Interview de M. Laurent Wauquiez, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche à France 2 le 26 octobre 2011, sur la crise économique et finacière et les difficultés de l'euro.

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Média : France 2

Texte intégral


 
 
 
ROLAND SICARD  Bonjour Laurent WAUQUIEZ.
 
LAURENT WAUQUIEZ Bonjour.
 
ROLAND SICARD Ministre de la Recherche mais aussi patron de la Droite sociale, une des ailes de l’UMP et puis aussi ancien ministre des Affaires européennes et on va commencer par là. Ce soir, il y a un sommet décisif à Bruxelles, s’il échoue, c’est quoi, c’est la fin de l’euro ?
 
LAURENT WAUQUIEZ Non, mais en tout cas on n’a pas le droit à l’échec et l’objectif, c’est précisément de concentrer toutes nos forces, on a besoin du président de la République, on a besoin d’Angela MERKEL, on a besoin de la lucidité de tous les dirigeants européens pour éviter à notre pays un sort qui soit enfoncé par la chute de l’euro. Donc c’est très important de mettre en place les outils pour arrêter définitivement la spéculation contre l’euro et les pays qui en sont membres.
 
ROLAND SICARD On a le sentiment que dans la discussion qui est en cours, c’est l’Allemagne qui est le leadership ?
 
LAURENT WAUQUIEZ Non, je crois qu’il faut vraiment sortir de ce raisonnement, ce n’est pas l’un contre l’autre, c’est l’un avec l’autre. Si vous prenez par exemple le fonds, pour défendre les pays qui sont très endettés, c’est une idée de la France. Si vous prenez la gouvernance de l’euro, c’est une idée de la France.
 
ROLAND SICARD Mais son utilisation du fonds, c’est plutôt la ligne allemande qui prévaudra.
 
LAURENT WAUQUIEZ Oui mais parce qu’il y a une complémentarité entre… les deux pays sont très au clair, personne ne peut s’en sortir seul. On a besoin des autres, c’est la maison commune, c’est l’euro.
 
ROLAND SICARD Est-ce que pour protéger l’Europe il ne faut pas aussi du protectionnisme aux frontières de l’Europe ?
 
LAURENT WAUQUIEZ Ce qu’il y a de sûr, c’est qu’il ne faut pas que l’on soit naïf, par exemple quand l’Europe ouvre ses marchés intérieurs à la Chine et que la Chine n’ouvre pas ses marchés intérieurs à l’Europe, ça n’est pas bon. Moi, je le dis, je pense que la notion de frontière, le fait de défendre les frontières européennes, ça n’est pas un gros mot. Il faut qu’on arrête d’être naïf.
 
ROLAND SICARD Autrement dit il faut réformer l’Europe si on veut réussir ?
 
LAURENT WAUQUIEZ En tout cas il faut d’abord commencer par consolider le noyau autour de l’euro et ensuite il faudra se poser les questions suivantes, c’est comment renforcer l’intégration autour des 17 ? Comment mieux se protéger ? Comment être moins naïf dans notre politique commerciale ? Mais d’abord la première pierre, c’est l’euro.
 
ROLAND SICARD Côté français, si on veut conserver notre AAA, il faudra quoi, des mesures d’austérité supplémentaires très importantes ?
 
LAURENT WAUQUIEZ Non, il faut juste un principe simple, on ne peut pas continuer à dépenser plus que ce que l’on a et c’est là où il y a une vraie différence par rapport au programme du PS, qui repose sur une très forte augmentation de la dépense publique, et où on irait chercher les recettes dans la poche des classes moyennes. C’est précisément ce qu’on refuse avec la droite sociale.
 
ROLAND SICARD Mais est-ce qu’on est sincère quand on établie un budget comme celui qui a été voté hier et qui se base sur une prévision de croissance dont tout le monde dit qu’elle n’est pas réaliste ?
 
LAURENT WAUQUIEZ Ca dépendra beaucoup du résultat de ce soir. Ce soir si l’horizon s’éclaircit, ça redonne une envolée et une perspective pour notre croissance économique. Mais l’engagement est clair, si jamais on a moins de croissance, on régulera pour avoir moins de déficit. On arrête cette spirale infernale où on dépense plus que ce qu’on fait rentrer dans les caisses.
 
ROLAND SICARD Donc on fera de l’austérité, mais on ne sait pas à quelle échéance, ce sera tout de suite, dans quelques mois, après la présidentielle ?
 
LAURENT WAUQUIEZ Non, ça ne veut pas dire de l’austérité aveugle, par exemple sur l’enseignement supérieur on continue à investir parce que là on prépare notre avenir, sur la recherche, les emplois de demain, on continue à investir. Mais juste, on ne peut pas continuer à dépenser beaucoup plus que ce qu’on fait rentrer dans les caisses, c’est un principe de bon sens.
 
ROLAND SICARD Est-ce que les Français quand même doivent s’attendre à se serrer la ceinture, je dirais ?
 
LAURENT WAUQUIEZ Non, je crois juste qu’en revanche au niveau du fonctionnement de la sphère publique, au niveau de la réflexion sur nos dépenses, on doit faire attention. Et le message, il s’adresse d’abord aux politiques, on doit être responsable.
 
ROLAND SICARD Alors je disais que vous présidez, dirigez la Droite sociale qui est une aile de l’UMP. Vous faites ce matin des propositions et il y en a une qui frappe, c’est celle sur le logement social.
 
LAURENT WAUQUIEZ Oui, ça repose sur une idée qui est simple. La Droite sociale veut défendre les classes moyennes, on veut mieux prendre en compte les travailleurs et notamment les travailleurs modestes. QU’est-ce qu’on voit ? 500 000 personnes, 500 000 personnes au cours des cinq dernières années, ont été amenées à refuser un emploi pour des questions de logement. Ce qu’on souhaite, c’est donc mieux prioriser le logement social en direction de ceux qui travaillent. Le principe est donc assez simple, on veut faire en sorte de réserver une partie du logement social à ceux qui travaillent.
 
ROLAND SICARD Quelle partie ?
 
LAURENT WAUQUIEZ Alors c’est assez simple, ça repose sur l’idée de mettre dans les critères de priorité pour l’accès au logement social, l’accès à l’emploi. Je vais prendre un exemple simple, vous…
 
ROLAND SICARD Non, mais quelle partie du parc social vous réservez à ceux qui travaillent ?
 
LAURENT WAUQUIEZ Aujourd'hui vous avez à peu près une personne sur deux, une personne sur deux en logement social qui a un emploi, je considère qu’on peut facilement augmenter de 10 %. Dans le même temps il faut continuer à construire des logements sociaux pour faire en sorte qu’on en ait plus, que ça permette de ne pas évidemment chasser des gens qui en ont aussi besoin, mais est-ce que de temps en temps on peut aussi dans notre pays avoir une attention pour les travailleurs, les travailleurs modestes ? Quand vous habitez à un endroit, que vous travaillez à 30 Kms, que vous lâchez toute une partie de votre salaire dans les temps de trajet, la réalité, c’est qu’au bout du mois, vous avez finalement peu d’intérêts à aller travailler. Donc utiliser le logement social comme un point d’appui pour quelqu’un qui travaille, c’est une idée qui nous semble très importante.
 
ROLAND SICARD Et les chômeurs, où est-ce qu’on les loge du coup ?
 
LAURENT WAUQUIEZ C’est pour ça que je dis que dans le même temps, il faut qu’on continue à construire des logements sociaux et que ça doit être une de nos priorités. Le logement, c’est ce qui pèse le plus sur le budget et notamment des classes moyennes modestes. Donc oeuvrer en ce sens, c’est un des moyens de les aider dans la crise.
 
ROLAND SICARD Il y a quelques mois, vous aviez dit qu’il fallait plafonner à 75 % du SMIC le total des allocations, est-ce que ça reste d’actualité ?
 
LAURENT WAUQUIEZ Oui bien sûr, pourquoi ? On est dans une situation où aujourd'hui notre pays décourage les gens de reprendre un travail dans beaucoup trop de cas et où en réalité, c’est un piège y compris pour ceux qui sont éloignés de l’emploi. Quand vous reprenez un emploi et que le premier message qui est envoyé par la France, c’est de vous enlever toute une série de dispositifs d’aides, on vous décourage. Je considère qu’un pays qui ne fait pas suffisamment de différences entre les revenus de l’assistanat et les revenus du salariat, c’est un pays qui a perdu ses repères. Donc ça aussi c’est pour nous, une des directions très fortes de la Droite sociale.
 
ROLAND SICARD L’assistanat, vous continuez de penser que c’est un cancer de la société ?
 
LAURENT WAUQUIEZ Je continue de penser que quand on fait trop d’assistanat, c’est un piège pour tout le monde. C’est d’abord un piège pour les gens eux-mêmes, parce que du coup on ne les aide pas à s’en sortir. Je continue à penser que faire du social, ce n’est pas verser un chèque à la fin du mois, c’est essayer d’aider les gens à retrouver un emploi le plus vite possible. Oui bien sûr, c’est les convictions très profondes que je défends.
 
ROLAND SICARD Alors justement les aides, vous proposez aussi qu’on les présente en fin d’année à tout le monde, c’est pour responsabiliser ou pour culpabiliser ceux qui les reçoivent ?
 
LAURENT WAUQUIEZ Non, je crois que de la même manière et ça vaut pour les plus hauts revenus, on a besoin d’efforts dans la société globalement. Si ces efforts ne sont portés que par la classe moyenne, c’est injuste. Je considère aussi qu’au niveau des plus hauts revenus, il y a un moment où il faut qu’on siffle la fin de la récréation. Il y a quelque chose qui me choque très fort, je pense à des sportifs, à des chanteurs qui gagnent beaucoup d’argent, qui paient leurs impôts en Suisse ou en Belgique, mais qui peuvent continuer à vivre six mois de l’année en France, c’est parfaitement choquant. Donc là aussi la Droite sociale par principe de responsabilisation, de droit et de devoir, propose une idée simple, vous habitez trois mois en France, vous payez vos impôts en France. Et je trouve que ça permet aussi de remettre un peu plus de responsabilités. On a besoin de lutter contre ce que moi j’appelle les profiteurs du haut, on a besoin de corriger par les droits et devoirs les dérives de l’assistanat et on a besoin de fortifier les classes moyennes.
 
ROLAND SICARD Pour ce qui est des élèves qui rentrent en classe, qui ont des difficultés à suivre ou à payer leurs études, vous avez là aussi des propositions ?
 
LAURENT WAUQUIEZ Oui parce que s’il y a bien un domaine où il faut aider les Français, c’est pour le financement des études de leurs enfants. Et donc ce qu’on propose, c’est de mettre en place un plan épargne éducation, sur un principe assez simple, l’Etat abonderait au moment de la naissance avec un petit pécule un plan d’épargne. Ensuite la famille pourrait tout au long des années le constituer, l’abonder, sur le même modèle finalement que le Plan Epargne Logement. Et ça permet au moment où vos enfants sont au stade du bac et rentrent dans l’enseignement supérieur, ce qui coûte le plus cher, d’avoir eu une petite épargne pour pouvoir financer les études. Et ça c’est un des sujets très important pour les classes moyennes. Donc un plan épargne éducation, sur le modèle du Plan Epargne Logement…
 
ROLAND SICARD Ca va coûter cher ?
 
LAURENT WAUQUIEZ Non, on a ciblé, ça coûte 110 millions d’euros et on le finance par des efforts qui sont demandés aux plus hauts revenus, de la même manière par exemple on propose d’interdire les stock-options. Il y a un moment où il faut siffler la fin de la récréation, sauf dans les PME ou les Start-up innovantes où ça peut avoir du sens, mais les stock-options ont abouti à un espèce de délire d’un capitalisme de Monopoly, je crois que, en tout cas c’est dans les convictions fortes de la Droite sociale aussi qu’il faut remettre des droits et des devoirs en haut de l’échelle des revenus également.
 
Source : Premier ministre, Service d’Information du Gouvernement, le 14 novembre 2011