Déclaration de M. Gérard Longuet, ministre de la défense et des anciens combattants, sur la politique de défense, à Rennes le 6 septembre 2011.

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Circonstance : Clôture de la 9ème Université d'été de la Défense, à Rennes (Ile-et-Vilaine) le 6 septembre 2011

Texte intégral

Mesdames et Messieurs,
à cet instant il me revient la responsabilité parfaitement illégitime de conclure les travaux de votre 9ème Université de la Défense. Permettez-moi, au nom de la communauté de la Défense tout entière, très largement représentée ici, de remercier ceux qui oint fait l’effort, quelles que soient leurs responsabilités professionnelles, leur mandat, leur engagement, de participer à cette réflexion collective, de l’enrichir, et ainsi de montrer toute la mobilisation des élites de notre pays sur cette grande fonction régalienne qui est au coeur même de l’histoire de notre pays, la fonction de défense.
Je voudrais saluer naturellement les parlementaires ici présents, le Président du Conseil régional de sa région, et au premier rang de ces parlementaires, saluer naturellement les Présidents Guy TEISSIER et Josselin de ROHAN. Guy TEISSIER me permet, parce qu’il a parlé avec la compétence et l’autorité qui est la sienne, de m’éloigner de mon propos d’origine. Mais il est là parfaitement légitime tant son implication est grande. J’aurai évidemment un mot très amical pour Josselin de ROHAN. Je voudrais souligner deux caractéristiques assez peu communes dans la vie publique. Ce sont à la fois l’indépendance et la loyauté. L’indépendance car il forme son jugement en toute liberté. Et la loyauté car il termine toujours les combats politiques dans le camp dans lequel il les a commencés, ce qui n’est pas si fréquent. J’ajoute, pour avoir été son lointain successeur au Sénat, qu’il ne laisse que des amis dans cette assemblée, et que des regrets. Mais c'est son libre choix et c'est, au fond, le trait même de sa personnalité, c'est-à-dire beaucoup de pudeur et beaucoup de dignité.
Je voudrais avoir un mot plus qu’amical, respectueux, pour la DGA et pour son Délégué général. Mais j’en ai dit tellement de bien à Bagneux, à l’occasion du 50ème anniversaire, que je ne vois pas la nécessité de le répéter à cette instance. Un mot amical pour son Délégué général parce que nous menons ensemble des réflexions, des actions, des combats, pour défendre notre budget, pour gagner des marchés, pour mobiliser des partenaires. Vous le connaissez mieux que je ne le connais, chaque jour je le découvre et à chaque découverte je l’apprécie un peu plus. Je dirai simplement que la DGA est un des éléments de force de notre pays dans cette culture de la Défense.
J’aimerais avoir un mot très amical pour Olivier DARRASON. C’est un homme qui a su choisir. Les électeurs avaient fait de lui un parlementaire et nous avons siégé ensemble à l’Assemblée nationale, mais après avoir connu les mêmes débuts professionnels dans le corps préfectoral, il a fait le choix de la liberté, c'est-à-dire le choix de l’entreprise. Mais comme c'est un homme passionné, il a décidé d’entreprendre. Il aime entreprendre et il aime ce qu’il entreprend, c’est sans doute la raison de son succès et c'est la raison pour laquelle il s’agit bien d’une 9ème Université qui fédère des énergies et des engagements de toutes origines. Là encore, c'est un service, cher Olivier, que tu rends à notre pays, car la Défense doit être appropriée par tous les Français, quelles que soient leurs convictions, quels que soient leurs engagements, quelles que soient leurs responsabilités. D’une certaine façon, ton travail permet de contribuer à cela. C'est la raison pour laquelle je demanderai que tu t’engages personnellement, et en dehors de l’entreprise, sur le difficile sujet de la diffusion de la technologie militaire dans les activités civiles.
Je voudrais maintenir revenir à l’essentiel de ma conclusion. Trois mots s’imposent pour cette année 2011 qui n’est pas encore totalement achevée, mais qui se présente favorablement. La fierté, la confiance et la vigilance. Et tous ceux qui ont de l’intérêt pour la mission Défense doivent réfléchir à ces trois mots. La fierté est évidente parce que là où nos Armées se sont engagées, parmi les neuf champs que vous évoquiez, Amiral, trois d’entre eux ont retenu l’attention : la Côte d’Ivoire, la Lybie, l’Afghanistan. Dans les trois cas, nos compatriotes peuvent ressentir une fierté d’avoir une communauté de Défense, des militaires, des aviateurs, des fantassins, des marins, engagés avec pertinence, efficacité, discipline, droiture, sur ces trois théâtres immédiats. Cette fierté, je crois que les soldats l’ont. Ils peuvent la partager avec les unités et les familles qui les soutiennent. J’évoquais l’Afghanistan. Mon Général, avec votre prédécesseur, le Général IRASTORZA, trop souvent nous avons ensemble accompagné des familles lorsque les unités rendaient hommage aux combattants disparus. Je voudrais dire publiquement qu’après avoir parlé avec chacune de ces familles, nous pouvons avoir la fierté d’avoir des militaires qui savent pourquoi ils servent, qui acceptent leur engagement, et cet engagement est très largement partagé et compris tout autour d’eux. Cette fierté, je voudrais simplement que nous la partagions et que les Français la partagent. C’est leur Armée, c'est leur pays, c'est leur histoire, c’est leurs traditions, cela existe, et cela est fort.
Puisque beaucoup d’entre vous ici sont des industriels, lorsque nous parcourrons dans l’avenir, et peut-être à Dubaï Airshow, des marchés, des rencontres, des séminaires, des colloques, des meetings pour défendre notre savoir-faire industriel, nous le ferons avec la fierté d’avoir des équipements qui valent tous les autres et qui, le plus souvent, valent mieux que les autres. Je voudrais évoquer une dernière fierté, celle d’avoir des mécanismes de décision pertinents. Pour avoir vécu de l’intérieur trois de ces théâtres, dont un est dénoué, l’autre en cours de dénouement, et dont le troisième se prolonge dans des conditions que Josselin de ROHAN a rappelées et que je partage totalement, c’est la fierté d’être un pays qui sait prendre des décisions, ce qui n’a pas toujours été le cas parmi nos partenaires. C’est un élément de force. Et cette fierté, il faut la partager parce que la culture du dénigrement et l’autodérision deviennent dans notre pays parfaitement insupportables. Ceux qui ne font pas l’effort de réfléchir, ceux qui ne font pas l’effort d’approfondir, se contentent de ricaner, et ils le font parfois avec une présence médiatique qui devient insupportable pour ceux de nos compatriotes qui exercent avec passion leur mandat et qui ont vraiment le sentiment que ceux qui y croient sont nécessairement tirés vers le bas.
Deuxième mot : confiance. La confiance, je pourrais vous la proposer parce que nous sommes une majorité responsable, parce que nous avons la volonté de défendre notre pays, parce que nous votons les budgets. C'est dans mon rôle de militant politique, car un ministre est un homme politique, mais je voudrais aller au-delà et vous dire que cette confiance est beaucoup plus solide. Certes, nous avons la confiance fondée sur une boussole – pour reprendre la formule de Guy TEISSIER – qui est le Livre blanc. Cette confiance est partagée parce que ce Livre blanc est un travail collectif, et Monsieur le Secrétaire général a évoqué les conditions dans lesquelles il préparait la réactualisation. La première condition d’une confiance dans un effort durable de Défense, ce sont des convictions intellectuelles – au début était le Verbe – partagées par le plus grand nombre, bien au-delà d’une majorité, celle à laquelle j’appartiens, partagées par ceux qui ont la passion de leur pays, qui lisent les cartes et savent que les cartes ne changeront pas au lendemain de l’élection présidentielle. Même si parfois on aimerait que le monde tourne autour de notre nombril, il s’avère que cela n’est pas vrai. Ces cartes sont communes à l’opposition et à la majorité. Avant que nous reconstruisions le Livre blanc, il faut que la préparation de cette réactualisation soit la plus partagée possible, car la confiance repose sur une culture des questions de Défense. J’appartiens d’ailleurs, cher Josselin, à la première promotion de l’ENA qui avait introduit une option « Défense » dans l’enseignement. Il a fallu attendre 1973, cela n’existait pas auparavant, mais il est vrai que les générations précédentes avaient souvent défendu leur pays l’arme à la main et n’avaient peut-être pas besoin d’un enseignement théorique puisqu’elles avaient connu la pratique.
La confiance procède donc de cette boussole, de la mise en oeuvre d’une loi de programmation, et d’une culture industrielle. Le Président GALLOIS a très bien parlé au nom de l’ensemble des industriels. Les industriels français ont une particularité vis-à-vis du ministère de la Défense, c'est qu’ils savent à la fois défendre chacun de leurs intérêts, mais porter une parole commune pour que notre pays s’intéresse à ce qu’ils savent faire. Vous avez évoqué deux idées, qui sont des idées durables, à caractère dual, et la construction européenne. Je n’y reviendrai pas car je me sens totalement incapable d’épuiser le sujet brièvement. Je voudrais simplement dire que l’existence même d’une université de la Défense et le fait que des présidents de sociétés importantes, qui représentent par leur activité des milliers de salariés, des investissements considérables, et une présence mondiale, acceptent de passer quarante-huit heures d’un emploi du temps lourd, à réfléchir avec des officiers régionaux, des officiers supérieurs, des universitaires, des techniciens, des diplomates, montre bien que l’on peut avoir confiance dans l’engagement de nos industriels dans des centres qui peuvent être multinationaux, plus profondément enracinés dans leur seul marché national, mais qui sont en tout état de cause des membres à part entière de la communauté de Défense, c'est-à-dire des gens qui veulent apporter des solutions au pays pour lequel ils travaillent. Nous n’avons pas devant nous des fournisseurs, mais des partenaires, et nous essayons de conduire avec eux des relations de partenariat.
Vous avez évoqué, par exemple, le soutien des capacités de recherche. Une loi de programmation oscille évidemment du choix capacitaire au choix d’innovation sur des projets nouveaux. Nous avons fait clairement le choix capacitaire dans cette loi de programmation. Cependant, nous ne voulons pas abandonner ce qui nous permettra de déclencher d’autres options, d’autant plus que chemin faisant, comme la guerre est dialectique et pas tout à fait prévisible, il faut réorganiser nos programmes d’armement à telle ou telle occasion car les retours d’expérience du terrain nous demandent de nouveaux armements ou des armements adaptés que nous n’avions peut-être pas imaginés.
Enfin, l’homme politique que je suis, qui a, hélas, trente-trois ans de vie parlementaire derrière lui, a observé comment cela marchait ailleurs. Je trouve que nous pouvons avoir confiance dans notre système de décision. A un moment, je me suis posé la question de savoir si un ministre de la Défense était vraiment utile dans notre pays. Nous avons une ligne hiérarchique simple. Un Président de la République dont la Constitution fait le Chef des Armées, et dont le caractère en fait le Chef des Armées et qui, par conséquent, assume ses responsabilités avec un Chef d’Etat-major. Nous avons donc une filière hiérarchique tout à fait claire. Et vous avez un ministère qui existait avant moi et qui existera après moi, c’est normal, c'est la loi du genre, nous sommes des passagers, vous êtes des permanents. Le risque, c'est que pour que la chaîne verticale fonctionne, il faut une grande solidarité de la chaîne horizontale, c'est-à-dire du Chef d’Etat-major, de ses chefs d’Etat-major d’armes, du DGA, du SGA. Tout cela fonctionne très bien en horizontal et de temps en temps, on associe le ministre auquel on demande de signer en comité ministériel des décisions qui ont été tellement mûrement réfléchies et préparées qu’il est bon de sa part d’accompagner un mouvement issu du ministère tout entier. C’est donc un rôle qui me permet de venir aux colloques. Parce que je sais tout, mais j’ai du temps.
Je voudrais dire à nos compatriotes que nous avons un système constitutionnel extrêmement pertinent parce que, en effet, la conduite de la Défense de notre pays demande une décision unique. Quelqu’un disait que pour prendre une décision il faut un chiffre pair, et trois c'est déjà beaucoup. Nous avons donc un système qui fonctionne parce que le Président est le Chef des Armées et parce que les Armées sont au service d’un projet national d’ensemble, et un projet qui se construit dans une politique intérieure totalement maîtrisée par celui qui en a la responsabilité dans les institutions de la Vème République, le Président de la République. Et nous avons la fierté, le Ministre d’Etat Alain Juppé, et moi-même, d’être ces partenaires politiques directs, associés directement à l’ensemble des décisions et qui ont pour rôle de faire en sorte que tous les rouages fonctionnent et que la ligne de commandement ne soit jamais paralysée.
D’autres pays n’ont pas eu cette chance, et lorsqu’il a fallu engager en quelques heures leurs forces ou simplement leur participation à des décisions qu’ils ne pouvaient pas attendre, on doit reconnaître que les institutions de la Vème République ont l’immense mérite de donner à notre pays la réactivité, et c’est un très bon sujet de confiance qui marque une différence et sur lequel il conviendrait de réfléchir lorsque l’on parle de défense plus collective. Fierté, que je souhaite partagée par nos compatriotes. Confiance, car il y a des éléments stables qui font que ce qui marche en Défense n’est pas le fait du hasard, mais le fait d’une culture partagée, appropriée par des milieux différents, consolidée par des institutions construites, et dont je constate d’ailleurs qu’elles n’ont jamais été démenties par les différents présidents.
Vigilance enfin, parce que vous connaissez les contraintes et je n’aurai pas l’outrecuidance de vous les rappeler. Je suis quand même poussé en avant par l’ensemble de cette ligne pour aller défendre des arbitrages budgétaires. J’ai oublié un homme très important qui assure la cohérence budgétaire, c’est le Premier ministre, et lorsqu’on prépare le budget, il faut bien que celui de la Défense ne soit pas trop étrillé dans une période sous contrainte. La première vigilance, c'est que nous, ministère de la Défense, nous avons à respecter nos engagements pour obtenir que ceux qui ont été pris par la collectivité à notre endroit le soient tout autant. C'est la raison pour laquelle j’ai repris le dossier 2009-2015 lancé par mon prédécesseur Hervé Morin et que je le mets en oeuvre, y compris dans ses aspects qui méritent parfois d’être expliqués plus longuement, comme les bases de défense ; y compris dans sa dimension RGTP qui a le don d’irriter tous les hauts fonctionnaires, mais qui est la contrepartie normale de l’effort que la collectivité consent à la mission Défense. Nous devons nous remettre en cause, nous nous remettons en cause. Vigilance pour obtenir les crédits que nous avons obtenus de façon constante et avec le coup de pouce conjoncturel de l’année 2009. Nous sommes dans l’épure de la loi de programmation, il y a une inquiétude permanente, il y a des schémas angoissants permanents, mais nous avons aujourd'hui surmonté les obstacles, y compris au début de l’été lorsque les perspectives de la crise pouvaient conduire à se demander ce qui se passera en 2014. En 2014, il y aura une majorité et elle décidera. Mais en 2011, en 2012 et en 2013, nous avons les moyens de faire en sorte que les recettes exceptionnelles soient au rendez-vous. D’un côté, on met en oeuvre, et de l’autre on obtient. C'est une sorte d’arrangement gagnant/gagnant.
Cette Université d’été est consacrée à la DGA. Plutôt que de parler de l’aviation ou de la marine, je parle donc de l’armement. La contrepartie de cet effort, c’est que les objectifs capacitaires fonctionnent. Le Président de la République s’est personnellement impliqué, après la tragédie d’Ouzbin, pour veiller à ce que nos combattants aient les meilleurs outils. Vous serez, j’imagine, à Fougères pour voir l’usine où se met en place le système Félin. C’est une révolution que nous envient les armées européennes et qui tient la dragée haute aux autres systèmes. Sur le combat d’infanterie, que ce soit le VBCI, le VAB Top, le Caesar, ou que ce soit le véhicule d’ouverture d’itinéraire, nous sommes au rendez-vous de la modernité, avec cette obligation permanente de s’adapter. Sur la marine, qui sera peut-être votre thème l’an prochain, il y a ce formidable rendez-vous, compte tenu de l’espace stratégique que représentent les océans et de l’avance technologique que nous a donné notre maîtrise du sujet à partir d’expériences exceptionnelles. La montée en puissance du Charles de Gaulle ne s'est pas faite en six mois, mais dix mois d’opérations continues dans l’océan Indien et en Libye ont apporté la démonstration que le matériel fonctionnait et qu’il était un véritable porte-avions au service de notre ambition, avec la capacité d’entrer en premier de l’Armée française sur un théâtre lorsque la demande est faite.
Nous avons à surveiller l’ensemble de la mise en oeuvre de ces programmes, mais nous avons cette vigilance avec les industriels. Avec eux, que pouvons-nous dire de plus ? En effet, Monsieur le Président GALLOIS, parlant non pas au nom de votre entreprise, mais au nom des industriels, nous avons le devoir d’être Européens. Et l’Europe, il faut savoir de temps en temps la provoquer. Je considère que les accords de Lancaster House sont une forme polie de mise en responsabilité de ceux qui hésitent encore à engager un effort de défense. J’ai beaucoup aimé votre observation sur le petit nombre de grands pays. Les uns préfèrent les Polonais aux Espagnols, les autres préfèrent les Espagnols aux Polonais, mais du moment que les deux payent, on pourra toujours s’entendre. Ce qui est certain, c'est qu’il y a quatre premiers qui doivent représenter ensemble sans doute 70 ou 75% de l’effort de Défense : l’Italie, l’Allemagne, l’Angleterre, et la France. Vous les industriels, rendez nous service, aimez-vous les uns les autres, de la façon la plus intelligente qui soit. Je sais bien que les coopérations internationales ont donné parfois dans le passé des souvenirs extraordinairement cuisants. Croyez-vous d’ailleurs que les coopérations à l’intérieur des directions d’une même entreprise n’aboutissent pas parfois à des produits invendables ? C'est la même chose. Donc, nous avons ces difficultés inhérentes à toute coopération. Si nous voulons exister face aux Etats-Unis d’Amérique, qui restent un partenaire tellement puissant qu’il oublie parfois de considérer ses voisins immédiats, faisons en sorte que les tailles soient plus proportionnées, et pour cela acceptons la complexité de ces coopérations multinationales européennes à partir d’un petit nombre de pays responsables.
Ce ne sera pas toujours linéaire. Certaines coopérations sont allées jusqu’au bout, certains en doutaient, et vous avez rappelé, Président GALLOIS, qu’au final le résultat est là. Parfois, on s’efforce de faire quelque chose et le résultat amène à repartir sur d’autres bases. Mais l’important est qu’il y ait un lien de confiance entre la communauté de Défense et le monde industriel, que nous nous parlions. Et je voudrais remercier la presse professionnelle, celle qui fait l’effort de s’impliquer sur les sujets. Car je puis vous dire que nous vivons, les industriels et les ministères, sous des regards particulièrement attentifs, qui ne sont pas nécessairement malveillants, mais qui ont le devoir de poser la question : et si le roi n’était pas nu par hasard ? Ces questions ne sont pas sans importance et nous les acceptons. La transparence, ce n’est pas simplement pour les autres. Et si la Défense veut être forte, elle doit être partagée. Mais pour qu’elle soit partagée, il faut accepter le débat, nourrir les échanges, et faire en sorte que cette culture de Défense ne repose pas simplement sur les souvenirs des grands anciens.
En tant que Ministre de la Défense, j’ai plaisir à m’associer à tout ce qui est hommage et tradition, car je suis persuadé que chacun d’entre nous, quand nous faisons notre métier au quotidien, et quand nous pensons à l’avenir, nous le faisons souvent avec des références issues du passé, lorsque celui-ci nous paraît exemplaire de courage, de raisonnements ouverts. Qu’est-ce qui est extraordinaire dans l’appel du 18 juin, indépendamment des conséquences qui ont permis à la France d’être assise à la table de la capitulation allemande ? C’est d’avoir eu une vision plus large et de penser que le rapport des forces inéluctablement basculerait. Je suis persuadé que chacun d’entre nous avons nos références. Cela s’appelle la culture. Et lorsque l’on doute, on choisit plutôt des comportements exemplaires. Cela s’appelle la tradition. Mais faisons en sorte que cette culture et cette tradition soient en permanence enrichies. Alors, elles seront enrichies par les retours d’expérience : la Côte d’Ivoire, la Libye, au quotidien l’Afghanistan. Il faut accepter les retours d’expérience, y compris les moins agréables. Car si nous n’avons pas cette lecture critique de ce que nous sommes et de ce que nous faisons, nous risquons d’être prisonniers d’images d’Epinal qui ne sont pas nécessairement des vérités historiques. Et le rôle d’une Université de la Défense, c'est certes de rendre hommage aux parcours, mais d’en comprendre le cheminement, d’avoir la culture du retour d’expérience, de globaliser notre réflexion, d’échapper aux conflits politiques immédiats, qui sont parfaitement légitimes mais qui parfois nous enferment et nous interdisent de voir plus loin, et de faire en sorte que durablement la culture de la Défense en France soit profondément enracinée pour que notre pays reste sur ce terrain exemplaire en Europe et dans le monde.
Source http://www.universite-defense.org, le 27 septembre 2011