Déclaration de M. François Baroin, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, sur la valorisation des actifs immatériels des entreprises, Paris le 7 octobre 2011.

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Circonstance : Symposium international "Evaluation et valorisation des actifs immatériels", à Paris les 6 et 7 octobre 2011

Texte intégral

Mesdames messieurs les Présidents
Mesdames messieurs les Directeurs
Mesdames et messieurs
Chers collègues,
J’ai grand plaisir à venir clôturer ce premier Symposium international consacré aux Actifs immatériels et à cette occasion je souhaite tout particulièrement la bienvenue aux nombreux partenaires étrangers qui se trouvent dans la salle.
La réflexion sur l’immatériel mobilise aujourd’hui de nombreux acteurs de l’économie : entreprises, financiers, organismes publics... Pourtant, la capacité et les modalités de contribution des entreprises (notamment de services), à la richesse nationale restent encore peu mesurées par les organismes de statistiques et d'une manière générale sont méconnues de la communauté économique et financière. C’est notamment le cas des actifs immatériels, qui constituent une part croissante des actifs des entreprises et un enjeu essentiel de leur compétitivité. Néanmoins, après un tour d’horizon des méthodes disponibles, la France semble être en avance sur le plan méthodologique par rapport à ses compétiteurs, dans l’approche de ces sujets.
L’objectif des travaux qui ont été illustrés au cours de ces 2 journées, et qui bien sur, devront se poursuivre au-delà, est de mieux comprendre, de mieux piloter et de mieux valoriser les actifs immatériels qui représentent les deux tiers de la valeur totale des entreprises, (entre 40 % et 95 % de leur valeur selon le secteur d'activité). 48 % des investissements des entreprises sont réalisés pour soutenir et développer leurs propres actifs immatériels (capital humain, innovation, savoir et savoir-faire, marque, relation client...). Tous ces investissements restent à appréhender. Ils nous permettront de dépasser les spéculations boursières et de nous affranchir des seules considérations matérielles et financières. C’est la voie de la moralisation du capitalisme financier, tout en mettant en valeur nos entreprises, leur compétitivité, leurs innovations et leur potentiel de création de valeur.
Les investissements immatériels contribuent en effet, à la compétitivité de long terme et à la valeur économique et financière durable des entreprises, mais il est vrai, ils sont encore aujourd’hui difficiles à identifier, à maîtriser et à valoriser.
Les travaux engagés par tous les acteurs, publics et privés, doivent permettre en premier lieu d’expliciter le potentiel de création de valeur de l'entreprise, par des outils de mesure, en rendant visible la face cachée de ses ressources immatérielles. Ils permettront ensuite de définir un partage plus élaboré de la valeur ajoutée entre les parties prenantes de l'entreprise et de permettre un éclairage sur la valorisation des marques. La propriété intellectuelle, celle des informations et des idées, joue ici un rôle déterminant.
Notre rôle à tous ici, est de capitaliser sur les bonnes pratiques de gestion et de valorisation. Il convient pour cela d'informer et d'accompagner les entreprises pour conduire à une meilleure allocation de leurs ressources. Elles disposeront ainsi d'outils permettant d'évaluer le retour sur investissement et l'efficacité de leurs investissements.
Les entreprises sont porteuses de nombreux projets de développement économiquement, socialement et écologiquement durables. Ces investissements expriment la capacité de l'entreprise à créer et à pérenniser de la valeur, en s’appuyant notamment sur sa capacité à attirer des compétences et des talents ciblés au service de sa stratégie et à travailler en communauté d'intérêts. Les entreprises, les financiers et les pouvoirs publics ont ainsi le devoir d’étudier les caractéristiques des actifs immatériels au regard des normes extracomptables, pour rendre plus lisible et plus cohérent le calcul du goodwill des entreprises.
L'économie de l'immatériel nous permet ainsi de maîtriser notre avenir. Nous avons autant d'atouts, voire plus que d'autres, tant notre tradition nous porte spontanément vers l'analyse conceptuelle et l'inventivité scientifique. Notre défi est de mieux utiliser ces avantages et ces dispositions, afin d'exploiter plus efficacement notre capital humain, dans les entreprises comme dans les administrations. Ceci doit bien sûr se faire en confortant notre appareil industriel, qui a tout à gagner d'un renforcement de l'immatériel, mais qui doit également bénéficier d'efforts résolus en vue de le rénover.
Naturellement, comme tout changement, l'économie de l'immatériel est porteuse d'incertitudes. Elles sont réelles et rien ne sert de les éluder. Les laisser de côté, en omettant qu'elles sont des étapes nécessaires au basculement dans un modèle économique nouveau et plus porteur, serait une erreur majeure. Il revient au contraire à l'Etat d'y répondre, en définissant rapidement une nouvelle politique économique, mieux adaptée à la logique de l'immatériel et de nature à élever le potentiel de création de richesse de chaque individu, de chaque entreprise et de la société dans son ensemble, de trouver "les points de croissance manquants". Il s'agit notamment de lever les freins qui ralentissent l'économie, inhibent les énergies et cassent les dynamiques en misant, pour l'avenir, sur cette économie qui est là, présente mais mal appréhendée : l'économie de l'immatériel. Cette économie ce sont les hommes, les savoirs, les écosystèmes et les structures.
Depuis plusieurs années, notre pays semble douter de sa capacité à maintenir son rang, à répondre aux attentes des Français et des entreprises, à être écouté sur la scène internationale, à vaincre le chômage ou à résister au déplacement de l'activité manufacturière vers l'Asie. En prenant la mesure des changements à l'oeuvre dans les pays les plus développés en matière économique, et en en tirant toutes les conséquences, nous avons aujourd'hui une opportunité formidable pour délaisser ce doute démobilisateur, dépasser ces transactions financières fondées sur l’incompréhension de cette richesse, pour ainsi renouer avec la sérénité.
Pour retrouver cette confiance, nous devons nous mobiliser collectivement sur ce patrimoine immatériel. Cette confiance prendra appui sur une véritable politique de la marque France et du savoir faire de nos entreprises, d'autant plus indispensables que la réalité correspond peu ou proue à la perception que les spéculateurs ont des entreprises. C'est pour cela qu'il est important d'avoir une vigilance accrue sur les benchmarks et les classements internationaux, de promouvoir nos réalisations en matière technologique, culturelle, économique ou sociale, et de valoriser les actifs et les atouts de nos entreprises.
L'image de nos entreprises, de leurs territoires, de leurs marques, de leurs histoires et de leurs créateurs constituent en effet autant d'opportunités pour gagner cette bataille des idées, du talent, bref de l'intelligence. Pour cela, nous devons changer nos réflexes –nous ouvrir et non nous replier, oser et non craindre-, changer d'échelle -c'est à dire penser d'emblée international et en particulier européen, enfin changer de modèle pour faire de la formation, de notre potentiel de recherche, de nos valeurs sociales une chance et non pas un handicap.
C’est parce que le contexte économique est fragile qu’il faut encore mieux gérer ces évolutions, qui ont une portée économique et sociétale encore plus forte. Elles modifient non seulement les rapports à l'économie, mais aussi les relations entrepreneuriales, ainsi que le fonctionnement d'une démocratie moderne. Cette démocratie passe par un partage plus élaboré de la valeur ajoutée entre les parties prenantes. Je pense notamment à l’intéressement et à la participation. L'économie de l'immatériel est une chance de réinventer le futur. A nous de la saisir. Cela passera par l'examen de trois objectifs essentiels :
- la stimulation de l’innovation et de la créativité via leur juste rétribution : dans un environnement marqué par l'importance croissante de la création industrielle et intellectuelle, il est primordial de soutenir l'effort de création, de recherche et d'innovation dans notre pays. Ceci suppose que l'ensemble de l'économie bénéficie de cette nouvelle source de valeur et que le créateur soit rétribué de manière juste et équitable. Dans cette perspective, il est important d'apprécier les conditions d’émulation, d’excellence et de rétribution liées à l'innovation et à la création, afin de s'assurer qu'elles correspondent à un optimum économique et social;
- la création de valeur et les circuits de financement : le développement de l'économie de l'immatériel se traduit par une plus grande diversité des modalités de création de valeur et de richesses par les entreprises. Alors que les milieux de l'analyse financière ont affiné les concepts utilisés pour mesurer et comparer cette capacité de création de valeur et de compétitivité des entreprises, il convient d'envisager comment notre système de financement peut l'appréhender de manière plus objective tant au niveau de l'assiette qu’au niveau des garanties ;
- les contours et la valorisation du patrimoine immatériel des entreprises : comme les autres acteurs économiques, les entreprises détiennent des actifs. Les entreprises sont peut être plus riches encore que d'autres en actifs immatériels : elles sont détentrices de licences, de brevets, d'un capital humain performant, de marques, de structures et d'organisations solides, de relations durables, d'un engagement social et sociétal indubitable, mais aussi de bases d'informations économiques et de savoir-faire reconnus. Or, les entreprises ne disposent à ce jour ni de mécanismes ni de politiques destinés à évaluer et valoriser ces actifs alors que certains partenaires européens et internationaux ont déjà engagé la refonte de leur mode de gestion de leurs actifs, en particulier immatériels.
Les enjeux sont en effet considérables en termes de politiques publiques structurantes : l’Union européenne, et l’euro, ont besoin d’une suffisante convergence des grandes compétitivités européennes, qui suppose, aujourd’hui, un effort significatif notamment du côté français. Il s’agit de sortir d’une situation de relatif sous-investissement et d’érosion des marges qui en sont à la fois la manifestation et la cause. Et pour accroître cet investissement, deux pistes :
- premièrement, redresser la compétitivité coût via des mesures d’allègements de charges, et, par les marges ainsi dégagées, investir davantage, y compris dans ce qui apporte de la compétitivité hors coût, largement fondée sur l’immatériel ;
- deuxièmement, articuler de la façon la plus productive possible les investissements matériels et immatériels, en tenant compte des spécificités des métiers.
Si l’on considère les actions déjà menées tant au niveau de l’Union qu’au niveau de la France dans la période récente, toutes font une place majeure à ce qui contribue ainsi à la compétitivité hors coût des entreprises (programme UE 2020 d’une part), avec des priorités sur l’innovation et la société de la connaissance. D’autre part, beaucoup d’actions ont déjà été déclinées au niveau national : j’en mentionnerai rapidement 8 :
1) En faveur de la R&D et de l’innovation, via la politique de soutien à la R&D coopérative via les pôles de compétitivité ; le crédit impôt recherche a été amplifié ; le programme des investissements d’avenir a été mis en place, (35G€ dont près de la moitié sont dédiés à de l’innovation dans l’industrie et les services). Les moyens d’Oséo ont été renforcés, s’agissant du soutien à l’innovation des PME.
2) Les mesures touchant à la fois la formation et l’innovation, en faveur de l’entrepreneuriat, de l’accroissement du nombre des business angels et de leurs compétences via des réseaux, qui renforcent le potentiel de création de start ups. Le développement des instituts Carnot, à l’instar des Fraunhofer allemands.
3) L’amélioration du système d’enseignement supérieur et de recherche, ce qui concerne évidemment les ressources humaines à long terme.
4) L’optimisation de l’accessibilité du réseau de l’INPI, réduction des coûts des brevets, amélioration des bases de données et des dispositifs de dépôt de droits de propriété intellectuelle et leur accessibilité en ligne, régionalisation afin de rendre plus accessible aux PME les dépôts de brevets…
5) L’évolution des modèles d’affaire via des chartes de bonnes pratiques pour la sous-traitance, ou la recherche coopérative ; l’externalisation de la R&D elle-même par les groupes, qui gagnent souvent davantage à gérer un portefeuille d’innovation via des start ups dont ils prendront le contrôle des meilleures (Typiquement, Cisco, Google, Apple en sont des exemples avec des variantes).
6) L’amélioration des dispositifs de formation permanente, y compris pour tenir compte du vieillissement de la population et de l’allongement de l’âge de départ à la retraite.
7) Les progrès dans le soutien au design, dans son enseignement, et dans sa diffusion.
8) Enfin la poursuite d’un effort en amont sur le logiciel, sur sa diffusion, sur l’interfaçage avec les autres fonctions de l’entreprise et de son environnement, et plus généralement sur l’amélioration des systèmes d’information au sein des entreprises, ou inter-entreprises avec des plateformes communes, ou encore entre les entreprises et d’autres sources (dont le thème de l’open data).
Parce qu’elles ont amélioré les outils de mesure, les effets économiques, la comptabilité et les bonnes pratiques des entreprises, ces mesures publiques ont un effet structurant pour la politique de soutien aux actifs immatériels des entreprises. Il faut aujourd’hui aller plus loin.
Pour ce faire, je vous propose que nous nous mobilisions (l’ensemble des services à Bercy, Oséo, la Caisse des Dépôts et Consignations, le FSI, l’INPI, l’AFNOR, l’Autorité des Marchés Financiers, l’OCDE, l’ANR, les fédérations professionnels, le Conseil Supérieur des Experts Comptables, les entreprises) autour des objectifs suivants, qui poursuivront les actions déjà engagées et permettront de leur donner toute leur ampleur :
Premièrement, permettre la reconnaissance extracomptable des actifs immatériels afin de favoriser leur prise en compte par le marché. Les normes comptables françaises et internationales ne permettent pas la reconnaissance du capital immatériel des entreprises (cotées et non cotées) alors qu’il représente aujourd’hui plus des 2/3 de leur valeur, limitant vraisemblablement sa prise en compte par le marché. C’est pourquoi, il est nécessaire de :
- (1.1) définir et retenir un référentiel fournissant une définition cohérente et des méthodes de valorisations reconnues du capital immatériel et des actifs incorporels, compatible avec les référentiels internationaux existants et adaptés pour chaque secteur d’activité.
- (1.2) encourager les entreprises à piloter la performance de leurs actifs immatériels et à bien les mesurer grâce aux concours du réseau des expertscomptables ;
- (1.3) préciser les exigences règlementaires de la loi Grenelle II en matière de production d’éléments extra comptables par les entreprises cotées ou de plus de 500 salariés ou de plus de 100M€ de chiffre d’affaire ;
- (1.4) explorer avec Oséo, les liens entre « actifs immatériels et PME » d’une part et « responsabilité sociale et PME » d’autre part, afin d’orienter les pouvoirs publics pour une meilleure allocation des ressources ;
- (1.5) animer une plateforme franco-allemande réunissant chercheurs, décideurs publics, dirigeants, et représentants des médias des deux pays, intéressés par le partage d’expériences et la coordination des efforts en vue de mieux comprendre, mieux soutenir la dynamique des immatériels et contribuer à une convergence des approches entre les deux pays ;
- (1.6) valoriser les initiatives et outils produits par l’Observatoire de l’Immatériel, le World Intellectual Capital initiative, du Glogal Reporting Initiative et l’International Integrated Reporting Committee, et faire connaître à nos entreprises les méthodes d’évaluation financière des actifs incorporels développées par l’IVSC et la norme ISO 10668 sur l’évaluation des marques ;
- (1.7) déterminer un cadre d’application volontaire pour tous les organismes vérificateurs et organismes qui veulent faire vérifier leurs informations au delà des exigences règlementaires.
Deuxièmement, mettre en place des dispositifs favorables au financement spécifique des entreprises investissant et capitalisant sur ces actifs immatériels.
L’insuffisante reconnaissance comptable du capital immatériel des entreprises est sans doute à l’origine du manque de dispositifs structurés en faveur d’un investissement plus direct dans les actifs immatériels, tant par les pouvoirs publics que par le marché.
Notre rôle est d’abord de protéger pour mieux valoriser :
- (2.1.1) étudier secteur par secteur, comme nous l’avons fait sur les industries culturelles et créatives, le rôle des actifs immatériels dans la création de valeur et décliner les mesures visant à promouvoir nos industries, renforcer les formations initiales et continues, faire évoluer les financements publics et privés et développer les logiques collaboratives ;
- (2.1.2) accompagner l’INPI, ainsi que les CCI, pour sensibiliser les entreprises sur les outils juridiques existants permettant de protéger les actifs immatériels et leur expression en clarifiant ce qui relève du droit d’auteur, du droit des marques et du droit des brevets. Les formations en stratégie de propriété intellectuelle proposées par l’INPI, l’IRPI et les CCI aux entreprises à Paris doivent s’intensifier sur l’ensemble du territoire, pour une meilleure diffusion de la culture de la protection et de la valorisation des intangibles ;
- (2.1.3) développer des actions collectives communes entre les délégations régionales de l’INPI et les DIRECCTE et réalisation par l’INPI d’une campagne de pré-diagnostics de propriété intellectuelle, notamment ciblée sur des entreprises de services ;
- (2.1.4) protéger et promouvoir le savoir-faire des entreprises par la délivrance d’un label qui attesterait du respect d’un cahier des charges requérant la réalisation d’investissements ayant abouti à la conception d’incorporels valorisables et ou valorisés.
- (2.1.5) identifier et valoriser les bonnes pratiques en matière de protection et de valorisation du capital humain et du savoir-faire dans les centres de formations des entreprises. Un groupe de travail sera lancé par l’Olympique Lyonnais pour expertiser la protection et la valorisation du savoir-faire par la labellisation dans le secteur des clubs de football ;
- (2.1.6) élaborer, avec la Fédération de la Formation Professionnelle, une grille d’indicateurs de reporting des investissements sur la formation professionnelle pour disposer d’un outil capable d’aider les entreprises à mieux évaluer et valoriser l’impact économique des investissements en formation. Nous devons ensuite développer l’investissement dans les entreprises :
- (2.2.1) expertiser les conditions de création d’une place de marché (financement par le marché des entreprises investissant dans les actifs immatériels des entreprises) des actifs immatériels des entreprises en France, génératrice de flux économiques nouveaux (investissement, financement). Il pourrait s’agir d’un livret d’épargne ou d’un produit financier qui permette de drainer l’épargne vers ces entreprises innovantes et créatrices de valeur par les immatériels ;
- (2.2.2) développer à grande échelle les chartes d’investissement d’entreprises, comme le font aujourd’hui la Caisse des Dépôts et le Fonds Stratégique d’Investissement et définir une grille de critères, communément admise par les grands opérateurs de l’Etat, permettant de tenir compte des immatériels dans les investissements ;
- (2.2.3) adapter la qualification « entreprise innovante » d’Oséo, en prenant en considération le rôle joué par les actifs immatériels dans l’innovation (organisationnelle, relationnelle et reposant sur les capitaux humains et savoirs) ;
- (2.2.4) expertiser l’extension des dispositifs de financement et de garanties publics à certaines dépenses d’investissement dans le capital immatériel et l’extension des dispositifs de financement du type CNC à d’autres secteurs d’activité à forte composante immatérielle.
La politique de soutien aux immatériels est corrélée à celle de soutien aux pôles de compétitivité. Il nous faut donc :
- (2.3.1) expertiser, la possibilité d’étendre les critères d’adhésion aux pôles de compétitivité pour que les entreprises à forte composante immatérielle puisse profiter des synergies offertes par les pôles ;
- (2.3.2) constituer un centre de recherche et d'innovation dédié au secteur de l'audiovisuel ainsi qu’un lieu de création et d'expérimentation dans le domaine de l'audiovisuel et du numérique pour devenir incubateur de contenus, des usages, des idées, des savoir-faire non technologiques et des services ;
- (2.3.3) favoriser le transfert des brevets issus de la recherche publique vers le secteur privé et financer la phase de maturation des nouvelles technologies et d'apporter un soutien logistique aux universités. Il s'agira de mettre en place des sociétés d'accélération de transfert technologique, codétenues par la Caisse des dépôts ainsi que des acteurs locaux de la recherche. Ils bénéficieront d'un financement de 900M€.
Cette politique de soutien aux actifs immatériels doit permettre de soutenir nos entreprises à l’export :
- (2.4.1) conforter le partenariat INPI – Oséo, visant à évaluer la qualité de la propriété intellectuelle des entreprises pour les accompagner à l’export ;
- (2.4.2) mettre les outils de l’intelligence économique au service de la sécurisation et de la valorisation économique du capital immatériel pour permettre aux PME de structurer leurs quasi-fonds propres et être à même d’aller sur les marchés internationaux. En ce sens, la norme Fiséva (comme Financer-Sécuriser-Valoriser) pourrait être expertisée, ainsi que la mise à disposition de redevances de marques, de brevets et de savoir-faire, pour s’aventurer sur les marchés internationaux.
- (2.5.1) Plus généralement, à l’instar du rôle de l’APIE en matière d’actifs immatériels de l’Etat, la constitution d’une Commission pilotée par mon ministère et réunissant les grands acteurs publics et privés, qui permettra d’orienter et de coordonner les politiques publiques en ce qui concerne le capital immatériel des entreprises (capital humain, savoir-faire, marques).
- (2.5.2) Cette Commission aura un espace dédié sur les sites informationnels du Ministère de l’Economie, des Finances et de l’Industrie pour diffuser les mesures de soutien et l’évaluation de ces mesures.
III. Aligner les dispositifs fiscaux européens afin d’éviter que la localisation des actifs immatériels ne dépende que de critères exclusivement fiscaux. La fiscalité est un instrument de la politique de l'entreprise, qui a ses propres objectifs et sa propre rationalité, et peut introduire des distorsions dans les choix de gestion. Cette distorsion est d’autant plus grande que le traitement fiscal de ces éléments diffère selon les pays.
(3.1) C’est pourquoi, j’envisage de confier à un corps de contrôle la mission d’évaluer cette situation dans le cadre d’une démarche de benchmarking, après avoir recensé les dispositifs fiscaux reposant sur les actifs immatériels adoptés par les pays partenaires qui ont un impact sur la création de valeur des entreprises et des Etats.
Cette expertise devrait conduire à détecter et à apprécier l’efficience des dispositifs déjà « testés » dans les pays voisins. Elle permettra d’apprécier l’attractivité de la France par rapport à d’autres pays, notamment de l’Union en matière d’investissements immatériels et sa capacité à décourager les délocalisations.
(3.2) L’esprit de ce travail est d'inscrire un système fiscal favorable à l'investissement en France. Nous en profiterons pour étudier les évolutions européennes dans ce sens et ainsi initier la réflexion sur un processus de convergence européenne dans le domaine de la fiscalité du capital immatériel des entreprises dans un contexte de transfert : apports, acquisition, cession, concession.
IV. Etendre les outils de reconnaissance et les mesures d’incitation actuelles à d’autres catégories d’actifs en fonction de priorités de développement fondées sur les capitaux humains, structurels et relationnels. Les dispositifs incitatifs pour les entreprises sont aujourd’hui limités aux actifs immatériels à forte composante technologique. Ce périmètre restrictif est loin de couvrir l’ensemble des actifs immatériels nécessaires au développement d’une économie fondée sur des activités à forte valeur ajoutée (perspectives de retour sur investissement, résistance face à la concurrence des pays émergés, valorisation des exportations, valeur ajoutée sociale) en particulier :
- l’innovation dans les services et la création,
- le savoir faire dans la formation initiale et continue,
- et par ailleurs les marques et les labels
(4.1) Il nous manque aujourd’hui des indicateurs mesurant la contribution et le potentiel économique du capital immatériel et des actifs incorporels localisés en France.
- (4.1.1) analyser la contribution économique du capital immatériel dans la création de valeur au travers des indicateurs de mesure traditionnels (PIB, assiette d’imposition et balance commerciale) en France ;
- (4.1.2) développer des indicateurs de mesure macro-économique spécifiques au capital immatériel (attractivité, image, emploi) complémentaires aux indicateurs de mesure traditionnels ;
- (4.1.3) mettre en place un baromètre des investissements des entreprises afin d’établir la traçabilité des efforts des entreprises et le retour sur investissement des investissements, notamment immatériels.
(4.2) Mes services travaillent actuellement avec les professionnels sur les sujets de la propriété intellectuelle et des marques. En effet, nous tentons de :
- (4.2.1) distinguer les dépenses en communication et marketing « courantes » liées à l’exploitation de la marque, des dépenses « exceptionnelles » qui sont liées aux coûts d’acquisition ou de création d’une nouvelle marque, ou encore d’extension du périmètre de la marque ;
- (4.2.2) créer un groupe d’étude des marchés dans le domaine des achats de prestations de communication. Ce GEM aura pour mission d’élaborer un guide de l’acheteur public de prestations de communications, ce qui permettra de revoir les clauses de propriété intellectuelle dans le cadre des appels d’offres.
(4.3) J’encourage également fortement les initiatives qui visent à développer les formations initiales et continues sensibles à l’entrepreneuriat, à la créativité et à l’innovation, tenant compte des caractéristiques du patrimoine immatériel des entreprises. Je pense notamment aux différents Master relatifs à l’innovation et à la propriété intellectuelle, à l’Institut pour l’Innovation et la Compétitivité, aux formations financières de la Société française des Analystes financiers qui développera des contenus financiers relatifs à l’évaluation et à la valorisation des actifs immatériels des entreprises.
(4.4) Je félicite les récentes créations de Chaires Académiques sur le capital immatériel des entreprises, qui associent universitaires et entreprises. Je leur demande de me rendre compte de leurs travaux.
Le développement de l’économie française repose beaucoup sur de telles plateformes d’intelligence collective. C’est en associant les communautés professionnelles, économiques et financières avec le monde de l’enseignement et de la recherche que la France et l’Europe pourront porter l’ambition d’une compétitivité créatrice de croissance et d’emplois.
Source http://www.ginkyo.fr, le 17 novembre 2011