Déclaration de M. Eric Besson, ministre de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique, sur le passage de l'hiver en matière d'électricité dans le contexte particulier de l'arrêt de huit réacteurs nucléaires en Allemagne, Paris le 9 novembre 2011.

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Circonstance : Déclaration à l'occasion de la publication de l'étude du Réseau de transport d'électricité (RTE) :"Analyse de l’équilibre entre l’offre et la demande d’électricité pour l’hiver 2011-2012 de la France pour l'hiver 2011-2012"

Texte intégral

Mesdames, Messieurs,
Cet exercice de prévision du passage de l’hiver en électricité revêt une importance toute particulière cette année dans le contexte que vous connaissez d’arrêt de huit réacteurs nucléaires en Allemagne.
Je note que les prévisions de RTE sont a priori plutôt rassurantes mais je relève plusieurs points de vigilance.
1. Le premier point de vigilance bien entendu, c’est la situation en Allemagne.
Le Gouvernement français n’a certainement pas à commenter la décision souveraine de l’Allemagne. Mais il est de notre devoir d’anticiper ses conséquences pour la France. Car ces conséquences sont d’ores-et-déjà sensibles. Sur les neuf premiers mois de l’année, nos exportations d’électricité vers l’Allemagne ont augmenté de 11% par rapport à la même période en 2010, et nos importations ont baissé de 50%. Notre solde est exportateur de plus de 3000 Gigawattheures alors qu’il était importateur l’an dernier d’autant.
Je retiens de l’étude que vient de présenter Dominique MAILLARD que l’impact de la fermeture des réacteurs allemands sur la sécurité électrique de la France cet hiver est réel, même s’il faut le relativiser.
Le principal risque, ce n’est pas la pénurie de moyens de production, puisqu’il existe des réserves en France et Europe, j’y reviendrai. Le risque, c’est de ne pas pouvoir acheminer cette électricité là où elle sera nécessaire.
La fermeture de huit réacteurs en Allemagne implique des transferts massifs d’électricité du nord vers le sud du pays. Et donc un risque de congestion du réseau électrique allemand. Ces limites du réseau allemand ne sont pas théoriques. Elles ont déjà conduit, selon la fédération allemande de l’énergie éolienne, à près de 110 jours d’arrêts forcés d’éoliennes sur l’année 2010.
En cas de grand froid et donc de forte tension sur le réseau allemand, la France sera exposée à une perte de capacité d’import depuis l’Allemagne. En temps normal, la France peut importer 3000 mégawatts grâce à ses interconnexions avec l’Allemagne. En cas de grand froid, la France perdrait jusqu’à 2000 mégawatts. Cette perte serait certes compensée pour moitié par une croissance des importations depuis la Belgique mais elle contribue très clairement à réduire notre sécurité électrique.
Au-delà, le risque de congestion du réseau allemand en cas de grand froid pourrait se traduire par des situations de tension très basse sur le réseau de grand transport allemand, susceptibles de s’étendre au réseau français, a minima sur sa partie Est. Cela pourrait se traduire par un « écroulement de tension », pouvant lui-même conduire à un black-out de grande ampleur.
Nous devrons donc être très vigilants pour prévenir ce type de difficulté extrême, et la coordination entre gestionnaires de réseaux sera déterminante.
2. Le deuxième point de vigilance, ce sont les zones de plus grande fragilité du réseau.
L’approvisionnement électrique de la région Bretagne, tout d’abord, est et reste le premier point de fragilité du territoire. Ce constat, renouvelé, souligne une fois de plus l’urgence d’une solution garantissant la sécurité de l’approvisionnement électrique des Bretons. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement s’est impliqué dans la mise en oeuvre d’un pacte électrique breton reposant sur le développement des énergies renouvelables, de l’efficacité énergétique, le renforcement du réseau de transport d’électricité et la construction d’une centrale à cycle combiné gaz qui contribuera à la couverture des pics de consommation. Le succès de l’ensemble de ces volets, dans un calendrier rapide, est une priorité du Gouvernement.
Par ailleurs, la région PACA reste aussi une préoccupation forte du Gouvernement. RTE a renforcé l’artère actuelle de 400 000 volts entre 2007 et 2010 et nous mettrons en service à horizon de 2015 un « filet de sécurité » à 225 000 volts.
3. En revanche, et c’est important, la France ne devrait pas souffrir de pénurie de production électrique.
La première raison, c’est que nous avons fortement renforcé le parc de production électrique depuis un an. RTE peut ainsi tabler sur 1600 mégawatts de plus en moyenne. Ces nouvelles capacités correspondent au développement de l’éolien soutenu par le Gouvernement. C’est aussi et surtout la construction de nouvelles centrales à cycle combiné gaz dans notre pays, à savoir les centrales de Bayet dans l’Allier et Montoir-de-Bretagne en Loire-Atlantique.
L’hypothèse de RTE s’appuie aussi sur une bonne disponibilité des centrales de pointe et d’extrême-pointe, qu’il s’agisse notamment des cogénérations et des diesels. Je tiens à souligner que cette disponibilité dépendra cependant de la transition que nous pourrons assurer vers le marché de capacité qui sera mis en place en France en 2015 en application de la loi NOME.
La seconde raison pour laquelle nous ne devrions pas souffrir de pénurie de capacités électriques, c’est que des surcapacités existent ailleurs en Europe. Mais je tiens à souligner ce que cela veut dire. Moins de production nucléaire en Allemagne, cela conduira à mobiliser davantage les centrales à charbon de l’est de l’Europe. L’Europe paiera donc globalement son électricité plus chère cet hiver et émettra davantage de gaz à effet de serre.
L’heure est aujourd’hui à l’analyse des conséquences précises à tirer des prévisions de RTE. Je réunirai le 21 novembre prochain la cellule de veille que j’ai créée au printemps dernier sur l’approvisionnement électrique de la France. J’y examinerai en détail avec les acteurs du secteur électrique leurs prévisions relatives au passage de l’hiver, tout particulièrement au regard des points de vigilance que je viens de souligner.
Cette réunion sera également l’occasion de faire un point d’avancement des réflexions relatives à la mise en oeuvre du marché de capacité électrique. Et j’annoncerai alors les décisions du Gouvernement en termes de transition vers ce marché de capacité, afin de pérenniser les moyens électriques de pointe nécessaires à notre sécurité.
Par ailleurs, le 20 septembre en Pologne, j'avais proposé à l'ensemble des ministres européens de créer un groupe européen de coordination des politiques énergétiques, afin d'approfondir les échanges sur les politiques nationales, et une cellule de veille hivernale, pour anticiper et réagir a toute difficulté d'approvisionnement. Ces propositions se concrétisent. La cellule hivernale est dès à présent opérationnelle au niveau de l’instance réunissant tous les gestionnaires de réseau européens. Le groupe de coordination des politiques tiendra quant à lui sa première réunion le 1er décembre.
Source http://www.economie.gouv.fr, le 15 novembre 2011