Déclaration de M. Alain Juppé, ministre des affaires étrangères et européennes, lors de la conférence de presse conjointe avec son homologue britannique, M. William Hague, sur les questions d'actualité internationale, notamment la Libye et la Syrie, Londres 25 juillet 2011.

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Circonstance : Voyage d'Alain Juppé en Grande-Bretagne : entretien avec William Hague à Londres le 25 juillet 2011

Texte intégral

Merci Cher William. Je voudrais, moi aussi, vous dire combien je me réjouis d'être ici ce soir. Je n'ai pas oublié qu'un des premiers visiteurs que j'ai reçu au Quai d'Orsay lorsque j'ai été nommé ministre des Affaires étrangères, c'est vous-même, Cher William, qui étiez venu me rendre visite. Je suis très heureux de vous rendre cette visite.
Nous nous voyons très souvent, à Bruxelles ou ailleurs. Je crois que nos relations personnelles, de même que nos liens diplomatiques, sont importantes. Ces relations sont excellentes aujourd'hui à tous les niveaux, entre les chefs d'État et de gouvernement, entre les ministres, entre les diplomates et les parlementaires. Je confirme que l'entente franco-britannique n'a jamais été aussi étroite qu'aujourd'hui. Elle se vit au quotidien sur beaucoup de sujets et je vais être amené à répéter un certain nombre de choses que vient de dire à l'instant William Hague.
Tout d'abord, sur les grandes crises internationales, nous marchons côte-à-côte. C'est le cas en Lybie où, depuis le début, nous sommes engagés dans le même combat et avec le même but. Ce but est de permettre au peuple libyen d'accéder à la liberté et à la démocratie auxquelles il aspire. Pour cela, nous sommes tout à fait clairs : au bout du chemin, Kadhafi devra quitter le pouvoir et toute responsabilité militaire ou civile. Il appartiendra ensuite aux Libyens eux-mêmes de déterminer quel doit être son sort, à l'intérieur ou à l'extérieur de la Lybie. Nous continuons à travailler dans ce sens en maintenant la pression militaire et en coopérant très étroitement avec le Conseil national de transition.
Nous avons aussi une complète communauté de vues sur la situation en Syrie. Nous considérons que la répression à laquelle se livre le régime est inacceptable. Nous regrettons que le Conseil de sécurité des Nations unies n'ait pas pu se prononcer - encore aujourd'hui - et nous continuons à travailler, ensemble, pour surmonter les obstacles que vous connaissez. Au cœur de l'Union européenne, au sein de l'Union européenne, nous avons déjà œuvré pour que différents trains de sanctions soient adoptés contre le régime syrien et nous allons continuer en ce sens.
Au Proche-Orient, nous travaillons aussi dans la même direction, avec l'ensemble de nos partenaires de l'Union européenne. La France remercie William Hague de l'avoir appelé à essayer de définir des paramètres équilibrés pouvant permettre la reprise des négociations. Nous n'y sommes pas parvenus pour l'instant, mais nous avons la volonté de continuer à travailler ensemble pour adopter, au mois de septembre prochain, une position commune aux Nations unies.
Nous avons accueillis dans les mêmes termes ce qu'il est convenu d'appeler le Printemps arabe. C'est une grande chance parce que ce grand mouvement de libération des peuples va dans le sens des valeurs qui nous sont communes. Il nous faut donc le soutenir, en particulier sur le plan économique. C'est la raison pour laquelle nous travaillons ensemble à la mise en œuvre de ce que l'on a appelé le Partenariat de Deauville et également au développement de la politique européenne de voisinage.
Pour en revenir à nos relations bilatérales, je voudrais souligner les progrès que nous avons fait en matière de défense. Les Traités de Lancaster House, signés en novembre 2010 sont un pas en avant tout-à-fait considérable. Je me réjouis de voir que le travail entre nos experts militaires a permis beaucoup d'avancées dans la perspective du sommet franco-britannique qui se tiendra d'ici à la fin de l'année.
Enfin, et pour ne pas être trop long, je voudrais aussi rappeler notre coopération en Afghanistan, où nous sommes frères d'armes, et exprimer, puisque nous sommes les uns et les autres membres de cette communauté européenne qui nous tient tant à cœur, ma solidarité avec le peuple norvégien dans l'épreuve qu'il traverse aujourd'hui.
Et pour terminer, en soulignant que nous travaillons aussi côte-à-côte pour le G8 et le G20, je voudrais encore saluer le travail fait par le Royaume-Uni et son Premier ministre en matière d'amélioration de la gouvernance mondiale dans la perspective de la réunion du G20 de Cannes, au mois de novembre prochain.
Q - Bonjour. Je voulais savoir ce que vous pensiez de la coopération de l'OTAN en Lybie, et s'il était possible que Kadhafi reste dans son pays, avec éventuellement un petit rôle dans le pays ?
R - Sur ce point, notre position est extrêmement claire : c'est celle de la France, et je crois que William Hague dira que c'est celle du Royaume-Uni ; en tout cas, c'est celle du Groupe de contact unanime. Pour nous, ce que j'ai appelé tout à l'heure, dans mes propos introductifs, la ligne rouge, c'est que Kadhafi renonce à toute forme de pouvoir en Lybie, qu'elle soit civile ou militaire et qu'il prenne l'engagement de ne plus jouer de rôle politique sur la scène libyenne. C'est un sentiment que nous partageons, bien entendu, avec le Conseil national de transition ; c'est la condition nécessaire pour déclencher un cessez-le-feu et un processus politique. À partir de là, doit-il rester en Lybie ? Doit-il partir ? C'est aux Libyens de décider, dans le cadre du processus du dialogue national qui sera mis en œuvre sous l'égide du Conseil national de transition. J'ai cru très bien comprendre, dans les déclarations récentes de M. Abdeljalil, le président du Conseil national de transition, que c'était exactement l'approche du CNT.
Q - (à propos d'un éventuel départ de M. Kadhafi - à propos de la Cour pénale internationale)
R - Même réponse, je ne reviens pas sur ce que j'ai dit sur la question de savoir si Kadhafi doit rester en Lybie ou partir. Evidemment, son départ du territoire libyen serait la solution la plus rassurante pour les Libyens eux-mêmes mais, comme je viens de le dire, c'est au Conseil national de transition et à tous ceux qui participeront au processus de réconciliation nationale d'en décider.
Sur la deuxième question, la mise en place d'une justice pénale internationale est en considérable progrès sur la voie de la démocratie et des droits de l'Homme. La France est attachée à ce que la Cour pénale internationale puisse faire son travail et à ce que l'impunité disparaisse désormais de la scène internationale.
Q - Monsieur le Ministre, vous avez déclaré que la situation était inacceptable en Syrie. Combien de temps la communauté internationale peut-elle laisser le régime de Damas perpétrer ces massacres ?
R - Nous sommes malheureusement bloqués en Syrie. Dès le départ, la France - avec ses partenaires de l'Union européenne - a condamné de manière tout à fait claire la répression inacceptable que le régime syrien a mise en œuvre contre des populations qui réclamaient tout simplement la liberté et la démocratie. Très rapidement et à plusieurs reprises, nous nous sommes engagés dans un processus de sanctions européennes. Trois vagues de sanctions ont déjà été adoptées et nous sommes en train d'en préparer une quatrième pour accentuer la pression que nous pouvons exercer sur le régime syrien.
Au Conseil de sécurité, nous sommes aujourd'hui bloqués parce que le projet de résolution que nous avions préparé ensemble se heurte à une menace d'utilisation du veto de certains des membres permanents et ne réunit pas une majorité suffisante. Il faut continuer ce travail. Il n'est pas aujourd'hui acceptable que la communauté internationale reste muette sur la situation en Syrie, comme elle l'a hélas été dans le passé pour d'autres évènements aux circonstances tout aussi dramatiques.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 1er août 2011