Interview de M. Patrick Ollier, ministre chargé des relations avec le Parlement, à Europe 1 le 26 septembre 2011, sur l'élection d'une majorité de gauche au Sénat.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : Europe 1

Texte intégral

JEAN-PIERRE ELKABBACH Celui qui va avoir des difficultés dès le début d’octobre, avec le Parlement. Patrick OLLIER, bonjour.
 
PATRICK OLLIER Bonjour.
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Le 25 septembre 2011 entre donc dans l’histoire avec fracas. Est-ce que ça s’appelle l’alternance ou une raclée ?
 
PATRICK OLLIER Nous avons été battus, la gauche va pouvoir effectivement conduire la destinée du Sénat, mais ça ne change rien, sur la gouvernance de la France, sur la possibilité du gouvernement de continuer à faire son travail.
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH On va le voir, mais est-ce que vous avez le fair-play ce matin, de reconnaître la défaite, si ample, et le choc qu’elle provoque ce matin, encore, peut-être moins dans le pays que pour vous la majorité ?
 
PATRICK OLLIER Non, il y a un choc, une symbolique forte puisque effectivement le Sénat a une majorité de gauche, c’est incontestable, mais à 2 voies près, je le rappelle. Premièrement. Deuxièmement, il faut limiter quand même les conséquences politiques de cette élection. 72 000 électeurs pour le Sénat, et nous avons subi des échecs en 2004, d’abord avant l’élection de Nicolas SARKOZY aux élections intermédiaires. En 2008 aux municipales, et en 2010. A partir de là, on connaissait les 72 000 électeurs et on savait que le Sénat allait évoluer. Nous pensions honnêtement nous pensions gagner la majorité, à 4 ou 5 sièges près. On la perd à 2 sièges près. Mais c’était une…
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Donc c’est une victoire quoi !
 
PATRICK OLLIER Non ! Ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit. Je reconnais…
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Mais vous ne m’avez pas répondu. Je veux dire, c’est l’alternance ou une défaite tellement importante que ça ressemble à une raclée ou à moins que ce soit les deux.
 
PATRICK OLLIER Non, mais ce sont des mots. Ce sont les mots que je n’accepte pas. Ce n’est pas une question de raclée, c’était prévu et je répète que nous avions pensé pouvoir gagner à 4-5 voix, on perd à 2 voix. Je signale que la gauche n’a que 2 voix de majorité, et effectivement ce n’est pas ce qui va changer la vie des institutions.
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Mais la majorité nouvelle, absolue, au Sénat, ce n’est pas un avertissement et peut-être même une sanction ?
 
PATRICK OLLIER Non, non, c’est une sanction, si vous le voulez en terme politique, puisqu’on perd la majorité du Sénat. Mais je répète que ces résultats étaient attendus. Je comprends les commentaires qui interviennent ce matin. Ce qui m’intéresse c’est de savoir, si le gouvernement de François FILLON va pouvoir continuer à gouverner ? La réponse est oui. Un exemple, monsieur JOSPIN de 97 à 2002, Premier ministre de gauche a gouverné avec un Sénat d’opposition. Le Sénat était à droite. Ca ne l’a pas empêché de faire voter les 35 heures etc. avant monsieur MITTERRAND pendant 2 mandats, 2 mandats présidentiels, avait un Sénat à droite, ça ne l’a pas empêché de faire voter… l’article 45 de la Constitution qui donne le dernier mot à l’Assemblée prévoit ce genre d’hypothèse. Donc sur le plan de la vie institutionnelle, ça n’a pas de grande signification.
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Mais ça va être beaucoup plus dur pour Patrick OLLIER qui est là, à la conférence des présidents…
 
PATRICK OLLIER Oui, mais j’accepte de souffrir, parce que certainement ça sera difficile pour moi. Mais je répète, ça retardera le vote des textes. Nous n’avons que 5 mois avant la fin de la législature. Et je doute que nous fassions voter néanmoins nos textes. Il n’y a pas de relation entre les élections présidentielles, la conduite du gouvernement, et le résultat du Sénat.
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Vous avez peut-être entendu Pierre MOSCOVICI, avec Bruce TOUSSAINT. Aujourd’hui, le pouvoir n’a plus les mains libres a-t-il dit. Nicolas SARKOZY ne peut plus faire ce qu’il veut ?
 
PATRICK OLLIER Mais d’abord Nicolas SARKOZY n’a jamais pu faire ce qu’il voulait, parce qu’il y a toujours des réticences dans les corps intermédiaires. Il y en a toujours eu également au Sénat. Je vous rappelle, il ne faut quand même pas exagérer. Nous n’avions pas la majorité absolue au Sénat. Nous avions une majorité relative. Et tout le monde s’accordait à dire qu’au Sénat, c’était difficile et puis aujourd’hui, tout le monde dit, ça y est, c’est la gauche, donc ça va être impossible.
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Mais vous entendez les commentaires…
 
PATRICK OLLIER Ça sera plus difficile, c’est tout !
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Patrick OLLIER, vous entendez les commentaires, c’est un signal pour mai 2012, annonciateur d’une alternance plus haut au sommet de l’Etat, vous, vous connaissez bien le président de la République, est-ce de nature, ses résultats à le dissuader de se représenter ? Ou à le galvaniser pour reconquérir les électeurs et pour repartir vers cette mer des batailles qui est l’élection présidentielle ?
 
PATRICK OLLIER Je vais vous répondre, mais je vais vous dire, avant quand même, que s’il n’y avait pas eu autant de listes dissidentes à l’UMP, nous aurions gardé la majorité au Sénat.
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Mais la faute à qui, s’il y a des divisions ?
 
PATRICK OLLIER Les divisions malheureusement, il y en avait à gauche, mais il y en a eu plus à droite. Malheureusement, ça fait partie de ces élections sénatoriales qui sont spécifiques.
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Et on avait l’impression que porter l’étiquette UMP, c’était une casaque maudite ?
 
PATRICK OLLIER Non ! Il ne faut pas exagérer. Il y a simplement des sénateurs sortants qui n’ont pas été reconduits, qui ont voulu faire leur liste, on peut le regretter aujourd’hui, mais c’est vrai que ça nous a fait perdre 4 ou 5 sièges. Je voulais répondre à votre question, en aucun cas ceci est de nature à changer la détermination du président de la République. Je vous répète, ça ne changera en rien la gouvernance de la France, puisque le gouvernement va pouvoir faire voter ses textes. Et la détermination du président et tous ceux qui l’entourent est totale. Et ça ne changera en rien, par rapport au corps électoral de 43 millions d’électeurs, qui a rendez-vous en mars prochain pour les élections présidentielles, par rapport à ce score intermédiaire de 72 000 électeurs, qui étaient captifs depuis les élections…
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Autrement dit, vous êtes en train de nous dire, ça devrait vous doper. François FILLON, le premier soir, reconnaît la défaite, prend acte. Et il dit : la bataille commence ?
 
PATRICK OLLIER Oui, bien sûr ! Bien sûr, quand on entend les commentaires des élus de gauche, la bataille électorale présidentielle est lancée. Je répète que ce résultat a une valeur symbolique, c’est certain, mais n’a pas de concrétisation par rapport à la bataille qui est engagée. Nous sommes nous aussi, déjà en campagne présidentielle, et c’est vrai que les commentaires sont désagréables pour nous, mais ça ne change rien à notre détermination.
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Patrick OLLIER, la majorité défunte, est-ce qu’elle paie pour sa manière de réformer le contenu des réformes de l’exécutif, souvent mené au pas de charge, on le dit, sans concertation, ou sans assez de concertation par exemple la réforme des collectivités territoriales ?
 
PATRICK OLLIER Alors il y a, on n’a pas encore analysé le détail des résultats, on n’a pas eu le temps, mais il y a peut-être effectivement, des conséquences de certaines réformes qui n’ont pas été suffisamment expliquées, en tout cas, pas suffisamment comprises. Je pense que tout ceci, se mélange aux divisions et se mélange aux échecs des élections municipales…
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Et les affaires, et les affaires est-ce qu’elles ont eu une influence sur les grands électeurs à votre avis ?
 
PATRICK OLLIER Je ne suis pas capable de répondre à cette question. Mais…
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Mais votre flair, et votre expérience politique, Patrick OLLIER ?
 
PATRICK OLLIER Je ne pense pas, pour la simple raison, que je répète encore, qu’à la suite des élections de 2004, et de 2008, nous savions, nous savions que le corps électoral avait basculé à gauche.
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Mais pas à ce point ! Pas à ce point ! L’arithmétique a bon dos, mais il y a d’autres raisons qui peuvent s’additionner. Malgré la majorité absolue obtenue par le PS et les Verts, est-ce que Gérard LARCHER peut être réélu au plateau, c'est-à-dire à la présidence du Sénat ?
 
PATRICK OLLIER D’abord Gérard LARCHER est un excellent président du Sénat. Il a changé l’institution, il a réformé, il a impliqué des règles morales très fortes et très nouvelles, et qu’il soit candidat à sa succession est tout à fait légitime. Je voulais dire que j’entends des commentaires ce matin, sur le fait que c’est mécaniquement à gauche que la présidence doit aller. Le Sénat est particulier. Il y a des groupes charnières, dont on ne sait pas encore, à 2 ou 3 sénateurs près, ce qu’ils vont représenter. Donc Gérard LARCHER a raison de se présenter et s’il a une chance de gagner, il faut qu’il la tente, on fera tout pour l’aider.
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Mais Jean-Pierre BEL, qui est le président du groupe socialiste au Sénat et qui a été très actif, qui aujourd’hui est très courtisé alors qu’il était assez seul ces dernières semaines. Il met en garde, ce matin, contre un hold-up sur le Sénat ?
 
PATRICK OLLIER Il faut savoir ! La démocratie doit s’exprimer, si c’est une élection qui donne monsieur LARCHER président, ça sera lui le président. Ca sera très difficile pour Gérard LARCHER, mais il a raison de se représenter. Et je répète, les groupes charnières, peuvent peut-être créer la surprise. Attendons samedi prochain.
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Les 2 ministres élus hier, Gérard LONGUET et madame JOUANNO, est-ce qu’ils doivent rester ministre ou se préparer à voter samedi, pour Gérard LARCHER, c'est-à-dire démissionner ?
 
PATRICK OLLIER Ah ! Moi, je préfèrerai qu’ils se préparent à voter pour Gérard LARCHER. Comme ça va se faire à 2 ou 3 voix près, il faut mieux qu’ils soient présents au Sénat. Je pense, dans l’intérêt de la majorité présidentielle.
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Donc il faut qu’ils démissionnent ?
 
PATRICK OLLIER C’est leur responsabilité, et c’est au président de la République de décider le choix stratégique qui doit être fait.
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Dernière question le président de la République hésitait à convoquer le Parlement en congrès à Versailles, pour adopter comme en Allemagne ou Espagne la règle d’or de l’équilibre des finances publiques dans la Constitution. Après ce qui s’est passé, le projet, il est enterré ?
 
PATRICK OLLIER Le projet d’intérêt général, c’est l’intérêt de la France. Ce n’est pas l’intérêt de Nicolas SARKOZY et ça serait regrettable que les socialistes qui prennent maintenant le Sénat, fassent, tournent le dos à leurs responsabilités par rapport à l’avenir de la France et des Français. Je le regrette. Mais c’est vrai que ça va rendre les choses plus difficiles.
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Voilà, et dire que pendant tout ce temps, la crise s’amplifie et les menaces sur la zone aussi. Bonne journée quand même monsieur OLLIER !
 
PATRICK OLLIER Merci.
 Source : Premier ministre, Service d’Information du Gouvernement, le 26 septembre 2011