Texte intégral
Le souci de la Défense nationale est au cur même de la fonction présidentielle. Cest sur la détermination du Président de la République que repose la crédibilité de notre dissuasion, ultime garantie de la paix. Il est donc naturel que le débat sur lavenir de notre défense se noue, au moment où les Français sont invités, lors de lélection présidentielle, à faire connaître leur volonté.
La défense conditionne la pérennité de la nation, sa capacité à faire respecter sa liberté, la manière dont elle entend, avec ses partenaires européens, construire une communauté de destin.
La défense doit être laffaire de tous. Chacun doit pouvoir comprendre pourquoi nous avons besoin dune défense et ce que nous devons attendre de la politique de défense. Cest sur une vision claire de ces enjeux que peut se construire la meilleure des défenses : celle qui senracine dans la confiance des citoyens.
Quels sont ces enjeux, aujourdhui et demain ?
Lhistoire nous enseigne que le plus grand danger est toujours dapprécier les menaces daujourdhui avec les moyens dhier. Leffort de défense suppose une capacité danticipation.
Le monde daujourdhui ne ressemble nullement à celui qui nous avait été promis à la fin des années quatre-vingt, quand le rideau de fer qui séparait lEurope sest brisé. Ni la fin des antagonismes, ni lépuisement des rivalités Est-Ouest dans le monde nont accouché dun monde tranquille. Les guerres qui ont suivi la disparition de lURSS ont été plus nombreuses et au total aussi meurtrières que celles de la guerre froide.
Cest pourquoi jentends, à partir de lanalyse des menaces daujourdhui, maintenir et adapter notre effort de défense, appuyé sur une confiance renouvelée entre les citoyens et la défense.
I - Les menaces daujourdhui
Le réveil des nationalismes, la crise ouverte du Proche et du Moyen-Orient, lâpreté de la compétition pour les matières premières et lénergie, demain sans doute les conflits pour laccès à leau, le réchauffement climatique et le creusement des inégalités Nord-Sud dessinent un univers dangereux, où la paix doit relever de nouveaux défis. Mais ce sont la prolifération, le terrorisme et les nouveaux désordres du monde qui constituent les menaces les plus tangibles.
1. La prolifération
La prolifération concerne les armes nucléaires, chimiques, biologiques, ainsi que les moyens balistiques.
La prolifération nucléaire est la plus inquiétante. La communauté internationale, depuis le Traité de non prolifération, a pu contenir, à quelques exceptions près, ce mouvement préoccupant. Mais cet effort est mis à lépreuve aujourdhui, malgré les signes encourageants sur la Corée du Nord.
Laccès de lIran à larme nucléaire et à ses vecteurs serait un signal redoutable. Nous sommes à un tournant : le principe de non-prolifération est mis à lépreuve. La France doit faire le choix dune fermeté sans faille pour que lIran, qui a signé le traité de non prolifération nucléaire, adopte un comportement de membre responsable de la communauté internationale et se soumette aux contrôles de lAgence internationale de lénergie atomique. Car si cette limite était franchie, lavalanche des conséquences et de la nucléarisation ne pourrait plus être arrêtée.
En tout état de cause, le risque de prolifération, de développement darmes de destruction massive, nucléaires, bactériologiques ou chimiques, associées à des vecteurs balistiques ou des missiles de croisière, forme un tableau des menaces daujourdhui, qui nont plus grand chose à voir avec celles de la guerre froide.
2. Le terrorisme
De la même façon, le développement du terrorisme fait partie des risques que doit résolument affronter la France.
Je nentends pas mettre mes pas dans ceux de ladministration américaine, qui semble faire du terrorisme une menace de même nature que celle des conflits Est-Ouest dhier. Ce nest pas le déploiement inconsidéré de la force à travers des opérations préventives unilatérales qui réduira cette menace. La réponse doit être aussi politique et tiendra dans la nature des relations que nous établirons avec le monde arabo-musulman. Il faudra assécher le terreau des rancurs et des humiliations sur lequel prospèrent les intégrismes et les terrorismes. Comme je lai dit le 11 février dernier en présentant mon Pacte présidentiel, notre politique étrangère liera étroitement le souci de la justice à légard du peuple palestinien et son droit à un Etat viable, et celui de la sécurité à laquelle a légitimement droit le peuple israélien.
Mais nous devons voir le monde tel quil est. La France pourra nouer une véritable alliance pour le progrès avec les pays de cette région, faisant le pari de la modernité, au service de la justice économique et politique. Mais elle ne pourra pas faire limpasse sur les rancurs que cette politique pourrait soulever dans les milieux intégristes hostiles à toute ouverture, et acharnés à creuser le fossé entre le Sud et le Nord.
Nous devons être prêts à faire face à toute menace terroriste dampleur visant la France, ses approvisionnements, mais aussi ses réseaux délectricité, deau potable, de transports, de télécommunications
Notre système de défense doit être préparé à protéger les Français contre les risques dattentats.
3. Le désordre du monde
Le désordre du monde et le déséquilibre des forces génèrent un univers instable.
Le monde nest pas plus sûr après lintervention américaine en Irak : le terrorisme fanatique a trouvé de nouveaux renforts, la guerre civile fait rage, lunité de lIrak compromise menace toute la région, le leadership iranien pose de nouvelles questions, au Liban comme en Palestine.
Le monde nest pas plus sûr en Afrique, même si des conflits pendants depuis des années ont trouvé récemment une issue. Le drame du Darfour, la situation en Côte dIvoire, nous rappellent que nous navons pas droit à lindifférence. Et la pauvreté qui saggrave est source de fortes menaces, de déplacements massifs de populations, de migrations de la misère. Laide au développement est le plus sûr chemin vers la paix.
En Asie, les tensions entre lInde et le Pakistan ne sont pas apaisées, la stabilité de lAfghanistan nest pas assurée et le Japon et la Chine sinquiètent de la recherche dun nouvel équilibre en Extrême-Orient.
En Europe même, nous devons rester vigilants face aux risques de résurgence des passions dans les Balkans ou aux lisières de lUnion européenne.
Le traitement des crises par lOrganisation des Nations Unies, qui est la règle, est biaisé par le fait que seule une puissance, les Etats-Unis, est capable de projections de forces où que ce soit dans le monde, même et y compris sans laccord du Conseil de sécurité.
La France et lEurope sont attachées au multilatéralisme. Puissances militaires mais sans ambition impériale, elles entendent contribuer à la sécurité collective fondée sur le respect du droit international.
Cette situation invite à un effort de défense adapté aux réalités daujourdhui et de demain. Nous ne pouvons nous contenter de perpétuer des programmes conçus dans un contexte devenu obsolète. Nous ne pouvons pas faire léconomie dune réévaluation permanente de nos moyens, en fonction des menaces réelles. Il y a des choix à faire et cest la responsabilité du Président de la République de procéder aux arbitrages nécessaires, en en saisissant la nation et le Parlement, et en en expliquant la portée.
Cest pourquoi je souhaite quun nouveau livre blanc soit élaboré . Le précédent date de 1994.
Le lien armée-nation est essentiel. Jentends le fortifier.
La solidité de notre défense repose sur ladhésion de tous les Français aux principes qui la fondent. La professionnalisation ne doit pas aboutir à un desserrement du lien entre armée et nation.
Pour cela, il faut :
o que la politique de défense et la définition de loutil militaire fassent lobjet dun débat national qui ne reste pas confiné aux cercles dexperts ;
o que le Parlement dispose de moyens sérieux de contrôle et quil les exerce efficacement, afin de soustraire la défense au domaine réservé pour la réintégrer dans le domaine public ;
o que les militaires accèdent à la pleine citoyenneté ; les restrictions de tous ordres qui leur sont opposées seront levées.
o que la jeunesse soit associée à leffort collectif de défense à travers un service civique court qui pourrait comporter un volet militaire.
On ne saurait bien entendu prétendre se préoccuper de la sécurité de notre pays et commencer par opposer les Français entre eux ! Nous savons, depuis Valmy, que la défense de la patrie est lincarnation la plus ardente de la solidarité nationale, lexpression vivante dun attachement à des valeurs communes.
Lorsque la France est divisée, elle est faible. Lorsquelle réunit tous les siens, elle est forte. Dans ces conditions, cest toujours une faute pour qui brigue linvestiture suprême que de semer la discorde dans notre société, stigmatisant les uns, communautarisant les autres !
A cet égard, je veux incarner la continuité de lunité nationale car je sais que la République est la force de la France. Sans unité nationale, il ny a pas de politique de défense crédible et durable.
II Cest ainsi que jentends à la fois maintenir et adapter notre effort de défense.
1. La dissuasion
Au cur de notre dispositif la dissuasion garantit en dernier ressort notre liberté. Je veillerai à ce que cet outil indispensable de notre indépendance politique et diplomatique garde en permanence sa crédibilité et dispose des moyens de sa modernisation.
Notre dissuasion restera fondée sur le principe de stricte suffisance. Ni la fuite en avant dans la miniaturisation, ni la dérive vers des conceptions demploi ne seront tolérées même si nos armes doivent être adaptées en permanence pour tenir compte de lévolution des menaces. Dans les négociations internationales de désarmement, notre voix sera forte parce quelle sera fondée sur lexemple : nous nambitionnons pas de rivaliser avec les 7000 têtes américaines ou russes. Mais nous entendons garantir notre sécurité ultime, avec une dissuasion maintenue à son seuil de crédibilité.
La dissuasion nest pas une arme de bataille, cest larme du non-emploi. Elle rend irréaliste et déraisonnable toute idée dagression à lencontre de nos intérêts vitaux.
Le programme de simulation, remplaçant heureusement les essais nucléaires, sera poursuivi. Sagissant des vecteurs sous-marins et aériens, le renouvellement engagé, sera mené à bien, de même que la livraison du sous marin lance-engins de nouvelle génération.
Mais lhorizon 2015, qui borne ces programmes, est proche. Cest pourquoi je lancerai très vite un chantier de réflexion ouverte, associant les militaires, -tant lEtat-Major des Armées que la Délégation aux affaires stratégiques et la Délégation générale pour larmement-, les chercheurs, les universitaires, les diplomates, bien sûr le Parlement, et à travers lui tous les Français, pour préparer les choix concernant la dissuasion de laprès 2015.
2. La défense est globale
Les menaces nouvelles auxquelles nous aurons à faire face sont multiformes. Le terrorisme, la déstabilisation, venant dEtats ou de groupes non étatiques seront au premier rang.
Pour y faire face, il faudra renouer avec lidée forte selon laquelle toute défense est globale. Le renseignement, lintelligence économique, la défense du territoire, celle des réseaux de télécommunications, la protection de leau potable : tout se tient. Et le ciment - on ne le rappellera jamais assez - se nomme le civisme. Nous le savons depuis Thucydide, ce qui fait la force des cités, ce ne sont pas les murailles, mais la volonté des citoyens. Contre une menace terroriste dampleur, les équipements les plus modernes seront inaptes à protéger nos concitoyens.
Jattache donc une grande importance à lorganisation de la défense du territoire, au rôle de la gendarmerie et à celui des réserves. Non seulement la défense du territoire ne doit pas être perdue de vue, pour cause de multiplication des opérations extérieures, mais elle doit être mise à niveau compte tenu des réalités daujourdhui.
Le renseignement y contribue de manière décisive. Renseignement acquis depuis lespace : cest le but du programme Hélios II, qui bénéficie de la coopération avec lItalie la Belgique, lEspagne et lAllemagne. Mais aussi renseignement traditionnel, qui appelle plus de coopération entre les différentes directions qui en sont chargées. Jajoute que la France, comme les autres grandes démocraties du monde, mettra en place un dispositif de contrôle parlementaire sur les activités de renseignement. Non seulement ce contrôle ne nuira pas à lefficacité de ces services, comme les exemples étrangers le montrent, mais il leur conférera une légitimité dont ils ont besoin.
Les télécommunications sont un autre enjeu. Le satellite Syracuse III nous donne un bon niveau dautonomie stratégique.
Enfin, jinvite à considérer sans naïveté les enjeux de lintelligence économique. Nous devons protéger les capacités industrielles de nos secteurs vitaux. Nous devons en particulier veiller à la bonne santé du tissu de petites entreprises innovantes, maîtrisant des technologies clés. Notamment par lattribution de crédits de recherche. Ces entreprises ne doivent pas être livrées à des prédateurs qui peuvent être mal intentionnés. La sécurité économique est partie intégrante de notre défense.
Je veillerai à ce que la recherche militaire ait davantage de retombées dans le domaine civil. De très nombreux emplois directs et indirects en dépendent, notamment dans le domaine des nouveaux matériaux, des télécommunications, de linformatique, des transports, de la santé.
3. Notre effort de défense sera hiérarchisé
Jentends maintenir à son niveau actuel leffort de défense. Cest dire quà lintérieur de ce budget, une évaluation rigoureuse de ladaptation des moyens aux menaces sera de mise.
Par ailleurs, je veillerai à ce que toutes les coopérations européennes possibles soient recherchées avant le lancement dun programme.
Les discussions engagées avec la Grande-Bretagne ne permettent pas encore denvisager aujourdhui avec certitude la construction dun second porte-avions pour notre pays. Un gouvernement en fin de mandat et de législature ne saurait, en démocratie, vouloir rendre « irréversible », comme je lentends dire au sujet du deuxième porte-avions, un programme qui incombera entièrement à son successeur, et dont la nécessité de surcroît napparaît pas clairement établi sans visibilité sur ce que sera le futur modèle darmée. Surtout, le groupe aéronaval trouve dans la projection de force sur des théâtres extérieurs lointains sa principale justification. Or, la défense nationale ne signifie pas la multiplication sans discernement dopérations extérieures qui peuvent être fort éloignées de nos intérêts directs. Une juste appréciation de nos moyens et une conception différente de notre diplomatie, spécialement en direction du Proche et Moyen-Orient ou en direction de lAfrique, me conduisent à hiérarchiser nos priorités. Le calendrier préserve notre liberté de décision, puisque aujourdhui aucun choix irréversible na été fait et que les études, engagées ou fournies par les Britanniques, sont au stade préliminaire. La présence permanente en mer dun porte-avions est un objectif qui peut se réaliser en coopération avec les Britanniques.
Je ne veux pas lancer un programme qui, à budget constant, risquerait de conduire à mettre en cause la modernisation de la dissuasion, la sécurité et léquipement des personnels, la préparation de lavenir. Cette claire hiérarchisation de notre effort sera la garantie de sa réussite.
4. La dimension européenne
Pour les peuples européens, la sécurité de notre espace commun sera un enjeu croissant. Nous sentons bien, dailleurs, que lévolution internationale renforce ce sentiment : construire une défense européenne est perçu comme lune des voies de lavenir pour disposer des moyens, en particulier diplomatiques, de résister à larbitraire de rapports de forces inégaux, pour faire obstacle aux pratiques unilatérales qui reprennent pied sur la scène internationale, pour équilibrer la relation transatlantique.
Cest, aussi, un moyen pour les Européens de rationaliser et de renforcer leurs moyens militaires, en les mettant davantage en commun.
La France ne doit donc pas hésiter à faire le choix de linscription de sa politique de défense dans une politique européenne de sécurité et de défense. Je prendrai en ce sens des initiatives avec nos partenaires.
Dans une période cruciale pour lavenir de notre pays et de lEurope, jai conscience des responsabilités de la France. Notre pays doit soutenir lambition dune grande politique de défense au service de la sécurité européenne et de la paix dans le monde.
La défense européenne, depuis cinq ans, est en panne. Certes, et grâce notamment aux acquis de la période 1998-2002, des progrès ont été enregistrés au cours des dernières années : opérations symboliquement conduites sous drapeau européen en ex-Yougoslavie et en République démocratique du Congo, mise sur pied dune force de gendarmerie européenne, lancement de lAgence européenne de défense.
Mais la portée concrète de ces initiatives demeure très limitée, et les ambitions des sommets de Laeken et de Nice ont été perdues de vue, en particulier lobjectif dune force européenne de 60 000 hommes réellement opérationnelle. Les efforts se portent en pratique davantage sur la mise en place de la force de réaction rapide de lOTAN.
Pour sortir de cette confusion, et relancer lEurope de la défense, il convient davancer à la fois sur le terrain institutionnel et, surtout sans doute, sur celui des coopérations concrètes.
Un effort collectif et soutenu en matière de recherche et la convergence des politiques dacquisition déquipements est une absolue nécessité si lon veut sauvegarder et consolider une plate-forme industrielle de haute technologie en Europe. Nous en avons les capacités, et je voudrais saluer ici lensemble des personnels de notre industrie de défense, dont la compétence nous est plus que jamais indispensable.
Cette ambition appelle en outre, pour faire face à la concurrence internationale, la poursuite de lintégration de lindustrie européenne darmement .
Les programmes de recherche en matière déquipements militaires exigent une échelle de production capable de les amortir. Nous la trouverons en Europe, au fur et à mesure quy progressera la conscience de préparer une défense européenne de lEurope, quil sagisse de transport aérien militaire, de systèmes autorisant la distance, comme les drones, de missiles.
Loptimisation de leffort de défense a aussi une dimension européenne. Dans une Europe qui partage les mêmes intérêts de sécurité, la coordination industrielle, amorcée par lAgence Européenne de défense, peut prendre une nouvelle ampleur : planification commune de leffort de recherche-développement ; exigence dinteropérabilité pour les commandes nationales de matériels militaires ; partage des capacités industrielles, dans lidée que la sécurité des approvisionnements peut être mutualisée au niveau européen.
Sécurité dapprovisionnement européenne signifie autonomie de lEurope vis-à-vis des Etats-Unis dans le domaine de larmement. Lindustrie de larmement nest pas un champ de concurrence libre et égale, dans la mesure où laccès aux marchés, aux technologies, aux armements américains reste largement une affaire de souveraineté pour les Etats-Unis. Sans exclure la réciprocité, lEurope doit avoir les mêmes exigences, si elle veut, par exemple, faire émerger des architectures de systèmes de défense dotés de la taille critique et compétitifs.
Leffort spatial européen enfin est aujourdhui menacé de stagnation. La France a longtemps joué un rôle de leader dans ce domaine. Dautres, en Allemagne, en Italie, en Espagne ou en Belgique, nous ont suivis. Le Royaume Uni a ses programmes de communication. Nous navons guère, aujourdhui, dans notre pays, de perspectives, après larrivée en service des équipements conçus sous de précédents gouvernements de gauche, dans le domaine du renseignement ou des télécommunications. La loi de programmation actuelle est pratiquement muette sur ce sujet. La France et lEurope doivent être présentes dans le secteur spatial, en particulier de lobservation, sous peine de remettre leur sécurité à dautres. On le voit bien avec lélan pris par dautres pays hors dEurope, sur dautres continents, les Etats-Unis bien sûr, mais aussi la Chine, lInde », le Japon. Serons-nous absents ? Pour moi, certainement pas !
Devant le désordre du monde, nous devons faire émerger en Europe un acteur stratégique indépendant. LOTAN na pas vocation à le devenir. Nous resterons fidèles à chacun de nos engagements souscrits dans le Traité de lAtlantique Nord. Mais la France veillera, avec moi, à ce que lOTAN ne dérive pas vers un rôle de gendarme du monde, se substituant à lO.N.U., ce quelle nest pas et ne peut pas être. En Europe, les intérêts de sécurité convergent. Ce nest pas toujours le cas avec les Etats-Unis. Nous ne sommes pas exposés de la même façon. Au contraire, nous pouvons lêtre davantage si nous nous laissons enrôler dans une guerre de civilisations dont je récuse lidée.
Le maintien du statut spécifique de la France, garant de lindépendance de nos choix de sécurité, implique que nous sachions résister aux tropismes dextension permanente des champs dactions et des domaines dintervention de lOTAN. Certains de nos partenaires européens peuvent être tentés de ne prendre dengagements quà lintérieur de lOTAN. Jen débattrai avec eux, sans arrogance et sans préjugé. Jentends les convaincre par la preuve. Par la réussite des programmes de défense que nous mènerons ensemble via lAgence européenne de défense, mais aussi par le dialogue politique sur la défense de lEurope que je proposerai à nos partenaires.
La nécessité dune défense européenne simpose donc. Comme le soulignait François Mitterrand dans son discours de Strasbourg en janvier 1995, ce projet « est une grande ambition, un objectif qui peut paraître irréalisable, en tout cas de longue haleine, et pourtant il faudra bien le faire ! ».
Lancrage dans les institutions européennes est source de légitimité, lappui sur les dispositifs militaires des grandes puissances européennes est source defficacité.
Une Europe forte est en outre la condition sine qua non dune relation transatlantique équilibrée, harmonieuse et donc durable. Le renforcement de la défense européenne doit ainsi contribuer à la solidité de lAlliance atlantique.
III -Renouveler la confiance entre les citoyens et la défense
Assurer la sécurité de nos concitoyens, contribuer à la paix dans le monde, c??est une tâche exaltante. Elle ne peut être menée à bien que si un pacte de confiance unit les citoyens à ceux qui ont accepté la charge de la défense.
1. Le service civique
La disparition du service national a indéniablement distendu le lien entre la Nation et son armée. Or, notre pays ne peut accomplir leffort demandé que si cet effort est compris et partagé. Cest pourquoi, le service civique qui sera créé pourra avoir une dimension de formation de base aux missions de protection civile et de défense du territoire. Il pourra déboucher sur des volontariats service long de dix-huit à vingt-quatre mois. Il faut rétablir le contact entre les jeunes générations et larmée de la République. La défense ne peut rester étrangère à leurs préoccupations. Et nos armées doivent conserver ce lien vivant avec les jeunes citoyens. La politique de formation et de recrutement des réserves militaires accentuera son effort en direction des jeunes Françaises et Français qui souhaitent donner un sens concret à un engagement pour la défense de leur pays.
2. Les choix budgétaires
Le budget actuel de la défense correspond à 2% du produit intérieur brut. Dans un environnement où, pour lopinion, la paix à nos frontières semble établie, leffort paraît important. Jentends pourtant le maintenir, car les menaces ont changé mais nont pas disparu. Les ambitions quil faut nourrir pour une Europe indépendante ne peuvent se passer dun effort suffisant de défense. Nous ne pouvons nous en remettre à dautres du soin de nous défendre si nous voulons construire un destin de liberté. Cette liberté a un coût. Cest à lintérieur de cet effort quil faudra procéder aux redéploiements nécessaires.
Une défense efficace nest pas un empilement de programmes, poursuivis simplement parce que lhabitude sen était prise. Ce nest pas non plus la remise en cause permanente des choix, du fait dopérations extérieures imprévues. Gouverner, cest choisir, ce nest pas subir, ni le fardeau du passé, ni les contraintes de limprovisation. Cest une anticipation, une volonté, et une réévaluation permanentes. Jy veillerai.
3. La condition militaire
La condition militaire mérite une grande attention. Le métier des armes nest pas un métier comme les autres. Ceux qui ont choisi cet engagement savent quil peut aller jusquau sacrifice suprême. Et je veux saluer ici la mémoire de nos soldats morts ou grièvement blessés, tout récemment, en Afghanistan, en Côte dIvoire, en ex-Yougoslavie. Ma pensée va également à tous ceux qui sont engagés sur ces théâtres dopérations extérieures, et dabord au sud Liban, au service de la Force intérimaire des Nations Unies renforcée, à laquelle jai récemment rendu visite.
Je veux rendre hommage aux 437.000 hommes et femmes de la défense, militaires des trois armées, de la gendarmerie, des services communs et les personnels civils. Ils sont la force vive de notre défense. Par leur travail, leur professionnalisme, leur engagement au service de notre sécurité collective et leur dévouement entier au service de la Nation, de ses valeurs et de ses intérêts, ils ont conquis le respect des Français et méritent la reconnaissance de la Nation. Jentends également revaloriser le rôle du personnel civil qui contribue de manière essentielle au maintien de la compétence technique et au soutien des forces, ainsi que celui des personnels civils et militaires des écoles militaires donnent une formation de qualité à nos officiers et sous-officiers. Je noublie pas non plus le rôle essentiel des personnels médicaux.
Le recrutement, la formation, les conditions de vie des personnels de la défense méritent dêtre sérieusement améliorés. Le premier rapport du Haut comité dévaluation de la condition militaire remis le 8 février dernier, trace des orientations utiles : en matière de niveau de vie, de logement, de reconversions. Il marque les sujétions particulières de létat militaire sur la situation familiale, la forte mobilité géographique quelle implique, et ce décalage croissant avec lévolution générale de la société.
Les difficultés sont bien connues par les militaires, mais je tiens à rappeler ici les plus pesantes : disponibilité insuffisante de logements corrects et adaptés dans certaines garnisons ; accès à la propriété ; ou emploi des conjoints. Tout ceci pèse directement sur le revenu des foyers de militaires, je pense notamment au taux demploi des femmes de militaires inférieur de dix points à la moyenne des Françaises et au taux de chômage des conjoints de militaires deux fois plus élevé que celui de la moyenne des Français. Nous préparerons un plan densemble de soutien de la condition sociale et professionnelle des militaires avec des volets formation, logement, famille et reconversion.
Sur le terrain des droits professionnels, la représentation des militaires verra se généraliser lélection dans les instances de concertation.
Lengagement des militaires doit rencontrer la reconnaissance de la République. Ce sera lune de mes préoccupations. Je veux que lattractivité de la condition militaire soit nettement améliorée.
4. Mieux associer le Parlement aux choix, notamment en matière dopérations extérieures
Le Parlement sera plus étroitement associé aux décisions concernant la défense. Jai évoqué le contrôle des activités de renseignement. Mais je veux surtout souligner que je nengagerai quavec discernement nos armées dans des opérations extérieures. Certaines sont indispensables pour préserver la paix, empêcher des affrontements meurtriers, ou contribuer à lexécution des résolutions des Nations Unies. Jassocierai le Parlement au contrôle de ces opérations extérieures. De même, en ce qui concerne les exportations darmement, les parlementaires, regroupés dans un cadre approprié, recevront des informations complètes et actualisées sur ces ventes et se verront faciliter laccès aux directives et décisions relatives au contrôle des exportations.
Nos opérations extérieures doivent être acceptées à la fois par les populations concernées et par les Français. Elles ne sont acceptables que si elles sont au service de solutions politiques justes et ont pour objectif le rétablissement de la stabilité et de la paix. Elles ne peuvent intervenir que sur une base juridique claire. Elles comprennent, significativement et légitimement, des interventions de sécurité civile, de protection des populations ou dappui aux actions humanitaires des ONG.
5. Le lien armée - nation
La force de larmée est dans son union étroite avec la nation. Cest encore aujourdhui la condition de leffort consenti par le pays pour sa défense. La professionnalisation des armées ne dispense nullement du renforcement du lien entre la Nation et son armée. Elle appelle au contraire à tisser des liens nouveaux entre les citoyens et les armées, et, par léducation civique, à faire comprendre le rôle actuel de la défense. Il est nécessaire par exemple de repenser lenseignement de défense inscrit aux programmes des établissements scolaires et universitaires et de renforcer le contenu civique des Journées dappel et de préparation à la défense. Ce sera fait.
La perspective européenne ne soppose pas au sentiment national ; elle sera le prolongement dune citoyenneté bien comprise. De la même façon, la naissance dune Europe de la défense, vraiment européenne, adviendra parce que la France aura tenu bon pendant longtemps sur lindépendance de ses moyens. Les deux mouvements vont de pair. Au lieu de les opposer, je les ferai converger au service de la paix et de la sécurité en Europe.
La France nest pas une puissance pacifiste ; cest une puissance pacifique. Elle ne menace personne mais ne baissera pas la garde devant les nouvelles menaces.
Elle préparera avec sincérité et espoir lémergence dune défense européenne indépendante, fondée sur leffort propre des Européens. Avant que cette étape ne soit atteinte, elle maintiendra et modernisera loutil de défense nationale.
Ainsi seront garanties la sécurité de nos concitoyens et celle de la France. Ainsi nous stabiliserons la paix en Europe. Ainsi nous contribuerons à la paix du monde.
Tel est le but de notre défense.
Vive la République, vive le France.
Source http://www.desirdavenir.org, le 14 mars 2007
La défense conditionne la pérennité de la nation, sa capacité à faire respecter sa liberté, la manière dont elle entend, avec ses partenaires européens, construire une communauté de destin.
La défense doit être laffaire de tous. Chacun doit pouvoir comprendre pourquoi nous avons besoin dune défense et ce que nous devons attendre de la politique de défense. Cest sur une vision claire de ces enjeux que peut se construire la meilleure des défenses : celle qui senracine dans la confiance des citoyens.
Quels sont ces enjeux, aujourdhui et demain ?
Lhistoire nous enseigne que le plus grand danger est toujours dapprécier les menaces daujourdhui avec les moyens dhier. Leffort de défense suppose une capacité danticipation.
Le monde daujourdhui ne ressemble nullement à celui qui nous avait été promis à la fin des années quatre-vingt, quand le rideau de fer qui séparait lEurope sest brisé. Ni la fin des antagonismes, ni lépuisement des rivalités Est-Ouest dans le monde nont accouché dun monde tranquille. Les guerres qui ont suivi la disparition de lURSS ont été plus nombreuses et au total aussi meurtrières que celles de la guerre froide.
Cest pourquoi jentends, à partir de lanalyse des menaces daujourdhui, maintenir et adapter notre effort de défense, appuyé sur une confiance renouvelée entre les citoyens et la défense.
I - Les menaces daujourdhui
Le réveil des nationalismes, la crise ouverte du Proche et du Moyen-Orient, lâpreté de la compétition pour les matières premières et lénergie, demain sans doute les conflits pour laccès à leau, le réchauffement climatique et le creusement des inégalités Nord-Sud dessinent un univers dangereux, où la paix doit relever de nouveaux défis. Mais ce sont la prolifération, le terrorisme et les nouveaux désordres du monde qui constituent les menaces les plus tangibles.
1. La prolifération
La prolifération concerne les armes nucléaires, chimiques, biologiques, ainsi que les moyens balistiques.
La prolifération nucléaire est la plus inquiétante. La communauté internationale, depuis le Traité de non prolifération, a pu contenir, à quelques exceptions près, ce mouvement préoccupant. Mais cet effort est mis à lépreuve aujourdhui, malgré les signes encourageants sur la Corée du Nord.
Laccès de lIran à larme nucléaire et à ses vecteurs serait un signal redoutable. Nous sommes à un tournant : le principe de non-prolifération est mis à lépreuve. La France doit faire le choix dune fermeté sans faille pour que lIran, qui a signé le traité de non prolifération nucléaire, adopte un comportement de membre responsable de la communauté internationale et se soumette aux contrôles de lAgence internationale de lénergie atomique. Car si cette limite était franchie, lavalanche des conséquences et de la nucléarisation ne pourrait plus être arrêtée.
En tout état de cause, le risque de prolifération, de développement darmes de destruction massive, nucléaires, bactériologiques ou chimiques, associées à des vecteurs balistiques ou des missiles de croisière, forme un tableau des menaces daujourdhui, qui nont plus grand chose à voir avec celles de la guerre froide.
2. Le terrorisme
De la même façon, le développement du terrorisme fait partie des risques que doit résolument affronter la France.
Je nentends pas mettre mes pas dans ceux de ladministration américaine, qui semble faire du terrorisme une menace de même nature que celle des conflits Est-Ouest dhier. Ce nest pas le déploiement inconsidéré de la force à travers des opérations préventives unilatérales qui réduira cette menace. La réponse doit être aussi politique et tiendra dans la nature des relations que nous établirons avec le monde arabo-musulman. Il faudra assécher le terreau des rancurs et des humiliations sur lequel prospèrent les intégrismes et les terrorismes. Comme je lai dit le 11 février dernier en présentant mon Pacte présidentiel, notre politique étrangère liera étroitement le souci de la justice à légard du peuple palestinien et son droit à un Etat viable, et celui de la sécurité à laquelle a légitimement droit le peuple israélien.
Mais nous devons voir le monde tel quil est. La France pourra nouer une véritable alliance pour le progrès avec les pays de cette région, faisant le pari de la modernité, au service de la justice économique et politique. Mais elle ne pourra pas faire limpasse sur les rancurs que cette politique pourrait soulever dans les milieux intégristes hostiles à toute ouverture, et acharnés à creuser le fossé entre le Sud et le Nord.
Nous devons être prêts à faire face à toute menace terroriste dampleur visant la France, ses approvisionnements, mais aussi ses réseaux délectricité, deau potable, de transports, de télécommunications
Notre système de défense doit être préparé à protéger les Français contre les risques dattentats.
3. Le désordre du monde
Le désordre du monde et le déséquilibre des forces génèrent un univers instable.
Le monde nest pas plus sûr après lintervention américaine en Irak : le terrorisme fanatique a trouvé de nouveaux renforts, la guerre civile fait rage, lunité de lIrak compromise menace toute la région, le leadership iranien pose de nouvelles questions, au Liban comme en Palestine.
Le monde nest pas plus sûr en Afrique, même si des conflits pendants depuis des années ont trouvé récemment une issue. Le drame du Darfour, la situation en Côte dIvoire, nous rappellent que nous navons pas droit à lindifférence. Et la pauvreté qui saggrave est source de fortes menaces, de déplacements massifs de populations, de migrations de la misère. Laide au développement est le plus sûr chemin vers la paix.
En Asie, les tensions entre lInde et le Pakistan ne sont pas apaisées, la stabilité de lAfghanistan nest pas assurée et le Japon et la Chine sinquiètent de la recherche dun nouvel équilibre en Extrême-Orient.
En Europe même, nous devons rester vigilants face aux risques de résurgence des passions dans les Balkans ou aux lisières de lUnion européenne.
Le traitement des crises par lOrganisation des Nations Unies, qui est la règle, est biaisé par le fait que seule une puissance, les Etats-Unis, est capable de projections de forces où que ce soit dans le monde, même et y compris sans laccord du Conseil de sécurité.
La France et lEurope sont attachées au multilatéralisme. Puissances militaires mais sans ambition impériale, elles entendent contribuer à la sécurité collective fondée sur le respect du droit international.
Cette situation invite à un effort de défense adapté aux réalités daujourdhui et de demain. Nous ne pouvons nous contenter de perpétuer des programmes conçus dans un contexte devenu obsolète. Nous ne pouvons pas faire léconomie dune réévaluation permanente de nos moyens, en fonction des menaces réelles. Il y a des choix à faire et cest la responsabilité du Président de la République de procéder aux arbitrages nécessaires, en en saisissant la nation et le Parlement, et en en expliquant la portée.
Cest pourquoi je souhaite quun nouveau livre blanc soit élaboré . Le précédent date de 1994.
Le lien armée-nation est essentiel. Jentends le fortifier.
La solidité de notre défense repose sur ladhésion de tous les Français aux principes qui la fondent. La professionnalisation ne doit pas aboutir à un desserrement du lien entre armée et nation.
Pour cela, il faut :
o que la politique de défense et la définition de loutil militaire fassent lobjet dun débat national qui ne reste pas confiné aux cercles dexperts ;
o que le Parlement dispose de moyens sérieux de contrôle et quil les exerce efficacement, afin de soustraire la défense au domaine réservé pour la réintégrer dans le domaine public ;
o que les militaires accèdent à la pleine citoyenneté ; les restrictions de tous ordres qui leur sont opposées seront levées.
o que la jeunesse soit associée à leffort collectif de défense à travers un service civique court qui pourrait comporter un volet militaire.
On ne saurait bien entendu prétendre se préoccuper de la sécurité de notre pays et commencer par opposer les Français entre eux ! Nous savons, depuis Valmy, que la défense de la patrie est lincarnation la plus ardente de la solidarité nationale, lexpression vivante dun attachement à des valeurs communes.
Lorsque la France est divisée, elle est faible. Lorsquelle réunit tous les siens, elle est forte. Dans ces conditions, cest toujours une faute pour qui brigue linvestiture suprême que de semer la discorde dans notre société, stigmatisant les uns, communautarisant les autres !
A cet égard, je veux incarner la continuité de lunité nationale car je sais que la République est la force de la France. Sans unité nationale, il ny a pas de politique de défense crédible et durable.
II Cest ainsi que jentends à la fois maintenir et adapter notre effort de défense.
1. La dissuasion
Au cur de notre dispositif la dissuasion garantit en dernier ressort notre liberté. Je veillerai à ce que cet outil indispensable de notre indépendance politique et diplomatique garde en permanence sa crédibilité et dispose des moyens de sa modernisation.
Notre dissuasion restera fondée sur le principe de stricte suffisance. Ni la fuite en avant dans la miniaturisation, ni la dérive vers des conceptions demploi ne seront tolérées même si nos armes doivent être adaptées en permanence pour tenir compte de lévolution des menaces. Dans les négociations internationales de désarmement, notre voix sera forte parce quelle sera fondée sur lexemple : nous nambitionnons pas de rivaliser avec les 7000 têtes américaines ou russes. Mais nous entendons garantir notre sécurité ultime, avec une dissuasion maintenue à son seuil de crédibilité.
La dissuasion nest pas une arme de bataille, cest larme du non-emploi. Elle rend irréaliste et déraisonnable toute idée dagression à lencontre de nos intérêts vitaux.
Le programme de simulation, remplaçant heureusement les essais nucléaires, sera poursuivi. Sagissant des vecteurs sous-marins et aériens, le renouvellement engagé, sera mené à bien, de même que la livraison du sous marin lance-engins de nouvelle génération.
Mais lhorizon 2015, qui borne ces programmes, est proche. Cest pourquoi je lancerai très vite un chantier de réflexion ouverte, associant les militaires, -tant lEtat-Major des Armées que la Délégation aux affaires stratégiques et la Délégation générale pour larmement-, les chercheurs, les universitaires, les diplomates, bien sûr le Parlement, et à travers lui tous les Français, pour préparer les choix concernant la dissuasion de laprès 2015.
2. La défense est globale
Les menaces nouvelles auxquelles nous aurons à faire face sont multiformes. Le terrorisme, la déstabilisation, venant dEtats ou de groupes non étatiques seront au premier rang.
Pour y faire face, il faudra renouer avec lidée forte selon laquelle toute défense est globale. Le renseignement, lintelligence économique, la défense du territoire, celle des réseaux de télécommunications, la protection de leau potable : tout se tient. Et le ciment - on ne le rappellera jamais assez - se nomme le civisme. Nous le savons depuis Thucydide, ce qui fait la force des cités, ce ne sont pas les murailles, mais la volonté des citoyens. Contre une menace terroriste dampleur, les équipements les plus modernes seront inaptes à protéger nos concitoyens.
Jattache donc une grande importance à lorganisation de la défense du territoire, au rôle de la gendarmerie et à celui des réserves. Non seulement la défense du territoire ne doit pas être perdue de vue, pour cause de multiplication des opérations extérieures, mais elle doit être mise à niveau compte tenu des réalités daujourdhui.
Le renseignement y contribue de manière décisive. Renseignement acquis depuis lespace : cest le but du programme Hélios II, qui bénéficie de la coopération avec lItalie la Belgique, lEspagne et lAllemagne. Mais aussi renseignement traditionnel, qui appelle plus de coopération entre les différentes directions qui en sont chargées. Jajoute que la France, comme les autres grandes démocraties du monde, mettra en place un dispositif de contrôle parlementaire sur les activités de renseignement. Non seulement ce contrôle ne nuira pas à lefficacité de ces services, comme les exemples étrangers le montrent, mais il leur conférera une légitimité dont ils ont besoin.
Les télécommunications sont un autre enjeu. Le satellite Syracuse III nous donne un bon niveau dautonomie stratégique.
Enfin, jinvite à considérer sans naïveté les enjeux de lintelligence économique. Nous devons protéger les capacités industrielles de nos secteurs vitaux. Nous devons en particulier veiller à la bonne santé du tissu de petites entreprises innovantes, maîtrisant des technologies clés. Notamment par lattribution de crédits de recherche. Ces entreprises ne doivent pas être livrées à des prédateurs qui peuvent être mal intentionnés. La sécurité économique est partie intégrante de notre défense.
Je veillerai à ce que la recherche militaire ait davantage de retombées dans le domaine civil. De très nombreux emplois directs et indirects en dépendent, notamment dans le domaine des nouveaux matériaux, des télécommunications, de linformatique, des transports, de la santé.
3. Notre effort de défense sera hiérarchisé
Jentends maintenir à son niveau actuel leffort de défense. Cest dire quà lintérieur de ce budget, une évaluation rigoureuse de ladaptation des moyens aux menaces sera de mise.
Par ailleurs, je veillerai à ce que toutes les coopérations européennes possibles soient recherchées avant le lancement dun programme.
Les discussions engagées avec la Grande-Bretagne ne permettent pas encore denvisager aujourdhui avec certitude la construction dun second porte-avions pour notre pays. Un gouvernement en fin de mandat et de législature ne saurait, en démocratie, vouloir rendre « irréversible », comme je lentends dire au sujet du deuxième porte-avions, un programme qui incombera entièrement à son successeur, et dont la nécessité de surcroît napparaît pas clairement établi sans visibilité sur ce que sera le futur modèle darmée. Surtout, le groupe aéronaval trouve dans la projection de force sur des théâtres extérieurs lointains sa principale justification. Or, la défense nationale ne signifie pas la multiplication sans discernement dopérations extérieures qui peuvent être fort éloignées de nos intérêts directs. Une juste appréciation de nos moyens et une conception différente de notre diplomatie, spécialement en direction du Proche et Moyen-Orient ou en direction de lAfrique, me conduisent à hiérarchiser nos priorités. Le calendrier préserve notre liberté de décision, puisque aujourdhui aucun choix irréversible na été fait et que les études, engagées ou fournies par les Britanniques, sont au stade préliminaire. La présence permanente en mer dun porte-avions est un objectif qui peut se réaliser en coopération avec les Britanniques.
Je ne veux pas lancer un programme qui, à budget constant, risquerait de conduire à mettre en cause la modernisation de la dissuasion, la sécurité et léquipement des personnels, la préparation de lavenir. Cette claire hiérarchisation de notre effort sera la garantie de sa réussite.
4. La dimension européenne
Pour les peuples européens, la sécurité de notre espace commun sera un enjeu croissant. Nous sentons bien, dailleurs, que lévolution internationale renforce ce sentiment : construire une défense européenne est perçu comme lune des voies de lavenir pour disposer des moyens, en particulier diplomatiques, de résister à larbitraire de rapports de forces inégaux, pour faire obstacle aux pratiques unilatérales qui reprennent pied sur la scène internationale, pour équilibrer la relation transatlantique.
Cest, aussi, un moyen pour les Européens de rationaliser et de renforcer leurs moyens militaires, en les mettant davantage en commun.
La France ne doit donc pas hésiter à faire le choix de linscription de sa politique de défense dans une politique européenne de sécurité et de défense. Je prendrai en ce sens des initiatives avec nos partenaires.
Dans une période cruciale pour lavenir de notre pays et de lEurope, jai conscience des responsabilités de la France. Notre pays doit soutenir lambition dune grande politique de défense au service de la sécurité européenne et de la paix dans le monde.
La défense européenne, depuis cinq ans, est en panne. Certes, et grâce notamment aux acquis de la période 1998-2002, des progrès ont été enregistrés au cours des dernières années : opérations symboliquement conduites sous drapeau européen en ex-Yougoslavie et en République démocratique du Congo, mise sur pied dune force de gendarmerie européenne, lancement de lAgence européenne de défense.
Mais la portée concrète de ces initiatives demeure très limitée, et les ambitions des sommets de Laeken et de Nice ont été perdues de vue, en particulier lobjectif dune force européenne de 60 000 hommes réellement opérationnelle. Les efforts se portent en pratique davantage sur la mise en place de la force de réaction rapide de lOTAN.
Pour sortir de cette confusion, et relancer lEurope de la défense, il convient davancer à la fois sur le terrain institutionnel et, surtout sans doute, sur celui des coopérations concrètes.
Un effort collectif et soutenu en matière de recherche et la convergence des politiques dacquisition déquipements est une absolue nécessité si lon veut sauvegarder et consolider une plate-forme industrielle de haute technologie en Europe. Nous en avons les capacités, et je voudrais saluer ici lensemble des personnels de notre industrie de défense, dont la compétence nous est plus que jamais indispensable.
Cette ambition appelle en outre, pour faire face à la concurrence internationale, la poursuite de lintégration de lindustrie européenne darmement .
Les programmes de recherche en matière déquipements militaires exigent une échelle de production capable de les amortir. Nous la trouverons en Europe, au fur et à mesure quy progressera la conscience de préparer une défense européenne de lEurope, quil sagisse de transport aérien militaire, de systèmes autorisant la distance, comme les drones, de missiles.
Loptimisation de leffort de défense a aussi une dimension européenne. Dans une Europe qui partage les mêmes intérêts de sécurité, la coordination industrielle, amorcée par lAgence Européenne de défense, peut prendre une nouvelle ampleur : planification commune de leffort de recherche-développement ; exigence dinteropérabilité pour les commandes nationales de matériels militaires ; partage des capacités industrielles, dans lidée que la sécurité des approvisionnements peut être mutualisée au niveau européen.
Sécurité dapprovisionnement européenne signifie autonomie de lEurope vis-à-vis des Etats-Unis dans le domaine de larmement. Lindustrie de larmement nest pas un champ de concurrence libre et égale, dans la mesure où laccès aux marchés, aux technologies, aux armements américains reste largement une affaire de souveraineté pour les Etats-Unis. Sans exclure la réciprocité, lEurope doit avoir les mêmes exigences, si elle veut, par exemple, faire émerger des architectures de systèmes de défense dotés de la taille critique et compétitifs.
Leffort spatial européen enfin est aujourdhui menacé de stagnation. La France a longtemps joué un rôle de leader dans ce domaine. Dautres, en Allemagne, en Italie, en Espagne ou en Belgique, nous ont suivis. Le Royaume Uni a ses programmes de communication. Nous navons guère, aujourdhui, dans notre pays, de perspectives, après larrivée en service des équipements conçus sous de précédents gouvernements de gauche, dans le domaine du renseignement ou des télécommunications. La loi de programmation actuelle est pratiquement muette sur ce sujet. La France et lEurope doivent être présentes dans le secteur spatial, en particulier de lobservation, sous peine de remettre leur sécurité à dautres. On le voit bien avec lélan pris par dautres pays hors dEurope, sur dautres continents, les Etats-Unis bien sûr, mais aussi la Chine, lInde », le Japon. Serons-nous absents ? Pour moi, certainement pas !
Devant le désordre du monde, nous devons faire émerger en Europe un acteur stratégique indépendant. LOTAN na pas vocation à le devenir. Nous resterons fidèles à chacun de nos engagements souscrits dans le Traité de lAtlantique Nord. Mais la France veillera, avec moi, à ce que lOTAN ne dérive pas vers un rôle de gendarme du monde, se substituant à lO.N.U., ce quelle nest pas et ne peut pas être. En Europe, les intérêts de sécurité convergent. Ce nest pas toujours le cas avec les Etats-Unis. Nous ne sommes pas exposés de la même façon. Au contraire, nous pouvons lêtre davantage si nous nous laissons enrôler dans une guerre de civilisations dont je récuse lidée.
Le maintien du statut spécifique de la France, garant de lindépendance de nos choix de sécurité, implique que nous sachions résister aux tropismes dextension permanente des champs dactions et des domaines dintervention de lOTAN. Certains de nos partenaires européens peuvent être tentés de ne prendre dengagements quà lintérieur de lOTAN. Jen débattrai avec eux, sans arrogance et sans préjugé. Jentends les convaincre par la preuve. Par la réussite des programmes de défense que nous mènerons ensemble via lAgence européenne de défense, mais aussi par le dialogue politique sur la défense de lEurope que je proposerai à nos partenaires.
La nécessité dune défense européenne simpose donc. Comme le soulignait François Mitterrand dans son discours de Strasbourg en janvier 1995, ce projet « est une grande ambition, un objectif qui peut paraître irréalisable, en tout cas de longue haleine, et pourtant il faudra bien le faire ! ».
Lancrage dans les institutions européennes est source de légitimité, lappui sur les dispositifs militaires des grandes puissances européennes est source defficacité.
Une Europe forte est en outre la condition sine qua non dune relation transatlantique équilibrée, harmonieuse et donc durable. Le renforcement de la défense européenne doit ainsi contribuer à la solidité de lAlliance atlantique.
III -Renouveler la confiance entre les citoyens et la défense
Assurer la sécurité de nos concitoyens, contribuer à la paix dans le monde, c??est une tâche exaltante. Elle ne peut être menée à bien que si un pacte de confiance unit les citoyens à ceux qui ont accepté la charge de la défense.
1. Le service civique
La disparition du service national a indéniablement distendu le lien entre la Nation et son armée. Or, notre pays ne peut accomplir leffort demandé que si cet effort est compris et partagé. Cest pourquoi, le service civique qui sera créé pourra avoir une dimension de formation de base aux missions de protection civile et de défense du territoire. Il pourra déboucher sur des volontariats service long de dix-huit à vingt-quatre mois. Il faut rétablir le contact entre les jeunes générations et larmée de la République. La défense ne peut rester étrangère à leurs préoccupations. Et nos armées doivent conserver ce lien vivant avec les jeunes citoyens. La politique de formation et de recrutement des réserves militaires accentuera son effort en direction des jeunes Françaises et Français qui souhaitent donner un sens concret à un engagement pour la défense de leur pays.
2. Les choix budgétaires
Le budget actuel de la défense correspond à 2% du produit intérieur brut. Dans un environnement où, pour lopinion, la paix à nos frontières semble établie, leffort paraît important. Jentends pourtant le maintenir, car les menaces ont changé mais nont pas disparu. Les ambitions quil faut nourrir pour une Europe indépendante ne peuvent se passer dun effort suffisant de défense. Nous ne pouvons nous en remettre à dautres du soin de nous défendre si nous voulons construire un destin de liberté. Cette liberté a un coût. Cest à lintérieur de cet effort quil faudra procéder aux redéploiements nécessaires.
Une défense efficace nest pas un empilement de programmes, poursuivis simplement parce que lhabitude sen était prise. Ce nest pas non plus la remise en cause permanente des choix, du fait dopérations extérieures imprévues. Gouverner, cest choisir, ce nest pas subir, ni le fardeau du passé, ni les contraintes de limprovisation. Cest une anticipation, une volonté, et une réévaluation permanentes. Jy veillerai.
3. La condition militaire
La condition militaire mérite une grande attention. Le métier des armes nest pas un métier comme les autres. Ceux qui ont choisi cet engagement savent quil peut aller jusquau sacrifice suprême. Et je veux saluer ici la mémoire de nos soldats morts ou grièvement blessés, tout récemment, en Afghanistan, en Côte dIvoire, en ex-Yougoslavie. Ma pensée va également à tous ceux qui sont engagés sur ces théâtres dopérations extérieures, et dabord au sud Liban, au service de la Force intérimaire des Nations Unies renforcée, à laquelle jai récemment rendu visite.
Je veux rendre hommage aux 437.000 hommes et femmes de la défense, militaires des trois armées, de la gendarmerie, des services communs et les personnels civils. Ils sont la force vive de notre défense. Par leur travail, leur professionnalisme, leur engagement au service de notre sécurité collective et leur dévouement entier au service de la Nation, de ses valeurs et de ses intérêts, ils ont conquis le respect des Français et méritent la reconnaissance de la Nation. Jentends également revaloriser le rôle du personnel civil qui contribue de manière essentielle au maintien de la compétence technique et au soutien des forces, ainsi que celui des personnels civils et militaires des écoles militaires donnent une formation de qualité à nos officiers et sous-officiers. Je noublie pas non plus le rôle essentiel des personnels médicaux.
Le recrutement, la formation, les conditions de vie des personnels de la défense méritent dêtre sérieusement améliorés. Le premier rapport du Haut comité dévaluation de la condition militaire remis le 8 février dernier, trace des orientations utiles : en matière de niveau de vie, de logement, de reconversions. Il marque les sujétions particulières de létat militaire sur la situation familiale, la forte mobilité géographique quelle implique, et ce décalage croissant avec lévolution générale de la société.
Les difficultés sont bien connues par les militaires, mais je tiens à rappeler ici les plus pesantes : disponibilité insuffisante de logements corrects et adaptés dans certaines garnisons ; accès à la propriété ; ou emploi des conjoints. Tout ceci pèse directement sur le revenu des foyers de militaires, je pense notamment au taux demploi des femmes de militaires inférieur de dix points à la moyenne des Françaises et au taux de chômage des conjoints de militaires deux fois plus élevé que celui de la moyenne des Français. Nous préparerons un plan densemble de soutien de la condition sociale et professionnelle des militaires avec des volets formation, logement, famille et reconversion.
Sur le terrain des droits professionnels, la représentation des militaires verra se généraliser lélection dans les instances de concertation.
Lengagement des militaires doit rencontrer la reconnaissance de la République. Ce sera lune de mes préoccupations. Je veux que lattractivité de la condition militaire soit nettement améliorée.
4. Mieux associer le Parlement aux choix, notamment en matière dopérations extérieures
Le Parlement sera plus étroitement associé aux décisions concernant la défense. Jai évoqué le contrôle des activités de renseignement. Mais je veux surtout souligner que je nengagerai quavec discernement nos armées dans des opérations extérieures. Certaines sont indispensables pour préserver la paix, empêcher des affrontements meurtriers, ou contribuer à lexécution des résolutions des Nations Unies. Jassocierai le Parlement au contrôle de ces opérations extérieures. De même, en ce qui concerne les exportations darmement, les parlementaires, regroupés dans un cadre approprié, recevront des informations complètes et actualisées sur ces ventes et se verront faciliter laccès aux directives et décisions relatives au contrôle des exportations.
Nos opérations extérieures doivent être acceptées à la fois par les populations concernées et par les Français. Elles ne sont acceptables que si elles sont au service de solutions politiques justes et ont pour objectif le rétablissement de la stabilité et de la paix. Elles ne peuvent intervenir que sur une base juridique claire. Elles comprennent, significativement et légitimement, des interventions de sécurité civile, de protection des populations ou dappui aux actions humanitaires des ONG.
5. Le lien armée - nation
La force de larmée est dans son union étroite avec la nation. Cest encore aujourdhui la condition de leffort consenti par le pays pour sa défense. La professionnalisation des armées ne dispense nullement du renforcement du lien entre la Nation et son armée. Elle appelle au contraire à tisser des liens nouveaux entre les citoyens et les armées, et, par léducation civique, à faire comprendre le rôle actuel de la défense. Il est nécessaire par exemple de repenser lenseignement de défense inscrit aux programmes des établissements scolaires et universitaires et de renforcer le contenu civique des Journées dappel et de préparation à la défense. Ce sera fait.
La perspective européenne ne soppose pas au sentiment national ; elle sera le prolongement dune citoyenneté bien comprise. De la même façon, la naissance dune Europe de la défense, vraiment européenne, adviendra parce que la France aura tenu bon pendant longtemps sur lindépendance de ses moyens. Les deux mouvements vont de pair. Au lieu de les opposer, je les ferai converger au service de la paix et de la sécurité en Europe.
La France nest pas une puissance pacifiste ; cest une puissance pacifique. Elle ne menace personne mais ne baissera pas la garde devant les nouvelles menaces.
Elle préparera avec sincérité et espoir lémergence dune défense européenne indépendante, fondée sur leffort propre des Européens. Avant que cette étape ne soit atteinte, elle maintiendra et modernisera loutil de défense nationale.
Ainsi seront garanties la sécurité de nos concitoyens et celle de la France. Ainsi nous stabiliserons la paix en Europe. Ainsi nous contribuerons à la paix du monde.
Tel est le but de notre défense.
Vive la République, vive le France.
Source http://www.desirdavenir.org, le 14 mars 2007