée aujourdhui sur lensemble des plans où sexerce notre influence internationale : action militaire au service du droit afin de protéger les populations, négociations multilatérales pour faire valoir nos vues dans ce monde nouveau qui émerge de la recomposition des puissances économiques, engagement inlassable en faveur de lEurope, tout en préservant nos intérêts, influence culturelle, coopération scientifique, aide au développement, notre pays fait jouer à plein tous les instruments qui sont à sa disposition. Ces instruments sont nombreux, ils peuvent être puissants sils sont mis en uvre avec cohérence, et au service dobjectifs politiques bien identifiés. Dans quel but ? Lenjeu de la période actuelle est une vaste recomposition des pouvoirs à léchelle mondiale.
La France entend certes défendre son rang et ses intérêts. Mais elle souhaite aussi promouvoir sa vision du monde et ses principes, fondés sur le respect des valeurs universelles de liberté et de démocratie. Enfin elle ne mène pas ce combat seulement pour elle-même, mais elle sengage aussi en faveur des populations et les États les plus fragiles. Cest pourquoi elle ne renoncera jamais à limpératif de solidarité.
La coopération est donc aujourdhui au centre de notre politique étrangère et de notre action diplomatique. Le programme qui vous est proposé pour cette journée reflète limportance de la dimension politique de votre métier. Un accent particulier est placé sur lanalyse de plusieurs enjeux essentiels mis en exergue par les printemps arabes, mais qui ne se limitent pas à cette région du monde. À travers trois tables rondes, des débats seront organisés sur léducation et lenseignement supérieur dans le contexte de la compétition mondiale, sur la jeunesse, comme acteur du changement et enfin sur les outils numériques, dont le pouvoir a été révélé par les événements récents.
Mais si le débat didées a tout son prix, nous sommes aussi réunis pour parler des questions de management. Vous êtes dans chacun de vos postes des managers. Je souhaite que ces journées soient aussi loccasion déchanger sur les aspects opérationnels de vos fonctions, et que nous abordions ensemble les questions de la reforme en cours, des moyens, des ressources humaines. Pour que vous puissiez remplir des objectifs ambitieux, vous devez pouvoir compter sur le ministère afin de vous accompagner sur un certain nombre de sujets de gestion, qui sont votre préoccupation quotidienne et qui ne doivent pas être des motifs dinquiétude pour les agents que vous dirigez.
Il serait vain en effet de penser que notre action de coopération, parce quelle est reconnue et parce quelle est appréciée, doive rester immuable dans ses modalités, même si elle reste constante dans ses finalités. Les printemps arabes ont ainsi souligné combien le paradigme du développement en cours ces dernières années avait sous-estimé les aspirations réelles des populations. Ce mouvement a montré que les actions de coopération contribuant au dialogue des cultures, au débat des idées, à linfluence sur les esprits, ne devaient pas venir parachever un long processus de décollage économique mais au contraire laccompagner dès lorigine.
Cest pourquoi nous devons plus que jamais orienter notre coopération vers les besoins quexpriment les peuples. Cest le sens de la mobilisation exceptionnelle qui a été décidée en faveur de la Tunisie et de lÉgypte, avec des enveloppes respectivement de 350 et 650 millions deuros, sinscrivant dans le cadre du partenariat annoncé au G8 de Deauville. Une part importante de ces montants sera consacrée à la formation professionnelle afin de répondre aux demandes de la jeunesse de ces pays. Cest parce que nous sommes exemplaires dans la tenue de nos engagements en matière dAPD, avec près de 10 milliards deuros, une contribution de 0,5 % du Revenu national brut et lun des deux seuls budgets qui ont été maintenus sur le triennum 2011-2013, que notre action doit être visible, tant pour les bénéficiaires de laide que pour nos concitoyens.
Cest pourquoi les priorités françaises que sont notamment la santé, la sécurité alimentaire, la lutte contre la pauvreté, laccès à leau, doivent être déclinées et valorisées au niveau bilatéral et au niveau local, quand bien même le financement provient dun canal multilatéral. Cette promotion sur le terrain de nos engagements multilatéraux est de votre responsabilité. Je sais ainsi que je peux compter sur vous pour mettre en valeur les engagements renouvelés que la France a pris, par exemple, dans la lutte contre les maladies transmissibles en portant à 360 millions sa contribution annuelle au Fonds mondial ou en augmentant encore son financement en faveur de la vaccination au sein de lAlliance GAVI.
Ce dialogue avec les autorités et les populations pour entendre leurs besoins, construire ensemble des projets et valoriser lengagement de la France, repose naturellement sur des relations extrêmement étroites avec les opérateurs concernés, en particulier lAFD. Je suis pour ma part très attaché, et je sais que le Directeur général de lAFD partage cette conviction, à ce que les projets de lAFD soient pleinement partagés par lensemble des équipes de coopération sur place, sous lautorité de lambassadeur, qui est léchelon indispensable pour leur donner la portée politique qui doit être la leur. Jai pu constater il y a quelques jours, lors de la signature de la deuxième tranche du C2D au Cameroun, combien les autorités et la population étaient attachées à cette dimension politique, qui fait que, pour de nombreux pays, la coopération constitue lépine dorsale de la relation bilatérale avec la France.
Noublions pas que pour les populations des pays les plus pauvres, le développement ne se segmente pas. Il est ressenti dans toutes ses dimensions économique, sociale, politique et culturelle. Le point dapplication de cette approche globale est la stratégie que nous mettons en uvre avec nos partenaires européens dans le Sahel. Laction militaire peut sans doute faire reculer le terrorisme, mais cest le développement, un développement qui englobe lensemble des aspirations des populations, en particulier des jeunes, qui seul pourra faire disparaître cette menace dans les régions les plus déshéritées.
Aussi devons-nous porter une attention soutenue aux instruments qui influencent durablement les esprits et contribuent à leur donner une idée que lon peut espérer positive de notre pays. Limportance de notre réseau denseignement est à ce titre un atout incomparable. Nous disposons du premier réseau scolaire étranger. Pour conforter encore cet atout sans équivalent, nous avons consenti un effort particulier avec le plan de développement qui sanctuarise les moyens et lancé le label «FrancEducation», qui permettra dassocier des établissements étrangers dexcellence à notre réseau.
Il va de soi que ces efforts menés au niveau scolaire doivent être prolongés par une politique de coopération universitaire ambitieuse. Sur ce plan, la compétition est désormais mondiale et lattractivité des universités est devenue lun des plus clairs marqueurs dinfluence entre les nations. Le rôle dinterface que jouent les conseillers scientifique et technique est en la matière irremplaçable.
En matière culturelle, la France compte parmi les trois ou quatre nations dont les artistes et les biens culturels sont les plus diffusés. Nous avons à consolider cette position dinfluence, notamment dans les pays prescripteurs, mais aussi, plus spécifiquement, en Europe et dans lespace méditerranéen. Nous devons, là encore, tenir compte de ces nouveaux territoires virtuels qui émergent de la révolution numérique et qui sont de nouvelles terres de missions pour la langue et la création françaises. Le Festival du film français sur internet a été récemment un exemple dinitiative permettant de promouvoir la diversité culturelle dans ce réseau mondial où elle fait trop souvent défaut.
À lévocation de ces activités, chacun voit combien vos missions sont riches et diversifiées. Cette richesse est aussi une contrainte. Elle rend indispensable votre rôle afin de coordonner et de donner toute sa cohérence à une action qui se déploie dans des champs aussi vastes. À légard des sociétés de vos pays de résidence, vous devez également jouer le rôle de capteurs, pour déceler et rendre compte des évolutions sociales et culturelles qui désormais se déploient avec une rapidité inédite, que facilitent les nouveaux médias numériques, et ce de manière décentralisée. Cest à cette condition que nous pourrons adapter en permanence notre offre de coopération afin quelle réponde aux besoins des peuples et aux intérêts de notre pays.
Sagissant des moyens que nous mettons en face de cette ambition, je tiens à souligner que nous sommes à un moment où la maîtrise des finances publiques nest plus un simple élément de contexte. Elle est devenue, en particulier dans la zone euro, un critère essentiel du poids et de linfluence réelle des États. Pour autant, le gouvernement a tenu à faire un effort particulier en faveur des budgets de la coopération. Le programme 185 qui regroupe les actions relevant de la politique dinfluence, y compris lenseignement public à létranger, est certes soumis à la baisse programmée de 2,5 % qui sapplique à lensemble du budget de lÉtat. Mais il bénéficiera en 2012 dune rallonge exceptionnelle de 4 millions deuros qui seront consacrés aux politiques dattractivité, notamment à laugmentation de lenveloppe dévolue aux bourses. La subvention versée à lAEFE sera quant à elle intégralement préservée. Sagissant du programme 209 consacré à la solidarité avec les pays en développement, il est sanctuarisé sur le triennum, conformément aux engagements pris par la France en matière daide publique au développement. Des réallocations permettront de renforcer notre soutien à la société civile, de rehausser le niveau de nos contributions volontaires à certaines organisations internationales et de promouvoir la francophonie.
La réforme du réseau est en cours. Vous en connaissez les grands objectifs. Elle sinscrit, en cohérence avec les orientations définies par le Livre blanc, dans le prolongement de la réforme de ladministration centrale, avec la constitution de la DGM et la création des trois nouveaux opérateurs voulue par la loi du 27 juillet 2010. Cette réforme vise à disposer dun réseau plus visible, avec notamment la création dune marque unique lInstitut français, en complément de la marque Alliance française, à linstar de ce que pratiquent touts nos grands partenaires. Elle vise également rendre le réseau plus cohérent, par la fusion dans un dispositif unique des services de coopération et daction culturelle (SCAC), des Établissements à autonomie financière (EAF), ainsi que des diverse s antennes et bureaux spécialisés. Enfin elle permet de doter lensemble du réseau de lautonomie financière, dont le premier avantage consiste à pouvoir recueillir des financements non budgétaires. Cette activité de recherche de partenariats est devenue une part importante de votre métier, et je tiens à saluer vos nombreuses réussites en la matière.
Comme vous le savez, cette reforme se déploie dans le réseau selon deux modèles différents : la fusion des SCAC et des EAF dans 94 pays dune part, et dautre part une expérimentation de rattachement direct à lInstitut français, qui concerne 13 pays. Xavier Darcos aura loccasion de revenir de manière plus détaillée sur la mise en uvre de cette expérimentation. Cette réforme est mise en uvre de manière pragmatique, avec le temps nécessaire puisque lexpérimentation durera jusquen 2013. Elle tient compte des réalités locales et, vous avez pu le constatez, elle est assortie dun processus daccompagnement que nous avons souhaité le plus complet possible avec de nombreuses missions envoyées par le Département ainsi que de multiples réunions au niveau régional. Jinsiste en outre sur le fait que cette expérimentation est réversible.
Les trois nouveaux opérateurs que sont lInstitut français, Campus France et France expertise internationale (FEI) viennent donc renforcer la cohérence et la lisibilité de notre action dans des domaines essentiels. Ils complètent un dispositif au sein duquel lAEFE, le réseau des Alliances françaises et Canal France international effectuent déjà un travail remarquable. Je noublie pas non plus laction de notre partenaire France Volontaires.
Sagissant de lAFD, le contrat dobjectifs et de moyens (COM) entre lÉtat et lAFD pour la période 2011-2013 a été validé par le Conseil dorientation stratégique et a été approuvé par le conseil dadministration de lAgence. Le Conseil dorientation stratégique a été loccasion pour les tutelles de réaffirmer les priorités dévolues à lagence. LAFD continuera davoir comme zone géographique privilégiée lAfrique subsaharienne, et elle jouera un rôle de premier ordre dans la mise en uvre du Partenariat de Deauville pour soutenir les transitions démocratiques des pays du sud de la Méditerranée. Cette réunion a permis de retenir un certains nombre de recommandations émises par le Parlement, en particulier le renforcement des partenariats avec les autres bailleurs européens, les organisations non gouvernementales et les collectivités territoriales. Je souligne à cette occasion tout lintérêt des projets qui sont réalisés dans le cadre de la coopération décentralisée.
Toute réforme suscite des inquiétudes. Vous pourrez compter sur notre soutien et les mesures daccompagnement qui sont prises par le ministère, notamment pour assurer que ces évolutions nauront aucun impact défavorables sur les agents, quel que soit leur statut. Il sagit dune de nos priorités. Mais vous devez aussi être certains de notre détermination à mettre en uvre ces évolutions, qui sont indispensables pour préserver lensemble des missions du réseau.
Dans le cadre des mesures décidées au titre de la RGPP2, un plan triennal dévolution du réseau culturel et de coopération est en cours délaboration. Cet exercice nous conduit à réviser en profondeur nos choix en termes dallocation géographique et thématique de nos ressources humaines. Il aura pour conséquence de resserrer le réseau autour des priorités politiques afin den établir une cartographie stable pour les années à venir.
Cette réallocation doit être achevée en 2013. Lincidence de ce plan sur notre dispositif est en cours délaboration. Les décisions définitives de maintien pour les agents dont le contrat arrive à échéance en 2012 ne pourront donc être prises quà la rentrée. Je vous demande dexpliquer aux agents quil sagit là dune situation temporaire et que la mise en uvre de cette réforme se fera avec une grande attention portée aux personnels, notamment aux situations individuelles.
Le rôle de coordination, sous lautorité de lambassadeur, que doivent jouer les conseillers de coopération et les conseillers scientifiques doit vous conduire, dans la mise en uvre de cette réforme, à instaurer plus que jamais une polyvalence des compétences chez les agents. Cest ce qui permettra à notre réseau, dans un contexte contraint, de répondre à la nécessaire évolution permanente de ses missions, qui doivent sadapter à un monde en perpétuelle transformation.
Pour terminer, je voudrais vous réaffirmer combien le gouvernement est conscient de limportance stratégique pour notre pays de ce réseau de coopération qui a peu déquivalent dans le monde, et dont lexcellence reconnue repose sur votre engagement, votre dévouement souvent, votre enthousiasme toujours, auxquels je veux rendre hommage. Le ministère sest mobilisé pour faire réussir une réforme qui na dautre ambition que de renforcer le réseau et lui permettre de mieux accomplir ses missions.
Les enjeux de vos activités dans chacun de vos pays de résidence sont variés, quil sagisse daccompagner la croissance économique et latteinte des objectifs du millénaire en Afrique, de faire avancer un agenda partagé sur les enjeux globaux avec les grands émergents, ou de promouvoir la diversité culturelle au sein des pays développés. Mais partout, vous contribuez de manière éminente à laction internationale de notre pays, et vous portez les valeurs et les convictions de la France. À travers toutes les dimensions de la coopération que vous mettez en uvre, vous servez lambition de la France de contribuer à un monde plus équilibré, plus juste et plus solidaire, non pas en imposant nos vues, mais en permettant aux peuples de construire leur propre avenir, dans un esprit de respect mutuel et de liberté.
Je vous remercie.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 28 juillet 2011