Texte intégral
Mesdames, Messieurs,
C’est un plaisir de vous retrouver au nouveau ministère de l’Economie, des Finances et de l’Industrie. Nouveau ministère ou plutôt renouveau. Le premier des changements, qui ne vous a pas échappé, est celui de l’équipe rassemblée autour de moi :
- avec Eric BESSON, ministre chargé de l’Industrie, de l’Energie et de l’Economie numérique, nous avons retrouvé une géométrie bien connue : l’Energie à Bercy, Eric BESSON à l’économie numérique ;
- Pierre LELLOUCHE, secrétaire d’Etat chargé du Commerce extérieur, assume une responsabilité que je connais bien et qui reste décisive pour la reprise ;
- Frédéric LEFEBVRE enfin, dont le portefeuille est aussi vaste que le talent de son titulaire.
Comme le Président de la République l’a dit le 16 novembre dernier, l’enjeu des mois à venir sera de proposer « une nouvelle étape pour donner de la stabilité ».
Pour notre équipe cela signifie deux objectifs : (i) surmonter les turbulences que connaît la zone euro en coopération avec nos partenaires ; (ii) permettre aux Français de bénéficier directement des fruits de la reprise.
Nous voyons en France les signes clairs de la reprise. Les chiffres le montrent. Notre économie a retrouvé (i) le chemin de la croissance et (ii) notre compétitivité s’améliore.
La croissance a atteint +0,4% au 3ème trimestre et les perspectives pour le 4ème trimestre restent bien orientées. Le climat des affaires en novembre s’est globalement stabilisé. Les perspectives de production des chefs d’entreprise sont également bien orientées. La croissance française est déjà proche de 2% en rythme annuel sur les 4 derniers trimestres.
Au 3ème trimestre, la consommation progresse 2 fois plus vite qu’au 2ème trimestre (+0,6% vs +0,3%). Depuis le début de la crise, celle-ci n’a jamais baissé. La France est le seul pays dans cette situation. L’investissement des entreprises continue de progresser (+0,5%), pour le 2ème trimestre consécutif.
Sur le marché du travail, l’emploi salarié a rebondi au 3ème trimestre (+44 600) après +24 000 au 2ème trimestre 2010. Depuis le début de l’année, 104 500 emplois salariés marchands ont été créés, soit plus que l’objectif officiel pour 2010 (+80 000).
Enfin, la France gagne des places dans les principaux classements internationaux de compétitivité : +2 selon le rapport Doing Business de la Banque Mondiale ; +1 dans le Global Competitiveness Index 2010-2011 du WEF.
Notre objectif final, c’est bien évidemment de faire baisser le chômage. Depuis le début de l’année, ce mouvement à la baisse est enclenché. Mais nous devons jeter les bases d’une reprise durable de l’emploi.
Dans ce contexte, j’aimerais souligner combien l’assainissement des finances publiques est une condition, pas une contrainte, pour continuer sur le chemin de la croissance. Il ne s’agit pas d’une question d’orthodoxie budgétaire mais de souveraineté nationale et aussi de justice pour les générations futures.
Le déficit public sera ramené à 6% du PIB en 2011 (après 7,7% en 2010). Les dépenses de l’État (hors charge de la dette et pension) seront gelées en valeur pour les trois prochaines années. La maîtrise des déficits n’est pas l’ennemie de la croissance. La réforme des retraites en apporte la preuve. Elle permettra de réduire le déficit public d’environ 0,5 point de PIB en 2013 et, en augmentant le nombre de personnes au travail, relèvera le taux de croissance de +0,3% chaque année en moyenne sur la décennie.
Mais pour redresser durablement la croissance nous allons poursuivre l’action en faveur de la compétitivité de la France. Et nous n’oublierons pas que tous ces efforts doivent bénéficier aux Français dans leur vie quotidienne de façon concrète, sous forme d’emploi et de pouvoir d’achat. C’est précisément l’objet des orientations que nous nous sommes fixés pour les mois à venir.
Nous piloterons quatre grands chantiers dans les mois à venir :
- au plan international, il s’agira de remplir les objectifs de la présidence du G20 à un moment charnière pour la reprise de l’économie mondiale ;
- au sein de l’Union européenne, et sans revenir sur les divers plans qui depuis le mois de mai m’ont fait prendre le chemin de Bruxelles plus souvent que d’accoutumée, nous devons surmonter l’épreuve de la crise. La première des réformes à réaliser sera celle de notre capacité à nous gouverner nous-mêmes ;
- en France, nous concentrerons les efforts dans deux directions : (i) le renforcement de la compétitivité des entreprises pour une croissance solide, durable, et créatrice d’emploi pour les Français. (ii) Qui, plus largement, doivent bénéficier au plus vite, et au mieux, de la reprise dans leur vie quotidienne.
Premier objectif : réussir la Présidence française du G20.
C’est une année exceptionnelle qui s’offre à nous pour relever les défis identifiés par le Président de la République. Une année au cur des grands enjeux internationaux comme des préoccupations de nos concitoyens. Chacune des priorités devra répondre à ce double objectif, qu’il s’agisse :
- de la volatilité des changes, pierre angulaire de la réforme du système monétaire international, et qui est aujourd’hui pénalisante pour nos entreprises (e.g. AirFrance, EADS);
- de la volatilité des matières premières dont souffrent les agriculteurs et les consommateurs (e.g. le prix du coton a augmenté de plus de 80% depuis le début de l’année);
- de la gouvernance internationale pour promouvoir des normes et des standards minimaux, mettre un terme au moins-disant social ou fiscal.
Le Président de la République a donc fait le choix de l’ambition, et pour atteindre ces résultats, il nous a donné une feuille de route au sommet de Séoul : la France prendra le temps d’établir des consensus avant de se fixer des résultats ambitieux mais accessibles.
Nous travaillerons ainsi en trois temps : (i) celui de la consultation avec toutes les parties concernées le séminaire sur la réforme du système monétaire international que la Chine accueillera symbolise bien cette démarche ; (ii) le temps de la coordination au niveau ministériel, au FMI, au sein de la zone franc, etc ; et (iii) le temps des décisions aux sommets du G8 et du G20.
Dimanche, les Ministres des finances de l’UE ont validé le programme (d’un montant de 85 Mds) négocié entre la Commission européenne, le FMI et l’Irlande.
Nous avons également posé les fondations d’un mécanisme permanent de résolution de crise qui entrera en vigueur en juin 2013, sans effet rétroactif et reposera sur deux principes essentiels : (i) la création d’un mécanisme permanent d’assistance financière, aligné sur la facilité européenne de stabilité financière existante, et qui s’inscrira sur un programme d’ajustement rigoureux; (ii) la participation du secteur privé au cas par cas, selon les mêmes règles et procédures que celle pratiquée dans les programmes du FMI.
En matière de régulation financière:
Je ne m’étendrai pas sur les avancées déjà acquises comme par exemple la réforme de la surveillance financière en Europe qui sera en place dès le 1er janvier 2011 ou la régulation des fonds spéculatifs et des fonds de capital risque qui prennent des participations dans les entreprises, adoptée le 11 novembre dernier.
* Sans citer l’ensemble des projets qui me tiennent à cur, mon combat est maintenant que :
* les règles Bâle 3 soient appliquées par tous les pays et pas seulement en Europe (le projet de directive CRD IV est prévu pour le début de l’année 2011).
* nous arrivions rapidement à un accord sur deux textes sur lesquels la France a été très active (i) l’encadrement des ventes à découvert et des CDS sur titres souverains et (ii) la régulation des marchés de produits dérivés de gré à gré. La révision de la directive Marchés d’instruments financiers (MIF) constituera également un enjeu pour la France en 2011.
* nous continuions à renforcer la régulation des agences de notation sur des questions très importantes comme la question de la concurrence dans cette industrie, de modèle de financement des agences de notation, d’utilisation des notations à des fins réglementaires et des spécificités des notations souveraines.
Parallèlement nous poursuivons le renforcement de la gouvernance économique européenne. Une première étape est engagée avec la surveillance intégrée dans le cadre du semestre européen qui sera effective dès le 1er trimestre 2011. Je souhaite aussi que nous parvenions rapidement à accord du Conseil et du Parlement européen sur les propositions de la Commission (au plus tard à l''été 2011).
Ces deux réformes nous permettront de construire une politique de compétitivité européenne fondée sur (i) une meilleure convergence fiscale, dont les travaux sont en cours, j’y reviendrai ; (ii) avec Pierre LELLOUCHE nous plaiderons pour plus de fermeté et de réciprocité en matière commerciale au bénéfice de l’Union Européenne, en vue d’un véritable Buy European Act au niveau communautaire.
Enfin, et conformément aux propositions du Premier ministre, la France invitera ses partenaires européens à la création d’un fond européen de capital-risque en faveur des entreprises innovantes ainsi qu’un fond européen des brevets. Eric BESSON y reviendra.
Malgré la crise, nous n’avons pas perdu de vue les réformes structurelles nécessaires pour améliorer la compétitivité de notre économie :
- en 2007, nous avons triplé en profondeur le Crédit Impôt Recherche. Aujourd’hui grâce à cette réforme, la France est le premier pays de l’OCDE pour le soutien public apporté à la R&D des entreprises ;
- en 2008, le Parlement a voté la Loi de Modernisation de l’Economie qui a introduit plus de concurrence et de régulation dans notre économie tout en ajoutant quelques « pépites », comme la création du statut de l’auto-entrepreneur ;
- en 2009, au-delà du plan de relance, nous avons permis aux acteurs économiques d’investir plus en supprimant la taxe professionnelle et nous avons créé le Fonds Stratégique d’Investissement. Depuis sa création, il a réalisé 35 investissements directs, soit 1,4 Md.
Sur la base de ces réformes structurelles, il me paraît possible à présent d’exploiter toutes les potentialités de l’économie française, secteur par secteur, projet par projet. Cela demande que nous sachions collectivement nous projeter vers l’avenir et anticiper les évolutions de notre économie :
- sur le marché de l’énergie, nous devons déterminer le prix d’accès à l’énergie nucléaire, dont le principe a été adopté par la loi NOME, récemment votée au Parlement. Avec Eric BESSON, nous allons confier une mission en ce sens à Paul CHAMPSAUR. Nous accompagnerons parallèlement l’ensemble de la filière nucléaire, en nous appuyant d’une part sur le développement d’Areva, et d’autre part sur sa coopération avec les autres acteurs, en particulier EDF.
- l’Etat peut s’appuyer également sur d’excellents opérateurs tels que le FSI ou l’Agence des Participations de l’Etat. Cette dernière, que nous avons modernisée au cours des derniers mois, reste attentive aux possibilités de réalisation d’actifs mais se montre aussi capable de faire grandir les groupes dont elle est actionnaire (e.g. rachat de L One par Safran, alliance de GDF-Suez avec International Power).
- les mois qui viennent seront aussi consacrés à la mise en uvre des investissements d''avenir, un programme de 35 Md. J’ai récemment fait le point avec René RICOL. Eric BESSON y reviendra dans un instant.
- enfin, je fais confiance à Frédéric LEFEBVRE dans ses secteurs, comme le tourisme en particulier, pour faire valoir, à partir de la base réglementaire que nous avons mise en place, les capacités d’innovation et la qualité des entreprises de service françaises.
Nous réaliserons ces objectifs à condition d’offrir aux acteurs économiques les moyens de leur développement, c''est-à-dire la capacité de disposer de fonds propres publics et privés. Je veillerai ainsi, dans les enceintes multilatérales comme au sein de l’Union européenne, à ce que les évolutions prudentielles ne conduisent pas au tarissement du crédit. Je ferai également au Premier ministre des propositions à court terme pour orienter davantage le financement de l’économie vers l’épargne en action, en lien avec la réforme de la fiscalité du patrimoine.
A ce propos, notre stratégie repose sur la certitude que les prélèvements obligatoires doivent être bien compris par les Français pour être efficaces, sans pour autant menacer l’équilibre des finances publiques.
Améliorer la compétitivité de notre fiscalité reste un impératif économique pour continuer à attirer des capitaux. C’est la façon la plus naturelle pour développer les investissements et les emplois dans notre économie. Avec François BAROIN, nous allons rééquilibrer notre système fiscal (i) en taxant moins le stock de patrimoine, (ii) en privilégiant l’imposition des revenus du patrimoine et des plus-values, et (iii) en cohérence avec l’ensemble de nos orientations économiques.
A la suite d’une concertation à mener avec la représentation nationale et inspirée de l’expérience allemande, nous souhaitons soumettre rapidement, c’est-à-dire mi-2011, notre projet de réforme au Parlement.
Chacun mesure aujourd’hui l’impact du régime de l’auto-entrepreneur pour les Français. L’année dernière, notre pays a enregistré plus de 580 000 créations d’entreprise, un chiffre jamais atteint jusqu’alors et encore près de 470 000 depuis le début de l’année [janvier-septembre], soit 11 % de plus que sur la même période en 2010. Nos concitoyens ont envie d’entreprendre et d’entreprises.
Pour les encourager, nous devons imaginer de nouveaux coups de pouce à l’entreprenariat. Avec Frédéric LEFEBVRE, nous ferons des propositions ad hoc au nouveau Commissaire, pour simplifier les relations avec l’Administration, qui a déjà un correspondant au sein de la DGCIS, la Direction des entreprises.
Enfin pour appuyer les entreprises dans leur démarche Oséo va passer d’une activité de gestion de crise à l’accompagnement du développement dans une démarche d’innovation, ce que le rapprochement d’Oséo Finances et Oséo Innovation permettra dès le début de l’année prochaine.
La stabilisation du G20, la construction de l’Europe financière, les grandes réformes structurelles de l’économie : nous concevons aussi ces hautes ambitions au service des Français. Avec Eric BESSON, Pierre LELLOUCHE et Frédéric LEFEVBRE nous nous donnons pour mission de les convaincre que ces réformes sont utiles, justes et efficaces. Ma priorité est que nos concitoyens soient les premiers bénéficiaires de la reprise économique :
- la réforme du crédit à la consommation entre en vigueur pour supprimer les abus et les excès du crédit à la consommation. La publicité pour le crédit a changé de visage depuis le 1er septembre avec la fin des taux promotionnels mensongers. Le 1er novembre, ce sont 120 000 personnes qui sont sorties du fichier FICP. Prochaine étape le 1er mai 2011 : les magasins auront l’obligation d’offrir aux consommateurs le choix entre crédit amortissable et renouvelable ; les crédits renouvelables devront prévoir un amortissement minimum du capital chaque mois ; les prêteurs auront l’obligation de vérifier la solvabilité des emprunteurs et d’exiger des justificatifs pour les gros crédits.
- s’agissant des tarifs du gaz nous avons changé la formule et répondu, j’en ai la conviction aux attentes des consommateurs. Qu’on en juge: (i) jusqu’au 1er avril le tarif du gaz reste inchangé; (ii) les nouvelles ressources gazières de GDF-Suez ne seront plus indexés sur le cours des prix pétroliers.
- j’ai aussi reçu Henri PROGLIO avant-hier pour vérifier avec lui que la production d’électricité sera conforme aux besoins des Français. Nous voulons planifier des investissements de maintenance et le renouvellement le moment venu des centrales nucléaires françaises tout en conservant un cadre où le prix de l’électricité reste acceptable pour les consommateurs, entreprises et particuliers.
- avec Eric BESSON, nous souhaitons offrir aux Français les dividendes du numérique : (i) par le passage effectif à la télévision numérique, à la fin de l’année 2011; et (ii) le déploiement du très haut-débit.
- enfin, après avoir réformé le PTZ, je soumettrai au Premier ministre dans les prochaines semaines un ensemble de propositions pour répondre à la hausse de l’immobilier et nous prendrons différentes mesures pour que le Livret A continue à financer de façon dynamique le logement social.
La France se projette en 2011 avec des atouts. La sortie de crise est avérée depuis plusieurs trimestres et les trois moteurs de la croissance sont allumés. Je crois parallèlement que la plupart des réformes structurelles engagées par le Gouvernement redresseront durablement le taux de croissance.
Plongés dans la compétition mondiale, notre ambition est d’assumer les réalités de ce monde qui parfois nous inquiète mais au sein duquel la France doit garder sa capacité d’innovation, de création, de proposition d’idées nouvelles.
Notre équipe est pleinement dédiée à améliorer la compétitivité de l’économie. Ce n’est pas un vain mot. C’est même la condition, en période de crise, comme en période de croissance, pour attirer les capitaux étrangers, permettre l’essor des entreprises, développer l’emploi et le pouvoir d’achat des Français.
Source http://www.minefe.gouv.fr, le 2 décembre 2010