Interview de Mme Roselyne Bachelot, ministre des solidarités et de la cohésion sociale, à RMC le 2 septembre 2011, sur les mesures en faveur des personnes âgées dépendantes et la politique sociale.

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Texte intégral


 
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Notre invitée ce matin Roselyne BACHELOT, ministre des Solidarités et de la cohésion sociale – c’est important. Roselyne BACHELOT, bonjour.
 
ROSELYNE BACHELOT-NARQUIN Bonjour Jean-Jacques BOURDIN.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Merci d’être avec nous. Des Roms transportés dans un tramway après l’évacuation d’un campement, ça vous choque ?
 
ROSELYNE BACHELOT-NARQUIN Non, ça ne me choque pas parce que ces personnes étaient en situation illégale. Elles ont été transportées dans un moyen de transport en commun. Il y a en ce moment une enquête – enfin, une enquête : on regarde ce qui s’est passé, si elles ont été transportées dans de bonnes conditions dans un transport en commun pour rejoindre un endroit d’ailleurs où elles souhaitaient aller. Il y a eu respect des droits des personnes.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Bien. Un journaliste espionné par la police, ça vous choque ?
 
ROSELYNE BACHELOT-NARQUIN Alors s’il est espionné en écoutant ses conversations téléphoniques…
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Oui, ce qui semble être le cas.
 
ROSELYNE BACHELOT-NARQUIN Avec la personne concernée, ça me choque ; mais il semble bien que ce ne soit pas cela. Il semble bien que ce ne soit pas cela. Ce qui me choque profondément, c’est qu’un collaborateur de ministre puisse révéler…
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Ministre de la Justice.
 
ROSELYNE BACHELOT-NARQUIN Contrairement à toute la déontologie qui doit être le comportement, qui doit marquer le comportement d’un collaborateur de ministre, il va faire des indiscrétions à un journaliste, et pas des indiscrétions sur n’importe quoi : sur une procédure judiciaire qui doit être protégée par le secret de l’instruction. Dans l’état actuel, ce qui semble – sous bénéfice d’inventaire – ce qui semble être avéré, ce n’est pas qu’il y a eu écoute du journaliste, ce qui serait tout à fait impossible, mais il semble bien qu’il y ait eu simplement relevé des communications téléphoniques qui étaient adressées à ce journaliste pour trouver la source de ces indiscrétions.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Mais enfin, il serait bon quand même de faire toute la clarté. Il serait bon de faire toute la clarté sur cette affaire.
 
ROSELYNE BACHELOT-NARQUIN Alors il faut faire toute la clarté. Il faut faire la clarté sur la personne qui a donné l’ordre, si ces ordres ont été donnés dans de bonnes conditions. Je crois qu’il y a une enquête judiciaire ; on se prononcera sur les responsabilités des uns et des autres.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN C’est très grave. Bernard DEBRÉ que vous connaissez bien, votre collègue de l’UMP dit : « C’est très grave ».
 
ROSELYNE BACHELOT-NARQUIN Oui, mais je ne prends pas mes consignes chez monsieur Bernard DEBRÉ.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Oui. Bon, d’accord. Roselyne BACHELOT, alors parlons des sujets qui vous occupent et qui vous préoccupent, je le sais. La réforme du financement de la dépendance. C’était en février dernier, Nicolas SARKOZY déclarait – je le cite : « Attendre serait une faute morale impardonnable. Ce serait refuser de regarder la réalité en face. Ce serait refuser d’assumer mes responsabilités ». Et aujourd'hui, que fait-on ? On attend.
 
ROSELYNE BACHELOT-NARQUIN Alors d’abord, la réforme elle continue, elle est lancée. La réforme, elle emporte des décisions financières, elle emporte aussi des décisions de restructuration. Nous continuons cette réforme, nous sommes je l’ai déjà dit mais comme dans une famille où il y a des difficultés financières et on est amené non pas à annuler des dépenses mais à les reporter. Et ce que je veux dire, c’est que nous allons bientôt examiner la loi de financement de la sécurité sociale, l’ONDAM – ce qu’on appelle l’ONDAM médico-social, la progression des dépenses qui vont être consacrées à mon secteur : personnes âgées, personnes handicapées – va progresser de plus de 3,80 %, c'est-à-dire le double de l’accroissement de la richesse nationale. Et pour les personnes âgées, ce sera supérieur à 4 %. Nous allons mettre 400 millions d’euros supplémentaires sur la table à destination des personnes âgées, donc nous n’arrêtons pas, nous ne stoppons pas.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Mais pourquoi avez-vous reporté ce grand chantier social ? C’était le grand chantier social de la présidence de Nicolas SARKOZY, c’est ce qu’il disait. Pas avant la présidentielle, on est d’accord ? Ce sera avant la présidentielle.
 
ROSELYNE BACHELOT-NARQUIN Je vais vous faire une révélation, monsieur BOURDIN.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Allez-y, allez-y.
 
ROSELYNE BACHELOT-NARQUIN Vous avez réalisé que nous sommes dans une situation…
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Oui, vous allez me parler de la crise !
 
ROSELYNE BACHELOT-NARQUIN Mais bien sûr que je vais vous parler de la crise !
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Mais non, mais pardon, mais en février lorsque Nicolas SARKOZY faisait la déclaration que j’ai citée, on était en pleine crise déjà !
 
ROSELYNE BACHELOT-NARQUIN Mais la crise s’est considérablement durcie pendant la période des vacances, nous a amenés à prendre des décisions financières qui ont d’ailleurs été le 24 septembre dernier mises en perspective par le Premier ministre avec l’engagement de réduire, de faire des économies de un milliard cette année, de onze milliards l’année prochaine.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN On va en parler, on va en parler.
 
ROSELYNE BACHELOT-NARQUIN Ce n’était pas le moment d’avoir des dépenses supplémentaires mais de consolider notre modèle social qui est déjà le plus généreux du monde.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Mais n’est-ce pas la présidentielle qui gèle les grandes réformes, non ? Non ? Je vous dis ça comme ça.
 
ROSELYNE BACHELOT-NARQUIN Votre interrogation peut être d’ailleurs un peu paradoxale.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Ah bon ? D’accord, bon. Deuxième journée de solidarité pour financer l’aide aux personnes âgées ou pas ? Vous y êtes favorable ou pas ?
 
ROSELYNE BACHELOT-NARQUIN Alors l’origine du financement n’est pas encore fixée, fait encore débat…
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Vous avez avancé sur ce terrain.
 
ROSELYNE BACHELOT-NARQUIN et en tant que ministre des affaires sociales pour simplifier ou des solidarités et de la cohésion sociale plus exactement…
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Enfin, c’est pareil.
 
ROSELYNE BACHELOT-NARQUIN Je ne veux pas me prononcer en l’état sur ces arbitrages.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Vous êtes certaine ?
 
ROSELYNE BACHELOT-NARQUIN Oui.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Vous n’avez pas avancé sur ce terrain ? Vous avez avancé pourtant.
 
ROSELYNE BACHELOT-NARQUIN Non parce que…
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Recours à l’assurance privée ou pas ?
 
ROSELYNE BACHELOT-NARQUIN Ah, non !
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Non ? Là, on est d’accord.
 
ROSELYNE BACHELOT-NARQUIN Non, non, non. Ça, ce n’est pas possible.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Ce n’est pas possible ?
 
ROSELYNE BACHELOT-NARQUIN Mais par contre, sur l’assurance privée, ce que je souhaite faire – et c’est un chantier, tenez, prenons cet exemple – c’est un chantier sur lequel on peut avancer. Labelliser les contrats, donner de la sécurité car il y a des gens qui ont souscrit des contrats dépendance privés et qui, au moment de toucher ces prestations, s’en trouvent dans l’impossibilité tellement les choses sont compliquées et tellement les assurances privées leur mette des bâtons dans les roues. Ça, je veux avancer sur ce sujet.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Mais les départements n’ont plus d’argent pour aider les personnes âgées.
 
ROSELYNE BACHELOT-NARQUIN Les départements ont des situations financières qui se sont bien amélioré cette année et ils sont au niveau de leurs finances certainement bien mieux outillés que l’État.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN L’État participait auparavant à hauteur de 50 %, la moitié, pour le financement de l’aide personnalisée…
 
ROSELYNE BACHELOT-NARQUIN À l’autonomie, l’APA, oui.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN À l’autonomie. On en est à 27 %.
 
ROSELYNE BACHELOT-NARQUIN Oui, mais les sommes n’ont pas baissé, elles, en montant brut ; elles ont même augmenté.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Oui, mais comme le nombre de bénéficiaires augmente…
 
ROSELYNE BACHELOT-NARQUIN Oui mais attendez. Les départements nous ont demandé de nous occuper de l’autonomie des personnes âgées et de verser cette APA, cette allocation personnalisée. Ils y trouvent d’ailleurs un certain nombre d’avantages politiques à verser cette allocation. L’allocation progresse ; je trouverai quand même tout à fait curieux qu’on présente maintenant la facture à l’État. On doit être en situation de gestion j’allais dire responsable.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Roselyne BACHELOT est notre invitée. Nous allons parler du plan Fillon, des économies à faire, nous allons parler de la pauvreté, nous allons parler de votre domaine de prédilection.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Roselyne BACHELOT, la pauvreté, parlons-en. Moi je me souviens de ce que disait le candidat Nicolas SARKOZY, en 2007, « je m’engage à ce qu’aucun sans abri ne soit obligé de dormir dehors dans les 2 ans suivant mon élection. » On voit le résultat.
 
ROSELYNE BACHELOT Oui. Des mesures ont été prises pour augmenter de façon très importante ces budgets, je dois dire que sur le rapport de l’INSEE, auquel vous faites certainement allusion…
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Bien sûr, paru dans la semaine.
 
ROSELYNE BACHELOT Paru dans la semaine, sur l’augmentation du taux de pauvreté, liée à la crise très violente que nous avons subie. Ce que je peux dire c’est que cette évolution reste contrôlée, nous sommes revenus aux chiffres de 2007, et cela a été possible grâce à un effort majeur et immédiat que nous avons fait. Le taux de pauvreté, en France, est le plus bas d’Europe avec la Suède, 15,5% en Allemagne, 18,7 en Italie, 19% en Espagne, alors qu’il est de 13,5% en France. Ceci a été possible grâce à ces mesures d’urgence, 200 euros supplémentaires dès 2009, 150 euros de majoration de l’allocation de rentrée scolaire, 500 euros donnés aux chômeurs, l’extension de la prime de Noël aux parents isolés, et, bien entendu, des augmentations très substantielles de l’allocation d’adulte handicapé, 25% pendant le quinquennat de Nicolas SARKOZY, ou du minimum vieillesse. Et avec ça nous avons pu diminuer de moitié l’évolution détestable qui était liée à la crise économique. Donc il faut continuer cet effort, il faut protéger nos budgets sociaux.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Alors ça, on est d’accord, mais vous n’en n’avez pas assez de ces formules à l’emporte-pièce, des uns et des autres ? Je parlais de Nicolas SARKOZY, mais formule – je ne sais pas – c’est Marine LE PEN qui nous dit, « moi, d’un coup de baguette magique, je vais réduire le nombre de pauvres de 5 millions », ou de… ces formules à l’emporte-pièce des responsables politiques.
 
ROSELYNE BACHELOT Alors, vraiment, c’est la chose la plus absurde que j’ai entendue, puisque le calcul de la pauvreté c’est un calcul de pauvreté relative qui regarde le nombre de personnes qui sont inférieures à 60% du revenu médian, et on ne peut pas baisser de 5 millions le taux de pauvreté, puisque quand la richesse augmente, l’ensemble des revenus augmente.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Alors, un débat se profile à l’horizon, au sein même de l’UMP, pour cette présidentielle de 2012, et c’est Bruno LE MAIRE qui porte déjà quelques idées. Et le débat c’est autour de l’assistanat. Est-ce qu’en France, je vous pose franchement la question, il y a trop d’assistanat ?
 
ROSELYNE BACHELOT Je me refuse à utiliser le mot d’assistanat. Il y a de la solidarité, c’est ce qui fait la valeur de la République, les principes républicains, d’aider les plus fragiles, je ne veux pas céder sur ce mot d’assistanat.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Mais la droite populaire de l’UMP, vous savez ces députés UMP, notamment de la Riviera, ces députés UMP disent, disent, l’élection présidentielle se jouera à l’extrême droite, à la droite de l’UMP, et qu’est-ce qu’on entend, on entend les Français nous dire il y a trop d’assistés en France. Il y a trop d’assistés en France, Roselyne BACHELOT ?
 
ROSELYNE BACHELOT Non. L’élection se fera sur des valeurs, et nous portons des valeurs d’humanisme, des valeurs de solidarité, les valeurs qui sont inscrites aux frontons de la République, aux frontons de nos mairies, et dans lequel il y a le mot « Fraternité. » Il y a des gens qui sont fragiles, il y a des gens qui ont des difficultés, en particulier en période de crise. Alors je sais qu’il y a des pays qui font l’impasse sur cette solidarité, sur cette fraternité, et qui réduisent leurs budgets sociaux…
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Oui, en période de crise.
 
ROSELYNE BACHELOT Et bien Nicolas SARKOZY a dit qu’on ne ferait pas cette économie, que justement on garderait ces valeurs de solidarité.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN C’est ce que vous dites, mais vous les avez entendus ces députés qui vous détestent ? Roselyne BACHELOT, ils vous détestent, vous le savez bien.
 
ROSELYNE BACHELOT J’entends surtout Nicolas SARKOZY…
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Vous le savez bien, ils vous détestent ces députés ?
 
ROSELYNE BACHELOT J’entends Nicolas SARKOZY, je continue ma route…
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Roselyne BACHELOT, ils vous détestent.
 
ROSELYNE BACHELOT J’entends Nicolas SARKOZY et François FILLON…
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Oui, mais dites-le, et alors ? Dans un même camp politique, on n’est pas obligé de s’aimer.
 
ROSELYNE BACHELOT Qui m’aiment, et qui continuent à vouloir préserver le modèle social. Nous allons bâtir un projet de loi de financement de la Sécurité sociale qui ne recule sur rien dans la démarche de solidarité.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Sur rien, donc pas d’assistanat, vous bannissez ce mot.
 
ROSELYNE BACHELOT Je refuse le mot d’assistanat.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Vous ne voulez pas de ce mot.
 
ROSELYNE BACHELOT Par contre Jean-Jacques… Jean-Jacques BOURDIN, s’il y a, par contre, dans notre système, des abus, des fraudes, il faut les combattre bien entendu.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Tout le monde sera d’accord avec ça, évidemment.
 
ROSELYNE BACHELOT Tout le monde sera d’accord !
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Mais Roselyne BACHELOT, je vois ce que dit Jean-François COPE, c’est votre patron à l’UMP.
 
ROSELYNE BACHELOT Oui, c’est le secrétaire général de l’UMP, effectivement.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Alors que dit-il. Il dit les premières mesures présentées par François FILLON sont courageuses, mais, il va falloir penser à réduire les déficits autrement. Il faut diminuer les dépenses publiques, sous-entendu les dépenses sociales, Roselyne BACHELOT.
 
ROSELYNE BACHELOT Vous extrapolez.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Non, j’extrapole, mais vous croyez que ce débat n’est pas ouvert au sein de l’UMP, sincèrement ?
 
ROSELYNE BACHELOT Moi, ce que je dis, c’est que les mesures qui ont été prises par François FILLON sous l’égide de Nicolas SARKOZY, sont des mesures équilibrées et mesurées. Il s’agit de faire des économies, bien sûr, des moindres dépenses, d’augmenter les recettes mais de ne pas bloquer la machine économique, et d’ailleurs beaucoup d’économistes ont reconnu la pertinence du curseur qui avait été fixé par Nicolas SARKOZY et François FILLON sur ce plan.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Est-ce que cette droite populaire, ces députés, ne sont pas trop présents au sein même de l’UMP ? Est-ce qu’on ne les entend pas un peu trop ?
 
ROSELYNE BACHELOT Posez-vous la question des micros que vous tendez vers eux.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Non, je vous pose la question, mais ce n’est pas moi…
 
ROSELYNE BACHELOT Mais vous m’invitez ce matin…
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Je vous invite pour poser la question, je vous pose la question.
 
ROSELYNE BACHELOT Et je veux dire que ces valeurs d’humanisme que je porte, elles sont, d’ailleurs elles sont exprimées au sein de l’UMP bien entendu, et j’ai eu l’occasion d’aller dans un certain nombre de forums organisés par Jean-François COPE…
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Est-ce qu’on ne les entend pas trop, ces députés ? Porter des idées qui ne sont pas toujours les vôtres.
 
ROSELYNE BACHELOT Non… à l’évidence je trouve que chacun a le droit de s’exprimer, on est dans une démocratie.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN D’accord. Alors, autre idée défendue par Bruno LE MAIRE, enfin avancée, pas défendue mais avancée, qui prépare le projet présidentiel, une allocation familiale versée dès le premier enfant. Vous y êtes favorable ou pas ?
 
ROSELYNE BACHELOT Alors ce que je dis c’est que c’est un paquet global qui est présenté par Bruno LE MAIRE, lui il souhaite la fiscalisation des Allocations Familiales, pour permettre, non pas de diminuer la masse globale des Allocations Familiales, mais de le donner dès le premier enfant. Alors c’est ça qui me pose une question. C’est que, nous avons la politique familiale la plus généreuse du monde, 5,1% du Produit Intérieur Brut…
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Nous devons la garder ?
 
ROSELYNE BACHELOT Bien sûr. 5,1% du Produit Intérieur Brut, est consacré à la politique familiale, avec d’excellents résultats, alors que la moyenne c’est 2,5% dans le reste des pays développés et tout spécialement en Europe. Alors ça voudrait dire, d’une certaine façon, de mettre les Allocations Familiales sous conditions de ressources. Je suis extrêmement réservée sur cette démarche, parce que l’ensemble des Allocations Familiales, enfin, des prestations familiales, 80% des prestations familiales sont déjà sous conditions de ressources, il reste un seul type de prestation, ce sont les Allocations Familiales, qui ne sont pas une politique sociale, qui sont une politique familiale, et là on changerait vraiment la philosophie de notre action familiale en fiscalisant ces allocations.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Oui, mais vous savez très bien qu’on fait trop d’enfants en France. Je vous dis ça parce que c’est comme ça… mais oui, c’est comme ça, c’est parce qu’on fait trop d’enfants qu’on n’arrive pas à faire baisser le chômage.
 
ROSELYNE BACHELOT Je veux dire d’une façon très claire…
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Ce n’est pas moi qui l’ai dit !
 
ROSELYNE BACHELOT Et très simple. D’abord ça n’a pas été dit par monsieur LEFEBVRE. Ce qui a été dit c’est que, à long terme, notre natalité c’est la meilleure chance pour la France…
 
JEAN-JACQUES BOURDIN …
 
ROSELYNE BACHELOT A long terme notre natalité est la meilleure chance pour la France. Par contre, c’est vrai qu’en période de difficultés, qu’en période de crise économique, notre taux de natalité nous empêche d’avoir des résultats aussi immédiats sur le chômage, mais il ne faut jamais abandonner le long terme pour le court terme en matière de politique familiale, le prix est trop cher à payer. D’ailleurs, Frédéric LEFEBVRE n’a, en aucun cas, proposé de réduire notre politique familiale, qui est la plus ambitieuse du monde.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Dernière chose. Vous avez été ministre de la Santé, vous savez quelle est la mesure, annoncée par François FILLON la semaine dernière, qui passe le moins bien ? L’augmentation des mutuelles.
 
ROSELYNE BACHELOT Je veux dire sur cette affaire, et je reprends des chiffres qui ont été donnés par le journal LIBERATION, qui ne peut pas être suspecté de tendresse vis-à-vis du gouvernement, l’augmentation, si les mutuelles répercutent…
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Oui, elles ont dit qu’elles répercuteraient. Moi j’avais le président de la MUTUALITE FRANCAISE le lendemain…
 
ROSELYNE BACHELOT Qui répercuteraient cette augmentation, ça représente 13 euros pour une famille de 4 enfants, par an. 1 euro par mois. Mais les mutuelles réalisent aussi des économies par les mesures qui sont prises par la Sécurité sociale…
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Elles pourraient faire des économies, les mutuelles ?
 
ROSELYNE BACHELOT Par la Sécurité sociale, elles seraient inspirées de ne pas répercuter cette moindre facilité fiscale qui fait partie du plan FILLON, elles en ont tout à fait la possibilité. Je remarque que depuis 10 ans…
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Pourquoi, elles sont riches les mutuelles ?
 
OSELYNE BACHELOT Je remarque simplement que depuis 10 ans le montant de l’augmentation des cotisations n’a pas été corrélé par le montant équivalent des prestations. Donc il y a des économies possibles.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Une dernière question. Vous avez une vraie fibre sociale, Roselyne BACHELOT, et vous aimez l’équité, est-ce que, franchement, l’effort demandé aux plus riches est suffisant ?
 
ROSELYNE BACHELOT L’effort demandé aux plus riches est déjà substantiel, puisque, pour les revenus considérés il y aura une augmentation de prélèvement d’à peu près, entre 30 et 35 000 euros, c’est donc déjà important. La discussion parlementaire va permettre, peut-être, d’amender, d’augmenter ces prélèvements…
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Vous aimeriez, enfin, vous aimeriez, vous souhaiteriez qu’il y ait un effort supplémentaire demandé ?
 
ROSELYNE BACHELOT Ecoutez, je suis ministre du gouvernement de François FILLON, j’ai été à ses côtés quand il a présenté ce plan. Moi ce que je dis c’est qu’il faut faire des efforts, que le plan il a été calibré, il est équilibré, il permet de ne pas brutaliser la machine économique d’un pays fragilisé, chaque fois qu’on bougera cet équilibre qui a été savamment organisé, il faudra se poser la question des effets induits. Donc, j’appelle chacun à la prudence, à la réflexion, et à éviter toute démarche de va-t-en-guerre sur des sujets extrêmement délicats.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Bien. Merci Roselyne BACHELOT d’être venue nous voir ce matin sur RMC et BFM TV.
 
ROSELYNE BACHELOT Merci Jean-Jacques BOURDIN.
 Source : Premier ministre, Service d’Information du Gouvernement, le 12 septembre 2011