Interview de M. Gérard Longuet, ministre de la défense et des anciens combattants, à LCI le 17 octobre 2011, notamment sur le choix de François Hollande comme candidat socialiste à l'élection présidentielle et sur la situation en Libye.

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Média : La Chaîne Info

Texte intégral

JULIEN ARNAUD Gérard LONGUET, bonjour.
 
GERARD LONGUET Bonjour.
 
JULIEN ARNAUD Et merci d’être là. François HOLLANDE sera donc l’adversaire de la droite en 2012. Est-ce que vous êtes surpris par l’ampleur de son score, 57% pratiquement ?
 
GERARD LONGUET C’est le cinquième sauveur suprême pour le Parti socialiste en dix ans, le cinquième en dix ans. Et ce qui me frappe, c’est…
 
JULIEN ARNAUD Et le premier élu par une primaire ouverte.
 
GERARD LONGUET Alors, ce qui est intéressant justement, c’est que les sympathisants socialistes ont désavoué le Parti socialiste. Les sympathisants ont voté contre madame AUBRY, ils ont voté contre la première secrétaire, au fond, ils votent contre le programme socialiste, on verra ce que ça donne en terme de cohérence et de conduite de l’action.
 
JULIEN ARNAUD Et est-ce que ça n’est pas inquiétant pour vous, parce que, justement, on peut considérer que François HOLLANDE est un candidat plus rassembleur, moins clivant, comme on dit ?
 
GERARD LONGUET De toute façon, même en 95, quand c’était en apparence facile, monsieur JOSPIN avait fait 48% des voix, et madame ROYAL, dont on a mesuré qu’elle ne pouvait pas vraiment gérer sa candidature, a fait 47 ou 48%, donc de toute façon, une bataille présidentielle est une bataille difficile, et François HOLLANDE est un candidat difficile. Mais il va gérer…
 
JULIEN ARNAUD Plus dangereux que Martine AUBRY ?
 
GERARD LONGUET Mais il va gérer une contradiction, c’est qu’il a été élu contre le Parti socialiste par les sympathisants. Alors, la question qui vient naturellement à l’esprit, pour quel programme, quelles solutions, et on l’attend naturellement au pied du mur maintenant.
 
JULIEN ARNAUD Vous le connaissez personnellement, François HOLLANDE ?
 
GERARD LONGUET Oui, c’est un homme plutôt agréable.
 
JULIEN ARNAUD Et c’est quoi ses principales faiblesses d’après vous, c’est la gauche molle ?
 
GERARD LONGUET C’est en tous les cas le manque de clarté dans les choix de l’actualité. Aujourd’hui, ce dont il s’agit, nous avons une monnaie commune à dix-sept pays, et il n’est pas possible de la sauver, ce qui est un devoir absolu, en augmentant les déficits et en augmentant les impôts. A ce jour, de ce que François HOLLANDE dit, je ne sais qu’une chose, c’est qu’il augmente les déficits, et qu’il augmente les impôts dans son programme. Alors ça, ce n’est pas tout à fait cohérent avec la construction européenne, à laquelle il se rattache.
 
JULIEN ARNAUD Sur le plan politique, est-ce que vous êtes tout de même envieux de l’unité affichée du Parti socialiste ; hier, quelques minutes seulement après l’annonce de la victoire de François HOLLANDE, le message de Martine AUBRY était quand même très clair.
 
GERARD LONGUET Quand vous n’exercez pas la présidence, vous avez l’obligation d’organiser des primaires, ce n’est pas un choix, c’est une obligation.
 
JULIEN ARNAUD Ouverte ?
 
GERARD LONGUET Des primaires ouvertes, naturellement, parce que vous savez, faire élire par 120.000 militants monsieur JOSPIN contre EMMANUELLI, ça ne prouvait rien, et l’élection de madame ROYAL avec peut-être 150.000 électeurs, ça ne prouvait pas grand-chose non plus. Des primaires ouvertes, surtout qu’il y a un facteur qu’il ne faut pas oublier, c’est qu’il y a le Front national, et le Front national a éliminé le candidat socialiste en 2002, les socialistes étaient obligés de donner une assiette à leur candidat pour éviter cette dispersion qui les a écartés du deuxième tour, il y a dix ans de cela.
 
JULIEN ARNAUD Et cette obligation, elle vaut aussi pour la droite ?
 
GERARD LONGUET Elle vaudra pour la droite, naturellement, en 2017, mais là, nous avons un leader naturel, qui est le président de la République, j’ajoute que dans les pays, c’est le cas par exemple des Etats-Unis où il y a des primaires ouvertes, la primaire est formelle pour le président en place lorsqu’il veut être réélu, et là, le président de la République, dans les statuts de l’UMP, est soutenu par l’UMP, dès lors qu’il se représente.
 
JULIEN ARNAUD Donc pas besoin de primaires, même formelles pour la droite pour l’instant en 2012…
 
GERARD LONGUET En 2017, il faudra y réfléchir, absolument. Mais ce qui est très intéressant dans cette affaire, c’est le rôle du parti et le rôle de l’opinion, et ça, c’est une leçon que chacun devra méditer à droite comme à gauche.
 
JULIEN ARNAUD Alors, puisque vous parlez du candidat naturel de la droite, c’est donc Nicolas SARKOZY, il devrait reprendre la main la semaine prochaine, avec une intervention à la télévision ; est-ce que, d’après vous, il doit entrer en campagne un peu plus tôt que prévu pour réoccuper le terrain ?
 
GERARD LONGUET Moi, je souhaite profondément qu’il explique le travail formidable que, Angela MERKEL et lui-même sont en train d’accomplir, pour donner une autorité politique à l’euro. Il y a trois grandes monnaies dans le monde, deux d’entre elles – le dollar et le yuan – sont adossées à des autorités politiques centralisées, cohérentes, déterminées, et l’euro est adossée à l’incertitude. Eh bien, ce que nous propose…
 
JULIEN ARNAUD Et ça, c’est la question du quotidien, est-ce qu’il doit se projeter pour après 2012 d’ores et déjà ?
 
GERARD LONGUET Non, non, mais ça, c’est très important, première étape : donner une autorité politique franco-allemande à l’euro. Nous représentons ensemble plus de la moitié de l’économie de l’euro, nous devons codiriger l’euro pour éviter toutes les incertitudes, toutes les ambiguïtés, tous les retards. Et le travail que font ensemble Angela MERKEL et Nicolas SARKOZY est exemplaire pour la construction de l’Europe, et pour donner un espace de sécurité. Alors…
 
JULIEN ARNAUD Mais visiblement, ça ne suffit pas pour l’instant à convaincre les Français, Nicolas SARKOZY est quand même encore très bas dans les sondages…
 
GERARD LONGUET Non, mais, je veux dire, Nicolas SARKOZY est dans l’action, c’est en effet plus difficile, mais c’est plus utile, c’est surtout ce qu’on attend d’un président de la République.
 
JULIEN ARNAUD Mais est-ce qu’il doit déjà se projeter sur l’avenir ?
 
GERARD LONGUET Eh bien, quand vous êtes dans l’action, vous expliquez pourquoi vous conduisez une action, et comment vous allez réussir cette action. Et donc il n’y a pas de différence, il est tout le temps en campagne, parce que c’est l’action qui est sa campagne, et l’explication…
 
JULIEN ARNAUD Ça suffira pour battre la gauche ?
 
GERARD LONGUET Ah absolument, absolument, parce que, il n’y a pas de solutions à gauche autres que la dépense publique et l’impôt, qui sont des non sens absolus. Alors que HOLLANDE sorte de la dépense publique, qu’il sorte de l’impôt, et on verra bien ce qu’il restera de son programme.
 
JULIEN ARNAUD Est-ce que les bisbilles entre François FILLON et Jean-François COPE vous inquiètent sur l’unité de la droite ?
 
GERARD LONGUET Vous savez, la vie politique est faite de compétition, de concurrence, et pour moi, qui suis libéral, que les gens s’affrontent, c’est tout à fait normal, vous savez, nous sommes dans un système ouvert où chacun a le droit de tenter sa chance. Il y a des limites, ce sont les statuts, l’un et l’autre respectent les règles du jeu, c’est la vie publique, c’est une vie ouverte.
 
JULIEN ARNAUD Le soldat Gilad SHALIT devrait être libéré demain, est-ce que c’est une nouvelle que vous confirmez, il n’y a pas de…
 
GERARD LONGUET C’est une probabilité extrêmement forte, c’est une excellente nouvelle, et je tiens à dire que la France a joué un rôle extrêmement utile, notamment le président de la République, auprès de monsieur Benyamin NETANYAHOU, je m’en réjouis. Ça montre qu’on a un patron qui sait faire respecter notre pays.
 
JULIEN ARNAUD La France qui est engagée sur un autre front évidemment, le front libyen, ça sera terminé quand, ces frappes en Libye, d’après vous, et où se trouve Mouammar KADHAFI ?
 
GERARD LONGUET Deux réponses, le CNT a une attitude extrêmement réfléchie, il prend son temps, parce qu’il n’a pas de moyens militaires exceptionnels, alors que KADHAFI a pendant quarante ans organisé une armée de mercenaires, il règle le problème de Syrte, qui devrait pouvoir être réglé en terme de paix et de protection des populations dans les jours qui viennent. Ensuite…
 
JULIEN ARNAUD Il y a aujourd’hui des pillages à Syrte, de la part d’éléments se réclamant du CNT.
 
GERARD LONGUET Oui, il y a… le CNT fait son travail à Syrte, c’est un travail extraordinairement difficile…
 
JULIEN ARNAUD Mais il y a des débordements…
 
GERARD LONGUET Et lorsqu’il y aura… lorsque cette situation sera stabilisée, il aura sans doute à faire, à régler des problèmes vers le Sud, Beni Walid, Sebha par exemple. JULIEN ARNAUD C’est une question de jours, de semaines…
 
GERARD LONGUET Mais ce n’est pas à nous – je vais vous dire – ce n’est pas à nous européens de dire ce qu’ils doivent faire, c’est une affaire libyenne qui a démarré en Libye, avec des Libyens. La seule chose que nous ayons faite, c’est de protéger des villes qui pouvaient être attaquées, mais l’explication entre libyens, c’est l’affaire des Libyens entre eux.
 
JULIEN ARNAUD Et vous avez la moindre idée du secteur dans lequel se trouverait Mouammar KADHAFI ?
 
GERARD LONGUET Le plus probable, mais, le plus probable est qu’il soit vers le Sud, prêt à partir, mais restant chez lui.
 
JULIEN ARNAUD Partir pour où ?
 
GERARD LONGUET Partir pour ailleurs.
 
JULIEN ARNAUD Claude GUEANT a réaffirmé il y a quelques jours que la piste islamiste était toujours privilégiée dans l’attentat de Karachi, est-ce que vous diriez la même chose ?
 
GERARD LONGUET Je n’ai pas de compétences autres, le ministère de la Défense est très attentif à l’enquête judiciaire, nous transmettons tous les dossiers qui nous sont demandés aux magistrats, et c’est aux magistrats d’instruire cette affaire.
 
JULIEN ARNAUD Et dernier point, une vente de Rafales est prévue aux Emirats Arabes Unis, mais on sait que souvent, ces ventes ont un peu capoté dans la dernière ligne droite ; qu’en est-il de celle-ci ?
 
GERARD LONGUET C’est une affaire considérable pour ce pays, quand vous vous équipez d’une flotte aérienne, c’est pour quarante ans, et donc que l’acheteur pose ses conditions, c’est normal, que l’industriel défense ses intérêts, c’est évident. Donc nous sommes dans une négociation finale.
 
JULIEN ARNAUD Et la probabilité que ça se fasse est de combien, d’après vous ?
 
GERARD LONGUET Elle est très forte, très, très forte…
 
JULIEN ARNAUD Plus de 90% ? C’est pratiquement fait…
 
GERARD LONGUET Elle est très, très forte, non, non, non, c’est très fort, mais quand vous dites que vous avez fait, ou quand vous dites que vous achetez, vous perdez la négociation, donc laissons les négociateurs, l’industriel et l’Etat émirati négocier entre eux.
 Source : Premier ministre, Service d’Information du Gouvernement, le 17 octobre 2011