Interview de M. Laurent Wauquiez, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche à I-Télé le 20 septembre 2011, sur la crise économique et financière et les propositions du PS en matière d'embauche d'enseignants.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : I-télévision

Texte intégral


 
 
CHRISTOPHE BARBIER Bonjour Laurent WAUQUIEZ.
 
LAURENT WAUQUIEZ Bonjour.
 
CHRISTOPHE BARBIER Alors STANDARD AND POOR’S dégrade la note de l’Italie. On a l’impression que les pays se suivent, dans ce bal de la dégradation. Que faire ?
 
LAURENT WAUQUIEZ Ne pas jouer à se faire peur. C’est une agence de notation, une très légère dégradation, qui n’a rien à voir avec la Grèce. Et par ailleurs, ce que l’on peut noter avec satisfaction, c’est que le parlement italien a adopté le plan de redressement budgétaire….
 
CHRISTOPHE BARBIER Ça ne suffit pas !
 
LAURENT WAUQUIEZ Et d’économie…
 
CHRISTOPHE BARBIER Ça ne convainc personne ?
 
LAURENT WAUQUIEZ Non, la seule chose c’est une agence de notation. Une toute petite dégradation, qui n’a encore une fois, rien à voir avec la situation en Grèce.
 
CHRISTOPHE BARBIER Est-ce que vous pensez que BERLUSCONI devrait démissionner ? On voit bien qu’il n’est plus crédible politiquement et que les scandales se succèdent ? Est-ce que c’est là, la solution ?
 
LAURENT WAUQUIEZ Vous, vous doutez bien, que ce n’est pas au ministre français de l’Enseignement supérieur de demander la démission de BERLUSCONI. La solution c’est : 1, le dynamisme économique italien, qui ne doit pas être sous-estimé. L’Italie a une économie qui a des fondements qui sont solides. Et 2, la consolidation sur sa dette, c’est ce que l’Italie a commencé à faire.
 
CHRISTOPHE BARBIER Vous évoquiez la Grèce, Dominique STRAUSS-KAHN a une solution : il faut que l’Europe prenne sa perte, dit-il. C'est-à-dire on efface un petit peu une partie de l’ardoise grecque et puis on avale tout ça ?
 
LAURENT WAUQUIEZ J’ai été, enfin, j’ai été halluciné de voir ça, entre la poire et le fromage, au milieu d’une interview de 25 minutes, au passage, on évoque la Grèce, avec une solution où on a une baguette magique, et on efface la dette de la Grèce. Très bonne nouvelle ! Mais ça veut dire qu’un Etat qui a fait n’importe quoi, qui a laissé dériver ses déficits et ses dettes pourrait voir effacer sa dette et au détriment des autres qui ont essayé d’être vertueux ! C’est une solution absurde.
 
CHRISTOPHE BARBIER Alors Martine AUBRY a une autre solution : faisons vite les euro-bonds, ces obligations européennes, l’Europe s’endette, mais elle peut re-prêter aux Etats qui en ont besoin ?
 
LAURENT WAUQUIEZ Là encore, ce n’est pas une hypothèse et comme François BAROIN, l’a rappelé, ça peut être un point d’arrivée, mais ce n’est pas un point de départ.
 
CHRISTOPHE BARBIER Mais pourquoi pas ! Ca pourrait être une solution d’urgence, et l’Europe aurait la confiance des marchés ?
 
LAURENT WAUQUIEZ Exactement, pour la même raison. Ça signifierait qu’on mutualiserait les erreurs qui ont été faites par certains Etats. La première chose, la Grèce, doit faire ces efforts, elle a un travail de redressement économique et de redressement de ses finances à mener. On lui fait confiance, pour le faire, c’est la première chose à mener.
 
CHRISTOPHE BARBIER On lui fait confiance ou il faut la mettre sous tutelle, comme certains le suggèrent ?
 
LAURENT WAUQUIEZ Non, évidemment, mais là, encore, c’est l’Europe, on n’est pas là, pour mettre sous tutelle, les uns et les autres. On a un travail ensemble, on fixe une feuille de route, aux Etats de le suivre.
 
CHRISTOPHE BARBIER Vous évoquiez l’intervention de DSK, dimanche, à la télévision, vous avez été convaincu par sa contrition ?
 
LAURENT WAUQUIEZ Je vais vous dire, surtout ce que j’ai trouvé. C’est que derrière la faute morale de DSK, il y a une faillite morale du PS.
 
CHRISTOPHE BARBIER Ce n’est pas la faute du PS si il a commis des actes répréhensibles à New York ?
 
LAURENT WAUQUIEZ Eh bien, on va aller jusqu’au bout. Je trouve qu’on a un Parti socialiste qui est bien prompt à jouer les pères la morale et dénoncer les fautes des autres, et bien lent à corriger les siens. Quelques points très choquants, quand même dans l’interview. La relation, enfin l’explication de DSK de ses affaires, avec des femmes présentées évidemment comme étant toutes affabulatrices et consentantes. Aucune réaction au sein du PS sur ce sujet ! Deuxième exemple, le PS qui est quand même le parti qui a dénoncé le bling-bling depuis 4 ans, aucune réaction au fait que DSK vient nous expliquer tranquillement qu’il a loué un grand hôtel à New York à l’insu de son plein gré ! Je le dis simplement, je trouve que derrière DSK, il y a bien une faillite morale du PS qui est confronté à ses propres contradictions et ses propres hypocrisies sur ce sujet.
 
CHRISTOPHE BARBIER Alors François HOLLANDE avait pris ses distances avec DSK, il était candidat quoi qu’il arrive, il n’y avait pas de pacte pour lui. Il décolle dans la primaire, c’est l’adversaire que Nicolas SARKOZY devra affronter ?
 
LAURENT WAUQUIEZ Là encore, sur cette faillite morale, je regarde les réactions qui ont été faites à cette intervention très choquante de DSK. François HOLLANDE réagit sur quel point ? Un seul point. Le fait que DSK ait rendu hommage à Martine AUBRY dont il l’utilise comme étant un argument à la primaire. Le reste, tout le sujet moral, le sujet éthique, politique, n’est pas là. Je vais vous dire, j’ai trouvé que sa réaction était digne d’une farce de Maître Pathelin, aussi dérisoire que ridicule.
 
CHRISTOPHE BARBIER La droite va peut-être perdre le Sénat dimanche, se retrouver dans une espèce de demi-cohabitation. On a l’impression qu’il y a un désir d’alternance dans ce pays ?
 
LAURENT WAUQUIEZ Je ne crois pas, au fait que le Sénat bascule dans l’alternance. Le Sénat c’est une assemblée d’élus locaux, c’est une assemblée qui est très caractérisée par son bon sens, une certaine sérénité, je ne crois pas du tout, qu’ils cèderont à ces agitations socialistes.
 
CHRISTOPHE BARBIER 17 ans de pouvoir à l’Elysée pour la droite, 10 ans de tous les pouvoirs pour la droite dans ce pays. Vous, jeune démocrate vous ne vous dites pas, ça serait normal que ça respire ?
 
LAURENT WAUQUIEZ Ce serait normal que ça respire, si jamais en face, il y avait un PS qui était crédible, responsable et à la hauteur des défis du temps. Les défis du temps, c’est quoi ? Comment renouveler le contrat républicain dans une France qui est devenue mixte ? Les défis du temps c’est quoi ? C’est comment refaire un contrat social, qui soit juste pour les classes moyennes. Sur ces deux questions majeures, le PS n’a aucun changement de son idéologie. La réalité, c’est que ceux qui sont les plus usés aujourd’hui, c’est le PS avec une doctrine qui est en fait calée sur celle de 1981 de François MITTERRAND, et qui n’est plus adaptée au défi de notre époque.
 
CHRISTOPHE BARBIER Le PS est usé, mais l’UMP est effrité. Dominique de VILLEPIN quitte la présidence de son parti, se libère pour être candidat à la présidentielle, il y aura des rivaux contre Nicolas SARKOZY à droite ?
 
LAURENT WAUQUIEZ J’espère que c’est l’esprit de responsabilité qui l’emportera.
 
CHRISTOPHE BARBIER Ca veut dire quoi ? S’aligner derrière le sortant ?
 
LAURENT WAUQUIEZ Non, ça veut dire, essayer de travailler ensemble à un projet. On est dans une période qui est dure pour notre pays, il n’y a pas de place pour des chevauchées solitaires.
 
CHRISTOPHE BARBIER L’Etat français, doit-il reconnaître l’Etat palestinien à l’ONU et entraîner, si possible l’Europe dans cette reconnaissance ?
 
LAURENT WAUQUIEZ Depuis qu’Alain JUPPE est arrivé, il a fait un énorme travail, sur notre politique arabe. On l’a vu en Libye, avec l’extraordinaire travail mené avec le président de la République, pour redresser les choses. On l’a vu en Egypte, où il a travaillé à la consolidation de l’Egypte, on a et on garde ce point qui est le point déterminant du conflit au Proche Orient, sujet que je connais un peu, pour avoir vécu là-bas. Là-dessus, la volonté de la diplomatie française, c’est aussi, de faire une percée, et d’essayer de faire bouger les choses sur un sujet où on est dans l’attentisme depuis 40 ans. Espérons qu’il y arrivera.
 
CHRISTOPHE BARBIER Ca veut dire quoi : faire bouger les choses ? Ca veut dire reconnaître l’Etat palestinien pour obliger les Israéliens à bouger ?
 
LAURENT WAUQUIEZ Ca veut dire essayer d’amener les Israéliens et les Palestiniens enfin à trouver une solution mutuelle et à travailler notamment avec l’ONU et les Etats-Unis.
 
CHRISTOPHE BARBIER Alain JUPPE, Nicolas SARKOZY, avaient esquissé le projet d’une grande rencontre éventuellement à Paris, tout ça, a avorté ?
 
LAURENT WAUQUIEZ C’est effectivement, un des sujets les plus durs de la diplomatie étrangère. Ce n’est pas pour rien qu’on a ce vrai point de faiblesse de toutes les diplomaties depuis des années et des années. Mais je crois que la France a montré sa détermination sur ces sujets, c’est le moment d’essayer une percée. Est-ce que ça arrivera ? Est-ce que ça marchera ?
 
CHRISTOPHE BARBIER NETANYAHU bloque le jeu ?
 
LAURENT WAUQUIEZ Oui, c’est un vrai pari, vous avez raison de le dire, mais peut-être qu’il est temps de l’essayer à nouveau.
 
CHRISTOPHE BARBIER Demain c’est la Journée mondiale de Lutte contre la maladie d’Alzheimer, on apprend qu’une équipe de chercheurs, français à la Pitié a identifié un médicament qui peut être très utile, mais d’un autre côté, on apprend que ce médicament pourrait être dé-remboursé. Vous, vous, engagez, vous ministre, à lutter contre ce déremboursement ?
 
LAURENT WAUQUIEZ Je suis ministre de la Recherche, sur tout ce que je fais aujourd’hui, dans cette journée…
 
CHRISTOPHE BARBIER Vous défendez les chercheurs.
 
LAURENT WAUQUIEZ C’est exactement ce que je vais faire, tout à l’heure, je me rends dans ce laboratoire. Et c’est un domaine où le président s’est beaucoup impliqué depuis 4 ans, on a injecté des sommes considérables d’argent, plus de 2000 millions d’euros, et c’est la France qui est aujourd’hui à l’avant-pointe, à l’avant-garde, de la recherche en matière d’Alzheimer et avec un vrai espoir : pouvoir sortir un vaccin contre la maladie d’Alzheimer, et mieux identifier en amont, les prémices, ces espèces de plaques qu’on a dans le cerveau, qui bloquent les connexions neuronales. C’est un énorme espoir, ça, c’est des beaux sujets.
 
CHRISTOPHE BARBIER Vous allez vous battre pour que ce médicament ne soit pas dé-remboursé, même s’il faut faire des économies par ailleurs ?
 
LAURENT WAUQUIEZ Je vais d’abord me battre, pour que l’on sorte ce médicament, monsieur BARBIER. C’est presque un raisonnement typiquement français. On n’a pas encore le médicament, ni le vaccin, ni le produit et déjà on commence à se dire : sera-t-il remboursé ou non ? Commençons d’abord par le chercher et le mettre en place.
 
CHRISTOPHE BARBIER Est-ce que ce n’est pas une erreur d’avoir reporté la discussion sur la dépendance ?
 
LAURENT WAUQUIEZ Non, je ne crois pas. Pourquoi ? On est dans un contexte où on a besoin d’abord de protéger notre pays des turbulences dont on voit qu’elles menacent nos voisins européens. C’est notre premier devoir. Assurer l’équilibre, protéger notre pays contre les turbulences de la crise. Après le temps, viendra des débats de fonds sur, par exemple, comme ces sujets de dépendance, mais la première priorité, c’est de protéger notre pays, protéger notre économie des turbulences qui en frappent d’autres.
 
CHRISTOPHE BARBIER C'est-à-dire lutter contre les déficits, donc vous dites aux Français, demain vous payerez un peu plus impôts et vous serez un peu moins remboursé, vous aurez un peu moins de prestations sociales, on n’y échappera pas ?
 
LAURENT WAUQUIEZ Non, la seule chose que je dis aux Français, si on a besoin de trouver le bon équilibre, oui, essayer de lutter contre les dépenses qui sont inutiles et dans le même temps continuer à investir dans notre avenir. C’est ce qu’on fait dans mon secteur, puisque dans l’Enseignement supérieur et la Recherche, on continue à investir, parce que c’est là où on prépare l’avenir de nos enfants.
 
CHRISTOPHE BARBIER Investir, c’est embaucher 60 000 enseignants de plus, par exemple, comme le propose François HOLLANDE, pour que le secondaire pousse le supérieur ?
 
LAURENT WAUQUIEZ Ça, vous savez ce que c’est ? C’est 100 milliards d’euros, 100 milliards d’euros de dépenses supplémentaires, sur les années à venir. Une fois que la décision est prise, elle coûte 100 milliards d’euros sur les 30 ans qui viennent. Voilà bien, cette irresponsabilité que je veux dénoncer.
 
CHRISTOPHE BARBIER Laurent WAUQUIEZ, merci, bonne journée.
 
LAURENT WAUQUIEZ Merci.
 
Source : Premier ministre, Service d’Information du Gouvernement, le 20 septembre 2011