Texte intégral
Communiqué de presse à la suite du décès de Michel CREPEAU
Déclaration de Lionel Jospin
Paris, le 30 mars 1999
J'apprends avec une immense tristesse le décès de Michel CREPEAU, victime d'un accident cardiaque la semaine dernière dans l'hémicycle du Palais-Bourbon.
La ville de La Rochelle perd celui qui depuis 1971 a mis sa passion, ses idées et son énergie créatrice au service de ses concitoyens.
L'Assemblée nationale perd un grand parlementaire, homme de convictions, orateur inlassable, écouté et respecté dans ses indignations comme dans ses enthousiasmes.
La majorité, la gauche, perdent un compagnon de toutes les luttes et, comme responsable politique ou comme ministre, un acteur et un artisan des grandes étapes d'une histoire commune.
Je perds un ami
Michel CREPEAU nous manquera.
Je rends hommage à l'humaniste, au militant, et je dis à sa famille, à ses proches, à ses amis du Parti radical de gauche ma peine et mon affection.
(Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 07 avril 1999)
Hommage de M. Lionel JOSPIN, Premier ministre, à Michel CREPEAU
le 1er avril 1999
Mesdames, Messieurs,
Chers Amis,
Chère Annie,
Vous mavez choisi, pour porter la parole, pour témoigner de tout ce qua fait, de tout ce qua été Michel CREPEAU, et pour exprimer lémotion de tous. De ce choix, je mesure lexigence.
Comment trouver les mots justes pour évoquer le lien, si particulier et si fort, qui unissait Michel CREPEAU à La Rochelle, moi qui y suis venu souvent, mais comme un passant ? Comment restituer le sens du parcours de cet homme, moi qui ne lai connu que dans la force de lâge ?
Vous, ses parents, ses amis, ses proches collaborateurs, ses camarades de lutte politique, citoyens de sa ville, vous sauriez faire revivre sa figure. A ces hommages, que nous nentendrons pas aujourdhui, mais que par votre présence vous rendez en silence, je joins le mien. Il va à lorateur inspiré par tant didéaux partagés, au militant des luttes communes, à lhumaniste amoureux de la vie, et aussi à lami.
Avec Michel CREPEAU, cest une voix vive et incisive qui sest tue. Une voix au timbre singulier, où pointait toujours lhumour aiguisé, où perçait souvent lironie, où éclatait parfois une vraie gouaille. La voix dun homme dont le franc-parler, la verve, le sens de la formule traduisaient une sagesse fondée sur lintime connaissance des hommes. Une voix devenue familière à de très nombreux Français.
Cétait aussi la voix de lavocat, inscrit à vingt-cinq ans au barreau de La Rochelle, et qui resta toujours attaché à la défense des droits de la personne humaine. Lycéen à Rochefort, brillant étudiant en droit à Bordeaux, nourri de MONTAIGNE, il aimait les Lumières, Montesquieu, bien sûr, mais aussi DIDEROT, Voltaire et Rousseau, quil citait volontiers.
Cette voix était enfin celle dun grand orateur, au discours brillant, enflammé parfois, coulant la pensée du juriste dans le moule de formules acérées, sachant -par modestie ? par habileté ? les deux à la fois ?- exprimer la profondeur de sa réflexion politique sous un trait desprit. Parlant sans note, avec une aisance qui forçait ladmiration sur tous les bancs de lAssemblée Nationale, il était devenu une des grandes figures parlementaires de la cinquième République. Nombreux sont ceux qui, comme moi, se rappellent avec quel brio il répondit, au nom du groupe Radical Citoyen et Vert, à ma déclaration de politique générale, dans la nouvelle assemblée issue des élections de juin 1997.
Cette voix, cest à lAssemblée nationale que nous lavons entendue pour la dernière fois, interrogeant, toujours avec la même force, mais aussi la même précision, le Gouvernement.
Comment ne pas être tenté de voir, dans ces minutes dramatiques, lultime message dune vie quil consacra passionnément à son engagement politique ?
Cest une grande figure du radicalisme qui quitte nos rangs. Né dans la Vendée républicaine, fils dun inspecteur de lécole primaire, il avait été nourri des idéaux de laïcité de lécole de Jules FERRY. Cest aux côtés de sa mère quil assista à ses premières réunions politiques. Militant dès lâge de dix-huit ans, il fut pendant un demi-siècle de tous les combats de la Gauche.
Lorsquen 1972 il fonda, avec Robert FABRE, le Mouvement des Radicaux de Gauche, dont il devint le président six années plus tard, cest lhéritage de Pierre MENDES-FRANCE quil revendiquait, celui dune gauche « humaniste et radicale « . Radical, Michel CREPEAU létait par son attachement à la liberté, aux libertés, dont il sétait fait le héraut. Il létait aussi par lindépendance - desprit comme daction - dont il faisait preuve en chaque occasion. Il létait enfin par sa truculence, par ses éclats de rire où affleurait la satire de celui qui disait, dans le droit fil des attaques dALAIN contre la bureaucratie : « le rire est lantidote de la technocratie « . Il riait beaucoup.
Il fut candidat aux élections présidentielles de 1981. Il le fut pour y représenter la grande tradition radicale, celle de Léon GAMBETTA, de Joseph CAILLAUX, de Georges CLEMENCEAU. Il le fut non seulement pour faire entendre la voix du pragmatisme et du bon sens, mais avant tout pour rappeler, je cite ce quil disait dans sa campagne, que « gouverner ce nest pas se contenter de gérer lEtat, mais engager des réformes durables, celles qui ne se font pas en un jour, parce quelles transforment le corps social en profondeur « .
Michel CREPEAU fut un militant convaincu de lUnion de la gauche. Il en fut, par une volonté clairement affirmée et constamment renouvelée, un des partisans les plus déterminés. Et dabord dans sa ville. Sil lui arrivait de bousculer ses partenaires, venait toujours pour lui le moment de faire prévaloir ce qui rassemblait sur ce qui séparait. Fidèle à cette union, il resta, jusque dans les heures dadversité, un allié loyal du parti socialiste.
Cest sa voix qui appela dabord, au matin du 27 avril 1981, à voter pour François MITTERRAND au second tour des élections présidentielles, contribuant à la victoire du 10 mai 1981. De 1981 à 1986, il appartint à tous les gouvernements de la gauche, comme ministre de lEnvironnement, ministre du commerce, de lartisanat et du tourisme, enfin Garde des sceaux.
Ferme dans ses convictions, mais toujours soucieux de lunion des forces de gauche, il était, depuis juin 1997, à la tête du groupe Radical Citoyen et Vert, de ces hommes et de ces femmes qui font vivre la majorité plurielle. Sa passion du débat politique, son goût des échanges vifs jusquà la polémique, sa volonté de dialogue, son sens du respect dû à chacun, le portaient, mieux que tout autre, à jouer ce rôle.
Mais son rôle premier, celui auquel il consacra tout son talent et son énergie, fut celui de maire de La Rochelle.
Michel CREPEAU fut un grand maire. Rochelais dadoption, il a longtemps rêvé de cette responsabilité. On dit volontiers ici quun soir, du haut des tours de la ville, il jura den devenir le premier magistrat. Cest en donnant, pour La Rochelle, sa vision dun urbanisme à léchelle humaine et en faisant partager son projet quil put, en 1971, donner corps à ce rêve. Rarement un homme se sera à ce point identifié à sa ville ; rarement une cité se sera reconnue à ce point dans son maire.
Michel CREPEAU avait fait sienne la définition de la politique que donnait Aristote : « lart de gouverner pour le bonheur « . Sa quête du bonheur, il la partageait. Elle le conduisit à innover sans relâche pour embellir la ville et améliorer la vie des Rochelais. Avant tout le monde, il sut faire de lenvironnement une priorité politique. Les arbres, les vélos gratuits, les rues piétonnes, le véhicule électrique, la journée sans voitures : tout cela traduisait une façon de penser la ville autrement. Il fut en cela un vrai précurseur. Et cest la modernité de cette vision de la ville qui le mena naturellement au ministère de lenvironnement, en 1981.
Michel CREPEAU était un bâtisseur. Il travailla avec obstination à aménager sa ville, à en développer le port, à louvrir sur sa région comme aux vents du grand large : la venue du TGV, le port des Minimes, le pont de lîle de Ré sont les fruits de cette volonté. Conscient que lavenir dune ville, comme celui dun pays, réside dans lenseignement et lapprofondissement des savoirs, il voulut à tout prix faire de La Rochelle une ville universitaire. Son enthousiasme sut me convaincre den faire, avec Claude ALLEGRE à mes côtés, la première université nouvelle du Plan Université 2000. LInstitut Universitaire de Technologie de La Rochelle fut sa dernière oeuvre dans ce domaine - et une de ses plus grandes fiertés.
Michel CREPEAU fut un inlassable artisan du rayonnement culturel de cette si belle ville : y attirant les artistes des Francofolies, les amateurs du cinéma mondial, et, avec le Grand Pavois, les amoureux de locéan. Autour dun magnifique coeur urbain darchitecture classique et baroque, il a transformé et modernisé en profondeur La Rochelle. Les quartiers de la Ville en Bois, du quai du Gabut, ainsi que ceux qui sétendent de lEncan à la nouvelle Université, portent sa marque.
En ce printemps où reverdissent les arbres quil a plantés, Michel CREPEAU est présent partout dans La Rochelle. Présent dans les jardins ouvriers quil a voulu multiplier, présent dans les lieux de culture quil a créés, présent dans les chantiers quil a engagés.
Au-delà du responsable politique, cest un homme fraternel que perdent les habitants de La Rochelle. Ceux pour qui il a voulu une ville généreuse, humaine, superbe dans la lumière magnifique de ce pays dAunis, lui sont restés pendant vingt-huit ans fidèles. Il a su nouer cette relation particulière, en sadressant à eux, avec un style si direct et chaleureux, dans sa « Lettre du maire « .
Ceux qui lont connu le diront tous : Michel CREPEAU portait sur ses concitoyens un regard plein de fraternité. Celle du mouvement naturel dun coeur généreux, dune conviction fondée sur la raison, dune exigence de morale républicaine.
Pour nous tous, réunis ce matin, Michel CREPEAU fut un ami.
Lami, cétait tout dabord celui des anciens du Lycée de Rochefort, celui de toute une génération de Charentais engagés dans la vie politique, que son sourire, son sens de la fête, son goût des plaisirs de la vie ont toujours réunis autour de lui. Ils se reconnaîtront ici. Michel CREPEAU vouait à lamitié un véritable culte, qui ignorait les différences et les différends politiques.
Lami, cétait aussi celui qui faisait le lien entre les différentes composantes de la gauche, qui savait notamment accueillir chaleureusement luniversité dété du Parti socialiste. Grâce à lui, à son hospitalité, à son amitié, les socialistes se sont toujours senti chez eux, à La Rochelle.
Pour moi, lami, cétait lhôte attentif, le camarade joyeux des tables partagées, le compagnon vif et malicieux, mon guide dans les rues de votre ville ; cétait aussi le politique, dont jappréciais lexpérience, le discernement, la capacité de distance à légard des modes du moment, la fidélité sans faille à ses valeurs, à nos valeurs.
Car Michel CREPEAU était lami de la vérité. Cette vérité quil a toujours recherchée, et quil revendiquait pour son pays. « La vérité de la France, « disait-il à lAssemblée encore, lors dun débat sur notre histoire récente, « elle a été, elle est, et elle doit demeurer celle dun peuple fondé sur les principes républicains, du respect des droits de lHomme, de la lutte contre le racisme, de la fraternité entre les peuples. «
Cette exigence de vérité qui fut la sienne, quelle demeure au coeur de cette ville, quelle reste intimement liée à son souvenir en chacun de nous.
(Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 07 avril 1999)
Déclaration de Lionel Jospin
Paris, le 30 mars 1999
J'apprends avec une immense tristesse le décès de Michel CREPEAU, victime d'un accident cardiaque la semaine dernière dans l'hémicycle du Palais-Bourbon.
La ville de La Rochelle perd celui qui depuis 1971 a mis sa passion, ses idées et son énergie créatrice au service de ses concitoyens.
L'Assemblée nationale perd un grand parlementaire, homme de convictions, orateur inlassable, écouté et respecté dans ses indignations comme dans ses enthousiasmes.
La majorité, la gauche, perdent un compagnon de toutes les luttes et, comme responsable politique ou comme ministre, un acteur et un artisan des grandes étapes d'une histoire commune.
Je perds un ami
Michel CREPEAU nous manquera.
Je rends hommage à l'humaniste, au militant, et je dis à sa famille, à ses proches, à ses amis du Parti radical de gauche ma peine et mon affection.
(Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 07 avril 1999)
Hommage de M. Lionel JOSPIN, Premier ministre, à Michel CREPEAU
le 1er avril 1999
Mesdames, Messieurs,
Chers Amis,
Chère Annie,
Vous mavez choisi, pour porter la parole, pour témoigner de tout ce qua fait, de tout ce qua été Michel CREPEAU, et pour exprimer lémotion de tous. De ce choix, je mesure lexigence.
Comment trouver les mots justes pour évoquer le lien, si particulier et si fort, qui unissait Michel CREPEAU à La Rochelle, moi qui y suis venu souvent, mais comme un passant ? Comment restituer le sens du parcours de cet homme, moi qui ne lai connu que dans la force de lâge ?
Vous, ses parents, ses amis, ses proches collaborateurs, ses camarades de lutte politique, citoyens de sa ville, vous sauriez faire revivre sa figure. A ces hommages, que nous nentendrons pas aujourdhui, mais que par votre présence vous rendez en silence, je joins le mien. Il va à lorateur inspiré par tant didéaux partagés, au militant des luttes communes, à lhumaniste amoureux de la vie, et aussi à lami.
Avec Michel CREPEAU, cest une voix vive et incisive qui sest tue. Une voix au timbre singulier, où pointait toujours lhumour aiguisé, où perçait souvent lironie, où éclatait parfois une vraie gouaille. La voix dun homme dont le franc-parler, la verve, le sens de la formule traduisaient une sagesse fondée sur lintime connaissance des hommes. Une voix devenue familière à de très nombreux Français.
Cétait aussi la voix de lavocat, inscrit à vingt-cinq ans au barreau de La Rochelle, et qui resta toujours attaché à la défense des droits de la personne humaine. Lycéen à Rochefort, brillant étudiant en droit à Bordeaux, nourri de MONTAIGNE, il aimait les Lumières, Montesquieu, bien sûr, mais aussi DIDEROT, Voltaire et Rousseau, quil citait volontiers.
Cette voix était enfin celle dun grand orateur, au discours brillant, enflammé parfois, coulant la pensée du juriste dans le moule de formules acérées, sachant -par modestie ? par habileté ? les deux à la fois ?- exprimer la profondeur de sa réflexion politique sous un trait desprit. Parlant sans note, avec une aisance qui forçait ladmiration sur tous les bancs de lAssemblée Nationale, il était devenu une des grandes figures parlementaires de la cinquième République. Nombreux sont ceux qui, comme moi, se rappellent avec quel brio il répondit, au nom du groupe Radical Citoyen et Vert, à ma déclaration de politique générale, dans la nouvelle assemblée issue des élections de juin 1997.
Cette voix, cest à lAssemblée nationale que nous lavons entendue pour la dernière fois, interrogeant, toujours avec la même force, mais aussi la même précision, le Gouvernement.
Comment ne pas être tenté de voir, dans ces minutes dramatiques, lultime message dune vie quil consacra passionnément à son engagement politique ?
Cest une grande figure du radicalisme qui quitte nos rangs. Né dans la Vendée républicaine, fils dun inspecteur de lécole primaire, il avait été nourri des idéaux de laïcité de lécole de Jules FERRY. Cest aux côtés de sa mère quil assista à ses premières réunions politiques. Militant dès lâge de dix-huit ans, il fut pendant un demi-siècle de tous les combats de la Gauche.
Lorsquen 1972 il fonda, avec Robert FABRE, le Mouvement des Radicaux de Gauche, dont il devint le président six années plus tard, cest lhéritage de Pierre MENDES-FRANCE quil revendiquait, celui dune gauche « humaniste et radicale « . Radical, Michel CREPEAU létait par son attachement à la liberté, aux libertés, dont il sétait fait le héraut. Il létait aussi par lindépendance - desprit comme daction - dont il faisait preuve en chaque occasion. Il létait enfin par sa truculence, par ses éclats de rire où affleurait la satire de celui qui disait, dans le droit fil des attaques dALAIN contre la bureaucratie : « le rire est lantidote de la technocratie « . Il riait beaucoup.
Il fut candidat aux élections présidentielles de 1981. Il le fut pour y représenter la grande tradition radicale, celle de Léon GAMBETTA, de Joseph CAILLAUX, de Georges CLEMENCEAU. Il le fut non seulement pour faire entendre la voix du pragmatisme et du bon sens, mais avant tout pour rappeler, je cite ce quil disait dans sa campagne, que « gouverner ce nest pas se contenter de gérer lEtat, mais engager des réformes durables, celles qui ne se font pas en un jour, parce quelles transforment le corps social en profondeur « .
Michel CREPEAU fut un militant convaincu de lUnion de la gauche. Il en fut, par une volonté clairement affirmée et constamment renouvelée, un des partisans les plus déterminés. Et dabord dans sa ville. Sil lui arrivait de bousculer ses partenaires, venait toujours pour lui le moment de faire prévaloir ce qui rassemblait sur ce qui séparait. Fidèle à cette union, il resta, jusque dans les heures dadversité, un allié loyal du parti socialiste.
Cest sa voix qui appela dabord, au matin du 27 avril 1981, à voter pour François MITTERRAND au second tour des élections présidentielles, contribuant à la victoire du 10 mai 1981. De 1981 à 1986, il appartint à tous les gouvernements de la gauche, comme ministre de lEnvironnement, ministre du commerce, de lartisanat et du tourisme, enfin Garde des sceaux.
Ferme dans ses convictions, mais toujours soucieux de lunion des forces de gauche, il était, depuis juin 1997, à la tête du groupe Radical Citoyen et Vert, de ces hommes et de ces femmes qui font vivre la majorité plurielle. Sa passion du débat politique, son goût des échanges vifs jusquà la polémique, sa volonté de dialogue, son sens du respect dû à chacun, le portaient, mieux que tout autre, à jouer ce rôle.
Mais son rôle premier, celui auquel il consacra tout son talent et son énergie, fut celui de maire de La Rochelle.
Michel CREPEAU fut un grand maire. Rochelais dadoption, il a longtemps rêvé de cette responsabilité. On dit volontiers ici quun soir, du haut des tours de la ville, il jura den devenir le premier magistrat. Cest en donnant, pour La Rochelle, sa vision dun urbanisme à léchelle humaine et en faisant partager son projet quil put, en 1971, donner corps à ce rêve. Rarement un homme se sera à ce point identifié à sa ville ; rarement une cité se sera reconnue à ce point dans son maire.
Michel CREPEAU avait fait sienne la définition de la politique que donnait Aristote : « lart de gouverner pour le bonheur « . Sa quête du bonheur, il la partageait. Elle le conduisit à innover sans relâche pour embellir la ville et améliorer la vie des Rochelais. Avant tout le monde, il sut faire de lenvironnement une priorité politique. Les arbres, les vélos gratuits, les rues piétonnes, le véhicule électrique, la journée sans voitures : tout cela traduisait une façon de penser la ville autrement. Il fut en cela un vrai précurseur. Et cest la modernité de cette vision de la ville qui le mena naturellement au ministère de lenvironnement, en 1981.
Michel CREPEAU était un bâtisseur. Il travailla avec obstination à aménager sa ville, à en développer le port, à louvrir sur sa région comme aux vents du grand large : la venue du TGV, le port des Minimes, le pont de lîle de Ré sont les fruits de cette volonté. Conscient que lavenir dune ville, comme celui dun pays, réside dans lenseignement et lapprofondissement des savoirs, il voulut à tout prix faire de La Rochelle une ville universitaire. Son enthousiasme sut me convaincre den faire, avec Claude ALLEGRE à mes côtés, la première université nouvelle du Plan Université 2000. LInstitut Universitaire de Technologie de La Rochelle fut sa dernière oeuvre dans ce domaine - et une de ses plus grandes fiertés.
Michel CREPEAU fut un inlassable artisan du rayonnement culturel de cette si belle ville : y attirant les artistes des Francofolies, les amateurs du cinéma mondial, et, avec le Grand Pavois, les amoureux de locéan. Autour dun magnifique coeur urbain darchitecture classique et baroque, il a transformé et modernisé en profondeur La Rochelle. Les quartiers de la Ville en Bois, du quai du Gabut, ainsi que ceux qui sétendent de lEncan à la nouvelle Université, portent sa marque.
En ce printemps où reverdissent les arbres quil a plantés, Michel CREPEAU est présent partout dans La Rochelle. Présent dans les jardins ouvriers quil a voulu multiplier, présent dans les lieux de culture quil a créés, présent dans les chantiers quil a engagés.
Au-delà du responsable politique, cest un homme fraternel que perdent les habitants de La Rochelle. Ceux pour qui il a voulu une ville généreuse, humaine, superbe dans la lumière magnifique de ce pays dAunis, lui sont restés pendant vingt-huit ans fidèles. Il a su nouer cette relation particulière, en sadressant à eux, avec un style si direct et chaleureux, dans sa « Lettre du maire « .
Ceux qui lont connu le diront tous : Michel CREPEAU portait sur ses concitoyens un regard plein de fraternité. Celle du mouvement naturel dun coeur généreux, dune conviction fondée sur la raison, dune exigence de morale républicaine.
Pour nous tous, réunis ce matin, Michel CREPEAU fut un ami.
Lami, cétait tout dabord celui des anciens du Lycée de Rochefort, celui de toute une génération de Charentais engagés dans la vie politique, que son sourire, son sens de la fête, son goût des plaisirs de la vie ont toujours réunis autour de lui. Ils se reconnaîtront ici. Michel CREPEAU vouait à lamitié un véritable culte, qui ignorait les différences et les différends politiques.
Lami, cétait aussi celui qui faisait le lien entre les différentes composantes de la gauche, qui savait notamment accueillir chaleureusement luniversité dété du Parti socialiste. Grâce à lui, à son hospitalité, à son amitié, les socialistes se sont toujours senti chez eux, à La Rochelle.
Pour moi, lami, cétait lhôte attentif, le camarade joyeux des tables partagées, le compagnon vif et malicieux, mon guide dans les rues de votre ville ; cétait aussi le politique, dont jappréciais lexpérience, le discernement, la capacité de distance à légard des modes du moment, la fidélité sans faille à ses valeurs, à nos valeurs.
Car Michel CREPEAU était lami de la vérité. Cette vérité quil a toujours recherchée, et quil revendiquait pour son pays. « La vérité de la France, « disait-il à lAssemblée encore, lors dun débat sur notre histoire récente, « elle a été, elle est, et elle doit demeurer celle dun peuple fondé sur les principes républicains, du respect des droits de lHomme, de la lutte contre le racisme, de la fraternité entre les peuples. «
Cette exigence de vérité qui fut la sienne, quelle demeure au coeur de cette ville, quelle reste intimement liée à son souvenir en chacun de nous.
(Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 07 avril 1999)