Entretien de M. Edouard Courtial, secrétaire d'Etat aux Français de l'étranger, avec TV5 le 19 octobre 2011, sur la mort de la Française enlevée en Somalie et sur les Français à l'étranger.

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Média : TV5

Texte intégral

Q - Bonsoir, je voulais évoquer avec vous la mort de Mme Marie Dedieu, cette Française tétraplégique qui est décédée. Elle était atteinte d’un cancer et elle avait été enlevée en Somalie. La nouvelle a bouleversé le gouvernement. Avez-vous des informations supplémentaires ?
R - Je voudrais vous dire que le gouvernement exprime sa profonde émotion après l’annonce ou les informations qui laissent à penser que Marie Dedieu est décédée.
Comme vous le savez, elle a été enlevée le 1er octobre dernier. Le gouvernement exprime sa profonde émotion et toute son attention envers sa famille et exige, sans condition le retour de sa dépouille mortelle. C’est vraiment ce à quoi nous nous attachons aujourd’hui.
Q - La France a-t-elle tout fait pour la sauver ?
R - La France a tout fait pour la sauver. Il semblerait en l’état actuel de nos informations que c’est le défaut de soin qui soit à l’origine de ce décès. Vous savez que Marie Dedieu était tétraplégique et que, par ailleurs, elle était atteinte d’un cancer. C’est vous dire la cruauté et la barbarie de ceux qui l’ont enlevée et qui n’ont pas permis la poursuite des soins que nos filières essayaient de mettre en place à travers les contacts que le gouvernement français avait établis.
Q - Est-ce, d’une certaine façon, un assassinat ?
R - C’est, d’une certaine façon, un assassinat et, en tout cas, un acte de cruauté et de barbarie hors du commun.
Q - Comment la France va-t-elle réagir à cela ?
R - Pour l’instant, nous nous attachons à récupérer, comme je vous l’ai dit, sans condition et sans délai, la dépouille mortelle de Marie Dedieu.
En tout état de cause, nous nous concentrons également sur les autres français qui sont retenus à travers le monde. Ils sont huit aujourd’hui, au Sahel, au Yémen, en Somalie et nous négocions sans relâche leur libération.
Q - Y a-t-il aujourd’hui, pour les Français de l’étranger, des craintes particulières ou en tout cas le sentiment qu’ils sont suffisamment protégés. Existe-t-il les moyens qu’il faut pour être protégé ?
R - La première source de protection, c’est de ne pas aller dans les endroits que le gouvernement français et le ministère des Affaires étrangères leur indiquent comme étant des endroits dangereux.
C’est le cas aujourd’hui de cette zone du Kenya, de la Somalie, des États limitrophes. Je voudrais en particulier leur signaler le logiciel Ariane avec son site qui leur permet en temps réel de repérer les zones qui sont dites à risque. Celle-ci en est une ; nous avons donc demandé à nos compatriotes de ne pas y aller.
Plus de 13 millions de nos compatriotes voyagent à travers le monde chaque année. Il est bien évident qu’ils doivent éviter les zones dites dangereuses.
Q - Secrétaire d’État chargé de l’étranger, c’est un poste nouveau dans le gouvernement. Vous avez succédé à David Douillet, quelle est votre mission réelle ? On a parfois accusé David Douillet de dire qu’il s’agit d’inciter les Français de l’étranger à bien voter puisqu’il y a maintenant 10 députés de l’étranger qui vont être désignés. Est-ce la fonction du secrétaire d’État chargé des Français de l’étranger ?
R - Le secrétaire d’État chargé des Français de l’étranger doit s’occuper de nos plus de deux millions de compatriotes qui vivent en dehors de nos frontières. Il faut mettre ce chiffre au regard de ce qu’il était en l’an 2000, de 900.000 à 1 million de compatriotes inscrits sur les listes et un million et demi aujourd’hui. Ce chiffre a donc augmenté de plus de 50 %. Pour ces compatriotes qui résident en dehors de nos frontières se posent des problématiques spécifiques en matière de scolarisation, de protection sociale, de sécurité.
C’est donc tout l’enjeu qui est le mien. En même temps, je dois prendre en main l’organisation des futures élections des onze députés des Français de l’étranger, comme vous l’avez rappelé. Il s’agit pour moi de sensibiliser nos compatriotes.
Q - Et non pas de les sensibiliser à voter UMP par exemple.
R - Vous pouvez reprendre toutes les déclarations publiques que j’ai déjà faites à travers les voyages que j’ai effectués depuis ma nomination, il n’y a pas un mot de travers. Le seul message que je délivre, qui est un message déjà reçu par nos compatriotes, c’est que ces députés des Français de l’étranger vont permettre de faire entendre leur voix aussi dans l’hémicycle à l’Assemblée nationale, de manière à assurer une sorte de veille juridique qui permettra d’éviter que des propositions de loi qui pourraient leur créer des torts puissent être discutées. De la même manière aussi, pousser en avant des textes qui continuent à assurer leur protection sociale, leur sécurité et à faciliter la scolarisation de leurs enfants.
C’est tout l’enjeu de ce secrétariat d’État, en même temps qu’il cherche à coordonner l’action qui est interministérielle. Comme vous le savez, comme vous l’avez compris, nos compatriotes à l’étranger relèvent de nombreux secteurs ministériels.
J’ai donc cette mission de protection, de pédagogie et certainement pas idéologique.
Q - Avant d’être ministre, vous aviez souhaité que les Français établis à l’étranger qui ne paient pas d’impôt en France soient déchus de la nationalité française et cela avait suscité un certain émoi, notamment dans votre propre camp d’ailleurs.
R - Je vous prends au mot, je n’ai absolument pas participé à cela. La réalité, c’est qu’il y a eu une proposition de loi rédigée par un député de la Loire. Elle cherche à viser uniquement nos compatriotes qui résident à l’étranger pour des raisons purement fiscales. Il ne s’agissait en aucun cas de pointer du doigt ceux qui font la richesse économique de la France en dehors de nos frontières, qui participent pleinement à son rayonnement culturel et qui peuvent, dans le cadre de conventions fiscales, être exonéré d’impôt. Ce n’est absolument pas l’objet et cela démontre justement à quel point il fallait qu’il y ait des députés des Français de l’étranger parce que je peux vous garantir qu’une telle proposition de loi, s’il y avait eu des députés des Français de l’étranger à l’Assemblée nationale, n’aurait même pas passé le barrage de la rédaction.
De la même façon que les sénateurs des Français de l’étranger le font au Sénat, je crois qu’il est important que les députés des Français de l’étranger puissent assurer une veille. De la même façon que moi, en tant que secrétaire d’État, je suis là pour les protéger et éviter ce genre d’anomalie.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 21 octobre 2011