Interview de M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative à I-Télé le 1er décembre 2011, sur la crise économique européenne, le système monétaire européen et le traitement de base des enseignants débutants.

Prononcé le 1er décembre 2011

Intervenant(s) : 

Média : I-télévision

Texte intégral


 
 
CHRISTOPHE BARBIER Nicolas SARKOZY s’adressera aux Français, depuis Toulon, ce soir, sur la crise, sur la sortie de la crise et ses solutions. Est-ce qu’il faut imputer une partie des frais de ce voyage, aux frais de campagne ? Il va être candidat, Nicolas SARKOZY, ce serait logique de prendre un peu de la facture, non ?
 
LUC CHATEL Vous savez, François HOLLANDE et le Parti socialiste font preuve de fébrilité. Ils n’empêcheront pas Nicolas SARKOZY de présider jusqu’au bout, jusqu’au dernier jour. Il a été élu pour 5 ans. Le président de la République s’adresse régulièrement aux Français, pour à la fois leur expliquer sa politique, pour leur parler de la situation et Nicolas SARKOZY, trois fois par semaine, deux ou trois fois par semaine, depuis quatre ans et demi, se rend sur le terrain pour aller à la rencontre de cette France.
 
CHRISTOPHE BARBIER Oui mais, là, il attaque parfois les propositions socialistes, il parle du mandat 2012/2017, donc il fait de la campagne.
 
LUC CHATEL Il explique sa politique comme il le fait depuis le premier jour, et c'est ce qu’attendent les Français. Ce qu’attendent les Français du président de la République, ce n'est pas qu’il soit en réserve de la République, c’est qu’il soit sur le terrain, à leurs côtés, qu’il comprenne la situation réelle du pays et qu’il y apporte des solutions, et c'est ce que fait Nicolas SARKOZY, deux ou trois fois par semaine dans le cadre de ses déplacements.
 
CHRISTOPHE BARBIER Et les solutions proposées à Toulon, ce soir, ça sera encore un peu plus de rigueur ?
 
LUC CHATEL Vous savez, ce qu’attendent les Français aujourd'hui, sans doute, c'est une mise en perspective. Ils ont compris que le pays, la situation internationale, nécessitaient des efforts, et ils sont prêts à faire ces efforts...
 
CHRISTOPHE BARBIER Encore plus ?
 
LUC CHATEL ... ils l’on démontré. Ils les font ces efforts, et le gouvernement a pris des décisions, qui étaient difficiles mais qui étaient nécessaires par rapport à la situation de notre pays. Donc, les français l’ont compris, ils l’ont intégré. Simplement, ce qui est important, et c'est ce que l’on attend du chef de l’Etat, ce que l’on attend du chef de l’Etat c'est qu’il ne soit pas d’un chef d’Etat, d’un président de la République, on n’attend pas qu’il soit dans la petite polémique, on attend qu’il soit dans les grandes décisions.
 
CHRISTOPHE BARBIER Alors, les grandes décisions...
 
LUC CHATEL C'est Nicolas SARKOZY qui est dans cette logique.
 
CHRISTOPHE BARBIER Est-ce que c'est Nicolas SARKOZY qui prend les décisions ou est-ce que c'est madame MERKEL, comme le dit François HOLLANDE ? Il dit : « SARKOZY, il suit ».
 
LUC CHATEL Oh, cette polémique est assez pathétique. On savait François HOLLANDE peu préparé aux affaires internationales, il est en train de le démontrer. Il suffit de lire la presse allemande, pour voir que la presse allemande reproche exactement la même chose à Angela MERKEL, que, aujourd'hui, une certaine presse reproche en France à Nicolas SARKOZY. La vérité c'est qu’il y a un dialogue dans le couple franco-allemand, et quand j’entends dire François HOLLANDE que, lui, il verrait d’un autre oeil ce partenariat entre la France et l’Allemagne, quand on n’est déjà pas capable de s’entendre avec ses propres alliés, quand on n'est déjà pas capable d’imposer ses propres amis au Premier secrétaire du Parti socialiste, je me fais quelques soucis sur la capacité de François HOLLANDE de négocier avec Angela MERKEL.
 
CHRISTOPHE BARBIER Est-ce néanmoins, pour l’avenir, des budgets à l’allemande qu’il va falloir faire ? Une rigueur publique à l’allemande, qu’il va falloir adopter ?
 
LUC CHATEL Toute la logique, c'est de réfléchir à une gouvernance économique européenne nouvelle. On voit bien que ce qui a failli c'est l’organisation du système monétaire, la capacité des gouvernements à se réunir, à travailler ensemble, à coopérer sur leur politique monétaire, économique et budgétaire. C'est ça l’enjeu.
 
CHRISTOPHE BARBIER Donc on fera valider nos budgets à Bruxelles ou à Berlin ou à un peu partout.
 
LUC CHATEL Nous verrons. Il y a une discussion, il y aura un sommet européen la semaine prochaine, mais ce qui est important c'est que l’on ne peut plus continuer avec cette logique où chacun travaille dans son coin, alors que nous avons la même monnaie, alors que nous rencontrons les mêmes difficultés, alors que nous avons les mêmes pressions qui s’exercent sur nos économies.
 
CHRISTOPHE BARBIER Est-ce qu’il faudra demander à la gauche d’accepter un congrès, avant la présidentielle, pour voter une règle d’or ?
 
LUC CHATEL Il faudrait d’abord que la gauche soit responsable, mais qu’elle accepte l’idée que nous devons maîtriser la dépense publique. Quand je vois François HOLLANDE faire encore des propositions de création de postes de fonctionnaires, c'est mentir aux Français, parce que les Français savent très bien qu’on ne pourra pas financer de nouvelles créations de postes de fonctionnaires. C'est mentir d’ailleurs aussi aux enseignants, parce que les enseignants savent très bien que s’il y a plus de professeurs, eh bien, en gros, ceux qui sont aujourd'hui en place seront moins bien payés, donc c'est à l’encontre de ce qu’il faut faire et à l’encontre de la politique que nous pratiquons depuis 5 ans.
 
CHRISTOPHE BARBIER Vous avez proposé, vous, de remonter le salaire de base des enseignants débutants...
 
LUC CHATEL Oui, au 1er février, nous passerons la barre symbolique des 2 000 € par mois pour la première fiche de paie d’un enseignant. C’est 18 % de plus qu’en 2007. C'est un effort considérable qui a été possible, grâce au non remplacement d’un fonctionnaire sur deux.
 
CHRISTOPHE BARBIER Si la croissance n'est pas au rendez-vous, si on ne fait pas le 1 % promis pour 2012, vous reviendrez sur cette promesse ?
 
LUC CHATEL Non, parce que c’est gager sur des économies, c'est-à-dire que nous ne remplaçons pas la moitié des fonctionnaires qui partent en retraite, mais la moitié des économies réalisées, grâce à ce non remplacement, permet une revalorisation, c'est-à-dire qu’en gros, cette année, dans le budget 2012 que nous préparons en ce moment, eh bien nous aurons 176 millions d’euros qui seront affectés à la revalorisation des enseignants et qui viennent des économies du non remplacement de 14 000 postes. Donc on voit bien que l’idée que Nicolas SARKOZY avait réaffirmée devant les Français en 2007, moins de fonctionnaires, mieux payés, ça fonctionne, ça marche, parce que nous voulons avoir des fonctionnaires mieux responsabilisés, mieux valorisés.
 
CHRISTOPHE BARBIER 152 élèves, seulement, ont été traités en établissements de réinsertion scolaire. 15 300 € par élève. Est-ce que ce n'est pas trop cher payé, est-ce qu’il n’y a pas d’autre méthode de traitement ?
 
LUC CHATEL Non, parce que c'est 152 collèges dans lesquels nous avons pacifié la vie scolaire pendant une année. Vous savez...
 
CHRISTOPHE BARBIER Vous pouvez aussi les exclure définitivement, ces gamins.
 
LUC CHATEL Je pense que ça n'est pas la réponse, pour des collégiens qui sont dans le cadre de l’obligation de scolarité, qui ont moins de 16 ans, et justement, il n’y avait pas de réponse à ces collégiens très perturbateurs, qui étaient renvoyés deux ou trois fois de leur collège, dont on ne savait pas quoi faire. Nous avons créé des établissements de réinsertion scolaire, qui sont des établissements qui accueillent pendant une année ces élèves, avec, oui, un sur-encadrement, parce que notre idée c'est de différencier les moyens, c'est de faire plus, là où il y a le plus de besoins. Eh bien là, nous assumons le fait de mettre 15 000 € par élève, et d’ailleurs 93 % d’entre eux, 9/10, ont aujourd'hui, un an après, retrouvé leur établissement classique, leur collège, leur lycée, leur centre d’apprentis. Donc c'est un succès.
 
CHRISTOPHE BARBIER 165 familles, seulement, ont été frappées au portefeuille par les Allocations familiales, pour cause d’absentéisme scolaire. Ça c'est pour les six premiers mois de 2011. Vous n’allez pas faire peur à grand monde avec des statistiques pareilles.
 
LUC CHATEL Mais justement, on a fait peur et ça marche. Pourquoi, parce qu’il y avait 32 000 familles qui avaient été alertées parce que leur enfant était absentéiste. 32 000 familles que nous avons convoquées, à l’Inspection d’académie, dans le collège, dans le lycée, avec le Principal ou avec les équipes d’encadrement. 32 000 familles. Et sur ces 32 000 familles, la moitié des cas ont été résolus après ce premier entretien. Les autres ont bénéficié d’un deuxième entretien, et après ce deuxième entretien, effectivement, 160 seulement ont fait l’objet d’une suspension. Ça veut dire quoi ? Ça veut dire qu’on a résolu 99,5 % des cas, uniquement en convoquant les parents. Eh bien ça veut dire que la menace d’une suspension des allocations familiales, qui a été très décriée, ça marche, ça responsabilise les parents, ils se rendent compte qu’ils doivent s’impliquer dans la scolarité de leur enfant et leur enfant revient à l’école, et c’était ça l’objectif.
 
CHRISTOPHE BARBIER François BAYROU présente un agenda 2012/2020 pour remettre la France sur les rails. Est-ce qu’il faut écouter les solutions anti-crise de BAYROU ?
 
LUC CHATEL Je pense qu’il faut écouter les solutions anticrise de tout le monde, parce qu’il n’y a pas de vérité révélée face à la crise. Il y a des convictions, et Nicolas SARKOZY a des convictions il l’avait démontré il y a trois ans à Toulon, il revient aujourd'hui à Toulon et l’histoire a montré qu’il avait eu une intuition et qu’il avait senti la gravité de la crise. Maintenant, oui, il peut y avoir des bonnes idées partout et le rôle de dirigeants politiques c'est d’écouter, surtout dans le cadre d’un grand débat qui s’annonce au printemps prochain...
 
CHRISTOPHE BARBIER Et éventuellement de faire des alliances ?
 
LUC CHATEL ... d’écouter les propositions. Nous verrons. Il ne m’appartient pas de définir, c'est au futur candidat de notre formation politique de définir sa stratégie politique.
 
CHRISTOPHE BARBIER Rama YADE pourrait être radiée des listes électorales à Colombes. Est-ce que c'est bien fait pour elle, elle avait qu’à faire attention à s’inscrire ou est-ce que c'est injuste ?
 
LUC CHATEL Eh bien je crois qu’il y a une règle qui s’applique à tous, il ne doit pas y avoir d’exception.
 
CHRISTOPHE BARBIER Parachuter Claude GUEANT comme candidat aux législatives, dans les Yvelines, c'est une bonne idée ou il n’a pas sa place ?
 
LUC CHATEL Ecoutez, je n’ai pas d’information sur les investitures dans les Yvelines, mais si Claude GUEANT veut être candidat aux élections législatives, d'ailleurs ça lui appartient de répondre à cette question et pas à moi, ensuite c'est à notre formation politique de regarder avec lui où est ce qu’il peut être candidat, c'est ce qui fonctionne systématiquement pour les responsables politiques dans chaque parti.
 
CHRISTOPHE BARBIER Un téléphone qui disparaît, des SMS étranges, des visiteuses nocturnes. Est-ce que vous croyez au complot contre Dominique STRAUSS-KAHN, au mois de mai, à New York ?
 
LUC CHATEL Sincèrement non. La ficelle est un peu grosse et on a trop parlé de cette affaire.
 
CHRISTOPHE BARBIER Est-ce qu’on en a beaucoup parlé au sein de l’UMP avant, est-ce que des SMS de STRAUSS-KAHN circulaient ?
 
LUC CHATEL Jamais. Je n’ai jamais entendu parler de cette affaire, avant l'UMP, jamais.
 
CHRISTOPHE BARBIER Est-ce qu’il faut néanmoins faire toute la lumière là-dessus et par exemple ouvrir une enquête sur les liens entre le SOFITEL, ACCOR et l’UMP ?
 
LUC CHATEL Mais, il y a une enquête judiciaire qui est en cours, aux Etats-Unis, faisons confiance à la justice américaine.
 
CHRISTOPHE BARBIER Vous ne tremblez pas ? Vous n’avez pas peur...
 
LUC CHATEL Absolument pas.
 
CHRISTOPHE BARBIER ... que le complot revienne à la figure de l'UMP ?
 
LUC CHATEL Absolument pas.
 Source : Premier ministre, Service d’Information du Gouvernement, le 2 décembre 2011