Texte intégral
Madame le Commissaire,
Mesdames, Messieurs,
Je voudrais dabord vous remercier de votre présence et de la richesse des échanges qui se sont déroulés tout au long de cette journée.
Je voudrais aussi partager avec vous ma joie. Jétais avant-hier soir à Villacoublay pour accueillir les trois membres de lorganisation non gouvernementale Triangle libérés à lissue dune longue captivité. Je tiens à rendre hommage aux différents services que certains dentre vous connaissent bien, qui comme toujours, ont travaillé sans relâche pour obtenir cette libération, mais aussi au gouvernement dOman, qui nous a apporté un soutien précieux. Je tiens également à saluer le courage et la dignité des familles, ainsi que la force dâme dont nos trois jeunes compatriotes ont fait preuve. Cet épisode témoigne des risques encourus par le personnel humanitaire dans certaines régions du monde. Il témoigne aussi du contexte souvent difficile dans lequel se déploie laction humanitaire.
Dans lesprit des Français, lengagement humanitaire occupe une place particulière.
Il est au cur de la vocation universelle de la France. Il repose sur la conviction profonde que nous sommes tous des citoyens du monde et que cette citoyenneté implique un devoir de solidarité, de responsabilité et de justice. Jai récemment reçu des bénéficiaires du dispositif de volontariat de solidarité internationale, à loccasion du deuxième anniversaire de la mise en place de la plate forme France Volontaires. Lobjectif, cest le triplement du nombre de volontaires. Nous devons unir nos efforts pour latteindre ensemble.
Si nos compatriotes sont si attachés à laction humanitaire, cest également parce quelle appartient pleinement au patrimoine français. Cest parce quaujourdhui encore, cette tradition héritée des French doctors fait la fierté de notre pays et contribue à son rayonnement dans le monde. Je voudrais rendre hommage à votre générosité, à votre courage, mais aussi à votre professionnalisme. Au cours des dernières années, beaucoup de progrès ont été accomplis en matière de formation. Cest un atout majeur : au plus fort de la crise, lexpertise, le savoir-faire et les réflexes du personnel humanitaire sont les meilleures garanties du succès. Lenjeu, aujourdhui, dans un monde où les sociétés civiles sont de plus en plus complexes et plus en plus interdépendantes, cest pour vos organisations datteindre une taille critique, sans pour autant porter atteinte à la variété qui fait la force et la richesse du paysage humanitaire français. Cette taille critique est indispensable pour obtenir des financements européens. Elle est la condition de lefficacité de votre action.
Si les Français sont attachés à laction humanitaire, cest enfin parce quils savent quaujourdhui, les défis sont plus grands que jamais. Ils savent quà lheure où les situations de crise se multiplient, en Haïti, dans la Corne de lAfrique ou en Syrie, et où les menaces sont à la fois naturelles, technologiques et politiques, la mondialisation nous impose un devoir de solidarité accru. Ils savent que demain comme aujourdhui, le monde aura besoin de laction humanitaire. Ni la fatalité, ni le principe de souveraineté, ni les obstacles matériels ne sauraient être à leurs yeux des excuses de nature à justifier linaction.
États, organisations internationales et organisations non gouvernementales doivent donc conjuguer leurs efforts pour que le cadre de leur action reste toujours en phase avec lévolution du monde.
Laction humanitaire doit dabord sinscrire dans un cadre juridique sûr, qui permette de répondre aux obligations morales qui simposent à nous.
Vous le savez mieux que personne, laction humanitaire est fondée avant tout sur des principes moraux. Pour autant, elle tire sa force de règles de droit auxquelles elle doit se tenir.
Le droit humanitaire, ce sont bien sûr dabord les Conventions de Genève de 1949 et leurs protocoles, qui ont posé les règles humanitaires applicables dans les conflits armés, notamment en ce qui concerne la protection des civils en temps de guerre.
Cest aussi un corpus de règles acceptées par la communauté internationale en vue de permettre une intervention concertée sur le territoire dun État souverain. On le sait, les opérations de maintien de la paix se fondent généralement sur la Charte des Nations unies, et bien souvent sur son chapitre VII, et ce fondement est la garantie de leur acceptation internationale.
À cette base traditionnelle a été récemment ajouté le principe de la responsabilité de protéger, entériné en septembre 2005 par lAssemblée générale des Nations unies, selon lequel, lorsquun État manque à son devoir de protéger sa population contre le génocide, les crimes de guerre, le nettoyage ethnique ou les crimes contre lhumanité, il revient à la communauté internationale dendosser cette responsabilité dans le cadre des Nations unies.
En conformité avec ces différentes normes, lÉtat est amené à intervenir dans trois cas de figure.
Dans le cadre des conflits armés, dabord, pour assurer aux côtés des Nations unies le respect du droit et porter aide et assistance à ceux qui le demandent. Cest pour protéger la population ivoirienne victime de tirs à larme lourde que les soldats de la force Licorne sont ainsi intervenus en soutien de lOrganisation des Nations unies en Côte dIvoire, dans le cadre de la résolution 1975 du Conseil de sécurité.
Le deuxième cas de figure, ce sont les opérations conduites sur le fondement de la responsabilité de protéger. Cest dans ce contexte que nous sommes intervenus en Libye, dans le cadre de la résolution 1973 du Conseil de sécurité, pour éviter le bain de sang que Khadafi promettait à son peuple.
Je sais que ces interventions ont parfois soulevé des questions ; jétais récemment en Afrique du Sud et jai eu loccasion de men entretenir avec les forces politiques et les autorités gouvernementales de lAfrique du Sud, je voudrais vous inviter à réfléchir à cette question car je pense quelle sera à nouveau dactualité dans les semaines ou les mois qui viennent, je veux parler de la responsabilité de protéger. Certains sinterrogent sur sa validité ou peut être ses dérives, ce quils considèrent être comme ses dérives. Cest un point important, je pense quil serait grave de transiger sur ce principe qui est un acquis très important de la Communauté internationale réalisé en 2005 et sil doit y avoir réflexion cest peut-être sur sa modalité de mise en uvre et non pas sur sa philosophie même.
Enfin, troisième cas de figure : les crises humanitaires dorigine naturelle, comme les séismes, les raz-de-marée, la sécheresse ou les inondations.
La France y prend toute sa part, notamment face à la crise qui sévit dans la Corne de lAfrique. Sous notre présidence, le G20 de Cannes sest entendu sur un assouplissement des règles du commerce international en faveur du programme alimentaire mondial. Nous avons également lancé des travaux sur un projet de réserves alimentaires durgence au niveau régional. Jétais au Nigéria il y a peu de temps puisque cest la CDAO qui a été chargé de mettre en uvre ce programme de réserve. Nous avons enfin invité les grandes agences humanitaires, et en premier lieu le programme alimentaire mondial, à se doter de stratégies de gestion du risque pour faire face à la volatilité des prix agricoles et alimentaires.
Au-delà de ce cadre juridique, nous devons aussi veiller à ce que notre cadre opérationnel nous permette toujours dintervenir rapidement.
La France relaie les préoccupations des organisations non gouvernementales dans le contexte de la transformation des instances internationales dont elle est membre. Je pense à la réforme humanitaire des Nations unies, qui donne un rôle central au Bureau de coordination des affaires humanitaires et à la secrétaire générale adjointe aux affaires humanitaires et coordinatrice des secours durgence, Mme Valérie Amos, dont je salue le travail.
Pour ma part, je vois quatre priorités à laction de lÉtat.
La première, cest de réaffirmer son engagement en manière humanitaire.
Comme toutes les autres administrations, le ministère des Affaires étrangères et européennes est soumis à des contraintes budgétaires qui le conduisent à des arbitrages douloureux. Soyez assurés que nous mettons tout en uvre pour maintenir nos contributions aux organisations internationales uvrant dans le domaine humanitaire et les subventions que nous versons aux organisations à vocation humanitaire.
À ce propos je vous ai entendu parler de la nécessité de ne pas porter atteinte à la défiscalisation des dons, je voudrais rappeler que la défiscalisation des dons, cest une aide publique puisque cest un manque à gagner pour le budget de lÉtat, et cest donc quelque chose quil faut comptabiliser dans laction des États. Je sais que les niches fiscales ont mauvaise réputation, mais je nen connais aucune qui ait été créée de manière absurde, il y a eu à chaque fois une bonne idée à lorigine, mais sans doute faut-il ensuite les adapter aux évolutions du temps, mais je pense que celle-là mérite effectivement dêtre maintenue.
Aujourdhui, avec une contribution de 16,5% au budget total de lUnion européenne, lengagement français passe de plus en plus par lEurope, qui saffirme comme un acteur humanitaire de premier plan :
- Jen veux pour preuve limportance du budget humanitaire européen, qui, en dépit du contexte difficile que nous connaissons, sélève à environ un milliard deuros par an.
- Jen veux aussi pour preuve les 181 millions engagés par lUnion européenne en faveur de la Corne de lAfrique, sans oublier les 75 millions deuros en faveur dHaïti, les 20 millions deuros en faveur du Pakistan et les 70 millions deuros en faveur de la Libye.
- Jen veux enfin pour preuve les différents mécanismes européens qui ont été mis en place au cours des dernières années, au premier rang desquels le mécanisme de protection civile, et le consensus européen sur laide humanitaire, adopté par les États membres, le Parlement européen et la Commission en décembre 2007, auquel sajoute désormais un plan daction sur 5 ans.
Je voudrais rendre hommage, Madame la Commissaire, aux réformes que vous avez lancées au sein de la direction générale ECHO pour rendre laction humanitaire de lEurope plus efficace et plus opérationnelle. Lémergence dune diplomatie européenne, avec la montée en puissance du Service européen daction extérieure, sera un atout supplémentaire pour permettre à lUnion européenne dêtre plus présente et plus réactive.
Deuxième priorité : renforcer le dialogue entre les acteurs.
Là encore jai entendu votre appel à plus de partenariats et pour la mutualisation.
Pour les organisations non gouvernementales et les acteurs humanitaires, lÉtat est un interlocuteur attentif et permanent : à Paris, à travers le Centre de crise, mais aussi sur le terrain, via les ambassades et les délégations de lUnion européenne et des Nations unies.
Ce dialogue est indispensable, car la diplomatie française sappuie souvent sur lexpertise des acteurs humanitaires pour évaluer une situation. Il est également nécessaire pour articuler efficacement les différents leviers daction, action directe dÉtat ou recours à des partenaires, organisations non gouvernementales ou agences. Surtout, il est essentiel pour nous aider à préparer lavenir.
Cest la raison pour laquelle je souhaite que notre dialogue soit ponctué de rendez-vous réguliers - le prochain pourrait être loccasion daborder, à un moment où, nous lespérons tous, la crise de leuro sera derrière nous, la question dune meilleure allocation des crédits publics à lhumanitaire. Je souhaite également quun «groupe de concertation humanitaire» soit créé pour assurer le travail de fond nécessaire pour que chacun de ces rendez-vous puisse débattre de propositions utiles. Ce sera la tâche de ladministration du Quai dOrsay, qui veillera à la concertation la plus large, tant avec les organisations non gouvernementales humanitaires et les entreprises quavec tous les services du Département, en ayant en permanence à lesprit limplication de la France au sein de lUnion européenne et dans le cadre des Nations unies.
Troisième priorité : mettre en uvre une meilleure coordination des actions sur le terrain pour faire en sorte que laide parvienne effectivement à ceux qui en ont le plus besoin.
Dans certains cas, lÉtat se doit dagir en premier, soit parce que la crise se produit dans un contexte de guerre, soit parce quelle exige une réaction immédiate. Cest la raison pour laquelle la France sest engagée sur des terrains dévastés par des conflits ou des catastrophes naturelles, en Haïti ou au Japon, en envoyant des personnels spécialisés ou en livrant des produits et des matériels de toute nature.
Dans dautres cas, parce que lÉtat concerné soppose à une aide étatique, seules les organisations non gouvernementales sont en mesure dagir. Cest lun des espoirs que je nourris pour la Syrie.
Il arrive également que les acteurs étatiques et non étatiques combinent leurs efforts. De telles situations nous permettent de démultiplier nos forces et de gagner en efficacité. En Haïti, les moyens de la protection civile ont ainsi constitué un appui décisif pour les acteurs humanitaires présents sur le théâtre. Mais, le cas afghan en témoigne, une telle combinaison nest pas toujours simple. Notre ligne de conduite doit être dassurer avant tout la protection des personnes, civiles et militaires, qui se dévouent au service des populations en difficulté.
Enfin, quatrième priorité : trouver des solutions pour permettre laccès aux populations auxquelles les États ou des responsables, quels quils soient, dénient toute assistance humanitaire, alors quelles en ont le plus grand besoin.
Ce sont les situations les plus dramatiques, celles où lÉtat aussi bien que les agences des Nations Unies et les organisations non gouvernementales semblent frappés dimpuissance. Cest malheureusement le cas en Somalie, où les islamistes du Shebab privent les populations de laide la communauté internationale. Il nous faut réfléchir ensemble à la façon de contourner cet écueil.
Ma conviction, cest quensemble, nous pouvons trouver des solutions. Jen veux pour preuve lexemple de la Libye, où les États, les agences des Nations unies et les organisations non gouvernementales on su travailler et réussir collectivement. Le dialogue entre nous a été immédiat. Il est resté constant dans toutes les phases de la crise. Dès le début du conflit, nous avons pu évacuer ensemble 1.600 personnes et rapatrier 20.000 Égyptiens travaillant en Libye qui avaient trouvé refuge en Tunisie. Nous avons également apporté une assistance médicale aux victimes et aussi contribué - au plan logistique, financier, humain, - à la réalisation de multiples opérations réalisées par des organisations humanitaires qui intervenaient dans le pays. Aujourdhui, alors que nous sommes entrés dans la phase de sortie de crise, tous ces acteurs restent très présents : à travers des médecins ou des spécialistes divers qui travaillent de Tripoli à Benghazi à la mise en uvre de projet dassistance au peuple libyen.
Ces situations, vous le savez, sont aussi très souvent celles où la sécurité du personnel humanitaire est la plus menacée. Dans le contexte tragique des prises dotage que nous avons connues au cours des derniers mois, je voudrais dabord exprimer ma solidarité et celle de lensemble du gouvernement aux familles des 5 Français encore retenus dans le monde, quatre au Sahel et un en Somalie. Je voudrais également réaffirmer notre stratégie, qui est claire et qui na jamais varié : nous mettons tout en uvre pour obtenir leur libération par la voie de la négociation et nous nentendons recourir à lusage de la force quen cas de situation désespérée.
Mesdames, Messieurs,
Le rapport de MM. Boinet et Miribel jette les bases dune stratégie humanitaire nationale que nous devons maintenant finaliser, en concertation avec les organisations non gouvernementales.
Cette stratégie doit être loccasion de réaffirmer nos valeurs et notre attachement à inscrire notre action dans le respect du droit. Elle doit également nous permettre de réfléchir aux critères dengagement dans des actions humanitaires, en fonction des enjeux diplomatiques, des capacités opérationnelles et le cas échéant, militaires de lÉtat. Elle doit aussi prendre en compte les différents temps de la crise, de la prévention à la phase post-crise, que nous délaissons aussi parfois dans notre tradition française, notamment en intégrant la notion de prévention des catastrophes, qui est lune des priorités de la Commission. Enfin, cette stratégie doit être loccasion de rechercher les moyens daméliorer lefficacité de notre aide. La formation des agents, la capitalisation des expériences, les évaluations des actions internes et externes existent déjà. Elles doivent être systématiquement renforcées.
Je souhaite que ce document stratégique puisse être finalisé avant le printemps, de façon à ce que les pistes daction puissent trouver très vite des applications concrètes et que nous puissions commencer à les évaluer à la fin de lannée prochaine.
Je sais pouvoir compter sur vous pour relever ce défi. Vous incarnez la vocation universelle de la France. Vous faites vivre les valeurs de générosité, de don de soi et de solidarité qui sont au cur du message français. Je voudrais vous en remercier. Soyez assurés que le gouvernement est à vos côtés.
Je vous remercie.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 18 novembre 2011
Mesdames, Messieurs,
Je voudrais dabord vous remercier de votre présence et de la richesse des échanges qui se sont déroulés tout au long de cette journée.
Je voudrais aussi partager avec vous ma joie. Jétais avant-hier soir à Villacoublay pour accueillir les trois membres de lorganisation non gouvernementale Triangle libérés à lissue dune longue captivité. Je tiens à rendre hommage aux différents services que certains dentre vous connaissent bien, qui comme toujours, ont travaillé sans relâche pour obtenir cette libération, mais aussi au gouvernement dOman, qui nous a apporté un soutien précieux. Je tiens également à saluer le courage et la dignité des familles, ainsi que la force dâme dont nos trois jeunes compatriotes ont fait preuve. Cet épisode témoigne des risques encourus par le personnel humanitaire dans certaines régions du monde. Il témoigne aussi du contexte souvent difficile dans lequel se déploie laction humanitaire.
Dans lesprit des Français, lengagement humanitaire occupe une place particulière.
Il est au cur de la vocation universelle de la France. Il repose sur la conviction profonde que nous sommes tous des citoyens du monde et que cette citoyenneté implique un devoir de solidarité, de responsabilité et de justice. Jai récemment reçu des bénéficiaires du dispositif de volontariat de solidarité internationale, à loccasion du deuxième anniversaire de la mise en place de la plate forme France Volontaires. Lobjectif, cest le triplement du nombre de volontaires. Nous devons unir nos efforts pour latteindre ensemble.
Si nos compatriotes sont si attachés à laction humanitaire, cest également parce quelle appartient pleinement au patrimoine français. Cest parce quaujourdhui encore, cette tradition héritée des French doctors fait la fierté de notre pays et contribue à son rayonnement dans le monde. Je voudrais rendre hommage à votre générosité, à votre courage, mais aussi à votre professionnalisme. Au cours des dernières années, beaucoup de progrès ont été accomplis en matière de formation. Cest un atout majeur : au plus fort de la crise, lexpertise, le savoir-faire et les réflexes du personnel humanitaire sont les meilleures garanties du succès. Lenjeu, aujourdhui, dans un monde où les sociétés civiles sont de plus en plus complexes et plus en plus interdépendantes, cest pour vos organisations datteindre une taille critique, sans pour autant porter atteinte à la variété qui fait la force et la richesse du paysage humanitaire français. Cette taille critique est indispensable pour obtenir des financements européens. Elle est la condition de lefficacité de votre action.
Si les Français sont attachés à laction humanitaire, cest enfin parce quils savent quaujourdhui, les défis sont plus grands que jamais. Ils savent quà lheure où les situations de crise se multiplient, en Haïti, dans la Corne de lAfrique ou en Syrie, et où les menaces sont à la fois naturelles, technologiques et politiques, la mondialisation nous impose un devoir de solidarité accru. Ils savent que demain comme aujourdhui, le monde aura besoin de laction humanitaire. Ni la fatalité, ni le principe de souveraineté, ni les obstacles matériels ne sauraient être à leurs yeux des excuses de nature à justifier linaction.
États, organisations internationales et organisations non gouvernementales doivent donc conjuguer leurs efforts pour que le cadre de leur action reste toujours en phase avec lévolution du monde.
Laction humanitaire doit dabord sinscrire dans un cadre juridique sûr, qui permette de répondre aux obligations morales qui simposent à nous.
Vous le savez mieux que personne, laction humanitaire est fondée avant tout sur des principes moraux. Pour autant, elle tire sa force de règles de droit auxquelles elle doit se tenir.
Le droit humanitaire, ce sont bien sûr dabord les Conventions de Genève de 1949 et leurs protocoles, qui ont posé les règles humanitaires applicables dans les conflits armés, notamment en ce qui concerne la protection des civils en temps de guerre.
Cest aussi un corpus de règles acceptées par la communauté internationale en vue de permettre une intervention concertée sur le territoire dun État souverain. On le sait, les opérations de maintien de la paix se fondent généralement sur la Charte des Nations unies, et bien souvent sur son chapitre VII, et ce fondement est la garantie de leur acceptation internationale.
À cette base traditionnelle a été récemment ajouté le principe de la responsabilité de protéger, entériné en septembre 2005 par lAssemblée générale des Nations unies, selon lequel, lorsquun État manque à son devoir de protéger sa population contre le génocide, les crimes de guerre, le nettoyage ethnique ou les crimes contre lhumanité, il revient à la communauté internationale dendosser cette responsabilité dans le cadre des Nations unies.
En conformité avec ces différentes normes, lÉtat est amené à intervenir dans trois cas de figure.
Dans le cadre des conflits armés, dabord, pour assurer aux côtés des Nations unies le respect du droit et porter aide et assistance à ceux qui le demandent. Cest pour protéger la population ivoirienne victime de tirs à larme lourde que les soldats de la force Licorne sont ainsi intervenus en soutien de lOrganisation des Nations unies en Côte dIvoire, dans le cadre de la résolution 1975 du Conseil de sécurité.
Le deuxième cas de figure, ce sont les opérations conduites sur le fondement de la responsabilité de protéger. Cest dans ce contexte que nous sommes intervenus en Libye, dans le cadre de la résolution 1973 du Conseil de sécurité, pour éviter le bain de sang que Khadafi promettait à son peuple.
Je sais que ces interventions ont parfois soulevé des questions ; jétais récemment en Afrique du Sud et jai eu loccasion de men entretenir avec les forces politiques et les autorités gouvernementales de lAfrique du Sud, je voudrais vous inviter à réfléchir à cette question car je pense quelle sera à nouveau dactualité dans les semaines ou les mois qui viennent, je veux parler de la responsabilité de protéger. Certains sinterrogent sur sa validité ou peut être ses dérives, ce quils considèrent être comme ses dérives. Cest un point important, je pense quil serait grave de transiger sur ce principe qui est un acquis très important de la Communauté internationale réalisé en 2005 et sil doit y avoir réflexion cest peut-être sur sa modalité de mise en uvre et non pas sur sa philosophie même.
Enfin, troisième cas de figure : les crises humanitaires dorigine naturelle, comme les séismes, les raz-de-marée, la sécheresse ou les inondations.
La France y prend toute sa part, notamment face à la crise qui sévit dans la Corne de lAfrique. Sous notre présidence, le G20 de Cannes sest entendu sur un assouplissement des règles du commerce international en faveur du programme alimentaire mondial. Nous avons également lancé des travaux sur un projet de réserves alimentaires durgence au niveau régional. Jétais au Nigéria il y a peu de temps puisque cest la CDAO qui a été chargé de mettre en uvre ce programme de réserve. Nous avons enfin invité les grandes agences humanitaires, et en premier lieu le programme alimentaire mondial, à se doter de stratégies de gestion du risque pour faire face à la volatilité des prix agricoles et alimentaires.
Au-delà de ce cadre juridique, nous devons aussi veiller à ce que notre cadre opérationnel nous permette toujours dintervenir rapidement.
La France relaie les préoccupations des organisations non gouvernementales dans le contexte de la transformation des instances internationales dont elle est membre. Je pense à la réforme humanitaire des Nations unies, qui donne un rôle central au Bureau de coordination des affaires humanitaires et à la secrétaire générale adjointe aux affaires humanitaires et coordinatrice des secours durgence, Mme Valérie Amos, dont je salue le travail.
Pour ma part, je vois quatre priorités à laction de lÉtat.
La première, cest de réaffirmer son engagement en manière humanitaire.
Comme toutes les autres administrations, le ministère des Affaires étrangères et européennes est soumis à des contraintes budgétaires qui le conduisent à des arbitrages douloureux. Soyez assurés que nous mettons tout en uvre pour maintenir nos contributions aux organisations internationales uvrant dans le domaine humanitaire et les subventions que nous versons aux organisations à vocation humanitaire.
À ce propos je vous ai entendu parler de la nécessité de ne pas porter atteinte à la défiscalisation des dons, je voudrais rappeler que la défiscalisation des dons, cest une aide publique puisque cest un manque à gagner pour le budget de lÉtat, et cest donc quelque chose quil faut comptabiliser dans laction des États. Je sais que les niches fiscales ont mauvaise réputation, mais je nen connais aucune qui ait été créée de manière absurde, il y a eu à chaque fois une bonne idée à lorigine, mais sans doute faut-il ensuite les adapter aux évolutions du temps, mais je pense que celle-là mérite effectivement dêtre maintenue.
Aujourdhui, avec une contribution de 16,5% au budget total de lUnion européenne, lengagement français passe de plus en plus par lEurope, qui saffirme comme un acteur humanitaire de premier plan :
- Jen veux pour preuve limportance du budget humanitaire européen, qui, en dépit du contexte difficile que nous connaissons, sélève à environ un milliard deuros par an.
- Jen veux aussi pour preuve les 181 millions engagés par lUnion européenne en faveur de la Corne de lAfrique, sans oublier les 75 millions deuros en faveur dHaïti, les 20 millions deuros en faveur du Pakistan et les 70 millions deuros en faveur de la Libye.
- Jen veux enfin pour preuve les différents mécanismes européens qui ont été mis en place au cours des dernières années, au premier rang desquels le mécanisme de protection civile, et le consensus européen sur laide humanitaire, adopté par les États membres, le Parlement européen et la Commission en décembre 2007, auquel sajoute désormais un plan daction sur 5 ans.
Je voudrais rendre hommage, Madame la Commissaire, aux réformes que vous avez lancées au sein de la direction générale ECHO pour rendre laction humanitaire de lEurope plus efficace et plus opérationnelle. Lémergence dune diplomatie européenne, avec la montée en puissance du Service européen daction extérieure, sera un atout supplémentaire pour permettre à lUnion européenne dêtre plus présente et plus réactive.
Deuxième priorité : renforcer le dialogue entre les acteurs.
Là encore jai entendu votre appel à plus de partenariats et pour la mutualisation.
Pour les organisations non gouvernementales et les acteurs humanitaires, lÉtat est un interlocuteur attentif et permanent : à Paris, à travers le Centre de crise, mais aussi sur le terrain, via les ambassades et les délégations de lUnion européenne et des Nations unies.
Ce dialogue est indispensable, car la diplomatie française sappuie souvent sur lexpertise des acteurs humanitaires pour évaluer une situation. Il est également nécessaire pour articuler efficacement les différents leviers daction, action directe dÉtat ou recours à des partenaires, organisations non gouvernementales ou agences. Surtout, il est essentiel pour nous aider à préparer lavenir.
Cest la raison pour laquelle je souhaite que notre dialogue soit ponctué de rendez-vous réguliers - le prochain pourrait être loccasion daborder, à un moment où, nous lespérons tous, la crise de leuro sera derrière nous, la question dune meilleure allocation des crédits publics à lhumanitaire. Je souhaite également quun «groupe de concertation humanitaire» soit créé pour assurer le travail de fond nécessaire pour que chacun de ces rendez-vous puisse débattre de propositions utiles. Ce sera la tâche de ladministration du Quai dOrsay, qui veillera à la concertation la plus large, tant avec les organisations non gouvernementales humanitaires et les entreprises quavec tous les services du Département, en ayant en permanence à lesprit limplication de la France au sein de lUnion européenne et dans le cadre des Nations unies.
Troisième priorité : mettre en uvre une meilleure coordination des actions sur le terrain pour faire en sorte que laide parvienne effectivement à ceux qui en ont le plus besoin.
Dans certains cas, lÉtat se doit dagir en premier, soit parce que la crise se produit dans un contexte de guerre, soit parce quelle exige une réaction immédiate. Cest la raison pour laquelle la France sest engagée sur des terrains dévastés par des conflits ou des catastrophes naturelles, en Haïti ou au Japon, en envoyant des personnels spécialisés ou en livrant des produits et des matériels de toute nature.
Dans dautres cas, parce que lÉtat concerné soppose à une aide étatique, seules les organisations non gouvernementales sont en mesure dagir. Cest lun des espoirs que je nourris pour la Syrie.
Il arrive également que les acteurs étatiques et non étatiques combinent leurs efforts. De telles situations nous permettent de démultiplier nos forces et de gagner en efficacité. En Haïti, les moyens de la protection civile ont ainsi constitué un appui décisif pour les acteurs humanitaires présents sur le théâtre. Mais, le cas afghan en témoigne, une telle combinaison nest pas toujours simple. Notre ligne de conduite doit être dassurer avant tout la protection des personnes, civiles et militaires, qui se dévouent au service des populations en difficulté.
Enfin, quatrième priorité : trouver des solutions pour permettre laccès aux populations auxquelles les États ou des responsables, quels quils soient, dénient toute assistance humanitaire, alors quelles en ont le plus grand besoin.
Ce sont les situations les plus dramatiques, celles où lÉtat aussi bien que les agences des Nations Unies et les organisations non gouvernementales semblent frappés dimpuissance. Cest malheureusement le cas en Somalie, où les islamistes du Shebab privent les populations de laide la communauté internationale. Il nous faut réfléchir ensemble à la façon de contourner cet écueil.
Ma conviction, cest quensemble, nous pouvons trouver des solutions. Jen veux pour preuve lexemple de la Libye, où les États, les agences des Nations unies et les organisations non gouvernementales on su travailler et réussir collectivement. Le dialogue entre nous a été immédiat. Il est resté constant dans toutes les phases de la crise. Dès le début du conflit, nous avons pu évacuer ensemble 1.600 personnes et rapatrier 20.000 Égyptiens travaillant en Libye qui avaient trouvé refuge en Tunisie. Nous avons également apporté une assistance médicale aux victimes et aussi contribué - au plan logistique, financier, humain, - à la réalisation de multiples opérations réalisées par des organisations humanitaires qui intervenaient dans le pays. Aujourdhui, alors que nous sommes entrés dans la phase de sortie de crise, tous ces acteurs restent très présents : à travers des médecins ou des spécialistes divers qui travaillent de Tripoli à Benghazi à la mise en uvre de projet dassistance au peuple libyen.
Ces situations, vous le savez, sont aussi très souvent celles où la sécurité du personnel humanitaire est la plus menacée. Dans le contexte tragique des prises dotage que nous avons connues au cours des derniers mois, je voudrais dabord exprimer ma solidarité et celle de lensemble du gouvernement aux familles des 5 Français encore retenus dans le monde, quatre au Sahel et un en Somalie. Je voudrais également réaffirmer notre stratégie, qui est claire et qui na jamais varié : nous mettons tout en uvre pour obtenir leur libération par la voie de la négociation et nous nentendons recourir à lusage de la force quen cas de situation désespérée.
Mesdames, Messieurs,
Le rapport de MM. Boinet et Miribel jette les bases dune stratégie humanitaire nationale que nous devons maintenant finaliser, en concertation avec les organisations non gouvernementales.
Cette stratégie doit être loccasion de réaffirmer nos valeurs et notre attachement à inscrire notre action dans le respect du droit. Elle doit également nous permettre de réfléchir aux critères dengagement dans des actions humanitaires, en fonction des enjeux diplomatiques, des capacités opérationnelles et le cas échéant, militaires de lÉtat. Elle doit aussi prendre en compte les différents temps de la crise, de la prévention à la phase post-crise, que nous délaissons aussi parfois dans notre tradition française, notamment en intégrant la notion de prévention des catastrophes, qui est lune des priorités de la Commission. Enfin, cette stratégie doit être loccasion de rechercher les moyens daméliorer lefficacité de notre aide. La formation des agents, la capitalisation des expériences, les évaluations des actions internes et externes existent déjà. Elles doivent être systématiquement renforcées.
Je souhaite que ce document stratégique puisse être finalisé avant le printemps, de façon à ce que les pistes daction puissent trouver très vite des applications concrètes et que nous puissions commencer à les évaluer à la fin de lannée prochaine.
Je sais pouvoir compter sur vous pour relever ce défi. Vous incarnez la vocation universelle de la France. Vous faites vivre les valeurs de générosité, de don de soi et de solidarité qui sont au cur du message français. Je voudrais vous en remercier. Soyez assurés que le gouvernement est à vos côtés.
Je vous remercie.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 18 novembre 2011