Texte intégral
Le président de la République française a consacré lessentiel de son discours à lAssemblée générale des Nations unies à la question du Moyen-Orient et au règlement du conflit israélo-palestinien. Vous avez noté dans son discours sa volonté de créer une nouvelle dynamique. Tout dabord en partant dun constat, cest que les extraordinaires bouleversements qui se sont produits dans le monde arabe, ce quil est convenu dappeler «les printemps arabes», rendent plus que jamais inacceptable le statu quo et lenlisement de la situation.
Il est nécessaire plus que jamais dagir. Nous le disons en tant quami dIsraël à Israël. Tout a changé autour dIsraël : en Égypte, en Syrie, les relations avec la Turquie se sont tendues. Il ny a pas dautres moyens pour Israël dassurer sur le long terme sa sécurité à laquelle la France est très profondément attachée. Vous avez noté la phrase du discours du président de la République dans laquelle il explique quen cas de menace envers Israël, la France se rangerait immédiatement du côté de ce pays. Mais, je le répète, la seule façon darriver à la paix et à la sécurité, cest la négociation et la conclusion dun accord de paix avec les Palestiniens.
Nous disons à nos amis palestiniens que nous comprenons leur impatience, leur volonté dagir, la démarche qui les a conduit à saisir les Nations unies mais que la procédure quils ont choisie est très certainement vouée à léchec.
Dans ces conditions, que faire et comment agir ? Je voudrais insister sur ce qui constitue les quatre grands axes des propositions du président de la République.
Tout dabord, changer de méthode, tout simplement parce que la méthode actuelle na pas abouti depuis bien des années, pour ne pas dire des décennies, et adopter une approche plus collective en regroupant tous ceux qui peuvent contribuer au déblocage de la situation, cest-à-dire très vraisemblablement lensemble des membres permanents du Conseil de sécurité, lUnion européenne et les grands Etats européens, non membre permanents du Conseil de sécurité, et les États arabes principalement impliqués dans la région.
Deuxième axe de travail, il faut réunir les conditions pour reprendre les négociations. Il ny a pas dautre voie possible pour parvenir à la paix, pour garantir la sécurité dIsraël et pour donner enfin aux Palestiniens ce à quoi ils ont droit cest-à-dire un État de plein exercice.
Les grands paramètres de cette négociation sont connus, je ne vais pas my attarder. Ce sont les principes de Madrid, la feuille de route, linitiative arabe de paix, le discours du président Obama du 19 mai dernier, les paramètres agréés par lUnion européenne. Lobjectif de la négociation est également connu de tous : reconnaissance mutuelle de deux États-nations pour deux peuples établis sur la base des lignes de 1967 avec les échanges de territoires agréés et équivalents. Le président de la République a bien insisté sur le fait que si lon veut sincèrement relancer ce processus de négociations, il ne faut pas fixer des préalables ou des pré-conditions. Il appartiendra bien sûr, une fois quils se seront remis autour de la table, aux Israéliens et aux Palestiniens de trouver les moyens davancer et dadopter les accords qui conduiront à la paix.
Troisième axe de proposition, ces négociations ne doivent pas séterniser. La France propose donc de fixer des délais précis qui permettront de juger de lavancement des négociations : reprise des discussions dans un délai dun mois, il ny a aucune raison de jouer la montre. Six mois pour se mettre daccord sur les frontières et sur la sécurité, un an pour parvenir à un accord définitif. La France propose sur ce chemin daccueillir dès cet automne une Conférence des donateurs qui pourrait également permettre de faire avancer les négociations.
Enfin, quatrième point, dans cette démarche, le président de la République a proposé de travailler au rehaussement du statut de la Palestine au sein des Nations unies et donc de franchir une première étape sur le chemin de la création dun État de plein exercice en reconnaissant à la Palestine le statut dÉtat non-membre observateur.
Voilà remis en perspective le discours du président de la République ce matin, et les grandes propositions de la France.
Le président de la République en a fait part hier au président Mahmoud Abbas et vous avez sans doute noté que les Palestiniens viennent de déclarer quils avaient une réaction positive devant les propositions françaises et quils étaient prêts à y travailler.
Le président de la République a également rencontré ce matin le Premier ministre Netanyahou qui a pris acte des propositions françaises. Le Premier ministre israélien et le chef de lÉtat français ont décidé de poursuivre leurs contacts.
Voilà ce que je souhaitais vous dire avant de répondre à vous questions.
Q - Quels sont les commentaires faits par M. Netanyahou sur la proposition française ? Même si il y a un accueil positif des Palestiniens, est-ce quils ont toujours lintention daller au Conseil de sécurité ; si cela se confirme, quelle sera la position française ?
R - Sur le premier point, je vous ai dit ce que javais à vous dire, cest-à-dire que le Premier ministre Netanyahou a pris acte des propositions françaises, et je vous fais confiance pour décrypter ce que dans le langage diplomatique cette expression veut dire. Sur le second point, il ne nous appartient pas de persuader les Palestiniens de renoncer à linitiative quils ont prise. Nous leur avons simplement dit quelle ne prospérerait pas compte tenu de la position qui a été prise par les États-Unis dAmérique. Pour le moment, la question de savoir quel pourrait être le vote de la France ne se pose pas, puisque le vote nest pas programmé, si je puis dire, et que lensemble de nos efforts, tels que je viens de les rappeler, visent précisément à ce que la question ne se pose pas au Conseil de sécurité.
Q - Quand le président dit «changeons de méthode», est-ce que cela signifie en finir avec la mainmise des États-Unis sur le dossier ?
R - Je ne peux évidemment pas faire mienne votre expression «mainmise des États-Unis». Les États-Unis ont un rôle éminent à jouer dans la recherche de paix, nous pensons simplement quils ny arriveront pas tous seuls. Dailleurs, cest ce quon a constaté depuis un certain nombre dannées. Nous pensons que lUnion européenne a son rôle à jouer, que lensemble des membres permanents du Conseil de sécurité ont un rôle à jouer, et que les pays arabes - lÉgypte par exemple, ou dautres - ont également un rôle à jouer, doù cette proposition dune approche plus collective.
Q - Faites-vous confiance aux leaders israélien et palestinien ? Si tous les efforts diplomatiques échouent, est-ce que vous ne pensez pas quon va vers linconnu ?
R - Pour répondre à votre question, la réponse est évidemment oui. Si nous essayons de prendre des initiatives, de faire bouger les choses, de créer une nouvelle dynamique, cest que nous pensons que le statu quo est détestable et intenable pour tout le monde, quil ne peut conduire quà des blocages et, peut-être, hélas, à la reprise des violences. Donc, de ce point de vue, nous navons pas de doute, il faut se remettre autour de la table de négociations et avancer. Sur le premier point, si un minimum de confiance napparaît pas entre les deux parties, on narrivera jamais à rien. Tout notre rôle cest de faire baisser la température, la passion qui a toujours marqué les relations.
Q - Trouvez-vous crédibles les dirigeants des deux côtés ?
R - Ce sont les dirigeants dIsraël et de la Palestine. Il ne nous revient pas à nous de les changer ou de les choisir. Nous leur disons de se mettre autour de la table des négociations et nous leur disons que la France leur fait confiance puisque nous sommes à la fois lami dIsraël et lami des Palestiniens.
Q - Monsieur le Ministre, dans le discours du président de la République, il y a la proposition dun nouveau statut pour la Palestine mais aussi linsistance sur le fait que les négociations doivent reprendre sans conditions préalables. Cela veut-il dire que, dans la position française, les deux choses sont liées ?
R - La France propose une démarche, elle ne propose pas un paquet tout ficelé. Nous allons y travailler maintenant avec toux ceux qui veulent bien y travailler : les Palestiniens, nous poursuivons nos contacts avec les Israéliens. Nous allons également travailler avec nos partenaires européens et les États arabes qui le souhaitent. Tout ceci se précisera mais, dans notre esprit, les deux choses doivent aller de pair effectivement, cest-à-dire la reprise des négociations et le progrès dans le rehaussement du statut des Palestiniens à lAssemblée générale des Nations unies.
Q - Le calendrier semble beaucoup ressembler à ce que Lady Ashton a elle-même travaillé au sein du Quartet. Est-ce que cela veut dire que le président de la République sest inspiré du travail qui a été fait au niveau de lUnion européenne et va-t-on vers une position commune européenne ?
R - Sur le premier point, nous travaillons en étroite liaison avec la Haute Représentante et M. Tony Blair. Nous souhaitons que le Quartet aboutisse. Nous avons dit que nous soutiendrions ces propositions dès lors quelles seraient acceptables, ou quelles seront acceptables, à la fois par les Palestiniens et les Israéliens et quelles seront équilibrées. Le Quartet peut jouer un rôle tout à fait utile.
Sur la question dune position commune européenne, cest un point que nous allons continuer à discuter. Pour vous parler très franchement, il y a aujourdhui des différences dappréciations entre Européens.
Q - Quallez-vous apporter de plus que le Quartet ? Que va-t-il se passer avant le discours de vendredi ?
R - Sur le premier point, la réponse est assez simple : dans le Quartet il ny a pas les cinq membres du Conseil de sécurité. Quand nous proposons de changer de méthode, cest pour élargir le cercle afin dimpliquer dans la négociation des acteurs qui ont - nous semble-t-il - un rôle majeur à jouer.
Deuxièmement, nous verrons ce que dit et ce que fait le président Abbas vendredi. Je pense quil fera ce quil a annoncé, cest-à-dire saisir le Secrétaire général des Nations unies dune demande dinscription à lordre du jour du Conseil de sécurité de lacceptation de la Palestine comme État membre des Nations unies.
Il y a ensuite une procédure, que vous connaissez : le Secrétaire général saisira le Conseil de sécurité, lequel mettra en place un Comité dexamen de cette candidature ; puis ensuite cela viendra, le moment venu, devant le Conseil de sécurité lui-même.
Il y a donc du temps devant nous, cest ce temps-là que nous voulons mettre à profit pour travailler sur les propositions françaises.
Q - Pour le calendrier de la démarche, à quel moment allez-vous adresser la demande de statut dobservateur à lAssemblée générale et à quel moment commencera le calendrier que le président a énuméré dans son discours ? Est-ce quil y a un délai limite ?
R - Comme je vous lai dit, le président de la République a fait des propositions, elles sont sur la table ; nous allons y travailler avec tous ceux qui voudront bien y travailler. Je nai donc pas, aujourdhui, la réponse à toutes les questions que vous vous posez.
Sur la deuxième question, quand reprendre les négociations ?
Je vous donnerai quand même un petit peu la température générale : le plus vite possible. Il ny a aucune raison aujourdhui, si on ne met pas des conditions pour traîner, puisque tous les paramètres que jai évoqués, le principe de Madrid, etc., sont sur la table. Deuxièmement, la question de savoir dans quel calendrier ou dans quelle démarche globale lAssemblée générale pourrait être saisie de la reconnaissance du statut dÉtat non-membre observateur pour la Palestine fera partie de la discussion et du projet que nous allons élaborer ensemble.
Q - Can you say you are confident that you have less than nine votes at the Security Council to avoid a veto ?
R - Je ne veux pas me placer dans la situation dun vote au Conseil de sécurité. Sur le fait de savoir sil y aura neuf voix ou pas, nous nen sommes pas là et nous allons travailler - dans le délai qui est devant nous, qui est celui de la session actuelle de lAssemblée générale cest-à-dire dici la fin de lannée - à faire en sorte que le processus se débloque.
Q - Quallez-vous offrir aux Palestiniens pour quils abandonnent leurs conditions ?
R - Nous leur faisons une proposition globale en disant que nous souhaitons que les négociations reprennent. Si ce processus sengage, la France, avec dautres, est prête à étudier une proposition à lAssemblée générale qui ferait franchir une première étape sur la voie de la reconnaissance du statut dÉtat non-membre observateur. Cest une proposition extrêmement importante. Je pense que cela ne vous a pas échappé.
Q - Sur le statut dÉtat observateur, comment comptez-vous vaincre les réticences voire lopposition probable des Américains ?
R - Nous avons demandé, vous lavez observé dans le discours du président de la République, que les Palestiniens sengagent pendant cette période de négociation, avant que lon aboutisse à un accord définitif qui pourra déboucher sur la reconnaissance dun statut dÉtat de plein exercice, à ne pas utiliser les possibilités du statut de membre observateur à des fins qui pourraient être négatives ou porteuses de conflit, cest-à-dire sengager à ne pas saisir la Cour pénale internationale.
Q - As far as the requirement the Palestinians give up their bid to the Security Council to get your support at the General Assembly, why wouldnt they go to the Security Council at the same time as going to the General Assembly ?
R - Je vous ai dit quel était le calendrier qui était devant nous. Nous pensons quavant darriver à un vote du Conseil de sécurité, il y a devant nous plusieurs semaines vraisemblablement. On peut effectivement mettre la pression ou ne pas mettre la pression mais nous avons plusieurs semaines qui peuvent être mises à profit pour mettre au point la proposition que nous avons faite et la démarche globale que je vous ai indiquée, cest-à-dire, reprise des négociations, sans conditions mais avec un calendrier et, dans ce calendrier, la réflexion sur la saisine de lAssemblée générale afin de reconnaître le statut dÉtat non-membre observateur. Tout ceci va sintégrer dans le travail que nous allons faire maintenant.
Q - Quelle est la différence entre le statut que les Palestiniens ont actuellement et le projet que vous leur proposez ?
R - La différence peut apparaître modeste à certains, elle apparaît à dautres extrêmement importante. Cest un statut dÉtat quils nont pas aujourdhui, dÉtat non-membre des Nations unies mais dÉtat, dÉtat observateur ; ce qui leur permet notamment de poser leur candidature à un certain nombre dorganisations internationales. Cette candidature sera examinée comme celle dun État. Cest une étape extrêmement importante.
Q - I would like to understand correctly, you would support the Palestinian to go to the General Assembly to ask for an observatory status. Now their intentions if they go and they announced it many times, they want to be recognized as a State within the border of 1967. Is that will be acceptable for the European Union and France ?
R - Je vous ai dit que dans notre proposition il y avait deux aspects : la reprise des négociations, et lun des principes sur lesquels se fonderait cette reprise des négociations cest bien de partir de la frontière de 1967 et dopérer à partir de là des échanges de territoires mutuellement agréés et équivalents. Cela fait donc partie du paquet, bien entendu.
Parallèlement, nous avons cette démarche auprès de lAssemblée générale pour la reconnaissance en tant quÉtat observateur et nous allons voir comment les deux choses sarticulent dans le temps et le fond.
Q - Vous avez dit que, dans les entretiens entre le président Sarkozy et le Premier ministre israélien, celui-ci avait pris acte de vos propositions, mais on sait bien que ce qui a fait capoter les négociations entre Palestiniens et Israéliens, cest lincapacité des Américains à obtenir de leur allié stratégique israélien le gel de la colonisation. Que pouvez-vous apporter de plus pour convaincre les Israéliens de revenir à la table et davancer ?
R - Votre question est assez simple puisque lune des propositions françaises cest justement que lon abandonne toutes les conditions, y compris le gel de la colonisation, parce que nous pensons que cette une mauvais démarche. Le président de la République la dit à plusieurs reprises, si on commence à fixer des pré-conditions de ce type on ny arrivera jamais, donc voilà ce quil y a de nouveau.
Q - Je me souviens de lexcellent accueil que vous avait fait Hillary Clinton il y a quelques semaines, quelques mois et de la conférence que vous aviez proposée, qui na absolument pas vu le jour mais qui devait voir le jour au mois de juin. Vous remettez cela pour lautomne, est-ce que vous avez des assurances ?
R - Des assurances non, mais des perspectives oui. Nous allons discuter de tout cela. Le propre de linitiative du président de la République cest quelle fait bouger les lignes. Cest une idée nouvelle qui est mise sur la table, une dynamique nouvelle qui se crée, il y a des réactions positives, il y a des réactions dattente. Nous allons maintenant approfondir tout cela. Ce discours a été prononcé il y a à peine deux heures. Laissez-nous donc le temps dy travailler.
Q - Vous ne vous êtes pas coordonnés avec ladministration américaine ?
R - Mais nous sommes coordonnés depuis longtemps. Nous parlons depuis des années et des années de tout cela. Nous connaissons donc très bien les positions des uns et des autres. Jen ai parlé avec Hillary Clinton, jai été la voir au mois de juillet à mon retour du Proche-Orient, sur les paramètres proposés par la France, nous sommes tenus en étroit contact et maintenant nous allons voir comment tout ceci peut prospérer.
Q - Il est parfaitement clair, pour un journaliste suivant la politique française, que la France, très spécifiquement la France, a une parfaite compréhension de la rue arabe. Est-ce que, à ce moment là, avec toutes les démarches diplomatiques et sachant que, pas les leaders arabes, mais la rue arabe, qui est parfaitement au diapason avec le discours de Nicolas Sarkozy, est très soupçonneuse, la France, aux côtés des Américains et du reste du monde, na pas un souci de crédibilité dans la rue ? On la bien vu, la France et lAngleterre en Libye, cela a eu un côté très positif, mais il y a un autre monde arabe aussi qui attend et qui, pratiquement, accuse les Américains de ne pas être justes. La France na-t-elle pas ce souci de crédibilité et dimage au niveau du monde arabe ?
R - Je ne suis pas sûr de bien comprendre votre question. Que nous ayons une certaine crédibilité dans la «rue arabe», pour reprendre votre formule, cest un constat, cest un fait. On la vu à Benghazi, on la vu à Tripoli, mais on la vu ailleurs aussi.
Ce qui motive profondément le président de la République, cest la recherche de la paix. On ne peut pas rester dans le statu quo, on ne peut pas continuer à frustrer la population palestinienne de ce qui lui a été promis depuis longtemps. Je le rappelle, lidée quil y aurait un jour un État palestinien cest une promesse qui a été faite, y compris par les États-Unis, on ne peut pas non plus durablement frustrer Israël de sa sécurité, dune reconnaissance durable de son existence et de son intégrité. Il faut sortir de là, cest cela qui nous motive, cest essayer de contribuer à débloquer la situation.
Nous constatons que nous sommes une fois de plus dans le blocage, et nous pensons donc que les idées françaises peuvent peut-être même certainement faire bouger les lignes, cest ce à quoi nous allons travailler. Je mesure bien la difficulté, je mesure bien les objections qui seront faites ici ou là, la force de conviction dont il faudra faire preuve, mais je crois que le président Sarkozy a une force de conviction supérieure à la moyenne. Merci beaucoup !Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 23 septembre 2011
Il est nécessaire plus que jamais dagir. Nous le disons en tant quami dIsraël à Israël. Tout a changé autour dIsraël : en Égypte, en Syrie, les relations avec la Turquie se sont tendues. Il ny a pas dautres moyens pour Israël dassurer sur le long terme sa sécurité à laquelle la France est très profondément attachée. Vous avez noté la phrase du discours du président de la République dans laquelle il explique quen cas de menace envers Israël, la France se rangerait immédiatement du côté de ce pays. Mais, je le répète, la seule façon darriver à la paix et à la sécurité, cest la négociation et la conclusion dun accord de paix avec les Palestiniens.
Nous disons à nos amis palestiniens que nous comprenons leur impatience, leur volonté dagir, la démarche qui les a conduit à saisir les Nations unies mais que la procédure quils ont choisie est très certainement vouée à léchec.
Dans ces conditions, que faire et comment agir ? Je voudrais insister sur ce qui constitue les quatre grands axes des propositions du président de la République.
Tout dabord, changer de méthode, tout simplement parce que la méthode actuelle na pas abouti depuis bien des années, pour ne pas dire des décennies, et adopter une approche plus collective en regroupant tous ceux qui peuvent contribuer au déblocage de la situation, cest-à-dire très vraisemblablement lensemble des membres permanents du Conseil de sécurité, lUnion européenne et les grands Etats européens, non membre permanents du Conseil de sécurité, et les États arabes principalement impliqués dans la région.
Deuxième axe de travail, il faut réunir les conditions pour reprendre les négociations. Il ny a pas dautre voie possible pour parvenir à la paix, pour garantir la sécurité dIsraël et pour donner enfin aux Palestiniens ce à quoi ils ont droit cest-à-dire un État de plein exercice.
Les grands paramètres de cette négociation sont connus, je ne vais pas my attarder. Ce sont les principes de Madrid, la feuille de route, linitiative arabe de paix, le discours du président Obama du 19 mai dernier, les paramètres agréés par lUnion européenne. Lobjectif de la négociation est également connu de tous : reconnaissance mutuelle de deux États-nations pour deux peuples établis sur la base des lignes de 1967 avec les échanges de territoires agréés et équivalents. Le président de la République a bien insisté sur le fait que si lon veut sincèrement relancer ce processus de négociations, il ne faut pas fixer des préalables ou des pré-conditions. Il appartiendra bien sûr, une fois quils se seront remis autour de la table, aux Israéliens et aux Palestiniens de trouver les moyens davancer et dadopter les accords qui conduiront à la paix.
Troisième axe de proposition, ces négociations ne doivent pas séterniser. La France propose donc de fixer des délais précis qui permettront de juger de lavancement des négociations : reprise des discussions dans un délai dun mois, il ny a aucune raison de jouer la montre. Six mois pour se mettre daccord sur les frontières et sur la sécurité, un an pour parvenir à un accord définitif. La France propose sur ce chemin daccueillir dès cet automne une Conférence des donateurs qui pourrait également permettre de faire avancer les négociations.
Enfin, quatrième point, dans cette démarche, le président de la République a proposé de travailler au rehaussement du statut de la Palestine au sein des Nations unies et donc de franchir une première étape sur le chemin de la création dun État de plein exercice en reconnaissant à la Palestine le statut dÉtat non-membre observateur.
Voilà remis en perspective le discours du président de la République ce matin, et les grandes propositions de la France.
Le président de la République en a fait part hier au président Mahmoud Abbas et vous avez sans doute noté que les Palestiniens viennent de déclarer quils avaient une réaction positive devant les propositions françaises et quils étaient prêts à y travailler.
Le président de la République a également rencontré ce matin le Premier ministre Netanyahou qui a pris acte des propositions françaises. Le Premier ministre israélien et le chef de lÉtat français ont décidé de poursuivre leurs contacts.
Voilà ce que je souhaitais vous dire avant de répondre à vous questions.
Q - Quels sont les commentaires faits par M. Netanyahou sur la proposition française ? Même si il y a un accueil positif des Palestiniens, est-ce quils ont toujours lintention daller au Conseil de sécurité ; si cela se confirme, quelle sera la position française ?
R - Sur le premier point, je vous ai dit ce que javais à vous dire, cest-à-dire que le Premier ministre Netanyahou a pris acte des propositions françaises, et je vous fais confiance pour décrypter ce que dans le langage diplomatique cette expression veut dire. Sur le second point, il ne nous appartient pas de persuader les Palestiniens de renoncer à linitiative quils ont prise. Nous leur avons simplement dit quelle ne prospérerait pas compte tenu de la position qui a été prise par les États-Unis dAmérique. Pour le moment, la question de savoir quel pourrait être le vote de la France ne se pose pas, puisque le vote nest pas programmé, si je puis dire, et que lensemble de nos efforts, tels que je viens de les rappeler, visent précisément à ce que la question ne se pose pas au Conseil de sécurité.
Q - Quand le président dit «changeons de méthode», est-ce que cela signifie en finir avec la mainmise des États-Unis sur le dossier ?
R - Je ne peux évidemment pas faire mienne votre expression «mainmise des États-Unis». Les États-Unis ont un rôle éminent à jouer dans la recherche de paix, nous pensons simplement quils ny arriveront pas tous seuls. Dailleurs, cest ce quon a constaté depuis un certain nombre dannées. Nous pensons que lUnion européenne a son rôle à jouer, que lensemble des membres permanents du Conseil de sécurité ont un rôle à jouer, et que les pays arabes - lÉgypte par exemple, ou dautres - ont également un rôle à jouer, doù cette proposition dune approche plus collective.
Q - Faites-vous confiance aux leaders israélien et palestinien ? Si tous les efforts diplomatiques échouent, est-ce que vous ne pensez pas quon va vers linconnu ?
R - Pour répondre à votre question, la réponse est évidemment oui. Si nous essayons de prendre des initiatives, de faire bouger les choses, de créer une nouvelle dynamique, cest que nous pensons que le statu quo est détestable et intenable pour tout le monde, quil ne peut conduire quà des blocages et, peut-être, hélas, à la reprise des violences. Donc, de ce point de vue, nous navons pas de doute, il faut se remettre autour de la table de négociations et avancer. Sur le premier point, si un minimum de confiance napparaît pas entre les deux parties, on narrivera jamais à rien. Tout notre rôle cest de faire baisser la température, la passion qui a toujours marqué les relations.
Q - Trouvez-vous crédibles les dirigeants des deux côtés ?
R - Ce sont les dirigeants dIsraël et de la Palestine. Il ne nous revient pas à nous de les changer ou de les choisir. Nous leur disons de se mettre autour de la table des négociations et nous leur disons que la France leur fait confiance puisque nous sommes à la fois lami dIsraël et lami des Palestiniens.
Q - Monsieur le Ministre, dans le discours du président de la République, il y a la proposition dun nouveau statut pour la Palestine mais aussi linsistance sur le fait que les négociations doivent reprendre sans conditions préalables. Cela veut-il dire que, dans la position française, les deux choses sont liées ?
R - La France propose une démarche, elle ne propose pas un paquet tout ficelé. Nous allons y travailler maintenant avec toux ceux qui veulent bien y travailler : les Palestiniens, nous poursuivons nos contacts avec les Israéliens. Nous allons également travailler avec nos partenaires européens et les États arabes qui le souhaitent. Tout ceci se précisera mais, dans notre esprit, les deux choses doivent aller de pair effectivement, cest-à-dire la reprise des négociations et le progrès dans le rehaussement du statut des Palestiniens à lAssemblée générale des Nations unies.
Q - Le calendrier semble beaucoup ressembler à ce que Lady Ashton a elle-même travaillé au sein du Quartet. Est-ce que cela veut dire que le président de la République sest inspiré du travail qui a été fait au niveau de lUnion européenne et va-t-on vers une position commune européenne ?
R - Sur le premier point, nous travaillons en étroite liaison avec la Haute Représentante et M. Tony Blair. Nous souhaitons que le Quartet aboutisse. Nous avons dit que nous soutiendrions ces propositions dès lors quelles seraient acceptables, ou quelles seront acceptables, à la fois par les Palestiniens et les Israéliens et quelles seront équilibrées. Le Quartet peut jouer un rôle tout à fait utile.
Sur la question dune position commune européenne, cest un point que nous allons continuer à discuter. Pour vous parler très franchement, il y a aujourdhui des différences dappréciations entre Européens.
Q - Quallez-vous apporter de plus que le Quartet ? Que va-t-il se passer avant le discours de vendredi ?
R - Sur le premier point, la réponse est assez simple : dans le Quartet il ny a pas les cinq membres du Conseil de sécurité. Quand nous proposons de changer de méthode, cest pour élargir le cercle afin dimpliquer dans la négociation des acteurs qui ont - nous semble-t-il - un rôle majeur à jouer.
Deuxièmement, nous verrons ce que dit et ce que fait le président Abbas vendredi. Je pense quil fera ce quil a annoncé, cest-à-dire saisir le Secrétaire général des Nations unies dune demande dinscription à lordre du jour du Conseil de sécurité de lacceptation de la Palestine comme État membre des Nations unies.
Il y a ensuite une procédure, que vous connaissez : le Secrétaire général saisira le Conseil de sécurité, lequel mettra en place un Comité dexamen de cette candidature ; puis ensuite cela viendra, le moment venu, devant le Conseil de sécurité lui-même.
Il y a donc du temps devant nous, cest ce temps-là que nous voulons mettre à profit pour travailler sur les propositions françaises.
Q - Pour le calendrier de la démarche, à quel moment allez-vous adresser la demande de statut dobservateur à lAssemblée générale et à quel moment commencera le calendrier que le président a énuméré dans son discours ? Est-ce quil y a un délai limite ?
R - Comme je vous lai dit, le président de la République a fait des propositions, elles sont sur la table ; nous allons y travailler avec tous ceux qui voudront bien y travailler. Je nai donc pas, aujourdhui, la réponse à toutes les questions que vous vous posez.
Sur la deuxième question, quand reprendre les négociations ?
Je vous donnerai quand même un petit peu la température générale : le plus vite possible. Il ny a aucune raison aujourdhui, si on ne met pas des conditions pour traîner, puisque tous les paramètres que jai évoqués, le principe de Madrid, etc., sont sur la table. Deuxièmement, la question de savoir dans quel calendrier ou dans quelle démarche globale lAssemblée générale pourrait être saisie de la reconnaissance du statut dÉtat non-membre observateur pour la Palestine fera partie de la discussion et du projet que nous allons élaborer ensemble.
Q - Can you say you are confident that you have less than nine votes at the Security Council to avoid a veto ?
R - Je ne veux pas me placer dans la situation dun vote au Conseil de sécurité. Sur le fait de savoir sil y aura neuf voix ou pas, nous nen sommes pas là et nous allons travailler - dans le délai qui est devant nous, qui est celui de la session actuelle de lAssemblée générale cest-à-dire dici la fin de lannée - à faire en sorte que le processus se débloque.
Q - Quallez-vous offrir aux Palestiniens pour quils abandonnent leurs conditions ?
R - Nous leur faisons une proposition globale en disant que nous souhaitons que les négociations reprennent. Si ce processus sengage, la France, avec dautres, est prête à étudier une proposition à lAssemblée générale qui ferait franchir une première étape sur la voie de la reconnaissance du statut dÉtat non-membre observateur. Cest une proposition extrêmement importante. Je pense que cela ne vous a pas échappé.
Q - Sur le statut dÉtat observateur, comment comptez-vous vaincre les réticences voire lopposition probable des Américains ?
R - Nous avons demandé, vous lavez observé dans le discours du président de la République, que les Palestiniens sengagent pendant cette période de négociation, avant que lon aboutisse à un accord définitif qui pourra déboucher sur la reconnaissance dun statut dÉtat de plein exercice, à ne pas utiliser les possibilités du statut de membre observateur à des fins qui pourraient être négatives ou porteuses de conflit, cest-à-dire sengager à ne pas saisir la Cour pénale internationale.
Q - As far as the requirement the Palestinians give up their bid to the Security Council to get your support at the General Assembly, why wouldnt they go to the Security Council at the same time as going to the General Assembly ?
R - Je vous ai dit quel était le calendrier qui était devant nous. Nous pensons quavant darriver à un vote du Conseil de sécurité, il y a devant nous plusieurs semaines vraisemblablement. On peut effectivement mettre la pression ou ne pas mettre la pression mais nous avons plusieurs semaines qui peuvent être mises à profit pour mettre au point la proposition que nous avons faite et la démarche globale que je vous ai indiquée, cest-à-dire, reprise des négociations, sans conditions mais avec un calendrier et, dans ce calendrier, la réflexion sur la saisine de lAssemblée générale afin de reconnaître le statut dÉtat non-membre observateur. Tout ceci va sintégrer dans le travail que nous allons faire maintenant.
Q - Quelle est la différence entre le statut que les Palestiniens ont actuellement et le projet que vous leur proposez ?
R - La différence peut apparaître modeste à certains, elle apparaît à dautres extrêmement importante. Cest un statut dÉtat quils nont pas aujourdhui, dÉtat non-membre des Nations unies mais dÉtat, dÉtat observateur ; ce qui leur permet notamment de poser leur candidature à un certain nombre dorganisations internationales. Cette candidature sera examinée comme celle dun État. Cest une étape extrêmement importante.
Q - I would like to understand correctly, you would support the Palestinian to go to the General Assembly to ask for an observatory status. Now their intentions if they go and they announced it many times, they want to be recognized as a State within the border of 1967. Is that will be acceptable for the European Union and France ?
R - Je vous ai dit que dans notre proposition il y avait deux aspects : la reprise des négociations, et lun des principes sur lesquels se fonderait cette reprise des négociations cest bien de partir de la frontière de 1967 et dopérer à partir de là des échanges de territoires mutuellement agréés et équivalents. Cela fait donc partie du paquet, bien entendu.
Parallèlement, nous avons cette démarche auprès de lAssemblée générale pour la reconnaissance en tant quÉtat observateur et nous allons voir comment les deux choses sarticulent dans le temps et le fond.
Q - Vous avez dit que, dans les entretiens entre le président Sarkozy et le Premier ministre israélien, celui-ci avait pris acte de vos propositions, mais on sait bien que ce qui a fait capoter les négociations entre Palestiniens et Israéliens, cest lincapacité des Américains à obtenir de leur allié stratégique israélien le gel de la colonisation. Que pouvez-vous apporter de plus pour convaincre les Israéliens de revenir à la table et davancer ?
R - Votre question est assez simple puisque lune des propositions françaises cest justement que lon abandonne toutes les conditions, y compris le gel de la colonisation, parce que nous pensons que cette une mauvais démarche. Le président de la République la dit à plusieurs reprises, si on commence à fixer des pré-conditions de ce type on ny arrivera jamais, donc voilà ce quil y a de nouveau.
Q - Je me souviens de lexcellent accueil que vous avait fait Hillary Clinton il y a quelques semaines, quelques mois et de la conférence que vous aviez proposée, qui na absolument pas vu le jour mais qui devait voir le jour au mois de juin. Vous remettez cela pour lautomne, est-ce que vous avez des assurances ?
R - Des assurances non, mais des perspectives oui. Nous allons discuter de tout cela. Le propre de linitiative du président de la République cest quelle fait bouger les lignes. Cest une idée nouvelle qui est mise sur la table, une dynamique nouvelle qui se crée, il y a des réactions positives, il y a des réactions dattente. Nous allons maintenant approfondir tout cela. Ce discours a été prononcé il y a à peine deux heures. Laissez-nous donc le temps dy travailler.
Q - Vous ne vous êtes pas coordonnés avec ladministration américaine ?
R - Mais nous sommes coordonnés depuis longtemps. Nous parlons depuis des années et des années de tout cela. Nous connaissons donc très bien les positions des uns et des autres. Jen ai parlé avec Hillary Clinton, jai été la voir au mois de juillet à mon retour du Proche-Orient, sur les paramètres proposés par la France, nous sommes tenus en étroit contact et maintenant nous allons voir comment tout ceci peut prospérer.
Q - Il est parfaitement clair, pour un journaliste suivant la politique française, que la France, très spécifiquement la France, a une parfaite compréhension de la rue arabe. Est-ce que, à ce moment là, avec toutes les démarches diplomatiques et sachant que, pas les leaders arabes, mais la rue arabe, qui est parfaitement au diapason avec le discours de Nicolas Sarkozy, est très soupçonneuse, la France, aux côtés des Américains et du reste du monde, na pas un souci de crédibilité dans la rue ? On la bien vu, la France et lAngleterre en Libye, cela a eu un côté très positif, mais il y a un autre monde arabe aussi qui attend et qui, pratiquement, accuse les Américains de ne pas être justes. La France na-t-elle pas ce souci de crédibilité et dimage au niveau du monde arabe ?
R - Je ne suis pas sûr de bien comprendre votre question. Que nous ayons une certaine crédibilité dans la «rue arabe», pour reprendre votre formule, cest un constat, cest un fait. On la vu à Benghazi, on la vu à Tripoli, mais on la vu ailleurs aussi.
Ce qui motive profondément le président de la République, cest la recherche de la paix. On ne peut pas rester dans le statu quo, on ne peut pas continuer à frustrer la population palestinienne de ce qui lui a été promis depuis longtemps. Je le rappelle, lidée quil y aurait un jour un État palestinien cest une promesse qui a été faite, y compris par les États-Unis, on ne peut pas non plus durablement frustrer Israël de sa sécurité, dune reconnaissance durable de son existence et de son intégrité. Il faut sortir de là, cest cela qui nous motive, cest essayer de contribuer à débloquer la situation.
Nous constatons que nous sommes une fois de plus dans le blocage, et nous pensons donc que les idées françaises peuvent peut-être même certainement faire bouger les lignes, cest ce à quoi nous allons travailler. Je mesure bien la difficulté, je mesure bien les objections qui seront faites ici ou là, la force de conviction dont il faudra faire preuve, mais je crois que le président Sarkozy a une force de conviction supérieure à la moyenne. Merci beaucoup !Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 23 septembre 2011