Interview de Mme Nadine Morano, ministre de l'apprentissage et de la formation professionnelle à RFI le 23 novembre 2011, sur les propositions de l'UMP en matière économique et sociale de son programme pour 2012.

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Média : Radio France Internationale

Texte intégral


 
FRÉDÉRIC RIVIÈRE L’UMP a dévoilé hier les propositions économiques et sociales de son programme pour 2012. On y trouve notamment la fin des 35 heures et une fiscalité anti-délocalisation. Sur ce dernier point, de quoi s’agirait-il exactement ?
 
NADINE MORANO Écoutez, d’abord ce qu’il faut bien retenir en termes de méthode, c'est qu’à l’UMP nous avons des pistes d’orientation. Nous avons beaucoup travaillé sur la compétitivité, sur les entreprises, sur évidemment le développement des PME, mais il ne s’agit en aucun cas – je vous le précise parce que c’est important – d’un projet qui serait un carcan pour notre candidat à l’élection présidentielle.
 
FREDERIC RIVIÈRE On dit que Nicolas SARKOZY veut que ça reste un peu flou pour ne pas être enfermé.
 
NADINE MORANO Ce n’est pas une question de flou. C'est-à-dire que ce sont des pistes d’orientation à la fois sur la compétitivité de nos entreprises (le produire mieux et produire made in France) ; une meilleure formation (je parlerai aussi du un million d’apprentis que nous voulons dans notre pays) ; développer la formation professionnelle, parce qu’on sait qu’un cadre sur deux a accès à la formation professionnelle, un ouvrier sur sept seulement ; et donc nous avons besoin de mieux organiser notre formation continue au service des salariés pour que, lorsqu’il y a une difficulté d’entreprise, ils puissent mieux rebondir. Donc en termes de méthode, je vous le dis, ce projet présenté par l’UMP, ce sont des pistes d’orientation qui n’enfermeront en rien le candidat à la présidence de la République dont nous espérons tous que ce soit Nicolas SARKOZY qui aura son projet. Je vous le dis, c’est d’autant plus important que la primaire du Parti socialiste où nous avons vu des candidats débattre sur toutes les chaînes de télévision, ont débattu sur la base d’un programme qu’ils ont adopté le 19 mai dernier, de mémoire, et alors sur les 300 000 emplois jeunes (recette 1997), sur le contrat de génération, sur les 60 000 postes d’enseignants supplémentaires, sur la sortie du nucléaire ou pas – puisque Martine AUBRY était pour la sortie du nucléaire et François HOLLANDE mi chou-mi raisin.
 
FREDERIC RIVIÈRE Ce que vous voulez dire, c’est qu’ils ont été, eux, trop précis, et qu’évidemment il vaut mieux rester un petit peu dans le vague.
 
NADINE MORANO Ah mais c’est pire que ça ! C’est une vraie escroquerie intellectuelle, leur primaire ! C'est-à-dire qu’en fait, ils proposent un projet au Parti socialiste qu’ils adoptent comme leur socle de programme à l’élection présidentielle. Ils organisent une primaire ouverte à tous ceux qui se sentent proches de la gauche et en même temps, maintenant que le candidat est désigné, on voit qu’ils font machine arrière sur beaucoup de sujets parce que leur programme, je vous le dis, sera totalement infaisable. Avec un coût de 50 milliards d’euros au moment où tous les pays sont dans une démarche de réduction des déficits publics, il n’est pas envisageable de proposer – et je vous le dis parce que c’est grave ce qui vient d’être fait ces derniers jours, où évidemment on voit que du coup François HOLLANDE recule très nettement dans les sondages – c’est que ce massacre de la filière nucléaire dans notre pays est inenvisageable.
 
FREDERIC RIVIÈRE Oui. Est-ce que la visite de Nicolas SARKOZY après-demain dans une centrale nucléaire, c’est une forme de réponse à cet accord entre le PS et les Verts ?
 
NADINE MORANO Eh bien d’abord, l’agenda de Nicolas SARKOZY n’est pas organisé en fonction…
 
FREDERIC RIVIÈRE Mais il peut s’adapter.
 
NADINE MORANO Non ; mais n’est pas organisé en fonction des déclarations des uns ou des autres, mais revanche il est évidemment très attaché à la compétitivité, comme vous le savez, de notre filière nucléaire. Nous sommes évidemment avec la vente à l’export de nos centrales nucléaires qui sont plus chères que les autres, disons-le, parce qu’elles sont plus sûres. Nos centrales nucléaires avec la double coque, on sait très bien qu’elles sont les plus sûres mais également, pour vous donner un exemple, on dit toujours que si un avion A 320 ou A 380 se crashait sur une centrale nucléaire française, eh bien la centrale ne bougerait pas grâce à sa double coque, donc vous voyez la haute performance de notre sécurité de nos centrales nucléaires. Mais encore une fois, le démantèlement de la filière nucléaire en France comme le prévoit le mi-accord entre le Parti socialiste et les Verts qui consiste à troquer des circonscriptions et donc à troquer des députés contre des réacteurs, nous amènerait parce qu’il faut dire clairement les choses : vous savez que le démantèlement de la filière nucléaire, ça coûterait 400 milliards d’euros, le démantèlement, et un million d’emplois sont concernés dans notre filière nucléaire.
 
FREDERIC RIVIÈRE Enfin, ces chiffres-là sont controversés, sur le million d’emplois.
 
NADINE MORANO Non mais alors excusez-moi, je sais que madame DUFLOT a ses chiffres. Quand le PDG d’EDF nous donne ces chiffres, il sait quand même combien de personnes…
 
FREDERIC RIVIÈRE C’est un ami de Nicolas SARKOZY !
 
NADINE MORANO Ah ben non, c’est d’abord un patron ! Pardon !
 
FREDERIC RIVIÈRE Tout dépend dans quel ordre on place les choses, mais…
 
NADINE MORANO Franchement, non mais vous ne pouvez pas dire ça. Parce que quand vous gérez une des plus grandes entreprises françaises, vous ne le faites pas en fonction d’amitié ou pas d’amitié. Vous le faites en fonction des réalités.
 
FREDERIC RIVIÈRE Je voudrais qu’on revienne un instant, Nadine MORANO, aux propositions que vous avez faites hier. Il s’agit par exemple de sortir des 35 heures. Est-ce qu’il s’agit, pour être concret, de fixer une nouvelle durée hebdomadaire légale du travail ?
 
NADINE MORANO Si vous voulez, dans les propositions qui sont faites par l’UMP, c’est d’avoir des négociations de branches professionnelles ou des négociations d’entreprises sur l’organisation du temps de travail à l’intérieur des entreprises. On voit de toute manière qu’avec le dispositif que nous avons mis en place sur les heures supplémentaires défiscalisées, le temps moyen de travail maintenant dans notre pays est arrivé à 39 heures et demie environ. Donc on voit que nous avons plus travaillé grâce à ces mesures. Je voudrais vous dire que neuf millions de Français ont fait des heures supplémentaires. Il y a plus de 750 millions d’heures…
 
FREDERIC RIVIÈRE Alors pourquoi s’attacher au symbole des 35 heures ?
 
NADINE MORANO Ah, ce n’est pas une question de s’attacher au symbole des 35 heures parce que par définition, avec ce que je viens de vous dire, nous sommes sortis des 35 heures de facto. Parce que nous avons assoupli les horaires de travail dans notre pays, il nous faudra aller plus loin. Ce qu’il faut, c’est vraiment développer l’ensemble de nos filières d’excellence, avoir une stratégie de filière, la compétitivité aussi de nos entreprises, leur donner (à nos PME) une taille plus critique parce que quand on regarde l’Allemagne et l’organisation des PME en Allemagne, elles ont des tailles beaucoup plus importantes et c'est ce qui leur permet d’être beaucoup plus compétitives en international.
 
FREDERIC RIVIÈRE François FILLON est prêt à faire marche arrière sur l’instauration d’un quatrième jour de carence pour les arrêts de maladie dans les entreprises privées. Est-ce que c’est une reculade devant les députés qui ont du mal à faire passer l’idée dans leurs circonscriptions ?
 
NADINE MORANO Bien d’abord, ce n’est pas une question de reculade parce que ça n’était pas la proposition du gouvernement. Dans le texte initial, nous étions nous pour faire des efforts…
 
FREDERIC RIVIÈRE Une diminution des indemnités.
 
NADINE MORANO Sur les indemnités journalières pour que chacun puisse faire un effort. Donc en discussion avec les parlementaires, il a été question de mettre un jour supplémentaire de carence. L’objectif comme vous le savez du gouvernement, c’est un exercice très difficile, nous devons trouver sur ce budget 200 millions d’euros supplémentaires donc nous avons la responsabilité devant les Français de réduire nos déficits publics et chacun devra faire des efforts. Il en va, je dirais aussi, de la possibilité de garder notre notation triple A et c’est extrêmement important.
 
FREDERIC RIVIÈRE Très rapidement, Nadine MORANO. Six secrétaires nationaux de l’UMP ont signé hier une tribune pour que le mariage homosexuel figure au programme de Nicolas SARKOZY en 2012. Qu’est-ce que vous en pensez, vous qui avez été ministre de la Famille ?
 
NADINE MORANO Bien moi, je ne suis pas favorable au mariage homosexuel. En revanche, nous avions proposé le contrat d’union civile où moi je suis évidemment favorable à la signature du pacs en mairie parce que je pense que ça sacralise un peu plus cet engagement. Mais en même temps il reviendra au président de la République, en tous les cas au candidat à l’élection présidentielle de notre famille politique, à savoir Nicolas SARKOZY je l’espère, de prendre une décision sur ce sujet.
 Source : Premier ministre, Service d’Information du Gouvernement, le 24 novembre 2011