Déclaration de M. Gérard Longuet, ministre de la défense et des anciens combattants, sur la mise en oeuvre du Livre blanc pour la défense et la Sécurité nationale de 2008, à Paris le 18 octobre 2011.

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Circonstance : Ouverture des 4e rencontres parlementaires de la Défense, à Paris le 18 octobre 2011

Texte intégral

C’est avec un très grand plaisir que je m’exprime devant vous ce matin en ouverture de ces « rencontres parlementaires », sur un sujet dont on ne saurait sous-estimer l’importance pour notre pays.
• Nous savons tous ici que le spectre de la guerre ou sa réalité ont accompagné toute notre histoire ; nous savons ici quel risque l’Europe prendrait aujourd’hui à se résigner au « rétrécissement stratégique » auquel le condamnent les égoïsmes nationaux, les tentations du repli sur soi, les angélismes qui n’en finissent plus de renaître pour justifier le renoncement.
• Nous savons tous ici enfin que la défense d’un pays n’a de sens que si elle traduit la détermination de tous, murie et renforcée par le partage d’une même vision des objectifs qu’elle se fixe, du contexte dans lequel elle se déploie et des moyens, parfois terribles, qu’elle se propose d’employer.
• C’est le sens et la force de notre démocratie que de construire pas à pas cette vision partagée. Ce fut le sens de la réunion, par le Président de la République, au sein de la Commission du Livre blanc de 2008, d’un panel très large de compétences et d’expériences pour réfléchir à notre politique de défense.
C’est pourquoi les échanges que vous allez avoir revêtent une telle importance, à l’image de ceux que nous avons eu lors des universités d’été de la défense ou des colloques qui se tiennent dans les universités et les centres de recherche, dont je tiens à saluer le rôle.
C’est parce qu’elle nous engage tous que la Défense doit être pensée par tous, civils et militaires, acteurs publics et privés, techniciens et philosophes, journalistes et responsables de notre pays, que je me félicite de voir réunis ici aujourd’hui.
Le Livre blanc pour la Défense et la Sécurité nationale du 17 juin 2008 a représenté une étape marquante dans la longue histoire de la stratégie de notre pays.
Depuis longtemps, en réalité l’Ordonnance depuis de 1959, les textes qui présidaient à notre défense affirmaient la nécessité d’une politique de défense globale sans jamais en préciser clairement les modalités.
• En rassemblant dans une même vision cohérente sans jamais les confondre les notions de défense et de sécurité, le Livre blanc de 2008 a, pour la première fois, paradoxalement permis de distinguer ce qui relève de l’une et de l’autre, de la défense militaire et de la sécurité du pays.
• En identifiant les cinq fonctions stratégiques - connaissance et anticipation, protection, dissuasion, intervention, prévention - il les a rassemblées par une finalité commune.
• En analysant leurs modalités, il a notamment affirmé la place de la puissance militaire dans la politique de la Nation. En identifiant les moyens qui devaient y être consacrés, il a montré la réalité de notre ambition.
En pleine fidélité avec cet engagement, la Loi de programmation militaire 2009-2014 a mis nos moyens en cohérence avec les priorités et les objectifs affichés par le Livre blanc. Malgré la crise économique et financière mondiale qui nous touchait de plein fouet, le Président de la République a tenu les barres et préservé le budget de la Défense, traduisant l’importance stratégique qu’il lui accordait, alors que nos voisins - Royaume-Uni, Allemagne - les revoyaient à la baisse. Engagement pris, engagement tenu : en 2009 comme en 2010, les lois de finance ont été conformes aux engagements de la LPM et notre industrie de défense a pris une part importante du plan de relance de 2009 et 2010.
Aujourd’hui, c’est au ministre de la Défense qu’il appartient, en conformité avec les orientations données par le Président de la République,
• de garantir que nos armées auront dans les prochaines semaines comme dans les prochaines décennies, les moyens de permettre à la France d’être fidèle à ses engagements internationaux dans le règlement des crises ;
• de contribuer à la sécurité quotidienne des Français ;
• de faire face enfin aux menaces les plus graves en cas d’aggravation brutale de la situation internationale.
C’est ce dont témoigne le projet de budget consacré à la Défense pour 2012. Il est préservé malgré la nécessaire maîtrise des finances publiques. Avec un montant de 31,7 milliards hors pensions, la dotation pour 2012 est même supérieure de 100 millions à ce que prévoyait le budget triennal et nos opérations extérieures sont financées sur la réserve de précaution interministérielle et non plus imputées au budget de la Défense.
Nous venons de vivre quatre années exceptionnelles par leur densité, quatre années au cours desquelles nous avons assisté à une forme d’accélération de l’histoire.
Ces quatre années ont établi la pertinence des principales orientations du livre blanc de 2008.
Parmi celles-ci la nécessité d’une actualisation régulière de ses propres conclusions prend figure d’évidence.
C’est la raison pour laquelle le Président de la République a souhaité que l’exposé du contexte stratégique qui servait de fondement au Livre blanc de 2008 soit réactualisé par le biais de travaux placés sous la responsabilité du Secrétaire Général de la Défense et de la Sécurité Nationale, avant qu’un travail plus large soit entrepris dans le courant de l’année 2012, comme le prévoyait le Livre blanc.
Il le fallait d’abord en raison même de cette évolution du monde. La notion de surprise stratégique que le Livre blanc s’est attaché à mettre en évidence a trouvé depuis quatre ans certaines de ses illustrations les plus marquantes.
• La surprise stratégique n’est pas un événement imprévisible, mais un événement que nous n’avons pas, le plus souvent, accepté de prévoir.
• Les révolutions arabes, la crise financière, les catastrophes d’Haïti ou de Fukushima ont profondément et durablement marqué notre période.
• Ils ne doivent pas occulter les modifications permanentes de notre environnement, évolutions plus lentes mais non moins importantes, évolutions géopolitiques ou naturelles, affirmation des états et des acteurs transnationaux.
Dans cette période de mutations, la France sous l’autorité du Président de la République, a démontré depuis quatre ans une confiance retrouvée en elle-même et en sa capacité à être un acteur responsable sur la scène internationale. Si elle a pu le faire, c’est notamment grâce à une juste appréciation de sa puissance militaire, consolidée par les orientations données en 2008 par le Livre blanc.
• Ce fut d’abord le retour de la France dans le commandement intégré de l’OTAN pour peser et influer. La France n’a jamais quitté l’OTAN mais nous devions être davantage présents là où les décisions qui engagent potentiellement la vie de nos soldats sont prises. Le Président de la République a fait ce choix et chacun peut convenir de sa pertinence. Au sommet de Lisbonne, la France a été un contributeur essentiel du nouveau contexte stratégique et un élément moteur de la réforme de l’alliance.
• Cette attitude responsable dans les enceintes internationales s’est concrétisée par notre implication dans les conflits qui ont marqué ces dernières années. La France a su prendre l’initiative et entraîner ses alliés pour parvenir, ensemble, au règlement de plusieurs crises difficiles.
- En Géorgie, à l’été 2008, la France a été un médiateur indispensable dans le règlement du conflit avec la Russie et pour laquelle le Président de la République a réaffirmé il y a quelques jours son engagement à veiller à l’application des accords conclus.
- L’Afghanistan où nous nous sommes engagés, avec nos alliés de 47 nations, en prenant en charge une zone du pays dont chacun connaissait les difficultés. Grâce à l’engagement et au courage de nos soldats, une Nation reprend forme et les progrès réalisés nous permettent aujourd’hui de nous inscrire de façon responsable dans le processus de transition voulu par les Afghans.
- En République de Côte d’Ivoire, également, la France, à la demande des Nations-Unies, a choisi de prendre ses responsabilités pour mettre fin au massacre des populations civiles et soutenir la démocratie.
- En Libye, enfin, la France a pris des risques comme elle en a pris en Côte d’Ivoire en faisant preuve de responsabilité et de discernement pour protéger la population et accompagner le peuple libyen sur le chemin de la démocratie et de la paix.
Conformément aux orientations du Livre blanc, le moment est venu du retex. Je dirais pour ma part que ces interventions portent toutes en elles la marque d’une stratégie que je qualifierais de stratégie du « bras de levier ». Ses fondements sont au nombre de quatre :
• une ferme volonté d’assumer nos responsabilités, uniquement nos responsabilités mais toutes nos responsabilités, jusqu’à prendre l’initiative dans certains cas, dans le strict respect du droit international ;
• le soutien de forces locales sans jamais nous substituer à elles, dans le plein respect de leur libre arbitre (Afghanistan, Libye, RCI) ; ce soutien a été rendu possible à la fois par l’intelligence de situation des chefs sur le terrain et par les équipements nouveaux mis en service, avec une plus grande précision, une plus grande portée et une plus grande durabilité ;
• une étroite connexion entre les actions diplomatiques et l’engagement militaire.
• L’appui de nos forces sur une organisation de la défense qui met le soutien au service des opérations et qui s’adosse à une industrie de défense performante. C’est le sens de la réforme profonde qui a été conduite, une réforme de notre organisation dont l’ampleur ne se compare qu’à celles qui furent conduite au lendemain de la guerre de 1870.
Pour terminer,
Ce que montre cette dernière période qui a vu nos armées engagées sur de nombreux théâtres, c’est, parmi d’autres enseignements, le caractère spécifique des moyens qui relèvent de la Défense nationale au sein d’une stratégie plus large, l’affrontement d’un ennemi. Il s’agit bien par notre stratégie de nous donner les moyens de conduire ce « duel des volontés qui utilisent la force pour régler leur conflit » selon les mots du Général BEAUFRE.
Ce que montre encore cette période, c’est une France qui dispose d’une armée républicaine, au service du pays et d’une vision, et non une armée affaiblie par les querelles de projets.
Aujourd’hui, alors que nous sommes encore au coeur de cette période difficile mais aussi riche d’opportunités, je souhaite, en ouvrant vos travaux, vous faire part de trois sentiments :
• fierté d’appartenir à un pays qui dispose de tels atouts : forces militaires grâce à la jeunesse de notre pays, industrie performante, volonté politique ;
• confiance dans la solidité de l’esprit de défense partagé par la Nation, le Président de la République, le Gouvernement et le Parlement ;
• vigilance pour que notre Défense continue, malgré les difficultés économiques, financières et budgétaires que l’effort de réduction de la dette implique, de disposer des moyens qui correspondent à notre place en Europe et dans le monde.
Ce sera l’enjeu des débats sur la réactualisation du Livre blanc qui se tiendront en 2012, que les travaux confiés au SGDSN préparent, et auxquels chacun doit contribuer.
Source http://www.defense-et-strategie.fr, le 9 novembre 2011