Déclaration de M. Henri de Raincourt, ministre de la coopération, sur le financement du développement par une taxe sur les transactions financières, à Paris le 14 septembre 2011.

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Circonstance : Clôture de la Conférence sur le thème "Taxer les transactions financières pour un monde plus juste : ici et maintenant", à Paris le 14 septembre 2011

Texte intégral

Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,
Mesdames et Messieurs,
C’est un plaisir d’être parmi vous aujourd’hui, ici, à l’UNESCO. Je remercie très sincèrement Philippe Douste-Blazy pour l’opportunité qui m’est offerte d’intervenir en clôture de cette réunion sur les financements innovants pour le développement et sur la taxe sur les transactions financières en particulier.
Le développement est en effet une question qui nous engage tous. La santé, la sécurité alimentaire, le climat… sont autant d’enjeux planétaires qui appellent une action collective et concertée.
Cet engagement en faveur du développement, la France le porte à titre national. Nous avons redéfini notre politique de coopération et avons maintenu, malgré la crise, notre effort budgétaire. En effet, notre aide publique au développement a augmenté de 8 % en 2010 pour atteindre 12 milliards de dollars, faisant de la France le 3ème contributeur mondial.
Nous avons également convaincu nos partenaires d’organiser la première réunion ministérielle du G20 consacrée au développement le 23 septembre prochain.
Mais les besoins liés au financement de la solidarité internationale et des biens publics mondiaux ne cessent de croître. Alors, ne nous berçons pas d’illusions.
L’aide publique au développement, même avec un volume record de 129 milliards de dollars en 2010, ne pourra suffire. Et ce, d’autant moins que la crise financière actuelle contraint fortement, et pour plusieurs années, les ressources budgétaires des pays les plus avancés.
Le constat de départ est donc simple, je sais que nous le partageons tous. Nous ne ferons pas face aux nouveaux besoins du XXIème siècle en nous contentant des outils et des ressources du XXème siècle.
Si nous voulons être crédibles, à la hauteur des engagements pris à New York et à Copenhague, nous devons mobiliser de nouvelles sources de financement, stables et prévisibles, complémentaires de l’aide publique et provenant des secteurs ayant le plus bénéficié de la mondialisation.
Ensemble, nous militons de longue date en faveur des financements innovants et pouvons nous féliciter d’avoir déjà inventé plus de 5 milliards de dollars au service du développement depuis 2006.
Aujourd’hui, nous pouvons faire plus, nous devons faire plus. Les résultats obtenus montrent que cette volonté n’a rien d’utopique. Ce qui compte, c’est de trouver des solutions.
Nous sommes tous ici convaincus qu’une micro-contribution sur les transactions financières, la TTF (Taxe sur les transactions financières) dont vous parlez depuis ce matin, en fait partie.
Le rapport que vous venez de publier confirme à nouveau sa faisabilité technique. Un taux très bas mais reposant sur une assiette large évitera les risques de contournement et d’évasion. La TTF est neutre, ce n’est pas une punition. Nous savons aussi qu’elle peut être un vecteur efficace, à la fois sur le plan du volume et des impacts, qu’elle est une solution économiquement rationnelle, qu’elle est enfin légitime, juste sur le plan «éthique» et moral.
Comme l’a dit le président Sarkozy, «personne ne trouve à redire quand on achète un bien immobilier à ce qu’il soit taxé au moment de la transaction. Personne ne trouve à redire lorsqu’on achète un bien meuble, un bien de consommation qu’il soit taxé au moment de la transaction. Comment se fait-il que la seule transaction qui ne soit jamais taxée, soit la transaction financière ?». Comment en effet faire accepter à l’opinion publique que les secteurs qui ont le plus bénéficié de la mondialisation ne contribuent pas à l’effort collectif pour la rendre plus équilibrée, plus solidaire ?
Nous allons au devant d’immenses difficultés si nous ne prenons pas aujourd’hui les décisions qui s’imposent. Aussi devons-nous continuer à nous mobiliser, pleinement, ensemble, pour convaincre nos partenaires.
Je salue à ce titre le travail inlassable de plaidoyer que vous menez au quotidien en faveur des financements innovants. J’ai moi-même tenté, à mon niveau, d’y contribuer.
Lors des Assemblées de Printemps de la Banque mondiale et du FMI, j’ai présidé une conférence pour échanger sur ce thème avec la société civile américaine. En mai, nous participions ensemble, Cher Philippe, à la réunion organisée par les Nations unies et le Groupe pilote pour les financements innovants au sommet des PMAs à Istanbul. Lors de la IXème session du Groupe à Bamako, nous avons convaincu huit nouveaux pays, africains qui plus est, de signer la déclaration en faveur de la TTF. Nous nous retrouverons à nouveau demain à Madrid pour participer à la prochaine réunion du Groupe pilote. Cette mobilisation collective doit se poursuivre.
La France souhaite que sa Présidence du G20 soit l’occasion de progresser. Le rapport demandé à Bill Gates sur le financement du développement et les financements innovants en particulier sera présenté au Sommet de Cannes. La France est déterminée à obtenir un accord sur la TTF.
Nicolas Sarkozy et Angela Merkel l’ont clairement évoquée le 16 août dernier à Paris. Le Président français s’est entretenu vendredi avec le Commissaire européen chargé de la fiscalité, M. Semata pour évoquer les contours d’une telle taxe. Une proposition européenne devrait être faite prochainement. Les discussions au sein de la zone euro seront donc stratégiques dans les prochains mois.
La France est déterminée à en faire la preuve par l’exemple, en démarrant avec un groupe de pionniers. Les pays qui n’en feront pas partie auront à rendre compte de ce choix auprès de leurs opinions publiques.
Car les faits sont têtus et plus que jamais, de nouvelles ressources sont nécessaires pour faire reculer la pauvreté, la faim et la maladie dans le monde en développement. Il y a 5 ans, au lancement d’UNITAID, nous partagions cette conviction. Aujourd’hui, nous partageons tous cette certitude.
Le plaidoyer progresse. Les lignes ont bougé. Il est plus que jamais capital que nous continuions à faire entendre notre voix. Mais ne nous trompons pas de débat, ne perdons pas de temps dans des controverses inutiles. Comme pour tout débat fiscal, il est légitime en démocratie que la question de l’affectation du produit de cette taxe soit débattue. Je me battrai pour que le développement ne soit pas oublié et je comprends vos débats pour défendre la santé, le climat et les autres besoins urgents…
Aujourd’hui cependant, nous avons une responsabilité commune, des promesses à tenir et de nouvelles promesses à faire. L’Europe doit montrer l’exemple et adopter une taxe sur les transactions financières. C’est la priorité. Tenir ce langage commun est essentiel pour que notre travail de conviction soit efficace. C’est un rendez-vous historique que nous ne pouvons pas manquer. Tous ensemble, nous devons nous mobiliser pour «arracher» un accord sur la TTF. Nous en sortirons tous gagnants.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 15 septembre 2011