Interview de M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative à France 2 le 5 septembre 2011, sur la rentrée scolaire et les effectifs d'enseignants.

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Média : France 2

Texte intégral


 
 
 
ROLAND SICARD Bonjour à tous, bonjour Luc CHATEL.
 
LUC CHATEL Bonjour Roland SICARD.
 
ROLAND SICARD C’est aujourd'hui le grand jour pour 12 millions d’élèves, le jour de la rentrée scolaire évidemment et les syndicats eux retiennent surtout deux chiffres. Ils citent 80.000 élèves en plus dans le secondaires et 16.000 postes en moins. Comment avec cette équation-là, on peut réussir sa rentrée ?
 
LUC CHATEL D’abord il faut regarder la réalité en face. Il n’y a pas 80.000 élèves de plus en cette rentrée mais environ 40.000...
 
ROLAND SICARD Ca fait une grosse différence, comment vous l’expliquez ?
 
LUC CHATEL Simplement ce sont les chiffres du ministère de l’Education nationale. Les 80.000 viennent d’un syndicat qui a effectué des calculs qui sont inexacts. Donc il y a 40.000 élèves de plus, ce qu’il faut voir c’est que sur une longue période il y a beaucoup moins d’élèves aujourd'hui qu’il n’y en avait il y a par exemple 20 ans dans l’Education nationale, il y en a 500.000 de moins alors qu’il y a 35.000 professeurs de plus. Donc le taux d’encadrement, le rapport entre le nombre de professeurs et celui d’élèves est meilleur aujourd'hui qu’il était au début des années 90...
 
ROLAND SICARD Mais les résultats sont moins bons.
 
LUC CHATEL C’est ça qui doit nous préoccuper et c’est la raison pour laquelle j’ai décidé d’engager, sous la conduite de Nicolas SARKOZY, une politique qui consiste à beaucoup plus travailler sur le qualitatif, sur la personnalisation. Aujourd'hui c’est quoi le défi de l’Education nationale ? C’est de faire en sorte que chaque élève qui quitte l’école ait bien une solution, une place dans la société. Malheureusement aujourd'hui il y a trop d’élèves qui quittent le système éducatif, environ 180.000 par an, sans qualification, sans diplôme. Et on sait que ces enfants-là, eh bien ils auront beaucoup de mal à s’insérer dans la société, à trouver un emploi. Donc si nous voulons réussir le défi de la qualité, le sur-mesure, il nous faut travailler vers plus de personnalisation, chaque enfant est différent, eh bien il faut un temps dans l’enseignement où on tienne compte de cette diversité dans la classe. Il y a des enfants qui ont plus de facilités, il y a des enfants qui ont plus de difficultés, eh bien il faut un temps de personnalisation.
 
ROLAND SICARD Comment ça peut se faire avec moins de moyens ? En cinq ans il y aura eu quand même 80.000 postes en moins.
 
LUC CHATEL Eh bien ça se fait, nous avons réformé l’école primaire en 2008 en la recentrant sur les fondamentaux, savoir lire, écrire, compter, c’est finalement l’objectif en sortant du CM2 et nous avons décidé d’apporté...
 
ROLAND SICARD Ce n’est pas toujours réussi.
 
LUC CHATEL Justement, nous avons décidé d’apporter une re-médition, c'est-à-dire pour les enfants qui ont des difficultés, environ 15% d’entre eux, ils ont une aide personnalisée, c'est-à-dire deux heures par semaine à l’école, avec leur instituteur, avec leur maître pour leur permettre d’améliorer leur lecture, d’améliorer le calcul et nous avons déjà des premiers résultats puisque les évaluations que nous faisons en CE1, nous avons eu les résultats il y a quelques mois, les évaluations que nous faisons en CE1, la première promotion à avoir connu cette réforme dans toute son ampleur, eh bien nous avons de meilleurs résultat sur l’apprentissage du français. Donc nous allons dans la bonne direction, c’est la direction de la personnalisation, le sur-mesure, s’adapter à la diversité des élèves, faire davantage confiance aux enseignants, aux établissements scolaires, rendre les établissements, les lycées par exemple plus autonomes. Vous savez qu’aujourd'hui les proviseurs des lycées ont en charge environ un quart de la dotation horaire des heures. C’est eux qui répartissent les moyens là où il y a vraiment plus de besoin, ils adaptent la réponse pédagogique à la situation locale dans leur établissement scolaire.
 
ROLAND SICARD Mais est-ce que ce matin, chaque élève aura un prof devant lui ?
 
LUC CHATEL Bien sûr, chaque enfant aura, ce matin je veux rassurer les parents, il y a 850.000 professeurs qui vont accueillir ce matin les 12 millions d’élèves. C’est vrai que c’est un exercice compliqué, complexe, mais nous avons une très administration à l’Education nationale, qui fait bien les choses et la rentrée va bien se passer sur le plan administratif et technique. Donc je veux rassurer les uns et les autres.
 
ROLAND SICARD Et s’il y a des profs malades, est-ce qu’ils seront remplacés ? Est-ce qu’il y a les moyens de le faire ?
 
LUC CHATEL Alors j’ai voulu remplacer, améliorer le système du remplacement, nous avons des titulaires remplaçant et ils sont environ 50.000 entre le premier et le second degré et puis, lorsque les titulaires remplaçant ne sont pas disponibles, je rappelle que 96% des remplacements de longue durée, de plus de 15 jours, sont effectués. Alors 4% vous me direz, c’est scandaleux et vous auriez raison de dire ça, donc nous devons encore nous améliorer, et ça, nous le faisons grâce à des viviers de professeurs contractuels que les recteurs recrutent systématiquement lorsqu’il y a des besoins.
 
ROLAND SICARD Et les classes surchargées ?
 
LUC CHATEL La moyenne d’enfants par classe aujourd'hui est inférieure à ce qu’elle était au début des années 90. Dans cette rentrée nous avons 25 élèves par classe au collège, c’est deux de moins qu’il y a 20 ans, nous avons 23 élèves par classe en élémentaire, c'est moins également qu’il y a 20 ans. 28 au lycée, 19 en lycée professionnel. Alors c’est une moyenne vous me direz. Donc ça veut dire que vous avez des endroits, il y a des grands lycées parisiens où vous avez 35 – 36 élèves par classe et vous avez même des parents d’élèves qui m’écrivent en me disant qu’ils sont désolés parce que leur enfant n’est pas pris comme 37ème ou 40ème élève et ils aimeraient bien. Et puis il y a d’autres endroits où il n’y a que 22 élèves par classe, donc c’est une moyenne.
 
ROLAND SICARD Il y a un problème aussi en maternelle, dans les maternelles notamment il parait qu’il y a beaucoup de difficultés et dans certaines écoles privées, les directeurs sont même obligés de proposer aux parents de recruter, de payer des professeurs, est-ce que c’est normal ?
 
LUC CHATEL Ecoutez, non ce n’est pas normal et si vous voulez le système public permet...
 
ROLAND SICARD Là c’est dans le privé.
 
LUC CHATEL Oui dans le privé, mais il faut séparer ce qui est du privé sous contrat qui dépend du ministre de l’Education nationale également et puis ce qui est totalement privé. Ensuite le service public met à disposition des parents, la maternelle qui n’est pas une école obligatoire, je le rappelle puisque l’école est obligatoire à partir de 6 ans, mais qui est une étape très importante dans la scolarisation des élèves et que nous envie beaucoup de pays dans le monde. Mais en maternelle nous avons environ 28 élèves par classes en cette rentrée et c'est une école sur laquelle nous avons mobilisé beaucoup de moyens notamment dans le pré apprentissage de la lecture.
 
ROLAND SICARD Il y a eu plusieurs polémiques ces derniers jours, notamment une sur la Shoah, Claude LANZMANN disait que la Shoah n’était plus enseignée au lycée, à l’école.
 
LUC CHATEL Alors j’ai rencontré Claude LANZMANN a plusieurs reprises qui s’inquiétait de l’enseignement de la Shoah, j’ai voulu le rassurer en lui disant que d’abord on n’avait jamais autant enseigné la Shoah dans notre pays, et que c’était non seulement un devoir d’histoire mais c’était aussi une exigence morale. On l’enseigne depuis le CM2 jusqu’à la 1ère. J’ai été le premier ministre de l’Education nationale à labelliser, à agréer le mémorial de la Shoah. Nous avons créé un site Internet de formation pédagogique pour les enseignants qui s’appelle « shoa.fr » et j’ai proposé à Claude LANZMANN que son film « Shoah » qui est, je dirais un chef d’oeuvre de l’histoire du cinéma qui a tant marqué nos générations, eh bien que ce film soit disponible sur la plate-forme « ciné lycée ». Vous savez c’est cette plate-forme numérique qui permet aux lycéens de visionner les grands films de l’histoire du cinéma et Claude LANZMANN l’a accepté.
 
ROLAND SICARD  La théorie du genre, en gros ça consiste à dire que l’identité sexuelle s’acquière non pas à la naissance, mais beaucoup plus tard, ça a choqué beaucoup de parlementaires UMP qui demandent le retrait des manuels scolaires qui en font état, vous allez les retirer ou pas
 
LUC CHATEL Deux choses : d’abord la théorie du genre ne figure pas dans le programme...
 
ROLAND SICARD Mais dans les manuels.
 
LUC CHATEL ...dans le programme, c’est un programme d’éducation sexuelle, il est évoqué la question de l’orientation sexuelle mais il n'est pas, ne fait pas référence à la théorie du genre. Ce sont des éditeurs qui ont une liberté éditoriale totale et qui ne dépendent pas du ministère de l’Education nationale, qui ont choisi d’illustrer le programme par la théorie du genre. Alors le groupe parlementaire UMP m’a proposé de mener une mission parlementaire, c’est Christian JACOB le président qui l’a proposé, écoutez moi si les parlementaires peuvent réfléchir sur la façon dont les programmes sont rédigés dans notre pays, moi je n’y vois pas d’inconvénient et c’est le rôle du Parlement que de faire un certain nombre de propositions.
 
ROLAND SICARD Un mot sur le procès de Jacques CHIRAC, est-ce que c’est un procès utile ?
 
LUC CHATEL Je pense que c’est un procès utile et Jacques CHIRAC a montré tout au long de l’enquête qu’il ne voulait pas se soustraire à la justice, qu’il était à la disposition de la justice de son pays. Donc je pense que c’est bien que le procès puisse se tenir...
 
ROLAND SICARD Même sans lui ?
 
LUC CHATEL Oui même sans lui, on ne peut avoir qu’une pensée affective pour Jacques CHIRAC compte tenu de son état de santé, mais à aucun moment il n’a dit qu’il voulait se soustraire et ses avocats ont indiqué qu’il serait présent à l’ouverture du procès.
 
ROLAND SICARD   Merci  Luc CHATEL.
 
LUC CHATEL Merci à vous.
 Source : Premier ministre, Service d’Information du Gouvernement, le 12 septembre 2011