Interview de M. Laurent Wauquiez, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche à I-Télé le 23 novembre 2011, sur la crise économique, la farude sociale et le programme de l'UMP.

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Média : Itélé

Texte intégral


 
 
 
CHRISTOPHE BARBIER L’UMP a présenté hier une partie de son programme dont la sortie des 35 heures. Alors chaque branche serait libre de négocier son temps de travail, est-ce que vous êtes favorable à cette sortie des 35 heures ?
 
LAURENT WAUQUIEZ Moi je suis favorable à une condition, qu’il y ait toujours constamment notre part dans la droite sociale, c’est que ce ne soit pas les classes moyennes qui paient l’addition.
 
CHRISTOPHE BARBIER Et elles paient l’addition des 35 heures les classes moyennes ? Elles en ont profité, elles récupèrent du temps libre…
 
LAURENT WAUQUIEZ Non, elles paieraient l’addition de la fin des heures supplémentaires. Donc que derrière la proposition de Jean-François COPE se fasse par une négociation de branche, me va, parce que ça peut permettre de laisser ce sas où on s’assure que ça ne se traduit pas par moins de salaires et moins de rémunérations pour les classes moyennes.
 
CHRISTOPHE BARBIER Travailler plus pou gagner plus ça serait votre slogan pour ces classes moyennes ?
 
LAURENT WAUQUIEZ Non, mon slogan pour les classes moyennes c’est les remettre au coeur de la société, mais effectivement les classes moyennes sont les premières à avoir bénéficié des heures supplémentaires et c’est d’ailleurs pour ça qu’une des propositions très dangereuses de la gauche pour les classes moyennes, c’est la disparition des heures supplémentaires.
 
CHRISTOPHE BARBIER Laurent WAUQUIEZ, comment sortir des 35 heures à l’hôpital ? Il y a deux millions de journées de RTT nous dit LE PARISIEN qui doivent être prises ou payées en 2012, on ne le fera pas ?
 
LAURENT WAUQUIEZ Je crois de la même manière, ce qui est intéressant dans la proposition qui est faite par Jean-François COPE, c’est d’essayer de s’adapter à secteur par secteur, branche par branche. Voilà typiquement un domaine où il faut prendre le temps de se poser.
 
CHRISTOPHE BARBIER Du côté des PME, on va supprimer, nous promet l’UMP, les seuils à partir desquels il faut des représentations syndicales, des seuils qui effraient souvent les patrons de PME, c’est faire reculer le droit du travail, le droit social quand même.
 
LAURENT WAUQUIEZ Vous savez, je suis convaincu que ces seuils en fait, sont un vrai détricotage en réalité du droit social. Pourquoi ? Parce que, qu’est-ce qu’on observe ? Quand vous êtes salarié d’une PME, moins de droits, moins de protections. Par exemple sur les jours de carence, quand vous êtes dans une PME, les jours de carence sont rarement pris en charge. Quand vous êtes dans un grand groupe, ils sont plus souvent pris en charge. Ces seuils en réalité sont une machine qui est antisociale pour les salariés des PME. Et il y a un deuxième sujet sur lequel… au niveau de la droite sociale on veut se pencher, est-ce que notre pays favorise suffisamment les PME et les ETI. Est-ce qu’en réalité on n’a pas trop le spectre braqué sur les grandes entreprises ? C’est notamment un des problèmes que l’on pose dans mon livre « La lutte des classes moyennes ».
 
CHRISTOPHE BARBIER Qu’est-ce qu’on peut faire pour les PME ? Encore diminuer les charges ?
 
LAURENT WAUQUIEZ Non, ce que je crois surtout, c’est qu’il faut qu’on trouve un équilibre. Un exemple encore précis, le harcèlement normatif, c’est un sujet qui devra être un des aspects de la campagne présidentielle.
 
CHRISTOPHE BARBIER C'est quoi le « harcèlement normatif » ? C’est l’administration qui tombe sur les entreprises ?
 
LAURENT WAUQUIEZ C’est la quantité énorme de normes, de contraintes, de contrôles administratifs qui sont présents. Sauf que, qu’est-ce qu’on fait ? On applique de la même manière au groupe SAINT-GOBAIN qu’à la PME de plasturgie de Haute-Loire les mêmes normes. Le groupe de SAINTGOBAIN a d’autres moyens, il doit avoir d’autres obligations, la PME a moins de moyens, on doit le prendre en compte.
 
CHRISTOPHE BARBIER Alors une victoire pour la droite sociale, le cumul des prestations sociales promet l’UMP, ne pourra pas dépasser 75% du SMIC. Est-ce que c'est une manière de lutter contre ce que vous avez appelé le cancer de l’assistanat ?
 
LAURENT WAUQUIEZ J’ai appelé le cancer des dérives de l’assistanat monsieur BARBIER et chaque mot compte. Oui on a un système social qui dérive par le biais de l’assistanat et notamment sur un sujet majeur pour nous au niveau de la droite sociale, la différence entre les revenus du salarié et de l’assistanat. Qu’est-ce que je constate ? Nos idées progressent. Ce qui était critiqué en mai est aujourd'hui progressivement repris et je suis vraiment content de ce point de vue parce que, quand on a lancé le débat, ça a été difficile, il a fallu secouer beaucoup de politiquement correct. Ce qu’on voit aujourd'hui c'est que ça avance, sur le sujet par exemple de la contrepartie d’heures de travail au RSA, sur cette idée de la différence entre les revenus du salarié et de l’assistanat et sur le logement social. Donc on voit que petit à petit, nos idées au niveau de la droite sociale sont reprises par notre famille politique et qu’on joue notre rôle de boite à idées.
 
CHRISTOPHE BARBIER Si on fait ce plafond des prestations sociales, 75% du SMIC, on pourra supprimer le RSA, les gens auront intérêt à reprendre un travail.
 
LAURENT WAUQUIEZ Non parce que de toute façon le RSA a son rôle, il a fait progressé les choses, le seul point c’est qu’il ne doit pas arriver à créer cette zone de flou où en réalité, entre celui qui travaille et les revenus de l’assistanat il n’y a plus de différence.
 
CHRISTOPHE BARBIER Zone de flou du côté de la réforme fiscale que propose l’UMP avec un mixe fiscal extrêmement compliqué, est-ce que ce n’est pas un faux nez pour nous faire la TVA sociale ?
 
LAURENT WAUQUIEZ Je l’aborde là encore dans « La lutte des classes moyennes » dans notre livre. La TVA sociale c’est une bonne idée en apparence, sauf que là encore le problème c’est est-ce que les classes moyennes vont se transformer en cochons payeurs ? Pour faire simple, c’est-à-dire qui paiera l’addition d’une hausse de la TVA ? Ma crainte est que ce soit les classes moyennes. Je trouve que le fait que l’UMP prenne un peu plus de distance par rapport à la TVA sociale, disent écoutez, il faut qu’on trouve un mixe d’impôt qui permettent de préserver les classes moyennes tout en baissant les charges sociales qui pèsent sur leur travail, ça c’est une voie qui est intéressante.
 
CHRISTOPHE BARBIER Mais la TVA sociale c'est aussi censé protéger ces fameuses PME contre notamment les exportations à bas coût, les importations à bas coût.
 
LAURENT WAUQUIEZ C'est pour cela qu’en réalité ce qui compte c'est quoi ? Faire payer une partie de notre protection sociale à des importations qui sont faites par des pays qui n’ont pas le même modèle social que nous. Ca c’est l’objectif. Après si on peut le faire par un mixe d’impôt qui nous permet de préserver les classes moyennes, c’est la voie. Je voudrais rajouter une chose, il ne faut pas que notre famille politique dans son programme, oublie aussi la lutte contre ce que j’appelle les profiteurs du haut. C’est essentiel.
 
CHRISTOPHE BARBIER Alors c’est qui les profiteurs du haut ? C’est les patrons, c’est les retraites chapeaux, c’est les bonus des banquiers ?
 
LAURENT WAUQUIEZ C’est toute cette dérive des élites financières qui ont profité de l’argument de la mondialisation pour s’affranchir de tout respect et de tout équilibre. Quelques exemples précis : les stock-options, je suis favorable et on est favorable avec la droite sociale à l’interdiction des stock-options, elles ont fait beaucoup de mal avec une logique de court terme sur notre économie. Deuxième exemple : vous avez des très riches fortunes qui s’expatrient en Belgique ou en Suisse et je pense surtout à ces deux pays là et qui pourtant continuent à vivre en France, c'est choquant. Un principe simple : vous habitez trois mois en France, vous payez vos impôts en France. Et je crois que la restauration de la justice de notre contrat social, si on veut remettre les classes moyennes au coeur, il faut corriger les profiteurs du haut et les dérives de l’assistanat. C'est vraiment une voie essentielle pour notre pays, le quinquennat qui vient doit être le quinquennat des classes moyennes.
 
CHRISTOPHE BARBIER François FILLON est prêt à renoncer aux jours de carence supplémentaire en cas d’arrêt maladie. Vous disiez pourtant vous que c’était une question de principe. Alors vous cautionnez la reculade du Premier ministre ce matin ?
 
LAURENT WAUQUIEZ Non ce n’est pas ça qu’a dit François FILLON, ce qui est pour moi une question de principe c’est que, quand on est malade, évidemment on prend son arrêt maladie, quand on n’est pas malade il faut qu’on fasse attention parce que c’est l’argent de la solidarité. Vous savez, il y a parfois cette expression qu’on dit, ah je n’ai pas pris mes jours d’arrêt maladie, comme des jours de vacances, donc de ce point de vue, qu’on réfléchisse à comment mieux responsabiliser, éviter les abus, très important. Après il y a un point qui est problématique dans ce qui a été mis en avant, c’est la différence entre le privé et le public et là encore, pour moi un des leitmotivs très clair de ce qu’on peut faire et des efforts que l’on peut demander, les Français sont prêts à les accepter à une condition, ça doit être juste et équilibré. S’il y a des différences entre le privé et le public, ce n’est pas équilibré. Si les efforts sont faits uniquement par les classes moyennes et pas en haut, ce n’est pas équilibré. Si jamais on essaie de remettre le travail au coeur de la société mais qu’on ne corrige pas les dérives de l’assistanat, ce n’est pas équilibré. Donc je crois vraiment sur la sortie de crise il faut des choses qui soient justes.
 
CHRISTOPHE BARBIER Le grand-père d’Agnès, assassinée au Chambon-sur-Lignon dénonce les dysfonctionnements pour reprendre le mot de Claude GUEANT et est-ce qu’il y aura des sanctions sur ceux qui ont dysfonctionné ?
 
LAURENT WAUQUIEZ Le Chambon-sur-Lignon c’est la commune où j’ai mes racines, c’est mon département, c’est un évènement que j’ai vécu de façon très proche. Je vais vous parler clairement, depuis deux jours j’ai un peu la nausée parce que j’ai trouvé qu’il y avait un contraste qui pour moi était trop abrupte entre d’une part la dignité de ce qui s’était passé dimanche matin avec la marche blanche. La dignité des parents et d’autre part, ce que je vois avec certaines réactions politiques, par exemple hier où une députée socialiste apostrophe le gouvernement en disant c’est la faute de la droite, ou Marine LE PEN qui avec un cynisme absolu cherche à faire de cette affaire, un argument de tréteau. Je voudrais bien que l’ensemble de la classe politique là-dessus soit à la hauteur de cette dignité. Pourquoi je dis ça ? Parce que la question des dysfonctionnements pour moi, ce n’est pas la question de la faute d’untel et untel, c'est le dysfonctionnement d’un système sur lequel on doit s’interroger. Le juge a sans doute bien fait son travail, mais est-ce que le travail qu’on lui demandait, qu’on attendait était le bon ? Le psychiatre a sans doute bien fait son travail, mais est-ce qu’on a pris les bonnes dispositions pour éviter de mettre quelqu’un qui était dangereux dans un internat mixte ? Et je crois que la question n’est pas de jeter la vindicte sur telle ou telle profession, telle ou telle personne, mais se poser les bonnes questions, comment mieux protéger nos enfants, nos étudiants.
 Source : Premier ministre, Service d’Information du Gouvernement le 24 novembre 2011