Extraits de l'entretien de M. Alain Juppé, ministre des affaires étrangères et européennes, avec RTL le 8 novembre 2011, sur le lien entre la perte de confiance et l'aggravation de la crise en France et dans le monde, et le dossier nucléaire iranien.

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

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Q - Mais nous, on avait cru le président de la République qui nous disait : «jamais, je n’augmenterai les impôts» ?
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R - On oublie 2008, et l’aggravation de la crise. Quand j’étais au G20, j’ai bien vu que l’on était dans une situation mondiale où l’on frise la catastrophe, pas simplement en France mais un peu partout : les États-Unis, le Japon, la Chine ont leurs problèmes. Il y a donc des faits nouveaux (…).
Q - Une baisse des dépenses publiques et une augmentation des impôts ne risquent-elles pas de casser la déjà faible croissance que nous connaissons en France ?
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R - Il y a quelque chose qui m’a frappé à Cannes, c’est qu’un des éléments déclencheurs et d’aggravation de la crise, c’est aussi la perte de confiance. On n’a plus confiance. Les investisseurs n’ont pas confiance et ils n’ont donc plus de projets. Les banques n’ont plus confiance, elles ne prêtent plus. Si nous parvenons à rétablir nos finances, en assainissant les fondations de la maison France, eh bien la confiance reviendra.
Je suis optimiste. Je me déplace beaucoup à travers la planète. Ce sont certes des voyages rapides, mais cela me permet quand même de voir ce qu’il y a autour de nous. Et quand je reviens en France, je me dis que nous sommes dans un pays formidable ! Nous sommes une grande puissance économique, la 5ème ou la 6ème du monde. Nous avons des atouts extraordinaires. Alors, assainissons nos finances et après cela rebondira, j’en suis sûr, comme en 1998, 1999, où à d’autres périodes de notre histoire.
(…)
Q - Vous êtes l’homme de droite, préféré des Français et l’homme politique préféré de la droite ?
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R - Je fais mon travail. Je fais ce que j’ai à faire ; c’est passionnant. Je crois que la voix de la France dans le monde est, aujourd’hui, très entendue, non seulement dans le monde arabe, mais au-delà. Je l’ai vérifié encore au G20 à Cannes. Cela suffit à mon bonheur, d’essayer de servir mon pays du mieux que je le peux.
Q - Parmi les bonnes nouvelles disait Alain Duhamel, on espère, je cite Alain, que cette fois-ci, Silvio Berlusconi va y passer ?
R - Confiance, là encore ! J’en parlais tout à l’heure, l’Italie est une économie forte, avec des entreprises extrêmement dynamiques, et il y a une crise de confiance. Le dernier placement des emprunts italiens vient de se faire à 6,65 % ou 6,66 % ; c’est justement la preuve de la défiance. Quand les prêteurs augmentent les taux d’intérêt, cela veut dire qu’ils n’ont pas confiance. J’espère donc que l’Italie pourra repartir sur des bases saines. Je ne porte pas de jugement sur M. Berlusconi, personnellement, mais je crois qu’il y a un problème de confiance.
Q - Et la confiance elle est liée à l’incarnation du pouvoir politique ?
R – Souvent !
Q - Et là, en l’occurrence ? Ceux qui ont la vidéo pourront voir un hochement de la tête. Un mot de politique étrangère, nous y étions presque, mais l’Agence internationale de l’énergie atomique rend public aujourd’hui un rapport qui établit avec des preuves - paraît-il, on va voir ça dans la journée - le caractère militaire de la démarche nucléaire de l’Iran. Et le président israélien Shimon Peres a dit dimanche : «la possibilité d’une attaque militaire contre l’Iran est plus proche qu’une option diplomatique». Il faut prendre au premier degré ce qu’a dit Shimon Peres ?
R - Vous savez, c’est une question qui revient périodiquement dans la vie politique israélienne. Je crois qu’il faut tout faire pour éviter ce qu’aurait d’irréparable, une action militaire. Nous sommes très inquiets de la dérive iranienne. Nous avons beaucoup de raisons de penser - on verra si le rapport de l’AIEA, le confirme - que leur programme nucléaire a une finalité militaire. Cela pourrait conduire à une déstabilisation extrêmement grave de la région et la France a donc une position très ferme. S’il faut encore accentuer les sanctions, nous y sommes prêts.
Q - Et vous prenez au sérieux ce que disent les Israéliens, vous avez des informations ?
R - Il faut toujours prendre au sérieux ce que disent les Israéliens.
Q - De déclencher une attaque, vous le prenez au sérieux ?
R - Je vous ai dit qu’il fallait tout faire pour éviter ce qu’aurait d’irréparable une intervention militaire.
(…).source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 14 novembre 2011