Texte intégral
Monsieur le Président, Monsieur le Président du Comité économique et social européen, Monsieur le Président du conseil économique et social espagnol, Monsieur le Président de la section des affaires européennes et internationales à qui jai présenté mes excuses de navoir pu lentendre tout à lheure, mais je lui ai demandé si le discours quil a tenu devant vous était à peu de choses près celui quil a tenu ce matin devant le comité du dialogue social européen au ministère. Il ma avoué que son propos était de la même tonalité mais dans un cadre différent.
Jen profite pour vous présenter, M. le Président, Mesdames, Messieurs, mes excuses pour ces quelques minutes de retard.
Je voudrais dire à messieurs les rapporteurs, comme à vous tous, quil est important pour moi dêtre ici, au-delà de la formule qui peut sembler protocolaire, mais comme vous, jai conscience que nous devons avoir une réappropriation publique, politique (je le dis devant Mme le sénateur et M. le député) au sens le plus large du terme ; gestion de la cité mais une cité qui prend un caractère planétaire.
Dans ce cadre, lavis du CESE sur les enjeux de la présidence française du G20 est à mes yeux une contribution importante à nos travaux. Je suis heureux également que la saisine du Premier ministre nous donne loccasion déchanger ensemble sur ce sujet.
Il faut bien sentendre sur ce quest le G20. Mon propos sera centré sur les sujets qui relèvent de ma responsabilité ministérielle ; les rapporteurs ont eux embrassé lensemble des sujets, mais sur la question de la régulation sociale de la mondialisation, je suis intimement persuadé quune enceinte comme celle-ci permet davoir une véritable résonance pour ces discussions et pour cette approche car il nous faut (cétait la volonté du Président de la République) veiller en permanence à associer les partenaires sociaux à chacune des étapes de ce G20. Cest ce que nous avons voulu faire car cela permet de créer un véritable dialogue social au niveau du G20.
Ces échanges avec le CESE sinscrivent parfaitement dans cette dimension. Le G20 na pas vocation à rentrer en concurrence avec lOrganisation des nations unies. Moi-même, à New York, jai porté ce message : il ny a pas de concurrence. De la même façon, il ny a pas de concurrence avec lOrganisation internationale du travail. Jai porté le même discours dans cette enceinte à Genève car le G20 a une place à part mais le rôle dimpulsion quil peut tenir nous devons absolument le tenir. Cest aussi une façon de faire bouger les choses.
Il est vrai quau moment où je prends la parole devant vous, au moment où vous présentez ce projet davis, tout le monde a forcément à lesprit ce qui est en train de se passer au niveau international. Contrairement à ce que beaucoup pouvaient penser, la crise nest pas terminée. Nous avons été très nombreux je dis bien nous - à penser que commençait à se dessiner la sortie de crise, mais force est de reconnaître que ce sont nos concitoyens qui ont la lecture dont nous devons nous inspirer : nous ne sommes pas encore complètement sortis de cette crise.
Les réflexions sur le temps plus utile dans la perspective de la réunion des ministres du travail de lemploi du G20, que je présiderai les 26 et 27 septembre prochain, nous seront également utiles pour préparer des propositions à soumettre aux chefs dÉtat et de gouvernements pour le sommet de Cannes au début du mois de novembre prochain.
Je vais bien sûr évoquer différents sujets que vous avez abordés dans votre projet davis. Je sais aussi que vous avez auditionné Xavier Muscat qui vous a parlé des enjeux économiques et financiers de ce G20. Permettez-moi donc dinsister sur les enjeux sociaux.
Vous le savez, lobjectif de la présidence française du G20 est de faire progresser la dimension sociale de la mondialisation. Comme votre projet davis le montre, la mondialisation telle quelle fonctionne aujourdhui conduit à des déséquilibres. Cette crise économique en a été un puissant révélateur. Elle a eu des conséquences désastreuses en termes demplois : trente millions demplois ont été perdus de par le monde en deux années.
Elle a aussi révélé des inégalités criantes. Lécart entre les revenus des plus pauvres et des plus riches na jamais été aussi important. Il ny a aucune fatalité à cela. Bien évidemment parler de régulation sociale de la mondialisation nest pas une incongruité, bien au contraire. Cest une nécessité sinon nous le savons et nous le voyons, il y aura la tentation du repli sur soi. Il y aura la tentation pour certains dans la sphère politique, même dans la sphère économique, de penser que le protectionnisme est la solution. Certainement pas. En contrepartie, il nous faut « pousser les feux » de la régulation sociale de la mondialisation.
Le Président de la République la rappelé devant lOIT : nous ne pouvons plus nous contenter de réguler la mondialisation uniquement sur le plan économique et financier. Nous ne pouvons plus nous contenter également quil y ait dans un communiqué commun quelques phrases bien senties, des mots très forts sur ces questions. Il nous faut progresser en la matière.
Je voudrais reprendre votre formule : nous avons tous à coeur que la croissance économique soit au service du bien-être économique des femmes et des hommes. Le G20 est une enceinte appropriée pour cela. Le G20, cest 85 % du PIB mondial et deux tiers de la population. Il a une forte légitimité à mon avis pour donner les impulsions nécessaires avec lensemble de la communauté internationale et des acteurs internationaux.
Messieurs les rapporteurs, vous avez fait des propositions ambitieuses pour avancer en ce sens en cohérence avec les quatre priorités sociales de notre présidence.
Vous formulez un ensemble de préconisations qui sinscrivent dans trois axes : la cohérence des politiques, la justice sociale et la confiance des citoyens vis-à-vis des acteurs économiques et financiers. Vous faites preuve dambition dans vos propositions, disons-le très clairement. Tant mieux ! Parce que je suis persuadé que nous devons forcément être à la hauteur des attentes de nos concitoyens. Pourrons-nous aller aussi loin que vous lévoquez ? Je le souhaite très franchement.
Je sais aussi que les discussions avec nos partenaires doivent reposer sur un consensus, doivent aboutir à un consensus. Mais nous avançons très clairement dans la même direction.
Je voudrais revenir sur les priorités de ce G20 en matière sociale.
Premièrement lemploi, en particulier lemploi des jeunes et des plus vulnérables, ceux pour lesquels le maintien dans lemploi a été rendu plus difficile avec la crise ou ceux pour lesquels laccès à lemploi ou le retour dans lemploi ont été rendus beaucoup plus difficiles par la crise. Nous le voyons bien en France, mais ce problème nest pas franco-français, cest un problème que lon rencontre partout dans le monde. Lors dun déplacement aux États-Unis il y a quelques semaines, lon ma parlé des questions demploi ; lon observe quaux États-Unis aussi, lactualité na pas changé de registre en matière demploi. En Chine, lemploi des jeunes est aussi un impératif. Ce nest pas un sujet franco-français ni européen, mais bel et bien un sujet mondial.
Voilà pourquoi ces questions, tout comme la protection sociale, le respect des normes fondamentales du travail et la cohérence des politiques, reposent en premier lieu sur la question de lemploi.
Nous avons donc repris une proposition que vous faites et qui émanait aussi de la CSI, en proposant quun groupe de travail du G20 soit constitué sur ces questions. Au delà du focus que met la présidence française, chacun doit avoir la garantie et lassurance que lon continuera à parler de lemploi, que lon continuera à travailler sur lemploi après ce G20 et entre deux G20.
Voilà pourquoi il faut sassurer que les sujets sociaux resteront bien à lagenda du G20 après 2011. Ce nétait pas un sujet facile, les choses ne sont pas encore terminées, mais il a fallu montrer que cela ne serait pas une charge de travail gratuite, que cétait un enjeu important, notamment pour les partenaires sociaux. Il a fallu aussi démontrer encore une fois que sans occulter quoi que ce soit de limportance de lenjeu multilatéral des organisations internationales, le G20 pouvait jouer un rôle dimpulsion important.
Parler de lemploi nest pas suffisant, constituer un groupe de travail, échanger sur les bonnes pratiques et permettre que certains sapproprient celles dautres pays peut nous permettre de faire reculer le chômage.
Sur ce sujet, nous avons pu nous inspirer de vos travaux, mais je voudrais également rendre hommage aux travaux de Lionel Stoléru sur le G20, car les interactions entre emploi et mondialisation seront au coeur des échanges avec nos partenaires.
Deuxièmement, le soutien et le développement de socles de protection sociale adaptés à la situation de chaque pays. Lorsque je dis « socles de protection sociale », je sais que beaucoup dinterlocuteurs attendent que lon dise dans la même phrase « adaptés à la situation de chaque pays ». Vos propositions sont particulièrement intéressantes, vous recommandez en particulier darrêter une feuille de route pour ces socles de protection sociale. Cette idée de la feuille de route peut nous permettre davancer. Elle permet dinsister sur la nécessité de sassurer de la faisabilité et de la soutenabilité budgétaire dune telle initiative il faut bien aussi en parler. Nous partageons cet objectif.
Je ne connais aucun pays, aucun de mes interlocuteurs ministériels dans les pays du G20 qui nait pas conscience du fait que le développement de la protection sociale est un impératif. La seule chose, cest que peu veulent se voir imposer un calendrier. Il faut bien comprendre quà partir du moment où la direction, où la vision, où lambition est commune, il nous faut bien définir les choses. Je nai pas perçu de réticences sur le principe. Cette idée dune feuille de route permet de démontrer que nous ne sommes pas arrivés au bout du chemin, mais que nous sommes daccord au moins sur une méthode. Sur ce point, je sens quun consensus est possible.
Le travail du groupe de haut niveau sur le socle de protection sociale, présidé par Mme Bachelet, lancienne Présidente du Chili, qui va rendre prochainement son rapport au Président de la République, nous sera évidemment très utile, mais lidée de la feuille de route nous le sera également, particulièrement.
Le troisième objectif de la présidence française du G20 vise à promouvoir le respect des droits sociaux et du travail. Je sais que vous partagez aussi cette priorité. Lenjeu est simple sagissant des conventions de lOIT : signer, cest bien, ratifier et appliquer, cest mieux. De plus, il existe pour les membres du G20 une obligation dexemplarité. Mais il ne sagit pas seulement de la question des ratifications des conventions de lOIT ; plus largement, cest lapplication effective et universelle des principes et droits fondamentaux qui importe, ainsi que des législations sociales et du travail dans les pays. Je sais que lOIT est engagée sur ces questions, mais je pense que le G20 peut jouer un rôle. Le sommet qui aura lieu à la fois pour les représentants des employeurs et des syndicats de salariés peut aussi nous aider dans ce sens. Peut-être que pour certains pays, des questions de principe sont posées (ou alors il ne fallait pas signer). Ce sont parfois des questions de méthode de ratification ; il nempêche que si tout le monde pousse dans le même sens, les membres du G20, les représentants des employeurs et des salariés, je suis persuadé que nous nen resterons pas au statu quo.
Quatrièmement, nous devrons améliorer la coordination et la cohérence entre les différentes organisations internationales. Vous proposez notamment dans votre rapport, la définition de procédures de consultation réciproques entre instances internationales, sociales et alimentaires (OIT, OMS, FAO) et les institutions financières internationales (Banque mondiale, FMI et lOMC). Vous préconisez de confier à lOIT un statut dobservateur auprès de lOMC. La France soutient ces propositions ambitieuses, comme le Président de la République a déjà eu loccasion de le dire devant la Conférence internationale du travail en juin 2009, comme il la rappelé à Paris en ouvrant la Conférence sur la cohérence, que nous avons organisée le 23 mai dernier dans le cadre du G20.
Je sais bien quil y a déjà des organisations internationales qui évoluent ; je pense notamment à la Banque mondiale. Cette dernière a dores et déjà décidé que 12 % de ses prêts seraient destinés à financer des actions de protection sociale, soit quatre fois plus que par le passé. Vous allez me dire « On part de bas ! », je le sais. Toujours est-il quune voie est ouverte et quil faut maintenant progresser dans cette voie.
Sur toutes ces questions, disons-le très clairement, certains pays ont des réticences. Certains pays ont des réticences car ils pensent que lon voudra à terme dire que pour la liberté économique, il faudra quil y ait le respect des normes sociales. Ils pensent que lon veut arriver à une certaine forme de protectionnisme. Là nest pas lenjeu pour nous, mais tout simplement cette cohérence qui est élémentaire et qui touche à lessence des travaux du G20 et qui se trouve au coeur du travail qui a été fourni par les rapporteurs.
Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, Messieurs les rapporteurs, ces points de convergence montrent que nous avons une ambition commune. La croissance économique doit être au service du bien-être humain, en donnant la primauté à cette dimension sociale, à la création de lemploi, à la lutte contre les inégalités ainsi quà la préservation de lenvironnement.
Sur cette question du partage des richesses, il ne faut pas oublier un aspect élémentaire. Il faut créer des richesses, mais des richesses solidaires, des richesses durables et des richesses qui ont du sens.
Jai bien conscience que ce sont des sujets difficiles et que la réunion, en septembre, avec mes homologues du G20 et le sommet des chefs dÉtat, début novembre, ouvriront une voie. Ce ne sera certainement pas un point darrivée, nous le savons bien, mais si nous ne partions pas dune feuille blanche, cela y ressemblait furieusement.
Nos concitoyens sont confrontés à la crise au quotidien, certains se demandent sils garderont leur emploi, dautres sils en retrouveront un, mais surtout, bien souvent, si leurs enfants trouveront un emploi. Sur toutes ces questions, je crois quil existe des solutions et si les solutions sont partagées, elles seront plus fortes. Vous avez insisté, Monsieur le rapporteur, sur cette question de la pédagogie : elle est essentielle.
Il y a dix jours, je sortais du bureau de mon homologue chinois. Nous avions eu une discussion qui, même si elle était diplomatique, avait été intense et avait duré une heure et demie. Javais le sentiment que nous avions franchi des étapes par rapport aux travaux préparatoires. En sortant, je me suis posé la question suivante : si un de nos concitoyens écoutait les résultats de notre discussion devant son poste de télévision, aurait-il, lui aussi, conscience que nous avions progressé ? Je nen suis pas encore persuadé !
Voilà pourquoi je crois que cette oeuvre de pédagogie est essentielle. Votre rapport y contribue. Nous devons toutes et tous bien montrer dans quel sens nous agissons et ce pourquoi nous agissons. Quelles que soient les difficultés, même si lon croit parfois, surtout en période de crise, que le repli sur soi est une évidence (je ne le crois pas), nous ne devons pas baisser les bras. Bien au contraire. Grâce à votre contribution, nous saurons avancer dans la bonne direction, faire en sorte que ces questions demploi, de protection sociale, de respect du droit du travail figurent désormais en haut de lagenda mondial, au même plan et au même niveau que les questions financières, environnementales et dalimentation.
Je pense que cétait la volonté du Président de la République et que cette volonté, aujourdhui, peut se trouver exaucée dans la façon dont nous avançons sur ce sujet. Ce ne sera pas un progrès seulement pour la France, une satisfaction pour la présidence française, je pense que cest source de progrès pour les citoyens de lensemble de nos pays. Sous limpulsion de Nicolas Sarkozy, cest notre responsabilité avec vous, avec les partenaires sociaux, qui ont un rôle indispensable, de tout faire pour que cette ambition ne soit pas un voeu pieux, mais quelle sache devenir une réalité.
Vous lavez dit, le contexte permet de qualifier ce G20 de « G20 de crise » et je pense comme vous et comme vous lavez écrit, que cest un G20 de construction, de construction dune mondialisation beaucoup plus équilibrée.
Je vous remercie.
source http://www.lecese.fr, le 9 septembre 2011